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01/12/2015 | FRANCE | N°15/04145

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 01 décembre 2015, 15/04145


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 01 Décembre 2015

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04145



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Mars 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/05600





APPELANT

Monsieur [U] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

comparant en

personne, assisté de Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099 substitué par Me Karim MAKOUF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099







INTIMEES

Me [Q] [V] (SELARL...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 01 Décembre 2015

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04145

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Mars 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/05600

APPELANT

Monsieur [U] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099 substitué par Me Karim MAKOUF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099

INTIMEES

Me [Q] [V] (SELARL SMJ) - Liquidateur judiciaire de SAS LH2

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Laurent GUARDELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053 substitué par Me Chrystelle DESCHAMPS, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1328

AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Olivia ROGER-VASSELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Charlotte CASTETS, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président

Mme Soleine HUNTER FALCK, conseillère

Mme GAUTIER, conseillère

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère faisant fonction de président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour est saisie de l'appel interjeté par Monsieur [U] [F] du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS, section Activités diverses- chambre 1 statuant en départage, rendu le 13 Mars 2015 qui a rejeté la demande requalification des contrats à durée déterminée d'usage en contrat à durée indéterminée, a fixé sa créance au passif de la SAS LH2 avec opposabilité à l' AGS aux sommes de :

960 € à titre de prime de vacances

1000 € pour absence de visite médicale d'embauche

1000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

La SAS LH2 est une société d'enquêtes et de sondages d'opinion dont l'activité était répartie sur trois sites dont celui de St Ouen ;

Monsieur [U] [F] né le [Date naissance 1] 1980 indique qu'il a été engagé pour la première fois en 2003 par la société Louis Harris devenue la SAS LH2 en qualité d'enquêteur vacataire position 1.3.2 coefficient 230 suivant contrats successifs dénommés « contrat d'enquête à durée déterminée d'usage conclu dans le cadre d'une étude » au visa des articles L 1242-2-3° et D 1242-1 du Code du Travail et de la convention collective SYNTEC ; ces contrats variaient de un à quelques jours, en 2003, il a perçu une rémunération brute de 5207.17 € en ce inclus l'indemnité de précarité et les congés payés ;

Il expose qu'à compter de 2007, bien que ses bulletins de salaire aient mentionné un emploi d'enquêteur vacataire, les contrats à durée déterminée qu'il a signés mentionnaient un travail de « codification » qui consistait à créer des plans de code et à codifier les questions ouvertes issues des questionnaires statistiques, chaque codificateur travaillant sur plusieurs questions et chaque jour sur différentes études ;

Monsieur [U] [F] fait valoir qu' il avait chaque mois du travail et que son volume d'heures travaillées a varié chaque année : 680 h en 2008, 895h en 2009, 1126 h en 2010, 890 h en 2011, 1236 h en 2012 et de janvier à Mars 2013 190 h, la relation de travail ayant cessé au mois d'avril 2013 ;

Il indique encore qu'il signait un contrat le premier jour de chaque semaine de travail pour le nombre estimé de jours, que si la semaine était entrecoupée de jours non travaillés un second contrat était signé après coup et qu'il recevait son planning le vendredi pour la semaine suivante soit de vive voix soit par texto et qu'il pouvait évoluer dans la semaine à la hausse ou à la baisse selon les besoins de la société ; s'agissant de ses horaires il précise qu'ils étaient de 10h à 18h avec une pause de 13h à 14h et que la possibilité de rester après 18h était donnée dans la limite de 35h sans augmentation tarifaire ;

Il fait valoir que l'emploi de codificateur qu'il occupait est une fonction distincte de celle d'enquêteur vacataire au sens de « l'annexe enquêteurs » du 16 Décembre 1991 de la convention collective SYNTEC à laquelle font référence les contrats permettant le recours à des CDD d'usage, que les contrats à durée déterminée sont irréguliers à défaut de définition précise du motif de recours au contrat à durée déterminée ;

Monsieur [U] [F] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 30 Avril 2013 ;

La SAS LH2 a été admise au bénéfice du redressement judiciaire le 3 Septembre 2013 ; le 6 janvier 2014 le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession de la branche «études» au profit de BVA et de la branche activité « terrains téléphoniques » au profit de PRO2C ; suivant jugement du Tribunal de commerce de Versailles en date du 13 février 2014, la liquidation de judiciaire de la société a été prononcée.

Monsieur [U] [F] demande de requalifier sa relation de travail avec la SAS LH2 en contrat à durée indéterminée à temps plein et de fixer sa créance au passif aux sommes de :

3358 € à titre d'indemnité de requalification

41388,32 € à titre de rappel de salaire plus congés payés afférents

3358 € à titre de dommages intérêts pour non respect de la visite médicale d'embauche

2000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile ; il sollicite en outre la remise des bulletins de salaire conformes sous astreinte

La SELARL SMJ prise en la personne de Maître [V] [Q] ès qualités mandataire liquidateur de la SAS LH2 demande la confirmation du jugement, le rejet de l'intégralité des prétentions de l'appelant et la condamnation de ce dernier à leur payer la somme de 1500 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

L' AGS (CGEA) d' Ile de France Ouest demande la confirmation du jugement sauf à réduire à de plus justes proportions les dommages intérêts pour absence de visite médicale ; elle oppose les limites de sa garantie légale, les dispositions de l'article L 3253-8-5° du Code du Travail et sollicite sa mise hors de cause pour toutes les créances au-delà de cette limite, enfin, elle oppose également les limites de sa garantie au plafond 4 en indiquant qu'elle a déjà avancé la somme de 2183.83 € .

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre.

Il n'est pas contesté que la SAS LH2, institut d'enquêtes et de sondages par téléphone, internet ou en face à face, exerce son activité dans un secteur visé par l'article D 1242-1 (8°) du Code du Travail pour lequel en application du 3° de l'article L1242-2 du code du travail des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

Monsieur [U] [F] demande la requalification de ses contrats en contrat à durée indéterminée alors que la SAS LH2 représentée par son mandataire liquidateur revendique le bénéfice de l'article précité en invoquant le caractère par nature temporaire des travaux sur enquêtes, la fluctuation de la demande dans le secteur des enquêtes de sondages qui limite la visibilité des entreprises intervenant dans ce secteur et le caractère limité des enquêtes dans le temps ;

Il est constant que les sociétés exerçant une activité mentionnée à l'article D 1242-1 du code du travail ne peuvent valablement conclure des contrats à durée déterminée « successifs » pour tous les salariés qu'elle emploie mais seulement pour les emplois présentant par nature un caractère temporaire et imprévisible en quelque sorte soumis aux demandes du marché ;

L'accord du 16 Décembre 1991 intégré à la convention collective des Bureaux d'études techniques (SYNTEC) définissant le statut des enquêteurs vacataires dispose en son article 43 que par nature ses vacations comportent des prestations diverses effectuées à des périodes variables, qu'elles sont imprévisibles, temporaires et discontinues donc précaires et aléatoires ; l'article 44 dispose que son contrat de travail est appelé «contrat d'enquête » et qu'il a pour objet l'exécution de tâches consistant « en interview, comptage ou autres tâches de même type sur un sujet donné fixé lors de chaque mission et que les contrats d'enquête sont par nature indépendants les uns des autres » ;

En l'espèce, Monsieur [U] [F] verse aux débats 29 contrats : un du 23 juin 2011 pour la journée du 23 juin, un pour une mission les 29 et 30 octobre 2011, trois pour le mois d'octobre 2012 pour les journées des 18 et vendredi 19 octobre puis des lundi 22 octobre jusqu'au 24 octobre inclus et enfin pour la journée du 26 octobre ; au mois de novembre 2012, des contrats ont été conclus pour la période du 5 au 9 inclus, pour les 12 et 13, pour le 16 pour la période du 19 au 24 inclus, pour les 26 et 27, pour le 28 ; pour le mois de Décembre 2012 trois contrats ont été conclus du 3 au 7 inclus, du 10 au 14 inclus, et du 17 au 20 inclus ; Pour l'année 2013 ont été conclus 3 contrats en janvier ( pour les 2 et 3 inclus, pour les 22 et 23 et les 28 et 29 ; en février seulement deux contrats pour les 18 et 19 et pour la journée du 26 ; cinq contrats onts ont été conclus en Mars 2013 ( pour le 8 puis du 11 au 14 inclus, du 18 au 22, du 25 au 27 inclus et du 28 au 29), enfin au mois d'avril 2013 cinq contrats ont été conclus ( pour les 2 et 3, pour le 5, pour les 11 et 12, du 15 au 19 inclus et du 22 au 26 inclus) ;

Selon les pièces produites et pour la période non prescrite, il ressort que le salarié a perçu en brut les sommes suivantes incluant l'indemnité de précarité et les congés payés :

- 11988.79 € en 2008 et qu'il n'a travaillé qu'aux mois de Mai, juin, juillet, octobre, novembre et Décembre sans jamais atteindre un temps plein et quatre fois entre 90 et 100 h sur le mois

