Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 08 DECEMBRE 2015
(n° 772 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/02437
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Janvier 2015 -Président du Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 14/66347
APPELANTE
SAS SECURYSTAR FRANCE anciennement dénommée METAL INDUSTRY inscrite au RCS de CHARTRES sous le n° 402.565.782. Représentée par son Président en exercice et tous représentants légaux,
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042
assistée de Me Marco PLANKENSTEINER de la SDE KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J008
INTIMEE
SARL ALCOF SECURITETE - ALARMES COFFRES SECURITE agissant poursuites et diligences de son gérant N° SIRET : 402 988 331
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
assistée de Me Jacques MENENDIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0211
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère
Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
La société Securystar France est une PME spécialisée dans la fabrication et la vente de serrurerie, notamment de sécurité.
La société Alcof Sécurité qui a été cliente de la société Securystar France jusqu'au 16 juin 2010 a pour activité la vente et l'installation de portes blindées et autres produits de serrurerie.
Exposant suspecter la société Alcof Sécurité d'actes de concurrence déloyale, la société Securystar France a saisi par requête du 17 juillet 2014, le président du tribunal de commerce de Paris qui, suivant ordonnance rendue le même jour, a ordonné la mesure d'instruction sollicitée.
Celle-ci a été réalisée suivant procès verbal d'huissier du 25 juillet 2014 par l'huissier commis, assisté d'un informaticien et d'un conseil en propriété intellectuelle.
La société Alcof Sécurité a alors fait assigner par acte du 24 novembre 2014 la société Securystar en rétractation de cette ordonnance sur requête et par ordonnance de référé rendue le 22 janvier 2015 le président du tribunal de commerce de Paris a :
- rétracté l'ordonnance sur requête litigieuse,
- en conséquence, dit que le procès verbal susvisé était nul et de nul effet, que tous les exemplaires originaux de ce procès verbal et de ses annexes seront détruits,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- et condamné la société Securystar aux dépens.
La société Securystar est appelante de cette ordonnance de référé et par conclusions transmises par RPVA le 13 octobre 2015 demande à la cour de l'infirmer et de :
- dire n'y avoir lieu à rétracter l'ordonnance sur requête litigieuse
- débouter la société Alcof Sécurité de ses demandes
- la condamner à lui payer une indemnité de procédure de 10.000€ et aux dépens.
La société Alcof Sécurité, intimée, par conclusions transmises par RPVA le 26 octobre 2015 demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
- débouter la société Securystar France de ses demandes,
- et la condamner à lui payer une indemnité de procédure de 10.000€ et aux dépens.
La cour renvoie à l'ordonnance entreprise et aux conclusions susvisées pour plus ample exposé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
Aux termes de l'article 875 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête, dans les limites de sa compétence, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.
Selon l'article 493 du même code, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse et selon son article 496, alinéa 2, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance.
Il s'en déduit que l'instance en rétractation a pour objet de soumettre à la vérification d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées.
En l'espèce, la société Securystar France expose dans sa requête du 17 juillet 2014 :
- qu'elle suspecte la société Alcof Sécurité de vendre des produits sous les mêmes noms que ceux qu'elle utilise de très longue date et qui n'en sont que des copies serviles,
- que cette société - dont le gérant et principal associé est également l'un des associés de la SAS Unimétal, fabricant de portes blindées constituée en 2012 à qui elle reproche le débauchage de cinq de ses salariés - comptait jusqu'au 16 juin 2010 parmi ses principaux clients,
- qu'elle a eu connaissance en mai 2014 de l'installation par la société Alcof Sécurité d'un 'bloc blindage parisien' identique au sien, dont elle produit le devis et la facture et dont elle affirme qu'il a été fabriqué par la société Unimétal,
- que cette dernière a été constituée, en 2012 donc, par son ancien directeur général qu'elle nomme et par les dirigeants de diverses de ses anciennes clientes parmi lesquels le gérant et associé majoritaire de la société Alcof Sécurité, qu'elle nomme également,
- qu'au lancement de son activité la société Unimétal, qui ne dispose d'aucun point de vente, show-room ou site internet, ne publie aucun catalogue et ne fait aucune publicité, a débauché cinq de ses salariés qui forment ensemble une équipe complète de production et s'est dotée du même outillage qu'elle,
- qu'ainsi la mesure d'instruction sollicitée est destinée à compléter les indices de concurrence déloyale qu'elle a déjà réunis et que l'urgence résulte de ce que 'le croquis, le dessin et/ou les informations techniques adressés par la société Alcof Sécurité à la société Unimétal pour réaliser sur mesure le bloc blindage [installé en mai 2014] sont des éléments essentiels pour établir un lien incontestable entre ledit bloc blindage et la société Unimétal car il est probable qu'il mentionne le nom du client concerné, ce qui n'est pas le cas de la facture y afférente' et de ce qu'il existe un risque que la société Alcof Sécurité ne conserve pas longtemps de tels documents.
La société Alcof Sécurité soutient que cette présentation des faits litigieux est tronquée précisément pour masquer que l'urgence et la nécessité de déroger au principe du contradictoire font défaut dès lors que la société Securystar France a sciemment omis de faire état dans sa requête de deux procédures en cours entre les parties, à savoir d'une part la procédure en concurrence déloyale qu'elle a initiée contre la société Unimétal depuis 2010 et à laquelle elle-même a été attraite par assignation du 16 décembre 2014, d'autre part la procédure en rupture brutale, le 16 juin 2010, de relations commerciales établies, qu'elle-même a engagée avec trois autres sociétés contre la société Securystar France en avril 2011.
La société Alcof Sécurité fait valoir, quant à la première d'entre elles, que la société Securystar France a été déboutée de toutes ses demandes par jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 28 février 2012 mais que la procédure est toujours pendante en appel en raison de son acharnement et, quant à la seconde, qu'un jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 décembre 2013 a condamné la société Securystar France à lui payer ainsi qu'aux trois autres sociétés en cause la somme de 120.000€ à titre d'indemnités, mais que là encore la société Securystar France en a interjeté appel le 3 janvier 2014.
Il est acquis aux présents débats en rétractation que la société Securystar France n'a effectivement pas fait état de ces contentieux en concurrence déloyale et en rupture brutale de relations commerciales établies, ce qui au demeurant résulte de la requête.
Et au vu des pièces produites - notamment de l'assignation en concurrence déloyale délivrée par la société Securystar France à la société Unimétal et à ses quatre associés personnes physiques dont le gérant de la société Alcof Sécurité, ainsi que de ses premières conclusions d'appel du jugement de Créteil précité - il est établi que les faits de concurrence déloyale objet de cette procédure concernent la prétendue 'confusion volontairement entretenue par les nouveaux associés de la société Unimétal via les sociétés de distribution qu'ils animent' (conclusions susvisées) et que cette confusion 'a fini par cesser à l'exception cependant de la société Alcof Sécurité qui a persisté à présenter des produits METAL INDUSTRY (aujourd'hui Securystar France) pour attirer et tromper sa clientèle car la manufacture en est évidemment confiée in fine à la société Unimétal. ' (idem).
Dans le contexte ainsi restitué des relations des parties, la société Securystar France échoue à démonter, d'une part, que les faits de mars et mai 2014 exposés dans la requête sont distincts et nouveaux bien que connexes au contentieux qui l'oppose à la société Unimétal et, d'autre part, qu'il s'en déduit que l'urgence et la nécessité de préserver l'effet de surprise justifient la mesure d'instruction sollicitée.
En effet, la circonstance que ses deux allégations 'd'usurpation de noms', prétendument découverte en mars 2014 et 'de copie servile de ses produits', prétendument découverte en mai 2014, soient éventuellement nouvelles dans la requête ne caractérise pas pour autant la nouveauté des faits qui y sont exposés, ni surtout l'urgence de requérir à la mesure d'instruction sollicitée, puisqu'ils ne constitueraient en définitive qu'une illustration des procédés prétendument déloyaux de la société Unimétal par l'intermédiaire de son distributeur la société Alcof Sécurité à l'occasion de la vente du même type de produits, lesquels sont dénoncés depuis l'assignation de 2010 dans les termes reproduits ci-dessus.
Il s'ensuit que le premier juge a exactement retenu que les faits présentés dans la requête du 17 juillet 2014 pour justifier l'urgence ne sont que la poursuite d'éléments connus en connexité avec le contentieux en cours depuis 2010 à l'initiative de la société Securystar France.
Au surplus et en l'état des deux contentieux pendants précités, la société Securystar France ne pouvait fonder sur la nécessité de préserver un effet de surprise que ceux-ci rendaient illusoire son choix de la voie de la requête plutôt que du référé.
Il s'en déduit que les conditions relatives tant à l'urgence qu'à la nécessité de déroger au principe du contradictoire ne sont pas remplies.
L'ordonnance sur requête litigieuse doit donc être rétractée, le procès verbal de constat dressé le 25 juillet 2014 en son application annulé et les exemplaires originaux de ce procès verbal et de ses annexes détruits.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans les termes du dispositif de la présente décision et la société Securystar France partie perdante doit supporter les dépens.
Il y a lieu, en conséquence, de confirmer l'ordonnance entreprise sauf du chef de l'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
Confirme ordonnance entreprise sauf du chef de l'indemnité de procédure
Statuant à nouveau de ce chef
Condamne la société Securystar France à payer à la société Alcof Sécurité la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Y ajoutant,
Rejette toute autre demande
Condamne la société Securystar France aux dépens d'appel distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT