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02/12/2015 | FRANCE | N°13/05927

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 02 décembre 2015, 13/05927


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 2 Décembre 2015

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/05927 BDC



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Septembre 2009 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 06/06386





APPELANTES

SARL MISR VOYAGES

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 332 629 880

représentée par

Me Solange DOUMIC, avocat au barreau de PARIS, toque : C0060



SOCIETE MISR TRAVEL

[Adresse 2]

[Localité 2]

EGYPTE

représentée par Me Solange DOUMIC, avocat au barreau de PARIS, toque : C006...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 2 Décembre 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/05927 BDC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Septembre 2009 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 06/06386

APPELANTES

SARL MISR VOYAGES

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 332 629 880

représentée par Me Solange DOUMIC, avocat au barreau de PARIS, toque : C0060

SOCIETE MISR TRAVEL

[Adresse 2]

[Localité 2]

EGYPTE

représentée par Me Solange DOUMIC, avocat au barreau de PARIS, toque : C0060

INTIME

Monsieur [U] [Y] [E]

Chez son avocat Maître LAUTREDON

[Adresse 3]

[Localité 3]

représenté par Me Martine LAUTREDOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C2565 substitué par Me Marion COUFFIGNAL, avocat au barreau de PARIS, toque : R281

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Benoit DE CHARRY, Président de chambre

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Mme Céline HILDENBRANT, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Eva TACNET, greffier stagiaire en pré-affectation, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, président et par Madame Eva TACNET, greffière stagiaire en pré-affectation à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

M.[U] [Y] [E] a été engagé par la société MISR TRAVEL, société de droit égyptien en juin 1986.

À compter du 1er octobre 1995, il a été détaché en France en qualité de directeur adjoint de liaison pour une durée de 4 ans.

Ce détachement est devenu à durée indéterminée à compter du 15 juillet 1999, il a été nommé gérant de la société MISR VOYAGES, société française, filiale à 100 % de la société égyptienne.

Dans l'intervalle, le 1er juillet 1999, il signait avec la société MISR VOYAGES représentée par son gérant Monsieur [J] [J], un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directeur d'agence.

Il a perçu à compter du mois de juillet 1999 jusqu'au mois de mars 2006 une rémunération de chacune des 2 sociétés.

À compter du mois de mars 2006, la société MISR TRAVEL a cessé de payer la part 'égyptienne' de son salaire et par décision du 9 juin 2006, elle l'a révoqué de ses fonctions de gérant et a porté plainte pour faux et détournement de fonds devant les juridictions cairotes, lui reprochant des malversations réalisées alors qu'il était gérant de la société MISR VOYAGES et consistant essentiellement à avoir signé un contrat de travail frauduleux avec la filiale française et d'avoir bénéficié d'un salaire versé par celle-ci.

Le 30 mai 2006, M.[U] [Y] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande dirigée contre les sociétés MISR VOYAGES et MISR TRAVEL visant notamment à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail le liant à ces deux sociétés en qualité de co-employeurs à leurs torts exclusifs, et les voir condamner à lui verser divers montants.

La société MISR VOYAGES l'a licencié pour faute grave le 30 août 2006.

Le conseil de prud'hommes de Paris par jugement du 4 septembre 2009, auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, s'est déclaré compétent pour connaître de toutes les demandes du salarié, a dit que les sociétés étaient co- employeurs de M.[U] [Y] [E], a résilié le contrat de travail le liant à celles-ci à la date du 30 août 2006 aux torts des employeurs et a dit que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La sarl MISR VOYAGES et la société de droit Egyptien MISR TRAVEL ont été condamnés solidairement à verser à M.[U] [Y] [E] les sommes suivantes':

*3 560 euros à titre de rappel de salaire

*20'421 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 2 042 euros au titre des congés payés afférents,

*3 404 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

*20'755 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

*80'000 euros à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondu,

*1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et à lui remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 2 mois de la notification du jugement, les bulletins de salaire rectifiés tenant compte du salaire réellement versé et du au salarié se réservant la possibilité de liquider cette astreinte, déboutant M.[U] [Y] [E] du surplus de ses prétentions.

La sarl MISR VOYAGES et la société de droit Egyptien MISR TRAVEL ont régulièrement interjeté appel de cette décision.

Selon l'extrait Kbis du 19 mai 2010, la société MISR Voyages, a été dissoute le 5 mai 2010 par la réunion de toutes ses parts sociales en la seule main de l'associé unique la société MISR TRAVEL, par application de l'article 1844-5 du code civil .

Elle a été définitivement radiée du registre du commerce et des sociétés le 18 juin 2010 à la suite de la clôture des opérations de liquidation amiable.

Le tribunal de commerce de Paris, saisi par M.[U] [Y] [E] a, par ordonnance du 9 octobre 2015, désigné M.[O] [L] [W] [R], représentant légal de la société MISR TRAVEL au [Localité 2], en qualité de mandataire chargé de représenter la société MISR VOYAGES dans le cadre de la présente procédure.

Le 5 janvier 2011 la cour d'appel du Caire a déclaré M.[U] [Y] [E] coupable d'avoir occupé du 1er juillet 1999 au 1er août 2006, le poste de directeur de la société MISR VOYAGES en France et de s'être approprié frauduleusement des salaires pour un total de 185 350,11euros à ce titre en trompant les responsables de la société MISR TRAVEL qui ignoraient qu'il se rémunérait pour un montant supérieur à la rémunération qui lui était mensuellement virée sur son compte du [Localité 2].