- 10476, 67 € en 2009 avec un taux horaire sensiblement supérieur à celui de 2008 sans jamais effectuer un temps plein et pour des durées le plus fréquemment entre 49,75 h et environ 70 h

- 13413.02 € en 2010 ; il a travaillé 7 heures en Septembre, 20h 75 en Août, entre 70 et 100 h les autres mois sauf en octobre où il a effectué 151h 67

- 10843.17 € en 2011 avec un taux horaire en hausse par rapport aux années précédentes, il a fait 151h67 en novembre et les autres mois entre 37h 83 et 80 h

-15431.72 € en 2012 il a effectué une moyenne de 103 h par mois sur 12 mois avec un mois de Mai à 151h 25

Il ressort donc de ces faits que le premier juge a justement relevé qu'il y a eu une grande variabilité des horaires mensuels réalisés ;

Le salarié reconnaît lui-même avoir refusé à trois reprises le contrat à durée indéterminée de chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle que l'employeur justifie lui avoir proposés par courriers , tel que prévu par la convention collective ( accord du 16 Décembre 1991) qui définit deux types de statut pour les enquêteurs ( les enquêteurs vacataires qui sont des enquêteurs occasionnels dont l'emploi est par nature temporaire et les chargés d'enquête intermittente à garantie annuelle dont l'activité s'exerce dans le cadre du travail intermittent mais avec une garantie annuelle de rémunération tout en conservant la faculté d'accepter ou de refuser les enquêtes qui lui sont proposées ;

Il n'est pas contesté que les missions effectuées par Monsieur [U] [F] n'ont pas été réalisées au fil des années et des mois que pour les mêmes clients mais au contraire qu'ils étaient différents et variés ; il est justifié par l'employeur qui produit des graphiques concernant au fil des mois le nombre des enquêteurs travaillant journellement, que leur nombre varie considérablement de mois en mois et même de semaine en semaine établissant ainsi le caractère éminemment fluctuant de son activité ;

Même si le salarié n'avait apparemment selon ses déclarations fiscales, pas d'autre activité salariale que celle exercée pour la SAS LH2, cela ne caractérise pas la nécessité dans laquelle il se trouvait d'être en permanence à la disposition de l'employeur et il conservait la possibilité de refuser une mission, Monsieur [P] [D], responsable codification, atteste régulièrement, sans que la preuve contraire soit apportée ou le témoignage contesté, qu'il s'informait des disponibilités de chaque membre de l'équipe afin d'adapter le calendrier à celui du codificateur ;

Eu égard à la définition du contenu de l'objet du contrat de mission donnée par l'article 44 de l'accord du 16 Décembre 1991 rappelé ci-avant, il y a lieu de juger que la prestation de codification figurant sur l'ensemble des contrats de Monsieur [U] [F] se rattache manifestement à la fonction d'enquêteur de sorte que Monsieur [U] [F] est non fondé à soutenir que les dispositions du contrat d'enquête ne lui étaient pas applicables et il convient de juger lesdits contrats souscrits par Monsieur [U] [F] et la SAS LH2 réguliers sans qu'il y ait lieu de requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, le caractère temporaire de l'emploi occupé par le salarié au sein de la SAS LH2 étant avéré ;

Il s'ensuit que Monsieur [U] [F] doit être débouté de sa demande d' indemnité de requalification et de rappel de salaire sur la base d'un temps plein ;

Eu égard aux dispositions de l'article 31 de la convention collective relatif au versement de la prime de vacances allouée aux salariés il convient de confirmer le jugement qui a fait une juste application des droits du salarié ;

Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne le montant de la somme allouée à Monsieur [U] [F] en réparation du préjudice que lui a nécessairement causé l'absence de visite médicale, cette somme étant appropriée au préjudice subi en l'absence d'éléments communiqués par Monsieur [U] [F] démontrant un préjudice supérieur ;

Il y a lieu de dire que chacune des parties conservera à sa charge ses frais irrépétibles ;

Eu égard à la présente décision la demande de remise de bulletins de salaire conformes est sans objet ;

Il convient de confirmer l'opposabilité du jugement à l' AGS dans les limites de sa garantie légale ( plafond 4) et à l'exception de la somme de 1000 € allouée par le premier juge au titre des frais irrépétibles .

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf à dire que l'indemnité allouée à Monsieur [U] [F] au titre des frais irrépétibles est exclue de la garantie de l' AGS (CGEA) d' Ile de France Ouest limitée au plafond 4.

Rejette les autres demandes des parties

Laisse les dépens d'appel à la charge de Monsieur [U] [F].

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/04145
Date de la décision : 01/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°15/04145 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-01;15.04145 ?
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