Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 16 DÉCEMBRE 2015
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/20893
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Septembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/03032
APPELANTE
SARL HOTEL JEUNESSE prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675, avocat postulant
Assistée de Me Jean-Loup NITOT de la SELARL NITOT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0208, avocat plaidant
INTIMÉE
Association Le Bureau des Voyages de la Jeunesse (BVJ) prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de Paris sous le n°775 656 051
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, avocat postulant
Assistée de Me Delphine DUPUIS de la SCP ARES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0214, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, présidente
Madame Brigitte CHOKRON, conseillère
Madame Caroline PARANT, conseillère
Greffier : lors des débats : Madame Orokia OUEDRAOGO
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par Madame Orokia OUEDRAOGO, greffière.
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EXPOSE DU LITIGE
Pour les besoins de son activité, l'association loi de 1901 dénommée Bureau des Voyages de la jeunesse - en abrégé BVJ - et dont l'objet est d'organiser en France et dans les différents pays du monde des voyages et échanges culturels au profit de jeunes gens et jeunes filles dirigeants de groupes constitués, éducateurs et toutes personnes susceptibles de compléter leur formation intellectuelle, a acquis plusieurs ensembles immobiliers dont l'un situé [Adresse 2]) où elle dispose d'une capacité d'hébergement de 200 lits.
Par acte du 1er avril 1996, l'association BVJ a conclu avec la société Batiroc un contrat aux termes duquel elle cédait l'immeuble à cet établissement financier et concluait concomitamment avec cet organisme un contrat de crédit-bail lui permettant d'occuper et d'exploiter les locaux et à terme d'en acquérir à nouveau la propriété.
Par acte authentique du 2 octobre 2000, l'association BVJ, dont les besoins de financement persistaient, a cédé à la SARL Hôtel Jeunesse ses droits de crédit-preneur, avec l'autorisation de la société Batiroc. La SARL Hôtel Jeunesse a laissé la gestion de l'exploitation à l'association BVJ en consentant par acte du même jour, à l'association BVJ un contrat de sous-location pour une durée de 11 années commençant le 1er octobre 2000 et finissant le 1er octobre 2011, le bien étant décrit comme étant à usage de Résidence Hôtelière pour Jeunes et à destination d'hébergement des membres de l'association. Ce contrat comportait une clause résolutoire pour le cas de défaut ou de retard de paiement ou non respect de la destination de résidence hôtelière.
Par avenant du 6 octobre 2000, les parties se sont accordées pour fixer de façon forfaitaire la partie variable du loyer à la somme annuelle de 260.000 francs (39.636 euros) en 2001 et 2002, puis 1.300.000 francs (198.183 euros) les années suivantes outre les charges.
Par courrier non daté, l'association BVJ a indiqué se trouver dans la nécessité de résilier le contrat et restituer les locaux le 31 décembre 2002 et la résiliation pour cette date a été formalisée dans un accord toujours non daté mais signé des deux parties, à savoir M [O] pour l'association BVJ et M [W] pour la SARL Hôtel Jeunesse.
L'association BVJ est néanmoins restée dans les lieux et a acquitté les factures qui lui ont été adressées par son bailleur, soit le loyer principal indexé et une redevance mensuelle HT de 3.303,06 euros correspondant à 1/12ème de la partie variable convenue pour les années 2001 et 2002 d'un montant de 260.000 francs.
Le 8 juillet 2009, la SARL Hôtel Jeunesse a fait délivrer à l'association BVJ un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à payer la somme de 1.232.544,22 euros représentant le complément de loyers impayé du 1er janvier 2003 au 1er juillet 2009 inclus, et correspondant selon le commandement à la différence entre la partie variable telle que fixée pour 2001 et 2002 et la partie variable initialement exigible à compter du 1er janvier 2003.
La SARL Hôtel Jeunesse a alors prétendu que les parties étaient convenues de plafonner la clause recette à la somme de 260.000 francs par an.
