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10/12/2015 | FRANCE | N°12/01945

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 10 décembre 2015, 12/01945


Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 10 Décembre 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/01945
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Janvier 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY-RG no 07-01127/ B

APPELANTE SA Z... 4 Rue Auguste taravella 94500 Champigny Sur Marne représentée par Me Philippe LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1983 substitué par Me Mathilde BRUNEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1983

INTIMES Monsieur Anthony X... né le 1er mars 1977 à Basse-Terre (Guadeloupe) ... 93120 La

Courneuve représenté par Me Béatrice PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1101 s...

Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 10 Décembre 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/01945
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Janvier 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY-RG no 07-01127/ B

APPELANTE SA Z... 4 Rue Auguste taravella 94500 Champigny Sur Marne représentée par Me Philippe LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1983 substitué par Me Mathilde BRUNEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1983

INTIMES Monsieur Anthony X... né le 1er mars 1977 à Basse-Terre (Guadeloupe) ... 93120 La Courneuve représenté par Me Béatrice PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1101 substituée par Me Nawal BAHMED, avocat au barreau de PARIS, toque : D1101

SARL SOPRATEC TRAVAIL TEMPORAIRE 10 Rue de Chantilly 75009 PARIS siret 47999194500037 représentée par Me Marc BOISSEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B1193 substitué par Me Ana BEAUGIER LAGHOUATI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0233

CPAM DE LA SEINE SAINT DENIS 195 AVENUE PAUL VAILLANT COUTURIER 93000 BOBIGNY représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale 14, avenue Duquesne 75350 PARIS CEDEX 07 avisé-non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 1er octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Bernadette VAN RUYMBEKE, Président Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseiller qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laïla NOUBEL, lors des débats

ARRÊT :- contradictoire-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Céline BRUN, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***
FAITS-PROCÉDURE
Monsieur Anthony X..., salarié de la société de travail temporaire, Sopratec, en qualité de manoeuvre et mis à disposition de la société Z..., spécialisée dans le bâtiment et le gros oeuvre, à compter du 16 octobre 2006, a été victime d'un accident du travail le 7 mai 2007, après avoir chuté d'un toit alors qu'il procédait à la réfection d'une souche de cheminée.
Cet accident du travail a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie.
Victime notamment d'une fracture du calcanéum et d'une fracture du scaphoïde, monsieur X... a été déclaré consolidé le 19 janvier 2010 avec un taux d'IPP de 25 %.
Suivant jugement correctionnel en date du 2 avril 2009, la société Z... a été condamnée pour blessures involontaires suivies d'une incapacité supérieure à 3 mois à une amende de 6. 000 euros, monsieur Z..., la société Sopratec et le directeur d'agence de celle ci étant pour leur part relaxés des fins de la poursuite.
Monsieur X... a saisi la caisse primaire d'assurance maladie en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
Par jugement du 7 avril 2009, le tribunal des affaires de la sécurité sociale a :- reconnu que l'accident dont monsieur Anthony X... a été victime a eu pour origine une faute inexcusable de la Société Z... et ordonné la majoration de la rente au taux maximum,- dit que la société Sopratec est responsable des conséquences financières de cette faute inexcusable et qu'elle devra rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie les sommes dont celle ci aura fait l'avance,- condamné la société Z... à garantir la société Sopratec de l'intégralité des conséquences financières résultant de la faute inexcusable,- ordonné une expertise médicale confiée au docteur A... aux fins d'évaluation des préjudices de monsieur X...,- fixé à 5. 000 euros la provision avancée par la caisse primaire d'assurance maladie à monsieur X...,- réservé les frais d'expertise. L'expert a déposé son rapport le 26 février 2010.

Par jugement en date du 6 juillet 2010, le tribunal des affaires de la sécurité sociale a annulé l'expertise et désigné le docteur B..., remplacé par le docteur C..., lequel a déposé son rapport le 8 décembre 2011.
Par jugement en date du 19 janvier 2012 le tribunal des affaires de la sécurité sociale a : fixé les préjudices de monsieur Anthony X... comme suit :-35. 000 euros : souffrances physiques et morales endurées-20. 000 euros : préjudice esthétique-25. 000 euros : préjudice d'agrément-4. 280 euros : assistance tierce personne temporaire dit que les sommes allouées ci-dessus seront versées directement à monsieur X... par la caisse primaire d'assurance maladie qui pourra en récupérer le montant auprès de la société Sopratec,- ordonné la majoration de la rente,- débouté monsieur X... de toutes autres demandes et d'un complément d'expertise-condamné les société Z... et Sopractec à payer 1. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à monsieur X....

PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Z..., par l'intermédiaire de son conseil qui a déposé des écritures développées à la barre, conclut :- à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté monsieur Antony X... de ses demandes au titre de la perte de chance de promotion professionnelle, du déficit fonctionnel permanent, du déficit fonctionnel temporaire, de sa demande au titre des frais médicaux et pharmaceutiques, de sa demande d'expertise complémentaire et en ce qu'il a dit que l'avance des fonds sera directement versée par la caisse primaire d'assurance maladie qui en récupérera le montant auprès de la société Sopratec ;- réformant pour le surplus :- à la réduction à de plus justes proportions de la demande d'indemnisation au titre des souffrances physiques et morales endurées, du préjudice esthétique.- au rejet des demandes d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément et au titre du recours à une tierce personne ;- à la déduction du montant total de l'indemnisation complémentaire la provision de 5. 000 euros qui a été allouée à Monsieur X..., à titre subsidiaire,- à la réduction à de plus justes proportions de la demande d'indemnisation au titre du recours à une tierce personne et du préjudice d'agrément,- à la prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'avance des fonds alloués à monsieur X....

La société Sopratec, par l'intermédiaire de son conseil qui a déposé des écritures développées à la barre, demande à la cour de :- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté monsieur X... de ses demandes au titre de la perte de chance de promotion professionnelle, du titre du déficit fonctionnel permanent, du déficit fonctionnel temporaire, de sa demande d'expertise complémentaire et celle au titre des frais médicaux et pharmaceutiques,- l'infirmer pour le surplus et :- constater que monsieur X... se désiste de ses demandes au titre du déficit fonctionnel permanent et d'expertise complémentaire,- débouter monsieur X... de l'intégralité de ses demandes,- à titre subsidiaire de réduire à de plus justes proportions ses demandes au titre des souffrances physiques et morales endurées, au préjudice esthétique, au préjudice d'agrément, à l'assistance par une tierce personne avant consolidation, et au déficit fonctionnel temporaire,- en tout état de cause, constater que la Société Z... doit garantir la Société Sopratec de toutes les conséquences financières résultant de l'accident du travail dont monsieur X... a été victime et qu'il lui appartient de supporter l'intégralité du coût financier de l'accident du travail,- condamner monsieur Anthony X... et/ ou la Société Z... à lui verser à la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur X..., par l'intermédiaire de son conseil qui a déposé des écritures développées à la barre, demande une révision partielle de ses indemnisations et conclut à la confirmation des sommes allouées au titre des préjudices esthétique et d'agrément, de l'assistance tierce personne temporaire mais à son infirmation pour le surplus, fixant ses demandes comme suit :- souffrances physiques et morales : 80. 000 euros-perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle : 35. 000 euros-déficit fonctionnel temporaire : 13. 785 euros-dépenses de santé futures : réserves soit un total d'indemnisation de 173. 085 euros outre les réserves, déduction faite de la provision de 5. 000 euros.

Il demande en outre que la caisse fasse l'avance du paiement de ces sommes et que les sociétés Z... et Sopratec soient condamnées à une indemnité de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La caisse primaire d'assurance maladie, par l'intermédiaire de son conseil qui a déposé des écritures développées à la barre demande :- qu'il soit statuer ce que de droit sur le préjudice esthétique et l'assistance tierce personne temporaire-que soient ramenées à de plus justes proportions les sommes réclamées au titre des souffrances endurées qui ne pourront dépasser la somme de 35. 000 euros,- que soit confirmé le rejet des demandes au titre de la perte de chance de promotion professionnelle et les dépenses de santés futures,- que soit infirmé la décision qui a fait droit au préjudice d'agrément dont monsieur X... devra être débouté,- que soit rappelé que la caisse pourra récupérer les sommes avancées sur l'employeur.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 1er octobre 2015, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments.

SUR CE LA COUR

-sur les souffrances endurées
Considérant que l'expert a relevé qu'à la suite de sa chute du 4ème étage, monsieur X... avait subi une fracture comminutive du calcanéum gauche et du poignet gauche, qu'il a été pris en charge à l'hôpital de la Salpêtrière et a subi plusieurs interventions chirurgicales, des séances de kinésithérapie, qu'il a dû utiliser un fauteuil roulant pendant un an et demi, qu'âgé de trente ans, il a souffert de sa situation de dépendance et du sentiment d'être diminué ;
Que qualifié de 6/ 7, le préjudice de monsieur X... a été correctement apprécié à la somme de 35. 000 euros ;
- sur le préjudice esthétique
Considérant que ce préjudice a été évalué à 3/ 7 par l'expert en raison des cicatrices que la victime présente au niveau du pied gauche, du poignet gauche et aussi de la boiterie dont elle est atteinte et qui handicape ses déplacements et dévalorise son image ;
Que la somme allouée a été correctement apprécié à 20. 000 euros et sera confirmée ;
- sur assistance tierce personne temporaire
Considérant que le tribunal des affaires de la sécurité sociale a relevé avec pertinence que monsieur X... a du être assisté pendant toute la période d'immobilisation en fauteuil roulant et qu'il a du faire appel à ses proches pour l'aider dans le ménage, les courses, pour s'habiller et se laver ; que toutefois, sur la base de 2 heures par jour à raison de 16 ¿, il lui sera alloué pour la période retenue par le jugement, la somme de 3. 424 euros ;
- sur la perte de chance d'une promotion professionnelle
Considérant que pour obtenir une telle indemnisation, la victime d'une faute inexcusable de l'employeur doit rapporter la preuve que ses chances de promotion professionnelles étaient sérieuses, qu'elle avait entrepris un cursus de qualification professionnelle auquel l'accident a mis fin, et qu'elle subit un préjudice distinct de celui qui résulte d'un déclassement professionnel déjà compensé par l'attribution de la rente ;
Considérant en l'espèce, que monsieur X... fait valoir qu'il possédait une solide expérience professionnelle dans le secteur du bâtiment, qu'il a travaillé sans discontinuer, surtout en qualité d'intérimaire, que rien ne permet de penser qu'il n'aurait pas pu prétendre à une évolution de carrière dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée dans un secteur qui embauche massivement ;
Mais considérant toutefoisnque monsieur X... ne justifie pas qu'il était sur le point d'accéder à une véritable promotion professionnelle ou perspective de carrière auxquelles l'accident aurait mis fin, indépendamment de l'expérience qu'il possédait dans le métier du bâtiment ;
Que le jugement a, dès lors, avec pertinence rejeté sa demande de ce chef ;
- sur le préjudice d'agrément
Considérant que l'indemnisation d'un préjudice d'agrément suppose que soit rapportée la preuve de l'impossibilité pour la victime de pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à la maladie ;
Que l'expert mentionne les propos de monsieur X... selon lesquels celui ci serait désormais empêché de continuer la pratique de sports de combat et de ballon ;
Considérant toutefois que monsieur X... ne produit aux débats aucun justificatif de l'exercice avant l'accident, d'une activité spécifique sportive ou de loisir et notamment la pratique des sports relevés par l'expert ;
Qu'il sera donc débouté de ce chef de demande ;
- sur le déficit fonctionnel temporaire
Considérant que l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire inclut, pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et jusqu'à la date de consolidation ;
Considérant que l'expert n'a pas évalué ce préjudice ;
Qu'il résulte toutefois des éléments médicaux produits aux débats et non véritablement contestés, que monsieur X... a subi des déficits fonctionnels temporaires suivants, évalués sur une base mensuelle de 600 euros :- déficit fonctionnel temporaire total pendant les 5 mois et 20 jours de son hospitalisation soit 3. 400 euros,- déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % pendant les périodes de 6 mois d'immobilisation par attelles post opératoires : 1. 800 euros-déficit temporaire partiel à 25 % pendant les 19 mois au cours desquels il a du se déplacer en fauteuil rouant ou à l'aide d'une canne ou avec des chaussures orthopédiques : 2. 850 euros soit un total de 8. 050 euros qui lui sera donc accordé ;

- sur les dépenses de santé futures,
Considérant que le tribunal des affaires de la sécurité sociale a, à raison rejeté cette demande s'agissant d'un poste de préjudice déjà couvert par le livre IV de la sécurité sociale et déjà pris en charge ;
- sur l'avance des frais par la caisse primaire d'assurance maladie
Considérant que le tribunal des affaires de la sécurité sociale a avec raison déduit que la caisse primaire d'assurance maladie devra faire l'avance des sommes ainsi allouées qu'elle pourra récupérer auprès de la société Sopratec, elle même garantie pour toutes les conséquences financières de la faute inexcusable, par la société Z..., comme retenu par le jugement du 7 avril 2009 ;
- sur l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que la société Sipga devra régler à monsieur X... une somme de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les autres parties étant déboutées de leur demande de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement mais seulement dans le montant des sommes allouées à monsieur X...
Statuant à nouveau sur l'ensemble des préjudices de monsieur X...,
Fixe son indemnisation comme suit :- souffrances endurées : 35. 000 euros-préjudice esthétique : 20. 000 euros-assistance tierce personne temporaire : 3. 424 euros-déficit fonctionnel temporaire : 8. 050 euros dont il sera déduit la provision de 5. 000 euros déjà versée,

Déboute monsieur X... de ses autres postes de préjudice notamment dépenses futures, préjudice d'agrément, perte de chance de promotion,
Confirme le jugement pour toutes ses autres dispositions,
Rappelle que la caisse primaire d'assurance maladie fera l'avance des sommes allouées à monsieur X... qu'elle pourra récupérer auprès de la société Sopratec, elle même garantie, pour toutes les conséquences financières de la faute inexcusable, par la société Z...,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société Z... à verser à monsieur X... une indemnité de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 12/01945
Date de la décision : 10/12/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2015-12-10;12.01945 ?
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