M.[U] [Y] [E] s'est pourvu en cassation et l'affaire est pendante à ce jour dans ce pays.

Par arrêt du 28 mai 2015, la cour d'appel de Paris, saisie d'un appel d'une décision du juge départiteur liquidant par jugement du 15 juin 2012 l'astreinte qu'il avait prononcée, a liquidé celle-ci à la somme de 40'000 euros.

Ainsi se présentait l'affaire dont la cour est saisie par appel du jugement prud'homal du 4 septembre 2009 lorsqu'elle a a été plaidée à l'audience du 14 octobre 2015.

La sarl MISR VOYAGES et la société de droit égyptien MISR TRAVEL reprenant leurs écritures soutiennent :

In limine litis,

' que la décision de la cour d'appel du Caire en date du 5 janvier 2011 a autorité de la chose jugée en France,

'à titre subsidiaire que les juridictions françaises sont incompétentes au profit des juridictions égyptiennes en ce qui concerne la société MISR TRAVEL,

' que le conseil de prud'hommes est incompétent en ce qui concerne la société MISR VOYAGES,

- qu'en conséquence sont irrecevables les demandes de M.[U] [Y] [E].

À titre subsidiaire, au fond elle demande à la cour de juger:

' qu'il convient de constater l'absence de contrat de travail liant M.[U] [Y] [E] à la société MISR TRAVEL et à la société MISR VOYAGES

-qu'en tout état de cause le licenciement de M.[U] [Y] [E] par la société MISR VOYAGES est fondé

-qu'en conséquence il y a lieu de débouter le salarié de toutes ses prétentions.

Elle demande en tout état de cause à la cour d'appel de Paris d'infirmer le jugement du 4 septembre 2009 et de :

- débouter M.[U] [Y] [E] de l'ensemble de ses demandes

- de le condamner à restituer la somme de 185'350,11 euros qu'il a indûment perçue,

- de le condamner à restituer les sommes perçues à la suite de la liquidation de l'astreinte,

- de le condamner à verser à chacune d'entre elles la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de le condamner aux entiers dépens.

M.[U] [Y] [E] demande à la cour :

- de constater que les juridictions françaises ont été saisies en premier lieu s'agissant des demandes d'arriérés de salaire en référé et au fond notamment aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail de M.[U] [Y] [E]

-de constater que les demandes formulées par la société MISR TRAVEL en Égypte ont été postérieures, et n'ont pas même cause, même objet et les mêmes parties,

-de constater que M.[U] [Y] [E] a fait pourvoi de la décision rendue par les juridictions cairotes le 5 janvier 2011,

- constater que cette action est toujours pendante et qu'aucune décision définitive n'a été rendue par les juridictions cairotes,

- constater que les appelantes ne justifient d'aucune demande exequatur de décision égyptienne définitive et revêtue de l'autorité de chose jugée,

- constater que le juge départiteur du conseil de prud'hommes le 13 septembre 2006, puis la cour d'appel de Paris le 29 mars 2007, ont jugé que les juridictions françaises étaient compétentes pour trancher le litige opposant M.[U] [Y] [E] à ses co-employeurs.

En conséquence ses demandes se présentent ainsi :

- débouter les appelantes de leurs demandes relatives à la reconnaissance par la cour de son incompétence pour trancher de l'appel porté devant elle,

- constater que son salaire mensuel ressortait un montant mensuel brut de 6 362 euros, versés pour partie par la société MISR VOYAGES et pour partie par la société MISR TRAVEL,

-constater que le complément de salaire versé par la société MISR TRAVEL, a cessé de lui être versé depuis le mois de mars 2006,

-constater que les employeurs s'était engagés à augmenter son salaire mensuel de 7 % à compter du 17 janvier 2007 et n'ont pas rempli cet engagement.

En conséquence il demande à la cour de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et en tant que de besoin de :

- condamner l'employeur à lui verser ses arriérés de salaires, soit au jour de la situation 3 560 euros à actualiser en principal avec intérêts au taux légal à compter de la citation prud'homale,

- condamner l'employeur à lui transmettre ses bulletins de salaire rectifiés pour les 5 dernières années, tenant compte du salaire réellement versé et dû, sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la décision à intervenir,

- constater que le contrat de travail le liant aux 2 sociétés est rompu du seul fait de la méconnaissance grave et réitérée par l'employeur de ses obligations,

En conséquence,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l'employeur,

- dire que la résiliation judiciaire ainsi prononcée prend effet au jour de son prononcé.

En conséquence de quoi , il demande la condamnation de l'employeur à lui verser :

*20'421 euros à titre d'indemnité de préavis

*2 042 euros au titre des congés payés afférents

*3 404 euros à titre d'indemnité de congés payés

*20'754 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

*80'000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

*4500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite enfin la condamnation de l'employeur aux entiers dépens en ce compris ceux de la présente instance ainsi que tous les frais afférents la désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter la société VOYAGES à la présente procédure et sa citation dans le cadre de l'instance pendante.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur l'absence d'autorité de la chose jugée de la décision de la cour d'appel du Caire en date du 5 janvier 2011

Les sociétés appelantes soulèvent l'incompétence des juridictions françaises en expliquant qu'il existe une décision pénale qui a jugé des malversations que M.[U] [Y] [E] a réalisées alors qu'il était gérant de la société MISR VOYGES; qu'ainsi, transféré pour travailler au bureau de MISR TRAVEL et gérer sa filiale MISR VOYAGES, et percevant un salaire à ce titre, M.[U] [Y] [E] a profité de la situation pour s'octroyer de surcroît frauduleusement sans aucun droit et dépassant ses pouvoirs, ainsi que l'ont reconnu en appel les juridictions pénales égyptiennes, des sommes d'argent à titre de salaires depuis le 1er juillet 1999 en arguant de l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée du 1 juillet 1999, en qualité de directeur d'agence conclu avec le gérant de la MISR VOYAGES, contrat qui en réalité a été conclu frauduleusement et en violation au règlement des employés au bureau de la société MISR TRAVEL à l'étranger.