Par acte du 23 février 2012, la SARL Hôtel Jeunesse a fait citer l'association BVJ pour voir constater que le bail qui lui a été consenti a pris fin le 30 septembre 2011 et obtenir son expulsion.
Par un jugement en date du 12 septembre 2013, la 18ème chambre du tribunal de grande instance de Paris a :
-rejeté les moyens tirés par la SARL Hôtel Jeunesse de la prescription,
-rejeté les demandes de l'association BVJ tendant à se voir reconnaître le bénéfice du statut des baux commerciaux,
-dit que le contrat de sous-location du 2 octobre 2000 est soumis à l'article 57A de la loi du 23 décembre 1986,
-dit en conséquence que les parties sont liées par un bail professionnel renouvelé par tacite reconduction le 2 octobre 2011 pour six années,
-débouté la SARL Hôtel Jeunesse de ses demandes tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail, prononcer la résiliation du-dit bail et ordonner l'expulsion de l'association BVJ,
-débouté la SARL Hôtel Jeunesse de sa demande en paiement des loyers arriérés,
-renvoyé la SARL Hôtel Jeunesse, en ce qui concerne l'inscription au registre du commerce, à se pourvoir devant le président du tribunal de commerce ou son délégataire,
-débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,
-condamné la SARL Hôtel Jeunesse à payer à l'association BVJ une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la SARL Hôtel Jeunesse aux entiers dépens.
-ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
La SARL Hôtel jeunesse a interjeté appel de ce jugement le 30 octobre 2013.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 15 septembre 2015, l'appelante demande à la cour de :
-recevoir la société Hôtel jeunesse en son appel et de l'y déclarer bien fondée,
-déclarer mal fondée l'association BVJ en son appel
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que :
-l'association BVJ ne pouvait demander que le statut des baux commerciaux soit conféré au bail du 2 octobre 2000 à défaut d'exploitation d'un établissement d'enseignement ou d'un fonds de commerce régulièrement immatriculé au registre du commerce,
-et en ce que ce bail n'avait pas été résilié au 1er janvier 2003,
-ordonner le retrait de la pièce de B.V.J. n°37 constituée d'une lettre de l'avocat de Monsieur [W] à un juge d'instruction,
-infirmer le jugement entrepris pour le surplus et, statuant à nouveau :
-dire et juger forclose ou prescrite la demande de requalification du bail conclu le 2 octobre 2000, en bail commercial et subsidiairement confirmer qu'il n'est pas soumis aux statuts des baux commerciaux,
-dire et juger l'association BVJ irrecevable comme prescrite, en sa demande de requalification du bail en bail professionnel et subsidiairement mal fondée faute d'exercer une activité exclusivement professionnelle,
-dire et juger que les parties n'étaient pas liées par un bail renouvelé par tacite reconduction le 2 octobre 2011,
-dire et juger qu'aucune novation n'est intervenue concernant le montant du loyer et qu'Hôtel jeunesse n'a jamais renoncé à sa créance,
-constater l'acquisition de la clause résolutoire visée au commandement de payer en date du 8 juillet 2009 et en toute hypothèse la fin du bail,
Subsidiairement,
-prononcer la résiliation judiciaire du bail pour non paiement des loyers,
-ordonner en conséquence l'expulsion de l'association BVJ dans le délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir avec si nécessaire l'assistance de la force publique et ce, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard
-fixer à une somme de 80.000 euros par mois le montant de l'indemnité d'occupation due par l'association BVJ à compter du 2 octobre 2011 jusqu'à son départ effectif des lieux,
-condamner l'association BVJ à payer à la société Hôtel jeunesse la somme de 1.149.464 euros HT à titre d'arriéré de complément de loyer du 8 juillet 2004 au 1er octobre 2011, avec les intérêts au taux légal depuis le 8 juillet 2009.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 14 septembre 2015, l'intimé demande à la cour, au visa des articles L. 123-3, L. 123-9, L. 145-1 et suivants du code de commerce, des articles 1134, 1184, 1244-1, 1382, 2222 et suivants et 22240 du code civil, de l'article 57A de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986, des articles 32-1, 122 et 144 du code de procédure civile et des articles D. 213-17 et R. 213-22 du code monétaire et financier, de :
-recevoir le BVJ en ses conclusions, l'en dire bien fondé et, en conséquence :
à titre principal,
-confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 12 septembre 2013 en ce qu'il a :
o rejeté les moyens tirés par la société Hôtel Jeunesse de la prescription,
o débouté la société Hôtel jeunesse de sa demande en paiement de la somme de 1.374.759,40 euros au titre de loyers prétendument impayés,
o débouté la société Hôtel jeunesse de sa demande de dommages-intérêts,
o débouté la société Hôtel Jeunesse de ses demandes tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail, prononcer la résiliation dudit bail et ordonner l'expulsion du BVJ des locaux qu'il exploite [Adresse 2],
o renvoyé la société Hôtel jeunesse à se pourvoir devant le tribunal de commerce en ce qui concerne l'inscription au registre du commerce,
En conséquence :
-constater que le commandement de payer n'était pas suffisamment précis et détaillé et en conséquence, dire et juger qu'il était nul et de nul effet,
-constater que le commandement de payer vise une clause résolutoire dont la preuve de l'existence n'est pas rapportée et en conséquence, dire et juger qu'aucune clause résolutoire ne peut recevoir application et en conséquence, débouter la société Hôtel jeunesse de sa demande d'expulsion du BVJ et de sa demande de versement d'une indemnité d'occupation ;
-constater l'application de la prescription quinquennale à la demande en paiement d'un reliquat de loyers formée par la société Hôtel jeunesse et en conséquence, dire et juger que le montant des loyers qui pourrait éventuellement rester dû à la société Hôtel jeunesse ne saurait être calculé sur une période allant au-delà de 5 années à compter de la décision à intervenir,
-constater qu'aux termes de ce bail, le BVJ devait payer une somme correspondant au remboursement des échéances du contrat de crédit-bail et une redevance annuelle forfaitisée d'un montant de 260.000 francs (36.363,74 euros),
-constater qu'aucun loyer ne reste dû à la société Hôtel jeunesse, conformément à l'accord des parties et à leur pratique ininterrompue et non contestée pendant plus de 80 échéances, et en conséquence :
-débouter la société Hôtel jeunesse de toutes ses demandes, en toutes fins, moyens et prétentions qu'elles comportent, en particulier, débouter la société Hôtel jeunesse de sa demande en paiement de la somme de 1.319.454 euros,
-constater que la société Hôtel jeunesse ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une clause résolutoire et en toutes hypothèses, constater qu'une clause résolutoire, à supposer qu'elle existe, serait mise en jeu de mauvaise foi et, en conséquence, débouter la société Hôtel jeunesse de sa demande de mise en jeu d'une prétendue clause résolutoire ainsi que débouter la société Hôtel Jeunesse de sa demande de résiliation judiciaire du bail et en conséquence, débouter la société Hôtel jeunesse de sa demande d'expulsion du BVJ et de sa demande de versement d'une indemnité d'occupation,
-infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 12 septembre 2013 en ce qu'il a rejeté la demande du BVJ de se voir reconnaître le bénéfice du statut des baux commerciaux,
et statuant à nouveau :
-constater que le BVJ est un établissement d'enseignement et en conséquence, dire et juger qu'il bénéficie du statut des baux commerciaux en application des dispositions de l'article L.145-2 du code de commerce,
-constater que le BVJ exploite un fonds de commerce dans des locaux stables, à destination d'une clientèle qui lui est propre, qu'il exerce des activités commerciales, qu'il est régulièrement immatriculé au registre de commerce et des sociétés de Paris et en conséquence, dire et juger que le BVJ remplit tous les critères pour être titulaire d'un bail commercial,
-se déclarer incompétent pour connaître de la demande de radiation du BVJ du registre du commerce et des sociétés de Paris en tant qu'association émettant des obligations et, en tout état de cause, débouter la société Hôtel jeunesse de cette demande, -constater en tout état de cause, que le BVJ a valablement interrompu la prescription à plusieurs reprises et qu'aucune prescription ne peut lui être opposée,
-en conséquence, déclarer recevable le moyen de défense du BVJ ayant pour objet la requalification de son bail en bail commercial,
-dire et juger que ce bail commercial est toujours en vigueur et en conséquence, débouter la société Hôtel Jeunesse de sa demande d'expulsion du BVJ à quel que titre que ce soit, débouter la société Hôtel jeunesse de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation,
-si par impossible, la cour considérait que le bail commercial ne serait plus en vigueur, à défaut de renouvellement dudit bail, condamner la société Hôtel Jeunesse à verser au BVJ une indemnité d'éviction d'un montant qui ne saurait être inférieur à 12 millions d'euros et désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec mission d'estimer la valeur du fonds de commerce du BVJ et d'évaluer le montant de l'indemnité d'éviction due à celui-ci ; fixer le montant de l'indemnité d'occupation qui pourrait éventuellement être due à la société Hôtel jeunesse à une somme maximale de 16.850.64 euros TTC par mois,
-en tout état de cause, débouter la société Hôtel Jeunesse de toutes ses demandes, en toutes fins, moyens et prétentions qu'elles comportent,
à titre subsidiaire,
-confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 12 septembre 2013 en ce qu'il a décidé que les parties étaient liées par un bail professionnel renouvelé par tacite reconduction le 2 octobre 2011 pour six années,
-si par impossible la cour devait considérer que le BVJ ne peut pas revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux, elle ne pourrait que constater que le bail liant les parties est un bail professionnel,
-constater que ledit bail professionnel est toujours en vigueur et qu'il ne saurait venir à expiration avant le 1er octobre 2017,
-en conséquence, débouter la société Hôtel jeunesse de sa demande d'expulsion du BVJ et de sa demande en fixation d'une indemnité d'occupation et à titre encore plus subsidiaire, fixer le montant de l'indemnité d'occupation à une somme maximale de 16.850.64 euros TTC par mois,
-si par extraordinaire, la cour devait considérer qu'une quelconque somme resterait due à la société Hôtel jeunesse, octroyer au BVJ les délais les plus larges pour s'acquitter du montant des loyers que la cour considérerait devoir rester dus,
à titre reconventionnel,
-condamner la société Hôtel jeunesse à payer une somme de 20.000 euros au BVJ pour procédure abusive,
en toutes hypothèses,
-condamner la société Hôtel jeunesse à verser au BVJ la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamner la société Hôtel jeunesse aux entiers dépens de première instance et d'appel.
SUR CE
A titre liminaire, il sera ordonné le retrait des débats de la pièce n° 14 produite par l'association BVJ et constituée par une lettre de l'avocat de M [W] à un juge d'instruction, dont elle n'invoque pas dans quelles circonstances elle a été obtenue et dont elle ne conteste pas sérieusement le caractère de confidentialité .
Sur la recevabilité de la demande en requalification du bail :
L'association BVJ soutient qu'elle est liée avec la bailleresse la société Hôtel Jeunesse par un bail verbal qui a pris effet à compter du 1er janvier 2003 à la suite de l'accord portant sur la résiliation du bail précédent.
Elle demande de qualifier ce bail principalement de commercial aux motifs essentiellement qu'elle exploite dans les lieux loués un établissement d'enseignement et subsidiairement de professionnel .
