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15/12/2015 | FRANCE | N°14/09325

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 15 décembre 2015, 14/09325


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 15 DECEMBRE 2015



(n° 549 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/09325



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/00582





APPELANTE



Madame [J] [W]

[Adresse 2]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1]

1959 à [Localité 5] (Suisse)



Représentée par Me Jérémie BLOND, avocat au barreau de PARIS, toque : D1151







INTIMES



Monsieur [H] [G]

[Adresse 4]

[Localité 2]

N° SIRET : 325 163 566



Repr...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 15 DECEMBRE 2015

(n° 549 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/09325

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/00582

APPELANTE

Madame [J] [W]

[Adresse 2]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 5] (Suisse)

Représentée par Me Jérémie BLOND, avocat au barreau de PARIS, toque : D1151

INTIMES

Monsieur [H] [G]

[Adresse 4]

[Localité 2]

N° SIRET : 325 163 566

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant,

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-pierre CHIFFAUT MOLIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1600

SA COVEA RISKS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

N° SIRET : 378 716 419

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant,

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-pierre CHIFFAUT MOLIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1600

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 octobre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Jacques BICHARD, Président de chambre, et de Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre

Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère, appelée pour compléter la composition de la cour en vertu de l'article R 312-3 du code de l'organisation judiciaire

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie BENARDEAU

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Sylvie BENARDEAU, greffier.

[T] [Q], concubin de Mme [J] [W], qui exploitait un fonds de commerce de vins et spiritueux à [Localité 4], est décédé le [Date décès 1] 2004 .

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte d'office le 15 avril 2005 par le tribunal de commerce d'Auxerre qui, par jugement du 6 juin 2005, a été convertie en liquidation judiciaire .

Mme [J] [W] par l'intermédiaire de son conseil, Maître [Y], a déclaré sa créance, consécutive à des apports successifs dans la réalisation d'un certain nombre de travaux de rénovation du local commercial, pour une somme de 106 321, 34 euros .

Cette créance, au demeurant contestée, a, par erreur, été enregistrée pour une somme de 19 818, 37 euros .

Mme [J] [W] a alors chargé Maître [H] [G] afin de poursuivre l'admission de son entière créance

Cette prétention a été rejetée par le juge commissaire dans sa décision du 1er décembre 2006 .

Par arrêt du 17 avril 2008, cette cour a infirmé l'ordonnance qui lui avait été déférée et a fixé la créance de Mme [J] [W] à la liquidation judiciaire de [T] [Q] à la somme de 106 321, 34 euros à titre chirographaire .

C'est dans ces circonstances que Mme [J] [W] a recherché la responsabilité de M. [H] [G] et sa condamnation in solidum avec son assureur la société COVEA RISKS à l'indemniser du préjudice qu'elle dit avoir subi devant le tribunal de grande instance de Paris dont elle a déféré à la cour le jugement rendu le 18 décembre 2013 qui l'a déboutée de ses demandes et condamnée à payer son contradicteur la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .

***

Vu les dernières conclusions communiquées par la voie électronique le :

- infirmer le jugement entrepris,

- condamner M. [G] à lui verser les sommes de :

* 17 612, 60 euros au titre des frais de procédure qui ont été engagés en vue de l'admission de sa créance,

*106 321, 34 euros au titre de la perte de chance d'avoir pu recouvrer l'intégralité de sa créance de 106 321, 34 euros,

* 20 000 euros en réparation de son préjudice moral,

* 8 000 euros, in solidum avec la société COVEA RISK en application de l'article 700 du code de procédure civile .

- déclarer irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile comme étant nouvelle la demande en condamnation de la somme de 17 612, 60 euros,

- confirmer le jugement déféré,

- subsidiairement débouter Mme [J] [W] de toutes ses demandes,

- condamner Mme [J] [W] au paiement de la somme de 8 000 euros, in solidum avec la société COVEA RISK en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI LA COUR

Considérant que la demande en indemnisation des frais d'avocat que Mme [J] [W] soutient avoir dû exposer afin de parvenir à l'admission de sa créance à la liquidation judiciaire de [T] [Q] n'est que le complément de sa prétention indemnitaire initiale à laquelle elle se rattache directement de sorte que c'est à tort que M. [H] [G] et la société COVEA RISK soulève son irrecevabilité en raison de son caractère nouveau ;

Considérant sur le fond de l'affaire que Mme [J] [W] reproche à l'avocat de n'avoir pas transmis au juge commissaire les documents que celui-ci avait réclamés, particulièrement les bilans ;

Considérant que l'ordonnance de rejet rendue le 1er décembre 2006 par le juge commissaire est ainsi motivée ;

que cette décision a été infirmée par un arrêt rendu le 17 avril 2008 par cette cour qui a constaté l'existence de la créance revendiquée par l'appelante au vu de la production de divers documents ( attestation de l'expert comptable de M. [Q],, ordre de virement, extraits du grand livre et relevés bancaires ) ;

Considérant que M. [H] [G] qui n'était pas alors chargé de la défense des intérêts de Mme [J] [W] ne peut être tenu responsable de l'erreur qui a conduit à ce que la créance revendiquée par celle-ci ne soit enregistrée que pour la somme de 19 818, 37 euros ;

Considérant en revanche qu'il lui appartenait de remettre au juge commissaire l'ensemble des pièces nécessaires en vue de l'admission de la créance rectifiée comme le réclamait ce juge ainsi qu'en atteste la motivation de rejet de son ordonnance ;

qu'il revenait ainsi à l'avocat de les réclamer à sa cliente, au besoin en la mettant en demeure de le faire et en attirant son attention sur les conséquences de l'absence de toute production de documents établissant la remise des fonds à laquelle elle soutenait avoir procédé entre le 1er octobre 1999 et le 30 septembre 2002 ainsi que l'attestait le 8 novembre 2004 l'expert comptable de [T] [Q] ;

que si M. [H] [G] dans sa lettre du 6 janvier 2006 adressée à Mme [J] [W] fait état de l'impossibilité qui serait la sienne d'obtenir , en tant que tiers à la liquidation judiciaire de [T] [Q], un certain nombre de documents, il demeure cependant que cette situation ne concernait pas les bilans dont il envisageait l'examen dés que sa cliente les aurait retrouvés ;

que cependant dans une lettre datée du même jour , adressée à M. [Y], mandataire judiciaire, M. [H] [G] écrivait ' que le simple examen des bilans de monsieur [I] [L] [Q] au titre des années 1999, 2000, 2001 et 2002 permet de vérifier l'existence de la créance de ma cliente' ;

qu'il se déduit ainsi de cette correspondance que l'intimé détenait les bilans relatifs à ces exercices qui seuls importaient au titre de la prise en compte de la créance revendiquée par sa cliente et dont le juge commissaire dans son ordonnance a cependant mentionné la non production pour motiver sa décision de rejet ;

que dans ses écritures, M. [H] [G] ne s'explique d'ailleurs pas sur le point précis de savoir s'il détenait ou pas lesdits bilans qui correspondent à ceux au cours desquels l'appelante a procédé à des versements, arguant seulement de l'impossibilité aux dires de l'expert comptable pour Mme [J] [W] d'obtenir la communication du grand livre et de l'absence des bilans postérieurs à l'année 2002, ce qui n'est pas l'objet du débat au regard des exigences formulées par le juge commissaire ;

que dans ces conditions M. [H] [G] qui, au demeurant n'était pas tenu devant ce juge de déposer des conclusions écrites en raison du caractère oral de la procédure et quels que soient par ailleurs les arguments qu'il a pu alors développer, a commis un manquement fautif en ne procédant pas à la production des pièces exigées par le juge ;

Considérant alors même que cette cour a accueilli la demande de Mme [J] [W] notamment sur la production desdits bilans, que celle-ci est ainsi fondée à obtenir à titre indemnitaire le remboursement des honoraires qu'elle a inutilement versés à M. [H] [G] en raison de sa faute et qui ont été taxés par ordonnance du 17 décembre 2009 à la somme de 4 544, 80 euros TTC et ceci à l'exclusion des autres frais d'avocat qu'elle a exposés et qui lui ont permis de triompher dans sa prétention à voir sa créance admise à la liquidation judiciaire de son ex concubin ;

Considérant que Mme [J] [W] reproche également à M. [H] [G] d'avoir, par ce manquement, compromis ses chances d'être désignée en tant que contrôleur à la liquidation de [I] [L] [Q] et au demeurant de ne l'avoir pas conseillée à cette fin;

qu'elle fait valoir qu'elle aurait pu dés lors en cette qualité assister le juge commissaire , suppléer la carence du mandataire judiciaire dans la procédure qui avait opposé son ex concubin à sa bailleresse, Mme [E] et au propriétaire du fonds voisin, la SCI [Adresse 3], de sorte que l'actif de la liquidation aurait été constitué par la somme de 36 000 euros représentant l'indemnité pour trouble de jouissance due par Mme [E] ainsi que la somme de 139 680 euros au titre de l'astreinte accordées aux termes du jugement rendu le 28 août 2003 par le tribunal de grande Auxerre dans le cadre des travaux de remise en état à réaliser par Mme [E] et la SCI [Adresse 3] ;

qu'elle indique également qu'elle aurait été dès lors en mesure de s'opposer à la transaction intervenue sur des présupposés erronés entre ladite Mme [E] et le mandataire judiciaire ;

qu'elle argue en conséquence de la perte d'une chance sérieuse d'avoir pu recouvrer le montant de sa créance ;

Considérant que M. [H] [G] ne rapporte pas la preuve et au demeurant ne conteste pas ce manquement, de ce qu'il a informé Mme [J] [W] de la possibilité pour elle de revendiquer le statut de contrôleur à la procédure de liquidation judiciaire de [I] [L] [Q];

Considérant pour autant que la perte de chance invoquée par Mme [J] [W] ne repose que sur une succession d'événements incertains voire hypothétiques de sorte que par leur somme elle s'avère dépourvue de tout caractère sérieux ;

qu'en effet il n'est absolument pas certain que l'appelante ait pu être désignée en qualité de contrôleur à la liquidation bien que sa créance a été reconnue par cette cour dans son arrêt du 17 avril 2008 alors que l'article L 621-10 du code de commerce exclut notamment la désignation des parents et alliés jusqu'au 4ème degré du chef d'entreprise ;

que par ailleurs si l'arrêt rendu par cette cour le 28 février 2007 à l'occasion du litige ayant opposé [I] [L] [Q] à sa bailleresse et à la SCI [Adresse 3], a confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait condamné Mme [E] au paiement d'une indemnité de trouble de jouissance et assorti les travaux de remise en état d'une astreinte, il demeure que le calcul des sommes pouvant être dues à ces deux titres que présente l'appelante ne peut être retenu ;

qu'en effet Mme [J] [W] estime que l'indemnité accordée et l'astreinte décidée auraient couru jusqu'au prononcé de l'arrêt de la cour d'appel ;

que pour autant cette cour a retenu que les travaux de réfection étaient réalisés au jour où elle statuait ;

que le constat d'huissier de justice établi le 25 juin 2004 à la requête de l'appelante fait état d'un échafaudage dans la cour rendant le passage d'un véhicule impraticable, d'un échafaudage en façade dont les photographies annexées démontrent cependant qu'il n'affecte que le premier étage du bâtiment et non pas le rez-de- chaussée où était exploité le fonds de commerce et d'un système de poutres au 1er étage alors que le tribunal avait jugé que les piètres conditions commerciales des locaux étaient dues à une gouttière défectueuse, à la pose de trois étais dès l'entrée du magasin et à l'humidité rendant difficile le stockage de la marchandise ;

qu'il n'y a donc pas d'adéquation entre les constatations de l'huissier de justice et les désordres retenus par le tribunal ;

qu'en outre demeure inconnue la date de réalisation des travaux de remise en état dont il vient d'être rappelé que cette cour les a retenus comme étant acquis ;

qu'enfin la liquidation de l'astreinte relève de l'appréciation souveraine du juge qui pouvait ainsi la modérer, voire la réduire à néant ;

que dés lors le calcul du montant de l'indemnité d'immobilisation et de l'astreinte présenté par Mme [J] [W] s'avère hypothétique de sorte que la somme de 175 680 euros qui selon elle aurait à ce titre constitué l'actif de la liquidation relève de la seule supputation;

Considérant que Mme [J] [W] soutient également que si elle avait été désignée comme contrôleur à la liquidation elle aurait pu ainsi s'opposer à la transaction passée par le mandataire liquidateur et Mme [E] dont elle soutient qu'elle est intervenue sur des bases erronées à savoir la réalisation des travaux de remise en état qu'elle conteste ;

que cependant même à admettre que l'appelante ait pu se voir accorder cette qualité, il demeure que son avis n'était que consultatif ;

qu'il vient par ailleurs d'être constaté qu'il n'est pas démontré que ces travaux n'ont pas été réalisés ;

que la transaction a été homologuée par le tribunal de commerce d'Auxerre par un jugement rendu le 17 mars 2008 ;

que dés lors il n'est pas certain que l'appelante aurait pu utilement s'y opposer ;

Considérant que Mme [J] [W] échoue ainsi à démontrer que les fautes commises par M. [H] [G] lui ont fait perdre une chance réelle et sérieuse d'avoir pu obtenir, ne serait-ce que partiellement, le remboursement de sa créance, étant par ailleurs observé qu'en tout état de cause et contrairement à ses prétentions, l'indemnisation de la perte de chance ne peut être équivalente à celle du préjudice financier qu'elle allègue si celui-ci avait été entièrement réalisé;

Considérant que les fautes commises par M. [G] sont néanmoins constitutives d'un préjudice moral spécifique dans la mesure où Mme [J] [W] était légitimement fondée à attendre de celui-ci qu'il remplisse ses obligations de compétence et de conseil;

qu'il convient en conséquence de lui allouer à ce titre la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts ;

Considérant que la solution du litige eu égard à l'équité commande d'accorder à Mme [J] [W] une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 3 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

Rejette la fin de non recevoir tirée des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile opposée par M. [H] [G] et la société COVEA RISKS .

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [H] [G] à verser à Mme [J] [W] les sommes de 4 544, 80 euros et de 500 euros à titre de dommages intérêts .

Constate que la société COVEA RISKS ne conteste pas sa garantie .

Condamne M. [H] [G] à verser à Mme [J] [W] à payer à Mme [J] [W] une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Rejette toute autre demande .

Condamne M. [H] [G] et la société COVEA RISKS aux dépens dont distraction au profit de Maître Jérémie Blond, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/09325
Date de la décision : 15/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°14/09325 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-15;14.09325 ?
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