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01/12/2015 | FRANCE | N°15/04139

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 01 décembre 2015, 15/04139


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 01 Décembre 2015

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04139



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Mars 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/05596





APPELANTE

Madame [H] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

représentée

par Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099 substitué par Me Karim MAKOUF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099





INTIMEES

Me [Y] [X] (SELARL SMJ) - Liquidateur ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 01 Décembre 2015

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04139

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Mars 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/05596

APPELANTE

Madame [H] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

représentée par Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099 substitué par Me Karim MAKOUF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099

INTIMEES

Me [Y] [X] (SELARL SMJ) - Liquidateur judiciaire de SAS LH2

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Laurent GUARDELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053 substitué par Me Chrystelle DESCHAMPS, avocat au barreau de PARIS,

AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Olivia ROGER-VASSELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Charlotte CASTETS, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président

Mme Soleine HUNTER FALCK, conseillère

Mme GAUTIER, conseillère

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Soleine HUNTER FALCK, conseillère faisant fonction de président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour est saisie de l'appel interjeté par Madame [H] [P] du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS, section Activités diverses - chambre 1 statuant en départage, rendu le 13 Mars 2015 qui a rejeté la demande requalification des contrats à durée déterminée d'usage en contrat à durée indéterminée, a fixé sa créance au passif de la SAS LH2 avec opposabilité à l' AGS aux sommes de :

968 € à titre de prime de vacances

1000 € pour absence de visite médicale d'embauche

1000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

La SAS LH2 est une société d'enquêtes et de sondages d'opinion dont l'activité était répartie sur trois sites dont celui de St Ouen ;

Madame [H] [P] indique qu'elle a été engagée pour la première fois en septembre 2007 par la société Louis Harris devenue LH2 de un à quelques jours suivant contrats successifs dénommés « contrat d'enquête à durée déterminée d'usage conclu dans le cadre d'une étude » au visa des articles L 1242-2-3° et D 1242-1 du Code du Travail et de la convention collective SYNTEC ;

Elle expose que si ses bulletins de salaire mentionnaient un emploi d'enquêteur vacataire, les contrats à durée déterminée qu'elle a signés stipulaient un travail de « codification » qui consistait à créer des plans de code et à codifier les questions ouvertes issues des questionnaires statistiques, chaque codificateur travaillant sur plusieurs questions et chaque jour sur différentes études ;

Madame [H] [P] fait valoir qu' elle avait chaque mois du travail et que son volume d'heures travaillées a varié chaque année : 641 h en 2008, 692h en 2009, 860 h en 2010, 635 h 25 en 2011, 589 h en 2012 et de janvier à Mars 2013 192 h, la relation de travail ayant cessé au mois d'avril 2013 ;

Elle indique encore qu'elle signait un contrat le premier jour de chaque semaine de travail pour le nombre estimé de jours, que si la semaine était entrecoupée de jours non travaillés un second contrat était signé après coup et qu'elle recevait son planning le vendredi pour la semaine suivante soit de vive voix soit par texto et qu'il pouvait évoluer dans la semaine à la hausse ou à la baisse selon les besoins de la société ; s'agissant de ses horaires elle précise qu'ils étaient de 10h à 18h avec une pause de 13h à 14h et que la possibilité de rester après 18h était donnée dans la limite de 35h sans augmentation tarifaire ;

Elle fait valoir que l'emploi de codificateur qu'elle occupait est une fonction distincte de celle d'enquêteur vacataire au sens de « l'annexe enquêteurs » du 16 Décembre 1991 de la convention collective SYNTEC à laquelle font référence les contrats permettant le recours à des CDD d'usage, que les contrats à durée déterminée sont irréguliers à défaut de définition précise du motif de recours au contrat à durée déterminée ; elle indique que la SAS LH2 était son seul employeur ;

Madame [H] [P] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 30 Avril 2013 ;

La SAS LH2 a été admise au bénéfice du redressement judiciaire le 3 Septembre 2013 ; le 6 janvier 2014 le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession de la branche « études » au profit de BVA et de la branche activité « terrains téléphoniques » au profit de PRO2C ; suivant jugement du Tribunal de commerce de Versailles en date du 13 février 2014, la liquidation de judiciaire de la société a été prononcée.

Madame [H] [P] demande l'infirmation partielle du jugement en requalifiant sa relation contractuelle avec la SAS LH2 en contrat à durée indéterminée à temps plein et en fixant sa créance au passif de la SAS LH2 avec remise sous astreinte des bulletins de salaire correspondant à la décision , aux sommes de :

3354 € à titre d'indemnité de requalification

51977.63 € à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps plein plus congés payés afférents

3354 € à titre de dommages intérêts pour non respect de la visite médicale d'embauche

2000 € au titre des frais irrépétibles d'appel

La SELARL SMJ prise en la personne de Maître [Y] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS LH2 sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée et son infirmation pour le surplus en déboutant l'appelante de l'intégralité de ses prétentions ; il demande le paiement de la somme de 1500 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

L'AGS (CGEA) d'Ile de France Ouest demande la confirmation du jugement sauf à réduire à de plus justes proportions les dommages intérêts pour absence de visite médicale ; elle oppose les limites de sa garantie légale, les dispositions de l'article L 3253-8-5° du Code du Travail et sollicite sa mise hors de cause pour toutes les créances au-delà de cette limite, enfin, elle oppose également les limites de sa garantie au plafond 4 .

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre.

Il n'est pas contesté que la SAS LH2, institut d'enquêtes et de sondages par téléphone, internet ou en face à face, exerce son activité dans un secteur visé par l'article D 1242-1 (8°) du Code du Travail pour lequel en application du 3° de l'article L1242-2 du code du travail des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

Madame [H] [P] demande la requalification de ses contrats en contrat à durée indéterminée alors que la SAS LH2 représenté par son mandataire liquidateur revendique le bénéfice de l'article précité en invoquant le caractère par nature temporaire des travaux sur enquêtes, la fluctuation de la demande dans le secteur des enquêtes de sondages qui limite la visibilité des entreprises intervenant dans ce secteur et le caractère limité des enquêtes dans le temps ;

Il est constant que les sociétés exerçant une activité mentionnée à l'article D 1242-1 du code du travail ne peuvent valablement conclure des contrats à durée déterminée « successifs » indifféremment pour tous les salariés qu'elle emploie mais seulement pour les emplois présentant par nature un caractère temporaire et imprévisible en quelque sorte soumis aux demandes du marché ;

L'accord du 16 Décembre 1991 intégré à la convention collective des Bureaux d'études techniques (SYNTEC) définissant le statut des enquêteurs vacataires dispose en son article 43 que par nature ces vacations comportent des prestations diverses effectuées à des périodes variables, qu'elles sont imprévisibles, temporaires et discontinues donc précaires et aléatoires ; l'article 44 dispose que son contrat de travail est appelé « contrat d'enquête» et qu'il a pour objet l'exécution de tâches consistant « en interview, comptage ou autres tâches de même type sur un sujet donné fixé lors de chaque mission et que les contrats d'enquête sont par nature indépendants les uns des autres » ;

En l'espèce, Madame [H] [P] verse aux débats 18 contrats sur la période allant du 26 octobre 2012 au 25 Mars 2013 à savoir au titre de l'année 2012 pour la journée du 26 octobre , pour la période du 29 octobre au 30 octobre inclus, pour la journée du mercredi 31 octobre, pour les 5 et 6 novembre, pour les jeudi 8 et vendredi 9 novembre 2012, pour les 12 et 13 novembre 2012, les 15 et 16 novembre, 19 et 21 novembre, le 26 et 27 novembre puis au mois de Décembre 2012, elle a eu des contrats pour la période du 17 au 21 Décembre , pour les 27 et 28 Décembre ; au titre de l'année 2013, elle a un contrat pour les journées des 3 et 4 janvier,pour le 20 février, la journée du 23 février, pour les 25 et 26 février et au titre du mois de Mars 2013 pour les 11 et 12 Mars pour la période du 18 au 22 ;

Selon les pièces produites, en 2007 par exemple Madame [H] [P] a perçu au titre de ses contrats la somme de 2826,77 € en brut incluant la prime de précarité et les ICPP , le taux horaire étant de 8,922 €.