L'intimée soutient que l'action en requalification du bail est prescrite au regard tant de l'article L. 145-60 du code de commerce applicable que des dispositions des articles 1304 du code civil applicables à l'action en nullité relative ou encore celles de L 110-4 du code de commerce qui prévoient un délai de prescription de l'action de cinq ans ,
L'association répond que la prescription constitue une fin de non recevoir qui ne peut être soulevée par une partie que si elle n'a pas conclu sur le fond, étant sinon réputée y avoir renoncé, qu' en l'espèce, la société Hôtel jeunesse ayant conclu devant le juge des référés, devant le tribunal d'instance puis devant le tribunal de grande instance notamment sur la demande de requalification du bail, elle n'est plus recevable à exciper d'une quelconque irrecevabilité, au visa de l'article 2251 du code civil, que de surcroît, il n'y a pas de prescription applicable à une action qui tend à obtenir l'application du statut des baux commerciaux en dépit d'une clause du bail valant renonciation au bénéfice dudit statut et au renouvellement du bail, clause qui doit être jugée non-écrite par application des dispositions de la loi Pinel du 18 juin 2014 et qu'en tout état de cause la partie qui agit par voie d'exception ne peut se voir opposer aucune prescription.
Or, en premier lieu, la prescription constitue une fin de non recevoir tendant à faire déclarer l'adversaire irrecevable sans examen au fond, elle peut être proposée en tout état de cause et donc pour la première fois en appel .
L'allégation que la société Hôtel jeunesse a conclu au fond avant de soulever devant les premiers juges dans ses dernières conclusions qui lient seules la juridiction la prescription de la demande de requalification du bail ne saurait valoir renonciation non équivoque à invoquer ce moyen .
Il s'ensuit que la société Hôtel Jeunesse est recevable à invoquer la prescription.
En second lieu, la demande par l'association BVJ de voir requalifier le bail liant les parties ne constitue pas une simple défense au fond qui ne serait destinée qu'à obtenir le rejet de la demande de la société Hôtel Jeunesse en constat soit de la résiliation du bail par l'effet du commandement de payer visant la clause résolutoire contenue dans le bail signé par les parties le 1er octobre 2000 soit de la fin du bail par l'arrivée de son terme;
L'association oppose en effet principalement à cette demande :
-d'une part qu'elle est liée à la société Hôtel Jeunesse par un bail verbal ayant pris effet le 1er janvier 2003 et qui ne contient par définition aucune clause résolutoire qui ne peut être qu'écrite,
- d'autre part qu'il y a eu novation de la clause recette figurant dans le bail écrit qui liait les parties à l'origine de sorte que la bailleresse a renoncé implicitement mais sans équivoque à réclamer la partie variable du loyer telle que stipulée initialement,
-enfin qu'elle dispose du droit au renouvellement et à une indemnité d'éviction,
Or en demandant la requalification du bail à titre principal en bail commercial ou subsidiairement en bail professionnel, et en conséquence le renouvellement du bail et à défaut le versement d'une indemnité d'éviction ou encore la reconduction du bail, l'association BVJ, défenderesse originaire, prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet des prétentions de l'adversaire et forme ainsi une demande reconventionnelle au sens de l'article 64 du code de procédure civile.
Il s'ensuit que cette demande ne constitue pas une simple exception à l'action et demeure s'agissant d'obtenir soit le bénéfice du statut des baux commerciaux soit celui des baux professionnels, soumise au délai de prescription imparti pour l' exercer;
Le délai de prescription de l'action en revendication du statut des baux commerciaux est de deux ans ainsi qu'il est prévu à l'article L 145-60 du code de commerce ; il est de cinq ans s'agissant de l'action en revendication du statut des baux professionnels, ainsi que le prévoit l'article 2224 du code civil régissant le délai de droit commun de toute action mobilière ou personnelle, l'article L 110-4 du code de commerce étant invoqué à tort à l'encontre de l'association qui n'a pas la qualité de commerçante malgré son inscription au registre du commerce s'agissant d'une association émettant des obligations.
L'association invoque cependant l'application de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014, dite « loi Pinel » qui prévoit que toute clause d'un bail faisant obstacle au renouvellement du bail doit être réputée non écrite et qu'en conséquence toute action dirigée contre une clause réputée non écrite n'est elle-même soumise à aucune prescription, pour s'opposer à la prescription de son action en requalification du bail;
Or, outre que la loi du 18 juin 2014 ne s'applique pas aux litiges en cours, les dispositions de l'article L 145-60 du code de commerce dont se prévaut la société Interhotel ont précisément vocation à s'appliquer au bail dont il est prétendu qu'il est soumis au statut des baux commerciaux et la loi du 18 juin 2014 n'a pas apporté de modification à cette disposition.
