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15/12/2015 | FRANCE | N°13/04041

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 15 décembre 2015, 13/04041


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 15 Décembre 2015



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04041



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 mars 2013 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY -section encadrement- RG n° 12/00278









APPELANT

Monsieur [F] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Loc

alité 1]

représenté par Me Christophe SCOTTI, avocat au barreau de VERSAILLES







INTIMÉE

SAS VEOLIA PROPRETE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PAR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 15 Décembre 2015

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04041

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 mars 2013 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY -section encadrement- RG n° 12/00278

APPELANT

Monsieur [F] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

représenté par Me Christophe SCOTTI, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMÉE

SAS VEOLIA PROPRETE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PARIS, R047

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président de chambre

Madame Soleine HUNTER FALCK, Conseillère

Madame Roselyne GAUTIER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, greffier, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Soleine HUNTER FALCK, conseiller faisant fonction de président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour est saisie de l'appel interjeté par Monsieur [F] [W] le 23 avril 2013, à l'encontre du jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny Section Encadrement en date du 13 mars 2013, qui l'a débouté de toutes ses demandes, a rejeté la demande reconventionnelle de la SAS VEOLIA PROPRETE et a condamné cette dernière aux dépens.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

Monsieur [F] [W] a été engagé en contrat à dure indéterminée par la Société EPR, filiale de la Société Veolia Propreté France Recycling en qualité de négociant à compter du 10 juillet 2001.

A compter du 1 er janvier 2007, il a été promu cadre.

Suite à l'absorption à compter du 1 er novembre 2009 de la Société Veolia Propreté France Recycling par la SAS VEOLIA PROPRETE, les salariés de la Société EPR ont vu leurs contrats de travail transférés au sein de la SAS VEOLIA PROPRETE à compter du 1 er janvier 2010.

L'entreprise compte plus de 11 salariés et la convention collective applicable est la Convention Collective Nationale de l'industrie et du commerce et de la récupération.

Par courrier du 27 mai 2011, Monsieur [F] [W] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Il a saisi le Conseil de Prud'hommes pour voir qualifier sa prise d'acte de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Monsieur [F] [W] demande d'infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris et en conséquence de :

- dire et juger que la prise d'acte du contrat de travail de Monsieur [W] s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence, de condamner VEOLIA PROPRETE à verser à Monsieur [W] les sommes suivantes :

122 208 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

15.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice à titre de réparation des conditions fautives de la rupture résultant des faits de harcèlement moral ;

10.184 € au titre d'indemnité de licenciement - article 19 CCN industrie et du commerce et de la récupération du 6 décembre 1971 ;

4000 € au titre de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens.

La SAS VEOLIA PROPRETE conclut :

- à la confirmation du jugement du Conseil de Prud'hommes ;

- au fait que la prise d'acte s'analyse en démission ;

- à l'absence de harcèlement moral ou discrimination ;

- à la condamnation de Monsieur à payer la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens.

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties remises et visées à l'audience.

Sur les conditions de rupture du contrat de travail

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du dit contrat.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient soit dans le cas contraire d'une démission. La rupture du contrat de travail est immédiate et la prise d'acte ne peut être rétractée. L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge doit examiner l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans sa lettre de rupture.

Il appartient au salarié qui, entend imputer la rupture du contrat aux manquements de son employeur d'en rapporter la preuve.

En l'espèce aux termes de sa lettre de prise d'acte de rupture du 27 mai 2011, le salarié affirme avoir été victime de l'attitude particulièrement violente de son manager Monsieur [B] [S] qui, à l'issue de l'entretien annuel d'évaluation a écrit '[F] [W] fait partie de ces collaborateurs qui sont des mercenaires tant à la l'achat qu'à la vente . Mais il fait aussi partie de cette population de provocateur voire de perturbateur.'

Il reproche à l'employeur de ne pas avoir sanctionné ce manager ni souligné le caractère illégal de tels écrits.

Il considère qu'il s'agit de propos discriminants par rapport à son origine étrangère et estime d'ailleurs avoir été traité de façon discriminante en ce qui concerne son évolution de carrière et ce, dans un contexte lié à son refus de signer un avenant à son contrat de travail qui comportait des modifications essentielles de son contrat.

L'article L 1132-1 du code du travail dispose ' Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la Loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou son handicap.'

Au terme de l'article L 1132-4, les dispositions ou les actes pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions sont nulles.

Par ailleurs, en application de l'article 1134-1 du code du travail, en cas de litige ayant pour fondement une discrimination telle qu'énoncée à l'article L 1132-1, il appartient d'abord au salarié qui s'estime victime de présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte puis à l'employeur de son côté de prouver que la situation ou que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme alors sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires.

Les propos cités par le salariés et effectivement mentionnés par son supérieur hiérarchiques en commentaire global écrit de son évaluation d'entretien 2010 sont péjoratifs et insultants mais leur connotation raciste n'est pas démontrée.

De même si les éléments avancés par le salarié ,à savoir une inégalité dans l'évolution de sa carrière et un refus injustifié de continuer à mettre à sa disposition un véhicule pouvaient laisser supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, l'employeur justifie par des éléments objectifs qu'il n'y a eu aucune inégalité de traitement dans l'évolution de la carrière du salarié et que le refus d'attribuer un véhicule automatique résulte d'une politique du groupe qui lie le type de véhicule de fonction attribué à la classification du salarié.

Si la discrimination n'est pas démontrée, les propos litigieux sont particulièrement vexatoires et injurieux et ont blessé profondément le salarié. L'employeur en se contentant de demander au supérieur hiérarchique de les modifier, sans prendre la peine de répondre aux interrogations légitimes du salarié et de présenter des excuses a fait preuve de déconsidération à son encontre et commis de ce fait un manquement grave justifiant que le salarié ne puisse plus envisager la poursuite de son contrat de travail.

Par ailleurs cet incident est intervenu dans un contexte où l' employeur lui avait, suite au transfert d'entreprise, soumis à la signature en octobre 2010, un courrier confirmant sa mutation au sein de la SAS VEOLIA PROPRETE et modifiant la clause de mobilité.

Il résulte en effet clairement de ce courrier et du courrier du 2 février 2011,qu'alors que le procès verbal d'entreprise du 7 septembre 2009 prévoyait un simple transfert automatique des contrats de travail et non de nouveaux contrat de travail , l'employeur a souhaité imposer à Monsieur [F] [W] une modification unilatérale de la clause de mobilité puisque de régionale, elle devenait nationale.

S'agissant d'un élément essentiel du contrat, cette façon d'agir constituait également un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail , en empêchant ainsi la poursuite.

Au vu de ces observations ,il convient d'infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes et de dire que la prise d'acte était justifiée et produisait donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les indemnités réclamées

-sur l'indemnité légale de licenciement

Au vu des bulletins de salaires il convient de retenir un salaire moyen mensuel de 5092 €.

En application de l'article 19 de la Convention Collective applicable, il est donc alloué à Monsieur [F] [W] la somme de 10184 € au titre de l'indemnité légale de licenciement

-sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Au vu des conditions de la rupture ,de l'ancienneté du salarié mais aussi du fait qu'il a retrouvé un emploi dès le mois de septembre 2011, il convient de lui octroyer une indemnité d'un montant de 70 000 €

-sur la réparation du préjudice résultant des conditions de la rupture et du harcèlement moral

Monsieur [F] [W] évoque à l'appui de sa demande de dommages et intérêts, le harcèlement moral ,la discrimination, le refus de lui octroyer un véhicule de fonction automatique.

Il a déjà été décidé qu'il n'y avait pas discrimination et que l'employeur avait justifié d'éléments objectifs fondant ses décisions relatives aux conditions du véhicule de fonction et contredisant les propos du salarié sur l'évolution de sa carrière.

Par ailleurs le seul courrier en date du 2 février 2011, demandant au salarié de régulariser son contrat , ne suffit pas à caractériser une contrainte psychologique.

Les autres faits de harcèlement moral allégués étant exactement les mêmes que ceux allégués à l'appui des faits de discrimination ,il convient de considérer en reprenant les motifs et le raisonnement précédemment développés qu'ils ne sont pas établis.

Par ailleurs le salarié ne précise pas en quoi il aurait subi un préjudice spécifique autre que celui déjà pris en considération pour évaluer l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse. .La demande de dommages et intérêts de ce chef sera donc rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il ya lieu d'allouer à Monsieur [F] [W] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

La SAS VEOLIA PROPRETE, partie perdante sera condamnée aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement du Conseil de Prud'hommes, en ce qu'il a condamné la SAS VEOLIA PROPRETE aux dépens de la première instance ;

INFIRME le jugement du Conseil de Prud'hommes sur le surplus et

statuant à nouveau,

DIT que la prise d'acte de rupture du contrat de travail du 27 mai 2011 a produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS VEOLIA PROPRETE, à payer à Monsieur [F] [W] les sommes suivantes :

10184 € au titre de l'indemnité de l'article L1234-9 du code du travail et de l'article 19 de la Convention Collective Nationale de l'industrie et du commerce et de la récupération ;

70 000 € au titre des dommages et intérêts en application de l'article L1235-3 du code du travail ;

CONDAMNE la SAS VEOLIA PROPRETE à payer à Monsieur [F] [W] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes ;

CONDAMNE la SAS VEOLIA PROPRETE aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 13/04041
Date de la décision : 15/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°13/04041 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-15;13.04041 ?
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