Pour la période non prescrite, il ressort que la salariée a perçu en brut les sommes suivantes incluant l'indemnité de précarité et les congés payés :

- 9307.08€ en 2008 et qu'elle n'a pas travaillé aux mois d'Août et novembre sans jamais atteindre un temps plein et trois mois, seulement entre 18h50 et 20h 50 sur le mois

- 7552.74 € en 2009 sans jamais effectuer un temps plein ; elle n'a pas travaillé aux mois de février, Août, Septembre, octobre et novembre et pendant quatre mois pour des durées variant entre 20h 50 et 88 heures

- 10151.05 € en 2010 ; elle a travaillé les 12 mois mais 9 mois pour un horaire variant entre 16 h 25 et 88 h et quatre fois moins de 60 heures dans le mois

- 7682.69 € en 2011 avec un taux horaire en hausse par rapport aux années précédentes ; pendant 9 mois ses horaires ont varié entre 20 h 50 et moins de 60h ; sur les autres mois, elle n'a jamais atteint 151h 67

- 8225.44 € en 2012 avec un taux horaire en hausse ; elle n'a pas travaillé aux mois d'Août et Septembre, au mois d'octobre elle a travaillé 7h, elle n'a jamais effectué un temps plein, les mois où elle a travaillé le plus son horaire varie entre 56 h et 125h 50 au mois de novembre enfin en 2013, sur les trois mois elle a travaillé en moyenne 64h avec un mois de février à 31 h 50 ;

Il ressort donc de ces faits que le premier juge a justement relevé qu'il y a eu une grande variabilité des horaires réalisés ;

Il est encore établi par les avis d'imposition, qu' au moins en 2009 et 2011, les revenus salariaux retenus sont supérieurs à ceux perçus de la SAS LH2 ;

Il n'est pas contesté que les missions effectuées par Madame [H] [P] n'ont pas été réalisées au fil des années que pour les mêmes clients mais au contraire qu'ils étaient différents ; il est justifié par l'employeur qui produit des graphiques concernant au fil des mois le nombre des enquêteurs travaillant journellement, que leur nombre varie considérablement de mois en mois et même de semaine en semaine établissant ainsi le caractère éminemment fluctuant de son activité ;

Même si la salariée, n'a pas eu d'autre activité salariale que celle exercée pour la SAS LH2 au moins pour certaines années exceptées 2009 et 2011, cela ne caractérise pas la nécessité dans laquelle elle se trouvait d'être en permanence à la disposition de l'employeur et elle conservait la possibilité de refuser une mission, Monsieur [N], responsable codification, atteste régulièrement, sans que la preuve contraire soit apportée ou le témoignage contesté, qu'il s'informait des disponibilités de chaque membre de l'équipe afin d'adapter le calendrier à celui du codificateur ;

Eu égard à la définition du contenu de l'objet du contrat de mission donnée par l'article 44 de l'accord du 16 Décembre 1991 rappelé ci-avant, il y a lieu de juger que la prestation de codification figurant sur l'ensemble des contrats de Madame [H] [P] se rattache manifestement à la fonction d'enquêteur de sorte que Madame [H] [P] est non fondée à soutenir que les dispositions du contrat d'enquête ne lui étaient pas applicables et il convient de juger lesdits contrats souscrits par Madame [H] [P] et la SAS LH2 réguliers sans qu'il y ait lieu de requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, le caractère temporaire de l'emploi occupé par la salarié au sein de la SAS LH2 étant avéré ;

Il s'ensuit que Madame [H] [P] doit être déboutée de sa demande d' indemnité de requalification et de rappel de salaire sur la base d'un temps plein ;

Eu égard aux dispositions de l'article 31 de la convention collective relatif au versement de la prime de vacances allouée aux salariés il convient de confirmer le jugement qui a fait une juste application des droits de la salariée ;

Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne le montant de la somme allouée à Madame [H] [P] en réparation du préjudice que lui a nécessairement causé l'absence de visite médicale, cette somme étant appropriée au préjudice subi en l'absence d'éléments communiqués par Madame [H] [P] démontrant un préjudice supérieur ;

Il y a lieu de dire que chacune des parties conservera à sa charge ses frais irrépétibles ;

Il convient de confirmer l'opposabilité du jugement à la SAS LH2 dans les limites de sa garantie légale (plafond 4 de 2013) et à l'exception de la somme de 1000 € allouée par le premier juge au titre des frais irrépétibles .

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement et y ajoutant dit que l'indemnité allouée à Madame [H] [P] au titre des frais irrépétibles est exclue de la garantie de l'AGS (CGEA) d'Ile de France Ouest,

Rejette les autres demandes des parties,

Laisse les dépens d'appel à la charge de Madame [H] [P].

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/04139
Date de la décision : 01/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°15/04139 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-01;15.04139 ?
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