L'appelante fait encore valoir que le point de départ de la prescription de son action en requalification du bail est constitué par la réception de la lettre de la Préfecture de police l'informant du classement de son établissement en établissement d'enseignement, c'est-à-dire le 3 décembre 2008, et qu'elle a agi dans le délai de deux ans à compter de ce jour .
Or l'association ne peut soutenir valablement qu'elle n'a pas disposé des éléments lui permettant d'entreprendre son action avant d'obtenir l'agrément préfectoral qui lui a été octroyé pour la première fois le 3 décembre 2008.
Elle prétend en effet qu'elle exploite dans les lieux loués depuis l'origine un établissement d'enseignement, conformément à son statut ; elle ne peut dans ces conditions soutenir que l'agrément préfectoral était indispensable à l'introduction de son action en justice en requalification du bail, ce qui reviendrait à dire que cette autorisation était nécessaire à l'exercice de son activité et qu'elle exerçait auparavant une activité commerciale non autorisée voir illicite dont la preuve serait alors impossible .
Il s'ensuit que le point de départ de l'action en requalification doit être fixée à la date de prise d'effet du bail, l'association disposant à compter de cette date des éléments suffisants pour lui permettre d'agir;
La demande en requalification du bail en bail commercial formée pour la première fois par conclusions reprises à l'audience du 18 octobre 2011 devant le tribunal d'instance du 1er arrondissement de Paris, soit plus de deux ans après la conclusion du bail signé le 21 mai 1999 à effet au 30 juin 1999 est prescrite.
A admettre comme le soutient l'association qu'elle était liée en réalité par un bail verbal qui a succédé au bail écrit après l'accord des parties sur la résiliation du bail initial, à compter du 1er janvier 2003, la demande en requalification de ce bail en bail commercial formée plus de deux ans après cette date est également prescrite .
En revanche, la demande en requalification du bail en bail professionnel se prescrit désormais par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil.
L'exécution du contrat est indifférente dés lors que ce n'est pas la nullité stricto sensu du bail qui est sollicitée .
Il peut être admis qu'une telle demande fondée sur une disposition contenue dans une loi d'orientation était soumise à la prescription trentenaire avant la loi du 17 juin 2008 de sorte que l'association BVJ disposait d'un délai courant à compter de la conclusion du bail liant les parties, c'est à dire à compter du 2 octobre 2000 s'il est considéré fait par écrit, ou du 1er janvier 2003 s'il s'agit d'un bail verbal, et jusqu'au 17 juin 2013 pour l'exercer, le nouveau délai de cinq ans courant à compter de l'entrée en vigueur de la loi sans pouvoir excéder la durée prévue par la loi antérieure .
Ayant demandé la requalification du bail en bail professionnel par conclusions présentées le 15 mars 2013, l'association BVJ n'était pas à cette date prescrite en cette dernière demande.
Sur la nature du contrat qui lie les parties :
L'association BVJ soutient que la résiliation du bail écrit initial a valablement eu lieu à compter du 31 décembre 2002 et qu'en conséquence, elle est liée par un bail verbal qui a pris effet à compter du 1er janvier 2003.
Or malgré la lettre de résiliation pour le 31 décembre 2002 et la lettre d'acceptation de la résiliation pour cette même date, les premiers juges ont à juste titre souligné que le comportement des parties sans aucune réserve postérieurement au 1er janvier 2003 et pendant plusieurs années ensuite , démontre qu'elles ont d'un commun accord renoncé à se prévaloir de cet accord de résiliation amiable qui n'a jamais été suivie d'effet' et qui est donc resté lettre morte.