Mais si en droit interne, le principe de l'autorité du criminel sur le civil interdit à une juridiction civile de méconnaître ou contredire ce qui a été décidé d'une façon nécessaire et certaine par un tribunal répressif, ce principe n'est pas applicable dans l'ordre international de sorte que le juge civil peut prendre en compte la condamnation pénale étrangère pour en tirer toutes les conséquences opportunes.

Encore faut il encore tout au moins que cette décision soit définitive.

Or en l'espèce l'arrêt de la cour d'assises du Caire fait l'objet d'un recours de M.[U] [Y] [E].

En conséquence cette décision n'a pas autorité de la chose jugée.

Sur la compétence des juridictions françaises

MISR TRAVEL soulève l'incompétence des juridictions françaises pour connaître de l'exécution des relations contractuelles l'unissant à M.[U] [Y] [E].

M.[U] [Y] [E] répond que ses demandes concernent l'existence, la régularité et les conséquences de relations de travail l'unissant tant à la société mère MISR TRAVEL, dont il veut voir reconnaître la qualité de co-employeur, qu'à sa filiale la MISR VOYAGES en exécution d'un contrat de travail conclu avec cette société française de droit français, sur le territoire français et dont le lieu habituel d'exécution est en France et que la compétence des juridictions française pour en connaître est ainsi établie.

La Convention Rome du 19 juin 1980 constitue le droit positif de la France, pour déterminer la loi applicable aux obligations contractuelles.

Cette convention prévoit en cas de conflit de lois des parties sur le droit national applicable:

- en son article 3 l'application de la loi choisie par les parties.

Mais ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause.

En l'espèce les fonctions d'agent de liaison au regard de leur nature particulière, du détachement à durée déterminée dans le cadre desquelles elles sont habituellement exécutées, des relations étroites qu'elles supposent avec la maison mère qui organise par décision administrative, le règlement administratif qui les régie, le montant et l'évolution de leur salaire (pièce 47), qui rémunère le salarié, qui le félicite de ses résultats particuliers en ce domaine en référence aux directeurs des autres bureaux à l'étranger (pièce 41,44), démontrent peut être du choix des parties de faire application de la loi égyptienne. D'ailleurs la promotion de M.[U] [Y] [E] au premier niveau poste de spécialiste en touriste de haut niveau au bureau de [Localité 4] a été décidé le 17 juin 2006 par décision administrative du secteur des affaires administratives.

Mais en revanche les documents produits dont l'attestation de détachement à durée indéterminée du 10 juin 1998 de M.[U] [Y] [E] à compter du 30 septembre 1999, comme l'attestation du 10 juin 1999 du président directeur général de MISR TRAVEL précisant que 'détaché pour une durée de quatre ans de 1995 au 1999 en tant qu'agent de liaison M.[U] [Y] [E] est aujourd'hui détachée pour une durée indéterminée dans le but de gérer notre filiale à 100% MISR VOYAGES de droit français', qui confient les fonctions de gérant à M.[E] dans le cadre d'un détachement à durée indéterminée au sein d'une filiale de droit français ne permettent pas de présumer une volonté d'application du droit égyptien à ce contrat.

- en son article 4 l'application de la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits.

Il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit exécuter la prestation au moment de la conclusion du contrat, a sa résidence habituelle ou son principal établissement ce qui dans tous les cas désignent la loi française.

- en son article 6, plus spécialement applicable au contrat individuel de travail, la convention de Rome précise sous 2, dans sa lecture effectuée par la cour de justice de l'union européenne dans un arrêt du 2 septembre 2013, '...que nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, le contrat est régi par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable...'

Or si les statuts de la société MISR TRAVEL produits démontrent qu'il s'agit d'une 'société affiliée anonyme égyptienne', conforme aux dispositions de la loi des ' sociétés du secteur public des affaires', jouissant de la nationalité égyptienne, ayant son siège central et son domicile légal à la ville du [Localité 2], ils démontrent également qu'outre des bureaux ou agences en Égypte elle peut établir des succursales à l'étranger par décision du conseil d'administration.

Et la société distingue manifestement les détachements à durée déterminée en qualité d'agent de liaison de son personnel dans les bureaux dont a bénéficié le salarié de 1995 à 1999, des détachements à durée indéterminée pour exercer les fonctions de gérant d'une société commerciale soumise au droit du pays où elle est implantée.

En outre hormis le virement d'un salaire directement de la maison mère aucun élément ne vient supporter, dont l'application de clauses exhorbitantes du droit commun, la démonstration de l'existence de liens plus étroits avec le droit égyptien que le droit français de son salarié détaché pour une durée indéterminée pour exercer en France la gérance d'une société française dont MISR TRAVEL est actionnaire à 100 % et qui exerce une activité commerciale d'agence de voyages TOUR OPERATOR autorisée par une licence d'agences délivrée par la préfecture de police de la région Ile de France.

En conséquence la compétence des juridictions françaises pour connaître, qualifier et décider des conséquences des relations de travail unissant M.[U] [Y] [E] tant à MISR VOYAGES à compter de la conclusion du contrat de travail en qualité de directeur le 1 jullet 1999, qu'à MISR TRAVEL à compter de sa nomination en qualité de gérant le 1 août 1999, est établie.

Par ailleurs la preuve d'un lien de subordination posé par les articles'L.1221-1 et suivants du code du travail pour démontrer l'existence d'un contrat de travail et caractérisé par l'exécution de fonctions sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné est démontrée en l'espèce tant envers MISR VOYAGES que MISR TRAVEL.

En effet la société MISR TRAVEL est actionnaire à 100 % de la société MISR VOYAGES et c'est la première qui a nommé M.[U] [Y] [E] en qualité de gérant de la seconde, décidé de la mise en sommeil de MISR VOYAGES en 2006. Les 2 sociétés occupent les mêmes locaux dont le bail est au nom de la société MISR TRAVEL, ont le même numéro de téléphone et de fax, le même personnel et toutes les factures sont au nom de celle-ci qui a agi en Égypte pour contester le paiement du salaire de M.[U] [Y] [E] effectué en France par la société MISR VOYAGES, et a adressé directement des directives à M.[U] [Y] [E] sans toujours distinguer sa qualité d'agent de liaison, de gérant ou de salarié de MISR VOYAGES.

La confusion d'intérêts d'activités et de direction se manifestant par cette immixtion dans la gestion économique et sociale de la société caractérise le co-emploi de ces deux sociétés concernant le contrat de travail de M.[E] conclu avec MISR VOYAGE en qualité de directeur d'agence.

En conséquence la compétence du conseil de prud'hommes pour connaître tout au moins des conditions d'exécution et de rupture de ce contrat de l'exécution du contrat en résulte tant pour MISR TRAVEL que MISR VOYAGES et il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges.

Sur la nullité du contrat de travail

M.[U] [Y] [E] produit un contrat de travail à durée indéterminé du 1er juillet 1999 conclu avec la SARL MISR VOYAGES représenté par son gérant Monsieur [J] [J] le nommant, à compter du 1er juillet 1999, en qualité de directeur d'agence, niveau 8, de la convention collective du tourisme et agence de voyages applicable, pour exercer ses fonctions au sein de la société située [Adresse 1]. Le contrat est conclu pour une durée de 39 heures hebdomadaires et prévoit une rémunération mensuelle brute de 16'000 Fr. par mois sur 13 mois.

Les sociétés appelantes soutiennent que ce contrat est nul dans la mesure où le représentant de la société qui y apparaît, M.[J], n'avait pas le pouvoir d'engager la société puisqu'il avait démissionné de son poste avec effet au 25 juin 1999, soit 5 jours auparavant et qu'elles n'avaient pas donné leur accord à la conclusion de ce contrat.

Toutefois aucun élément du dossier ne vient supporter leurs allégations selon lesquelles M.[J] avait démissionné de ses fonctions de gérant le 1 juillet 1999.

Par ailleurs la société MISR TRAVEL ne précise pas qui aurait remplacé M.[J] à ce poste de sa démission à la nomination de M.[E] le 15 juillet 1999.

En outre, à supposer que cette démission soit acquise il convient de relever que M.[D] [L] [A] atteste qu'il a été de janvier 1997 au 1er novembre 2003 président du conseil d'administration de la société MISR TRAVEL et que c'est lui en sa qualité de représentant légal de la société MISR TRAVEL actionnaire unique de la société MISR VOYAGES qui a fixé la rémunération de M.[U] [Y] [E] lorsqu'il a été décidé de procéder à son embauche par la société MISR VOYAGES.

Surtout ainsi que le relève M.[U] [Y] [E] ce contrat a été intégralement exécuté par les deux sociétés, dont la qualité de co-employeur a été retenue, pendant 7 ans, de sorte qu'à supposer suspect le pouvoir de M.[J] pour le conclure, les circonstances établissent de manière certaine et non équivoque que sa décision a été ratifiée.

En conséquence la nullité pour vice de forme ou de consentement des employeurs n'est pas retenue.

Sur la résiliation judiciaire du contrat

M.[U] [Y] [E] demande à la cour de prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de ses employeurs en exposant qu'il établit que son employeur a cessé de régler une partie de sa rémunération à partir du mois de mars 2006 et a commis ainsi un manquement aux obligations découlant du contrat de travail de gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat laquelle devra produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il précise que son salaire mensuel ressortait à un montant mensuel brut de 6 362 euros, versé pour partie par la société MISR VOYAGES et pour partie par la société MISR TRAVEL; qu'il a été engagé en qualité de directeur d'agence pour un salaire brut mensuel de 2 642 euros, la société mère, estimant qu'il avait les qualités et l'expérience requise pour pouvoir cumuler à la fois les fonctions de représentant du bureau de liaison de la société en France, les fonctions de directeur commercial et de gérant de la sarl; qu'il a perçu pour ces fonctions, outre son salaire de directeur commercial de la filiale, un complément de salaire versé via l'Égypte en dollars US, équivalent à 3 720 euros bruts mensuels ; qu'il en résulte que les sociétés ont convenu de lui verser un montant mensuel total brut de 6 362 euros.

