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15/12/2015 | FRANCE | N°13/02343

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 15 décembre 2015, 13/02343


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 15 Décembre 2015(n° 658-2015 , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/02343



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/05741



APPELANT



Monsieur [M] [V]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 3]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 5]

c

omparant en personne, assisté de Me François GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0898



INTIMEES



Me [L] Frédérique (SELAFA MJA) - Mandataire ad hoc de la SARL GEMAPEINT...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 15 Décembre 2015(n° 658-2015 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/02343

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/05741

APPELANT

Monsieur [M] [V]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 3]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 5]

comparant en personne, assisté de Me François GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0898

INTIMEES

Me [L] Frédérique (SELAFA MJA) - Mandataire ad hoc de la SARL GEMAPEINT

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 1]

non comparant

SARL GMP & CO

[Adresse 4]

[Localité 2]

N° SIRET : 510 819 584 00010

représentée par Me Frédéric GOLAB, avocat au barreau de PARIS, toque : K0134

AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Mathilda DECREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

devant Madame Roselyne NEMOZ, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Roselyne NEMOZ, Conseiller

Madame Laurence SINQUIN, Conseiller

Greffier : Mme Emmanuelle MAMPOUYA, lors des débats

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, conformément à l'avis donné après les débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450

du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Mme Emmanuelle MAMPOUYA, greffier à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [M] [V] a été embauché par la Société GEMAPEINT le 1er avril 2003, d'abord par contrat à durée déterminée puis, le 1er septembre 2003, par contrat à durée indéterminée, en qualité de peintre.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des entreprises du bâtiment.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 mars 2009, la Société GEMAPEINT a été placée en redressement judiciaire, Me [Z] et la SELAFA MJA, en la personne de Me [L], étant désignés respectivement administrateur et mandataire judiciaire.

Le 13 mars 2009, la Société GEMAPEINT a délivré à monsieur [V] un certificat de travail, son solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi portant la mention 'démission'.

Le 16 mars 2009, Monsieur [V] a été embauché par la Société GMP & CO en qualité de peintre chef de chantier, entreprise employant moins de 11 salariés.

Par jugement du 28 janvier 2010, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la Société GEMAPEINT, la SELAFA MJA en la personne de Me [L] étant désignée en qualité de liquidateur.

Le 7 avril 2011, Monsieur [V] a pris acte de la rupture du contrat de travail et le même jour a saisi le Conseil de Prud'hommes de [Localité 6] de demandes dirigées contre la Société GEMAPEINT (licenciement nul et en paiement de diverses sommes ) et contre la Société GMP & CO (prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la Société GMP & CO et paiement de diverses sommes).

Le 18 mai 2011, la Société GMP & CO a convoqué Monsieur [V] à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 30 mai. Monsieur [V] a été licencié pour faute grave par lettre du 9 juin 2011.

Par jugement du 20 décembre 2012, notifié le 2 mars 2013, le Conseil de Prud'hommes a fixé la créance de Monsieur [V] au passif de la Société GEMAPEINT à la somme de 1.732,06 Euros au titre de l'indemnité de requalification, déclaré la créance opposable à l'AGS CGEA dans les limites de sa garantie, débouté Monsieur [V] du surplus de ses demandes et l'a condamné à payer à la Société GMP & CO 1.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile et 2.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le 6 mars 2013, Monsieur [V] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 3 novembre 2015 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [V] demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions non contraires et :

À titre principal :

Juger que le contrat de travail conclu avec la société GEMAPEINT a été transféré à la

société GMP & CO ;

Juger que la prise d'acte du 7 avril 2011 doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner en conséquence la société GMP & CO à lui payer et solidairement, ordonner

l'inscription au passif de la société GEMAPEINT des sommes de :

- 1.951,72 euros à titre d'indemnité de requalification ;

- 13.391,17 euros, à titre de rappels de salaire pour la période du 14 septembre 2010 au 7 avril 2011 ;

- 1.339,12 euros à titre de congés payés sur rappels de salaire ;

- 3.903,44 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- 390,34 euros au titre des congés payés sur préavis ;

- 3.122,75 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 35.130,96 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 11.710,32 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire ;

- 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

A titre subsidiaire,

Juger que le licenciement prononcé le 9 juin 2011 est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Condamner en conséquence la société GMP & CO à lui payer et solidairement, ordonner

l'inscription au passif de la société GEMAPEINT des sommes de :

- 1.951,72 euros à titre d'indemnité de requalification ;

- 17.424,73 euros, à titre de rappels de salaires pour la période du 14 septembre 2010 au 9 juin 2011 ;

- 1.742,47 euros à titre de congés payés sur rappels de salaire ;

- 3.903,44 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- 390,34 euros au titre des congés payés sur préavis ;

- 3.259,37 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 35.130,96 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 11.710,32 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire ;

- 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

A titre encore plus subsidiaire, Si la Cour estime que le contrat conclu avec la société GEMAPEINT n'a pas été transféré à la société GMP & CO,

Juger que la rupture du contrat de travail conclu avec la société GEMAPEINT s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, ordonner l'inscription au passif de la société GEMAPEINT des sommes de :

- 1.924,51 euros à titre d'indemnité de requalification ;

- 3.849,02 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- 384,90 euros au titre des congés payés sur préavis ;

- 2.290,17 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 1.924,51 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement ;

- 34.635,78 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur la rupture du contrat conclu avec la société GMP & CO, juger que la prise d'acte du 7 avril 2011 doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner en conséquence la société GMP & CO à lui payer les sommes de :

- 13.391,17 euros, à titre de rappels de salaire pour la période du 14 septembre 2010 au 7 avril

2011 ;

- 1.339,12 euros à titre de congés payés sur rappels de salaire ;

- 3.903,44 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- 390,34 euros au titre des congés payés sur préavis ;

- 804,10 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 35.130,96 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 11.710,32 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire ;

- 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

A titre infiniment subsidiaire,

Juger que la rupture du contrat de travail conclu avec la société GEMAPEINT s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, ordonner l'inscription au passif de la société GEMAPEINT des sommes de :

- 1.924,51 euros à titre d'indemnité de requalification ;

- 3.849,02 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- 384,90 euros au titre des congés payés sur préavis ;

- 2.290,17 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 1.924,51 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement ;

- 34.635,78 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Juger que le licenciement prononcé le 9 juin 2011 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamner en conséquence la société GMP & CO à lui payer les sommes de :

- 17.424,73 euros, à titre de rappels de salaires pour la période du 14 septembre 2010 au 9 juin

2011 ;

- 1.742,47 euros à titre de congés payés sur rappels de salaire ;

- 3.903,44 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- 390,34 euros au titre des congés payés sur préavis ;

- 804,10 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 35.130,96 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 11.710,32 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire ;

- 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

En tout état de cause,

Condamner les défenderesses, qui succomberont, à lui délivrer des documents de fin de contrat conforme au jugement à intervenir, et notamment :

- un certificat de travail ;

- un certificat de congés payés (CCN, art. 1.1.10) ;

- une attestation destinée au Pole emploi ;

- des bulletins de salaires rectifiés ;

Et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision à intervenir, la Cour se réservant de liquider l'astreinte.

Dire que les condamnations prononcées porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes soit le 07 avril 2011.

Dire la décision opposable à l'AGS CGEA ILE DE FRANCE.

Par conclusions visées par le greffe le 3 novembre 2015 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens,

la Société GMP & CO demande à la Cour de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en toutes ses dispositions, de condamner Monsieur [V] à lui payer 8.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 4.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 3 novembre 2015 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens,

le CGEA d'Ile de France Ouest demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [V] de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, de statuer ce que de droit sur l'indemnité de requalification, de débouter Monsieur [V] de ses demandes dirigées contre la Société GEMAPEINT et de dire que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale.

MOTIFS

Sur le transfert du contrat de travail

Selon les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ;

Ces dispositions s'appliquent à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, peu important que cette activité ait été temporairement interrompue ;

En l'espèce, la Société GMP & CO a été immatriculée au registre du commerce le 3 mars 2009, son gérant étant madame [Q] laquelle, selon les statuts de cette société versés aux débats, détient 10% du capital, 90% étant détenus par monsieur [W] qui était le gérant de la Société GEMAPEINT ; or manifestement, celui-ci a transféré son activité de travaux de bâtiment à cette nouvelle société créée six jours avant le jugement du tribunal de commerce ;

Ce transfert de l'unité économique est corroboré par les deux contrats de travail de Monsieur [V], l'un avec Société GEMAPEINT l'autre avec Société GMP & CO qui ont été établis exactement sous la même forme, le premier signé par monsieur [W], l'autre par madame [Q] ; l'adresse du siège social de la Société GMP & CO, à GESVRES LE CHAPITRE correspond à celle de la succursale de la Société GEMAPEINT ; l'activité est la même, les conditions de travail de Monsieur [V] mentionnées sur les deux contrats sont identiques, de même que son salaire de base tel qu'il figure sur ses derniers bulletins de paie au sein de la Société GEMAPEINT et les premiers au sein de la Société GMP & CO (1.707,80 Euros) ;

Les dispositions de l'article L 1224-1 précité s'appliquent donc de plein droit au contrat de travail de Monsieur [V] ;

Sur les demandes dirigées à titre principal contre la Société GMP & CO

Sur la requalification

Il est constant et non contesté que le contrat à durée déterminée initialement conclu était irrégulier, si bien que conformément aux dispositions de l'article L 1245-2 du code du travail, Monsieur [V] a droit à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine du Conseil de Prud'hommes, soit 1.951,72 Euros ;

Sur la rupture du contrat de travail

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur, empêchant la poursuite du contrat ; si les manquements sont établis, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une démission dans le cas contraire;

La prise d'acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail et tout licenciement postérieur est sans objet ; elle ne peut être rétractée, même avec l'accord de l'employeur ;

En l'espèce, il est constant que par courrier du 7 avril 2011, Monsieur [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail au motif que son employeur refusait de lui fournir du travail et de lui payer son salaire ;

Le contrat de travail a donc été rompu a la date du 7 avril et si les parties, à l'issue de l'audience de conciliation au mois de mai 2011, ont convenu de refaire un essai pour travailler ensemble, celui-ci ne pouvait avoir pour effet de ressusciter la relation de travail qui avait été définitivement rompue par la prise d'acte ; le licenciement notifié le 9 juin 2011 est donc devenu sans objet ;

S'agissant des manquements invoqués, Monsieur [V] prétend qu'à compter du mois de septembre, monsieur [W] lui aurait interdit d'accéder aux chantiers au motif qu'il avait refusé de déposer un échafaudage pour des raisons de sécurité ; il a dénoncé la situation à l'inspection du travail en compagnie de l'autre salarié de la Société GMP & CO, monsieur [Y], ainsi qu'à son employeur par lettre du 27 octobre, lui demandant de prendre position quant à son accès au chantier, et de lui payer son salaire ; par lettre du 15 novembre 2010, 'la gérance' lui a demandé de réintégrer son poste ; par lettres des 16 et 18 novembre, Monsieur [V] a indiqué à la société qu'il ne pouvait se rendre, comme elle le lui avait proposé, à un chantier situé à plus de 450 kms dès lors qu'il ne pouvait faire l'avance des frais de déplacement; ; la société lui a répondu le 2 décembre qu'il avait le moyen de faire des avances de trésorerie et que dans ces conditions, elle considérait que l'abandon de poste lui était entièrement imputable ; le 17 janvier 2011, Monsieur [V] a écrit à la gérante qu'il n'avait jamais reçu de formation pour monter et démonter un échafaudage, qu'il ne pouvait faire l'avance des frais de déplacement et rappelait qu'il se tenait à son entière disposition ; la Société GMP & CO ne lui a plus donné aucune réponse ;

S'agissant d'abord de l'absence de formation de monsieur [V] pour effectuer des travaux de montage et démontage d'échafaudages, la Société GMP & CO se borne à verser aux débats une facturation pour une formation à ce titre réalisée les 18 et 22 octobre 2010, et donc postérieure au refus opposé par monsieur [V] d'effectuer de tels travaux en septembre, ce qui démontre qu'à cette date, comme il le fait valoir, sa formation était inexistante ; la société ne justifie au demeurant par aucune pièce avoir proposé au salarié de suivre cette formation ;

La Société GMP & CO ne conteste pas non plus avoir demandé à son salarié, qui ne percevait plus aucune rémunération, d'avancer les frais de trajet pour se rendre sur des chantiers situés à quelques centaines de kilomètres ;

Il résulte de qui précède que les absences de monsieur [V] à compter du mois de septembre avaient pour origine la volonté de l'employeur de lui imposer de travailler dans des conditions de sécurité et financières qui n'étaient pas acceptables ; en outre, celui-ci lui a notifié des avertissements pour abandons de poste sans le rémunérer et sans non plus le licencier, prenant ainsi le risque de le laisser sans revenus pendant plusieurs mois ;

Ces graves manquements ont contraint Monsieur [V] à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, laquelle en conséquence, a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; le jugement sera infirmé de ce chef ;

Sur le rappel de salaires

L'employeur a l'obligation de payer le salaire convenu conformément aux dispositions du contrat ; dès lors qu'il prétend que ce salaire n'est pas dû en raison d'absences injustifiées, la charge de la preuve lui incombe et en l'espèce, cette preuve n'est pas rapportée ;

Monsieur [V] a donc droit au rappel de ses salaires pour la période du 14 septembre 2010 au 7 avril 2011, soit, sur la base du salaire brut habituellement perçu de 1.951,72 Euros, la somme de 13.391,17 Euros pour la période considérée et les congés payés afférents ;

Sur la la réparation du préjudice causé par la rupture

Compte tenu de son ancienneté de 8 ans dans l'entreprise à la date de la prise d'acte, la Société GMP & CO doit payer à Monsieur [V] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2011, date de convocation devant le bureau de conciliation valant mise en demeure :

- 3.903,44 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis conformément à la convention collective applicable et les congés payés afférents,

- 3.122,75 Euros à titre d'indemnité de licenciement.

En vertu des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, si le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, le salarié peut prétendre, dans cette hypothèse, à une indemnité correspondant au préjudice subi ; or en l'espèce, Monsieur [V] ne donne à la Cour aucune indication sur sa situation postérieure à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ;

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture,

du montant de la rémunération versée à Monsieur [V] , de son ancienneté, il convient de lui allouer une somme de 8.000 Euros à titre de dommages et intérêts ;

Monsieur [V] ne démontre pas qu'il a subi un préjudice financier, moral et matériel autre que celui causé par la rupture du contrat de travail et des circonstances de cette rupture, déjà réparé par les dommages et intérêts ci-dessus alloués et les intérêts de retard pour le mon paiement de salaires ;

Il doit être débouté de la demande de dommages et intérêts qu'il a formée à ce titre ;

La Société GMP & CO devra remettre à Monsieur [V] des bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes à la présente décision, ainsi qu'un certificat de congés payés sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte ;

Sur les demandes dirigées contre la Société GEMAPEINT

Du fait du transfert de plein droit de son contrat de travail, Monsieur [V] doit être débouté de l'ensemble ses demandes dirigées contre la Société GEMAPEINT fondées sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Monsieur [V] a dirigé à titre principal sa demande d'indemnité de requalification contre le nouvel employeur, la société GMP & CO ; il ne peut y avoir aucune solidarité avec la société GEMAPEINT qui est désormais liquidée , si bien que Monsieur [V] sera débouté de l'intégralité de ses demandes visant à ce que 'solidairement' soient inscrits au passif de la Société GEMAPEINT les sommes que la Société GMP & CO a été condamnée à payer.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Déboute Monsieur [V] de ses demandes dirigées contre la Société GEMAPEINT ;

Condamne la Société GMP & CO à payer à Monsieur [V] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2011 :

- 1.951,72 Euros à titre d'indemnité de requalification

- 13.951,72 Euros à titre de rappel des salaires et 1.395,17 Euros pour les congés payés afférents;

- 3.903,44 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 390,34 Euros pour les congés payés afférents ;

- 3.122,75 Euros à titre d'indemnité de licenciement ;

Condamne la Société GMP & CO à payer à Monsieur [V] les sommes de 8.000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile ;

Ordonne à la Société GMP & CO de remettre à Monsieur [V] des bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes à la présente décision ainsi qu'un certificat de congés payés ,

Déboute la Société GMP & CO et monsieur [V] de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS (CGEA d'Ile de France Ouest) ;

Met les dépens à la charge de la Société GMP & CO

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/02343
Date de la décision : 15/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°13/02343 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-15;13.02343 ?
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