Il s'ensuit qu'aucun bail verbal n' a succédé à partir du 1er janvier 2003 au bail écrit, ainsi qu'en attestent d'ailleurs les factures de loyer des douze mois de l'année 2003 qui toutes font référence au bail initial conclu le 2 octobre 2000 et que le bail initial s'est régulièrement poursuivi après le 1er janvier 2003.
L'appelante reproche cependant au jugement entrepris d'avoir retenu que le statut des baux professionnels s'applique au contrat. Elle s'oppose à cette qualification dans la mesure ou l'activité du BVJ a été reconnue par le jugement entrepris comme étant « une véritable activité commerciale lucrative » et ou le bail professionnel ne peut profiter qu'à un locataire exerçant une activité non commerciale, une personne morale assurant une activité d'hébergement ne pouvant en aucun cas en bénéficier. Elle soutient que les dispositions de l'article 57A de la loi du 23 décembre 1986 ne peuvent donc trouver à s'appliquer.
L'intimée demande, à titre subsidiaire, que soit confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le statut des baux professionnels trouvait à s'appliquer aux motifs pris du jugement que l'association « dispose d'une véritable clientèle qui la rémunère de façon habituelle et régulière en contrepartie de la fourniture de services d'hébergement » et « exerce par conséquent dans les lieux une activité, qui faute de pouvoir être commerciale, en raison de son statut, est professionnelle. »
Elle cite la jurisprudence selon laquelle la soumission d'une association au statut des baux professionnels est possible dès lors que celle-ci assure une activité à titre onéreux, de manière habituelle (CA Paris, 11 mai 2006, n°05/17418).
En ce qu'il a jugé que le contrat de location porte sur un local exclusivement professionnel ou l'association qui n'a pas le statut de commerçant exerce à titre principal une activité lucrative d'hébergement dans le but, conforme à son statut de favoriser les échanges culturels entre jeunes de différents pays, et ou elle dispose ainsi d'une clientèle qui la rémunère pour ce service, le jugement qui a décidé que le bail devait être qualifié de bail professionnel doit être approuvé ;
Il doit d'ailleurs être souligné que la durée du bail initial, supérieure à la durée minimum de six ans, la faculté réservée au preneur de donner congé six mois à l'avance, exception faite de ce que ce congé doit être donné chaque année sont des dispositions conformes à celles d'ordre public prévues par l'article 57A de la loi du 23 décembre 1986.
Le bail ne contient cependant pas de disposition concernant sa reconduction qui par application des dispositions précitées de l'article 57A à défaut de congé notifié six mois avant la date d'expiration, est en principe reconduit tacitement pour la même durée.
Sur la résiliation du bail :
L'appelante fait encore grief au jugement entrepris d'avoir refusé de considérer acquise la clause résolutoire rappelée dans le commandement de payer en raison de l'absence d'application de l'augmentation de loyer devant prendre effet au 1er janvier 2003.
Elle reproche au tribunal d'en avoir déduit l'intention des parties de nover les conditions financières du contrat et soutient, rappelant les dispositions de l'article 1273 du code civil que la novation ne se présume pas et que la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte, que sa seule abstention de réclamer le complément de loyers ne saurait être analysée en une acceptation de la situation et que l'association BVJ reste débitrice d'un complément de loyer en principal de 1.149.464 euros HT; elle demande donc de juger acquise la clause résolutoire.
Or le contrat de sous location prévoit que le loyer se compose d'une partie fixe correspondant à l'amortissement du capital de 14 500 000 francs remboursable en soixante loyers trimestriels calculés chacun avec une partie fixe représentant l'amortissement du capital et une partie variable représentant les intérêts et que le montant du loyer sera ainsi égal d'une part au montant des loyers, charges et frais de toutes natures que la société Hôtel Jeunesse verse à la société crédit bailleresse Baticentre, 'bien connu de l'association BVJ' et d'autre part d'une redevance égale à 10 % du bénéfice d'exploitation propre à l'établissement en 2001 et 2002 puis les années suivantes à 50 % du bénéfice d'exploitation, l'association s'engageant à tenir une comptabilité propre à cet établissement, les frais et charges directement liés à l'établissement n'étant pas pris en compte .