Les sociétés répondent que la partie versée par MISR TRAVEL était sans rapport avec l'exécution de son contrat de travail au sein de MISR VOYAGES dont elles ignoraient l'existence; qu'ainsi M.[E] ne peut solliciter la résiliation de son contrat de travail au motif que sa part égyptienne, sans rapport avec son contrat de travail ait été suspendu; que le respect des obligations de son contrat français n'est pas contesté et qu'en conséquence la demande de résiliation n'est pas fondée.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

La qualité d'agent de liaison qui apparaît sur l'arrêté administratif du 11 octobre 1995 organisant le détachement à durée déterminée de 1995 à 1999 de M.[E] n'est plus mentionnée sur les documents relatifs à son second détachement pour durée indéterminée mais les parties s'accordent à estimer que M.[U] [Y] [E] a continué à exercer ces fonctions d'agent de liaison pendant son second détachement.

Il exerçait en outre les fonctions de gérant de la sarl MISR VOYAGES.

Le salarié s'en prévaut régulièrement dans ses conclusions et le président directeur général de MISR TRAVEL, M.[A] atteste le 10 juin 1999 ' que M.[U] [Y] [E] qui a été détaché à notre bureau de [Localité 4] pour une durée de 4 ans du 1er octobre 1995 au 30 septembre 1999, en tant que directeur adjoint de liaison, est détaché aujourd'hui pour une durée indéterminée à compter du 30 septembre 1999, dans le but de gérer notre filiale à 100 % MISR VOYAGES de droit français et qu'il est en possession du titre de séjour lui permettant d'assurer cette fonction de gérant.'

La distinction entre son mode de rémunération en sa qualité de gérant et d'agent de liaison n'est pas possible dans la mesure où ni les statuts de la sarl MISR VOYAGES ni une décision collective des associés ou aucun autre document ne le précise.

Mais néanmoins le montant total versé pour ces fonctions par MISR TRAVEL est établi par les attestations (pièce 1,2,3 ) et par le transfert mensuel de la banque égyptienne d'un montant en dollars US .

En revanche son mode de rémunération pour ses fonctions de directeur d'agence salarié, sur le fondement de son contrat de travail est clairement distingué du versement précité, résulte de l'application de son contrat de travail et apparait sur ses fiches de paie établies par la société MISR VOYAGES.

Ainsi M.[U] [Y] [E] touchait deux rémunérations distinctes, l'une constituée de sa partie égyptienne, versée par la société MISR TRAVEL qui l'a nommé en qualité de gérant de sa filiale et d'agent de liaison et l'autre constituée de sa partie française versée par la société MISR VOYAGES à laquelle il était lié par un contrat de travail.

Cette situation a perduré sans contestation de l'une des parties de 1999 à 2006 soit pendant 7 ans.

Le salarié prétend ce jour que la partie égyptienne constituait un complément de salaire due par MISR TRAVEL .

Mais la validité du cumul des fonctions de gérant de la sarl et de directeur d'agence salarié ne fait pas l'objet de débat par le salarié qui s'en prévaut aussi largement dans ses conclusions.

Il peut être précisé sur la régularité de ce cumul , outre les constatations ci dessus quant au mode de rémunération distincte pur ces fonctions, que le salarié de la SARL MISR VOYAGES n'était pas associé de celle-ci, qu'au moment de sa nomination en qualité de gérant, MISR TRAVEL n'a pas suspendu son contrat de travail le liant déjà à MISR VOYAGES, qu'il n'est pas contesté qu'il exerçait un emploi réel de directeur d'agence au sein de MISR VOYAGES et que cet emploi n'était occupé par aucun autre salarié, emploi qui en dehors des fonctions habituelles d'un gérant représentant la société dans le cadre des démarches administratives (cf arrêté de délivrance de la licence administrative pièce 14) fixant la politique salariale, les objectifs et marges à réaliser, la préparation des documents sociaux la préparation et le suivi des documents ou les rapports de gestion, lui imposait d'assumer la direction commerciale, de marketing, de prospection de la clientèle

Le dirigeant qui cumule valablement son mandat social avec un contrat de travail bénéficie du code du travail, de la convention collective et de façon plus générale de tous les avantages accordés au salarié.

Mais le dirigeant mandataire social est révocable à tout moment, sans préavis ni indemnité au contraire de la rupture du contrat de travail qui est entourée de garanties visant à assurer la stabilité de l'emploi. L'intérêt du cumul réside alors dans le droit pour le dirigeant évincé de ses fonctions sociales de poursuivre au sein de la même entreprise, ses fonctions salariées.

Il résulte du cumul de ces deux situations que le salarié était soumis à deux situations juridiques indépendantes dont les conséquences quant au défaut de versement de rémunération ou à la cessation du mandat social relèvent pour l'une de la compétence du tribunal de commerce et de l'autre du conseil de prud'hommes de sorte que M.[U] [Y] [E] n'avait pas d'option pour décider ainsi qu'il l'écrit page 4 de ses conclusions «'que ne pouvant accepter de son employeur qu'il ampute ses rémunérations, et ne voulant pas se servir de son statut de gérant de la filiale française pour se faire justice, il a été contraint de saisir le conseil de prud'hommes ...'».

Il résulte encore du cumul de ces 2 situations juridiques que la cessation du mandat de gérance n'emporte pas modification du contrat de travail, ni n'emporte de plein droit la résolution du contrat de travail, mais permet au dirigeant évincé de prétendre à la poursuite de son contrat de travail et au paiement de son salaire de directeur d'agence.

M.[U] [Y] [E] explique qu'à compter du mois de mars 2006 MISR TRAVEL a cessé le versement de sa rémunération égyptienne; qu'elle l'a informé de sa volonté de mettre la sarl MISR VOYAGES en sommeil et a signé des documents afférents à celle-ci le 7 juin 2006 ; que par décision du 9 juin 2006 il a été révoqué de ses fonctions de gérant et remplacé par Madame [Y] et que le 12 juin 2006, il a remis l'intégralité des éléments relatifs à l'exercice de son «'mandat social'» « qu'il a quitté les lieux, après avoir été invectivé devant ceux qui était jusqu'alors ses «'employés.'» (Conclusions page 5).

Il apparaît dès lors parfaitement que le litige l'opposant à MISR TRAVEL qui a conduit à la suspension du paiement de sa part égyptienne, est sans lien avec la fonction salariale de directeur d'agence dans le cadre de laquelle il est uni à MISR TRAVEL qui apparaît en qualité de co-employeur, mais résulte exclusivement de son mandat social ou de ses fonctions d'agent de liaison soumis au droit égyptien de sorte que ce litige, quelqu'en soit l'issue, n'emporte pas de plein droit la modification de son contrat de travail, ni n'emporte la résolution du contrat de travail.

En conséquence le défaut de versement de la rémunération ou de l'augmentation salariale de 7% décidée par décision administrative de MISR TRAVEL dans ce cadre, ne peuvent emporter la résiliation judiciaire du contrat de travail de M.[U] [Y] [E] et le salarié est débouté par ailleurs de sa demande en condamnation solidaire des sociétés à lui verser la somme de 3 560 euros à titre de rappel de salaires manquant dans sa partie égyptienne.

Sur le licenciement

M.[U] [Y] [E] a été licencié pour faute grave le 30 août 2006 aux motifs ainsi énoncés :

«'par courrier en date du 11 juillet que vous avez accepté de recevoir en mains propres, je vous ai demandé de vous rendre au [Localité 2] en mission professionnelle du 17 au 21 juillet 2006 afin d'inspecter nos partenaires et de rassembler les éléments qui auraient permis à moyen terme d'éditer une brochure à l'attention des touristes individuels notre activité étant jusqu'alors essentiellement tournée vers un tourisme du groupe et à court terme d'élaborer un bilan prévisionnel de cette activité. Vous deviez notamment négocier les tarifs avec les hôtels listés ci-dessus, faire un compte rendu relatif à leur installation des activités éventuellement proposées sur place en partenariat avec ses hôtels.

Comme je vous l'expliquais également aux termes de ce courrier, il m'était apparu, en reprenant la gérance de la société MISR VOYAGES que son activité, à condition d'être étendue diversifiée, pourrait être viable ce qui pouvait amener l'associé unique de la société à revenir sur sa décision de mettre la société MISR VOYAGES en sommeil.

J'espérais ainsi pouvoir sauver les 3 emplois menacés par un licenciement pour motif économique.

Cette mission s'inscrivait donc directement dans le cadre des démarches que j'ai entreprises depuis mon entrée en fonction, pour sauver cette société.

Vous avez immédiatement refusé cette mission au motif que vous souhaitiez attendre la décision du conseil de prud'hommes le 29 août 2006.

Plus tard dans la journée, vous m'avez remis en mains propres un courrier confirmant votre refus de partir en mission au motif que cette mission ne rentrait pas dans le cadre de vos fonctions et que votre contrat de travail ne prévoyait pas d'autre lieu de travail que [Localité 4].

Vous prétendez en outre que les directives internes de notre société mère, vous interdisaient de vous rendre en mission au [Localité 2].

Par courrier en date du 12 juillet 2006 que vous avez refusé de recevoir en mains propres et que vous avez donc réceptionné le 15 juillet, je vous ai rappelé une nouvelle fois que cette mission représentait un enjeu important pour notre société et que votre refus d'exécution n'était pas justifié dans la mesure où :

- votre déplacement était prévu pour la semaine du 17 au 21 juillet et que vous seriez donc de retour en France largement avant l'audience du 29 août 2006 devant le conseil de prud'hommes

' qu'en dépit de l'action que vous aviez engagée devant le conseil de prud'hommes, à l'encontre de notre société, vous étiez toujours salarié de MISR VOYAGES et à ce titre restiez soumis à mes directives et non à de quelconques règles internes émanant de la société mère

' que contrairement à ce que vous indiquez dans le courrier que vous m'aviez remis en main propre, cette mission entrait parfaitement dans vos attributions de directeur d'agence telle que définie dans la convention collective agence de voyages et de tourisme, et que dans ces conditions, il ne faisait aucun doute qu'il vous appartenait, en votre qualité de directeur d'agence de négocier avec nos prestataires de services et nos fournisseurs ainsi que de réunir, comme je vous l'avais clairement demandé, les éléments permettant d'établir une brochure de voyages à destination d'une clientèle individuelle

' que notre société n'ayant pour seule activité touristique de voyageurs vers l'Égypte, il était évident que le prestataire et nos fournisseurs se trouvaient principalement au [Localité 2] et que l'exécution des missions à l'étranger pour rencontrer nos prestataires et nos fournisseurs découlaient nécessairement de la définition que notre convention collective donne à votre poste

que votre contrat vous avait été consenti notamment au regard de votre connaissance de l'Egypte et du [Localité 2] que vous deviez mettre au service de notre société afin de contribuer au développement de son activité.

Je vous ai donc confirmé que votre mission était maintenue et que j'attendais que vous soyez au [Localité 2] lundi 17 juillet au matin.

Force a été de constater cependant que vous étiez toujours à [Localité 4] le 17 juillet.

Votre insubordination manifeste met en péril la pérennité de notre société ce qui est indigne de votre statut de directeur d'agence et d'autant plus surprenant qu'en votre qualité d'ancien gérant de la société vous devriez avoir particulièrement à c'ur de contribuer à sa survie.'»

Sur le fondement de l'article L 1235'1 du code du travail, un licenciement doit reposer sur une faute imputable au salarié et justifiée par des éléments précis et vérifiables revêtant un certain degré d'importance ou de gravité et rendant impossible, sans dommage pour l'entreprise, la poursuite du contrat de travail. Le juge à qu'il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie, le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, et le cas échéant leur qualification de faute grave, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si un doute subsiste il profite au salarié.

En l'espèce il est constant que le salarié a refusé de se rendre au [Localité 2] du 17 au 21 juillet à la demande de la nouvelle gérante de MISR VOYAGES.

Mais son contrat de travail énonce qu'il exercera ses fonctions au sein de la société située à [Localité 4] et que le lieu de travail pourra être transféré dans tout autre endroit à [Localité 4] et dans sa banlieue.

Aucun élément du dossier ne démontre dans quelle mesure et dans quelles crconstances il ait eu préalablement, dans le cadre de ses fonctions de directeur d'agence et non de gérant ou d'agent de liaison, à se rendre en Égypte.

Par ailleurs il était réclamé en l'espèce au salarié d'effectuer une mission professionnelle 17 au 21 juillet afin d'inspecter les partenaires et de rassembler les éléments qui auraient permis à moyen terme d'éditer une brochure l'attention de touristes individuels et à court terme d'élaborer un plan bilan prévisionnel de cette activité.

Or cette demande s'inscrit dans un contexte particulier lié d'une part à la révocation concomitante de M.[E] de ses fonctions de gérant par décision du 9 juin 2006, l'obligation de remettre le 12 juin 2006 l'intégralité des éléments relatifs à l'exercice de son mandat social, et lié au dépôt d'une plainte pénale devant les juridictions cairotes par MISR TRAVEL qui entendait lui dénier la qualité de salarié de MISR VOYAGES et lui demandait en vain de se présenter au [Localité 2] pour répondre de ses actes ainsi que le relayait le Quotidien égyptien. Alors que des discussions étaient en cours, le salarié est revenu occuper ses fonctions de directeur d'agence le 26 juin 2006 et dès le 11 juillet la gérante lui demandait de se rendre en mission au [Localité 2] dans le cadre d'une mission dont la nécessité pour l'entreprise MISR VOYAGES n'est supportée par aucun autre élément et qui apparaît en conséquence dans ce contexte de pure opportunité.

Aussi cette demande, caractérise une absence d'exécution de bonne foi d'un contrat de travail par MISR TRAVEL qui entendait user d'un faux prétexte et de sa qualité de co-employeur de M.[U] [Y] [E] dans le cadre de ses fonctions de directeur d'agence qui lui permettait d'intervenir drectement dans les missions qui lui étaient confiées à ce titre, pour le faire venir au [Localité 2] et répondre d'actes résultant de son mandat social.

En conséquence le refus du salarié est justifié par l'exécution de mauvaise foi par l'employeur du contrat de travail et en tout cas ne présente pas de degré de gravité suffisante pour fonder un licenciement .

En conséquence le licenciement de M.[U] [Y] [E] est sans cause réelle et sérieuse.

Sur le fondement de l'article L1235-5 du code du travail, considérant l'ancienneté du salarié (6 ans) son âge, le montant de son salaire de directeur d'agence, et les circonstances particulières de la rupture qui est intervenue sans cause réelle et sérieuse concomitamment à la révocation des fonctions de gérant de M.[U] [Y] [E] et de la rémunération afférente et sur le fondement de l'article L 1235 ' 5 du code du travail, les sociétés sont solidairement condamnées à lui verser une somme de 40'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs la faute grave n'ayant pas été retenue, le salarié a été à tort privé des indemnités de préavis et de licenciement.

Les montants dus seront calculés sur la base de son salaire de directeur d'agence servie par MISR VOYAGESet résultant de ses bulletins de salaire soit en dernier lieu un montant de 2 456,26 euros, en application de la convention collective des agents de tourisme lui octroyant un préavis de 3 mois et en retenant une ancienneté calculé selon l'ancienneté reprise dans ses fiches de paie et jusqu'à son licenciement le 1 juillet 2006 de 7 ans.

En conséquence les sociétés sont solidairement condamnées à lui verser la somme de 7368,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que de 736,87 pour congés payés afférents, ainsi qu'un montant de 3 438,76 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Par ailleurs M.[U] [Y] [E] réclame la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a fait droit à sa demande de versement d'une indemnité compensatrice pour congés payés non pris et non réglés sans observation de la société dans ses demandes de débouté.

Il y sera donc fait droit dans la mesure où ses bulletins ne retracent pas le gain et la prise des congés par le salarié et que l'employeur ne démontre pas qu'il a rempi M.[E] de ses droits à ce titre, avec toutefois la réserve de l'application du salaire de 2 456,26 euros au lieu du salaire de 6362 sur la base duquel il a effectué ses calculs.

Aussi la décision du conseil est confirmé en son pincipe mais infirmé quant à son montant et les sociétés sont solidairement condamnées à payer à M.[E] la somme de 1 313,96 euros.

Sur les documents sociaux

Dans la mesure où le salarié a été débouté de sa demande visant à voir fixer son salaire au montant total des rémunérations versées par MISR VOYAGES et MISR TRAVEL, il doit être débouté de sa demande de régularisation des bulletins de paie qu'il réclame.

Sur le remboursement des prestations chômage à POLE EMPLOI

L'article L 1235-4 du code du travail prévoit que «'dans les cas prévus aux articles 1235-3 et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.'» Le texte précise que «'ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées».

Sur la base de ces dispositions, et compte tenu du licenciement sans cause réelle et sérieuse de M.[U] [Y] [E], il y a lieu d'ordonner à la société de rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur la demande des sociétés de condamnation de M.[U] [Y] [E] à restituer les sommes perçues à la suite de la liquidation de l'astreinte.

Par jugement du 4 septembre 2009, le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Paris a notamment ordonné aux sociétés de remettre à M.[U] [Y] [E] dans les 2 mois de la notification du jugement, les bulletins de salaire rectifiés tenant compte du salaire réellement dû à ce dernier, sous astreinte provisoire qu'il s'est réservé, de 50 euros par jour de retard passé ce délai.

Or la présente décision a infirmé ce jugement en décidant que le salarié ne pouvait prétendre à des bulletins de salaire rectifiés pour tenir compte d'un salaire total incluant la part égyptienne.

L'astreinte n'est que l'accessoire d'une condamnation qu'elle assortit.

Aussi la réformation d'une décision assortie d'une astreinte entraîne de plein droit, pour perte de fondement juridique, l'anéantissement des décisions prises au titre de la liquidation de l'astreinte, fussent-elles passées en force et ouvre droit dès lors, de droit, s'il y a lieu, à restitution.

Or par arrêt du 28 mai 2015 cour d'appel de Paris saisi sur appel d'un jugement du conseil de prud'hommes du 15 juin 2012, a liquidé l'astreinte prononcée par le conseil de prud'hommes le 4 septembre 2009, à la somme de 40'000 euros.

En conséquence les sommes versées par les sociétés au titre de la liquidation de l'astreinte viendront de plein droit se compenser avec les sommes dues par celles-ci à M.[U] [Y] [E].

Sur la demande de restitution de la somme de 185'350,11 euros en remboursement des sommes qu'il a indûment perçues

La somme ainsi réclamée par la société correspond aux salaires qu'elle estime avoir été indûment perçues par M.[U] [Y] [E] depuis le 1er juillet 1999 de la société MISR VOYAGES en sa fausse qualité de salarié de la sarl.

Mais la régularité du contrat de travil ayant été retenu, il faut en déduire que ces sommes ont été régulièrement perçues dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail en qualité de directeur d'agence avec cette société.

En conséquence les sociétés sont déboutées de leurs prétentions au remboursement des montants versés à ce titre.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, l'indemnité de licenciement sera assortie d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 1 juin 2006, et les dommages et intérêts alloués seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

C'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la sarl MISR VOYAGES et la société de droit Egyptien MISR TRAVEL à payer à M.[U] [Y] [E] la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Leur décision sera confirmée à ce titre.

Les sociétés seront condamnées solidairement en outre à lui payer la somme de 2 000 euros pour la procédure d'appel au même titre.

Partie succombante, la société sera déboutée de ses prétentions sur ce fondement et condamnée au paiement des dépens incluant les frais afférents la désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter la société MISR VOYAGES et les frais de citation de celui-ci devant la présente juridiction.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il :

- s'est déclaré compétent pour connaître de la relation de travail existant entre les sociétés MISR VOYAGES et MISR TRAVEL avec M.[U] [Y] [E],

- a dit que les sociétés MISR VOYAGES et MISR TRAVEL avaient la qualité de co-employeurs de M.[U] [Y] [E] mais la Cour limite cette qualité à l'exécution du contrat de travail conclu par M.[U] [Y] [E] avec MISR VOYAGES le 1er juillet 1999 en qualité de directeur d'agence,

- a condamné les sociétés solidairement à payer au salarié la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et ajoutant,

-Déboute M.[U] [Y] [E] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat

-Dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse

-Condamne solidairement les sociétés MISR VOYAGES représentée par son mandataire ad hoc monsieur [O] [L] [W] [R] et MISR TRAVEL, à lui payer les sommes suivantes :

*40'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

*7 368,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

*736,87 pour congés payés afférents

*3 438,76 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

* 1 313,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés non pris

avec intérêt au taux légal à compter du 11 juin 2006

-Condamne solidairement la sarl MISR VOYAGES représentée par son mandataire ad hoc monsieur [O] [L] [W] [R] et la société de droit Egyptien MISR TRAVEL à payer à M.[U] [Y] [E] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-Rappelle que les sommes versées au titre de la liquidation de l'astreinte se compensent de plein droit avec les sommes dues par les sociétés à M.[E]

-Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

-Condamne la sarl MISR VOYAGES représentée par son mandataire ad hoc monsieur [O] [L] [W] [R] et la société de droit Egyptien MISR TRAVEL aux dépens de première instance et d'appel y compris ceux afférents à la désignation d'un mandataire ad hoc et de sa convocation devant la présente juridiction

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/05927
Date de la décision : 02/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°13/05927 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-02;13.05927 ?
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