Un avenant au bail a été signé entre les parties le 6 octobre 2000 prévoyant que l' étude de la comptabilité analytique de l'établissement, fait apparaître que l'établissement dégage de façon constate environ 2 600 000 FF et ce depuis cinq ans et qu'afin d'éviter les charges d'un suivi comptable et audit annuel, les partie sont convenues d'une redevance forfaitaire annuelle de 260 000 FF pour 2001 et de 260 000 FF pour 2002, prévoyant qu'après les deux premières années, la redevance passera à 1 300 000 FF payable par douzième chaque mois ;
Postérieurement et pendant plus de six années, la société Hôtel Jeunesse a délivré des factures mensuelles comportant le douzième de la redevance forfaitaire telle que prévue à l'avenant pour les années 2001 et 2002; eu égard à cette pratique constante sans réserve ni contestation, à l'exact paiement par l'association de la somme ainsi réclamée, à l'approbation des comptes par la société Hôtel Jeunesse sans aucune réserve par l'assemblée générale des actionnaires concernant l'application de l'avenant à compter du 1er janvier 2003, et enfin à l'absence de toute demande de la société Hôtel Jeunesse concernant les comptes de l'établissement pendant toutes ces années, force est de considérer que la société Hôtel Jeunesse a renoncé implicitement mais de façon non équivoque à se prévaloir de la clause recette telle que rédigée et devant s'appliquer à compter du 1er janvier 2003.
Il s'ensuit que le commandement délivré le 8 juillet 2009 ne peut produire effet, que la société Hôtel Jeunesse ne justifie pas de l'existence d'un arriéré de loyers constitutif d'un motif grave et légitime de résiliation du bail, que le bail initial est donc venu à son terme le 1er octobre 2011, qu'il s'est poursuivi ensuite par tacite reconduction à défaut de congé donné par l'une ou l'autre partie, qu'à cet égard, l'association ne demande que la confirmation du jugement qui dispose que les parties sont liées par un bail professionnel renouvelé le 2 octobre 2011 pour une durée de six années soit à échéance du 2 octobre 2017.
Sur la demande de radiation du registre du commerce :
L'appelante demande à la cour de radier l'association BVJ du registre du commerce et des sociétés. Elle soutient que cette inscription n'a été rendue possible que parce que BVJ s'est déclaré en tant qu'association émettant des obligations, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, que l'inscription de l'intimée au RCS est constitutive d'un abus de droit dans la mesure où elle n'a d'autre fin que de pouvoir revendiquer une requalification du bail.
Or ainsi qu'il a été exactement jugé, cette demande relève de la compétence exclusive du président du tribunal de commerce ou son délégataire chargé de la tenue du registre du commerce et des sociétés.
Sur les autres demandes :
La société Hôtel Jeunesse échoue à démontrer que l'association BVJ qui a obtenu en grande part satisfaction a agi à son égard de façon abusive ou dilatoire ; elle sera déboutée de sa demande en dommages intérêts .
L'association BVJ n'établit pas davantage que l'action de la société Hôtel Jeunesse procède d'une intention malicieuse ou été faite de mauvaise foi, caractérisant un abus du droit d'agir, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande en dommages intérêts de ce chef ;
La société Hôtel Jeunesse supportera les dépens d'appel et il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions de première instance étant confirmées à cet égard.
PAR CES MOTIFS
Rejette des débats la pièce n° 14 produite par l'association BVJ constituée par une lettre de l'avocat de M [W] à un juge d'instruction,
Réformant le jugement déféré en ce qu'il a écarté le moyen tiré de la prescription,
Statuant à nouveau ,
Déclare prescrite l'action de l'association BVJ en requalification du bail liant les parties en bail commercial,
Dit que la demande de l'association BVJ en requalification du bail liant les parties en bail professionnel n'est pas prescrite,
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société Hôtel Jeunesse aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE