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27/11/2015 | FRANCE | N°15/03648

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 27 novembre 2015, 15/03648


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 27 novembre 2015 après prorogation

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03648

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° F13/02535





APPELANTE

Madame [A] [O] épouse [J] née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1] (ALGERIE)

[Adresse 1]

non comparante, représent

ée par Me Delphine ZOUGHEBI, avocat au barreau de PARIS, toque : G0445







INTIMEE

SAS NEUILLY LA POINTE enseigne SUPER U N° SIRET : 508 55 0 1 83

[Adresse 2]

représ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 27 novembre 2015 après prorogation

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03648

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° F13/02535

APPELANTE

Madame [A] [O] épouse [J] née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1] (ALGERIE)

[Adresse 1]

non comparante, représentée par Me Delphine ZOUGHEBI, avocat au barreau de PARIS, toque : G0445

INTIMEE

SAS NEUILLY LA POINTE enseigne SUPER U N° SIRET : 508 55 0 1 83

[Adresse 2]

représentée par Me Ibrahima FATY, avocat au barreau de PARIS, toque : E271

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre

Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère

M. Christophe BACONNIER, Conseiller

Qui en ont délibéré

Greffier : [Localité 3] Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement formé par Mme [A] [O] épouse [J] contre un jugement du conseil de prud'hommes de BOBIGNY en date du 23 mars 2015 ayant statué sur le litige qui l'oppose à son ancien employeur, la société SAS NEUILLY LA POINTE enseigne SUPER U ;

Vu le jugement déféré ayant :

- débouté Mme [J] [A] de sa demande de résiliation judiciaire,

- annulé l'avertissement du 26 septembre 2011 et l'avertissement du 23 avril 2013,

- condamné la société SAS NEUILLY LA POINTE à verser à Mme [J] [A] les sommes de :

* 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour les deux avertissements reçus,

* 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

- débouté Mme [J] [A] du surplus de ses demandes,

- débouté la SAS NEUILLY LA POINTE de sa demande reconventionnelle,

- condamné la SAS NEUILLY LA POINTE aux dépens.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 1er septembre 2015, aux termes desquelles :

Mme [J], appelante, demande à la cour :

- l'annulation des avertissements des 26 septembre 2011 et 23 avril 2013,

- la condamnation de la SAS NEUlLLY LA POINTE à payer à Madame [J] les sommes suivantes :

* 1.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l'annulation de l'avertissement du 26 septembre 2011,

* 1.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l'annulation de l'avertissement du 23 avril 2013.

- l'application de la qualification 'employée commerciale niveau IV' à l'endroit de Mme [J],

- la constatation des manquements importants de la société NEUILLY LA POINTE,

- la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [J] aux torts de l'employeur, au jour de la rupture du contrat de travail,

- de juger que cette résiliation judiciaire produira les effets d'un licenciement nul,

- la condamnation de la SAS NEUILLY LA POINTE aux sommes suivantes :

* 1.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l'annulation de l'avertissement du 26 septembre 2011,

* 1.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l'annulation de l'avertissement du 23 avril 2013,

* 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la qualification professionnelle et non-respect de la convention collective

* 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du système de pointage et non-paiement des heures supplémentaires effectuées,

* 30.000 euros de dommages et intérêts pour discrimination,

*10.000 euros de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail,

* 60.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 427,98 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

* 42,80 euros au titre des congés payés afférents,

* 229,42 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

* 27.950,21 euros à titre d'indemnité relative à la rémunération du salarié protégé,

* 40.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.

Subsidiairement, si la résiliation judiciaire n'est pas prononcée,

- juger que le licenciement intervenu est sans cause réelle et sérieuse,

- et condamner la SAS NEUILLY LA POINTE à payer à Madame [J] les sommes suivantes :

* 1.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l'annulation de l'avertissement du 26 septembre 2011,

* 1.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l'annulation de l'avertissement du 23 avril 2013,

* 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la qualification professionnelle et non-respect de la convention collective,

* 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du système de pointage et non-paiement des heures supplémentaires effectuées,

* 30.000 euros de dommages et intérêts pour discrimination,

* 10.000 euros de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail,

* 60.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 427,98 euros a titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

* 42,80 euros au titre des congés payés afférents,

* 229,42 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

* 27.950,21 euros à titre d'indemnité relative a la rémunération du salarié protégé,

* 40.000 euros à titre d'indemnité pour perte de salaires.

En tout état de cause,

- condamner la SAS NEUILLY LA POINTE à remettre à Madame [J] les documents suivants, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, à compter du prononcé de la décision à intervenir :

* Bulletins de paie,

* Certificat de travail,

* Attestation Pole emploi.

Les sommes mises à la charge de la société NEUILLY LA POINTE porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes,

- la capitalisation des intérêts,

- la condamnation de la société NEUlLLY LA POINTE à payer à Madame [J] la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procedure civile, ainsi

qu'aux entiers dépens.

LA SAS NEUILLY LA POINTE (SUPER U), intimée, conclut à :

- la confirmation du jugement partielle,

- l'infirmation du jugement en ce qu'il a annulé les avertissements des 26 septembre 2011 et 23 avril 2013,

- Par conséquent, l'infirmation des condamnations suivantes doit être prononcée :

* 1.000 € au titre de dommages et intérêts pour les deux avertissements reçus,

* 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

En toute hypothèse,

- juger que Mme [J] n'est pas fondée en ses demandes,

- la condamner à 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens éventuels.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [J] , engagée par la société SAS NEUILLY LA POINTE à compter du 18 avril 2009 par contrat à temps partiel de 30 heures hebdomadaire, en qualité d'hôtesse de caisse ;ensuite elle a été affectée au poste d'employée commerciale niveau 2 ;

La moyenne de ses trois deniers mois de salaire est de 1.647,13 €.

Elle a été licenciée par lettre du 3 septembre 2014 pour inaptitude.

La convention collective applicable est celle du commerce de détail et de gros prédominance alimentaire.

Les parties ont développé à l'audience leurs moyens et demandes, tels que formulés dans leurs conclusions respectives auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé de leur prétentions et moyens.

SUR CE

Sur l'avertissement du 26 septembre 2011

Aux termes des articles L.1232-2 et R.1232-1 du Code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié doit le convoquer à un entretien préalable avant toute décision. Cette convocation s'effectue notamment par lettre recommandée avec accusé réception. L'entretien préalable doit avoir lieu au moins cinq jours ouvrables suivant la présentation de la lettre de convocation.

La lettre de convocation doit contenir les éléments suivants : l'objet, la date, l'heure et le lieu de l'entretien. Enfin, elle doit mentionner que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié.

En l'espèce, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable devant se dérouler le 26 septembre 2011, par lettre recommandée avec accusé réception datée du 14 septembre 2011. La lettre est rédigée comme suit :

' Nous devons vous informer que nous sommes amenés à envisager à votre égard une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave.

En application des dispositions des articles L.1232-2 et suivants du Code du travail (ancien article L.122-14 du Code du travail), nous vous prions de bien vouloir vous présenter au magasin Super U de NEUILLY SUR MARNE, le 26 septembre 2011 à 9 h30, pour un entretien sur cette éventuelle mesure.

Nous vous précisons que vous avez la possibilité de vous faire accompagner lors de cet entretien par un conseiller inscrit sur une liste départementale préétablie. Vous pouvez vous procurer cette liste aux adresses suivantes [..]'

Force est de constater que l'entreprise s'est contentée d'indiquer que Mme [J] pouvait se faire représenter seulement par un conseiller inscrit sur une liste électorale en occultant les autres possibilités; à savoir, personnel de l'entreprise ou conseiller du salarié. L'entreprise a privé Mme [J] de la possibilité de se faire assister par une personne travaillant dans l'entreprise et plus à même de comprendre le fonctionnement de ladite entreprise ; alors que l'entretien pouvait déboucher une procédure de licenciement et donc avoir une conséquence réelle sur le maintien de la salariée au sein de l'entreprise. Il en résulte que la procédure applicable est irrégulière quant à sa forme;

En outre c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a relevé que la lettre d'avertissement a été adressée le jour même de l'entretien préalable et que de ce chef la sanction est aussi irrégulière.

Cette irrégularité a nécessairement causé un préjudice à Mme [J] qui n'a pas bénéficié de toutes les informations pour préparer sa défense et a subi une sanction prise de manière trop rapide, la Cour confirme le jugement du Conseil des prud'hommes de BOBIGNY en ce qu'il a condamné l'entreprise à la somme de 500 € au titre de dommage et intérêts.

Sur l'avertissement du 23 avril 2013

Selon l'article L.1331-1 du Code du travail, une sanction est une mesure prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, il importe peu que cette mesure affecte dans l'immédiat ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

La lettre recommandée avec accusé réception du 23 avril 2013 portant l'objet 'avertissement' est ainsi rédigée :

' Nous avons eu à déplorer à nouveau votre agressivité et votre manque de respect caractérisé envers un cadre de l'entreprise ce samedi 20 avril vers 6h30.

Votre comportement est préjudiciable au bon fonctionnement du magasin.

Compte tenu du fait qu'il s'agit d'une réitération de votre part et ce malgré nos différentes recommandations à la retenue et à la courtoisie au sein de notre établissement, nous nous trouvons dans l'obligation de vous notifier un avertissement tel que prévu à l'échelle des sanctions de notre règlement intérieur.

Nous vous demandons de faire preuve de courtoisie et d'amabilité.'

La Cour à l'instar du conseil de prud'hommes constate que les griefs sont imprécis, ; en effet l'entreprise ne mentionne pas le nom de la personne qui se serait faite agressée par Mme [J]. L'entreprise verse au débat plusieurs témoignages de salariés qui parlent de l'attitude de Mme [J] envers plusieurs personnes, ce qui ne permet pas à la Cour de savoir si l'altercation citée dans la lettre est circonstanciée. Il s'en suit que la Cour ne pouvant pas vérifier si un manquement aux obligations professionnelles de Mme [J] est matérialisé, dès lors la Cour confirme le jugement du Conseil des prud'hommes en ce qu'il a annulé l'avertissement du 23 avril 2013 et condamné, par conséquent, l'entreprise à la somme de 500 € au titre des dommages et intérêts.

Sur la qualification professionnelle employé commercial niveau IV de la Convention collective

L'article 14 de l'annexe 1 de la Convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire stipule que les employés commerciaux de niveau 4 assurent les travaux comportant une part d'initiative et de responsabilité dans un magasin, un secteur de celui-ci ou de ses annexes. Selon le cas, il peut seconder un responsable de petit magasin ou un manageur de rayon. Il coordonne le travail de quelques employés. Enfin, il est à même de suppléer son supérieur hiérarchique en cas d'absence occasionnelle de celui-ci.

Par la lettre avec accusé réception datée du 9 septembre 2011, Mme [J] se plaint de ne pas avoir changé de qualification professionnelle alors qu'elle a occupé le poste de chef du rayon charcuterie depuis août 2010 en remplacement. Cette lettre est corroborée par deux attestations, celle d'un employé de l'entreprise et d'une personne qui n'est plus salariée. Toutefois, ces allégations ne sont appuyées ni sur des éléments matériels, tels que des bons de commande, ni sur des courriels qu'elle aurait pu échanger afin d'effectuer les formations de salariés affectés dans ce rayon.

Il s'en suit que la qualification d'employé commercial de niveau 4 ne peut être appliquée à Mme [J] ; la Cour confirme le jugement de première instance sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L.3171-4 du Code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisées par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En l'espèce, la présence des salariés est subordonnée à une obligation de pointage grâce à un badge nominatif. Mme [J] verse au débat ses feuilles de pointage du 22 août 2011 au 21 avril 2013, pour lesquelles, elle allègue avoir fait des heures supplémentaires ; au soutien de ses prétentions, l'appelante verse son agenda de 2013 dans lequel elle a retranscrit ses heures d'arrivées et de sortie. Mais la cour constate que l'agenda de Mme [J] comporte des décalages d'heures de travail effectué avec la feuille de badgeage, d'où il sen suit que l'agenda de Mme [J] ne peut servir de preuve pour deux des dates pour lesquelles elle réclame des heures supplémentaires, à savoir, les 28 février 2013 et 5 mars 2013. Ensuite, la Cour relève concernant la date du 3 mars 2013, que la feuille de pointage mentionne une deuxième arrivée de la salariée de 10h01 mais pas l'heure de sortie et surtout la salariée n'a pas précisé le calcul des heures supplémentaires qu'elle aurait effectuées. En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande de rappel de salaires.

Sur la discrimination syndicale

L'article L.1132-1 du Code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en matière de rémunération, d'affectation, de qualification ou de promotion professionnelle en raison de l'appartenance syndicale du salarié.

En application de l'article L.1134-1 du même code, le salarié doit apporter au débat des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à son encontre. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Mme [J] allègue avoir fait l'objet d'une discrimination syndicale, elle précise avoir adhéré à la CGT en 2011 et s'être vu refuser le poste de responsable du rayon charcuterie et avoir reçu un avertissement pour avoir osé demander un avenant à son contrat de travail. Elle souligne qu'elle n'a fait l'objet d'aucun avancement pendant l'exécution du contrat de travail.

Ces éléments laissent présumer une discrimination.

Mais de son coté l'employeur produit le registre du personnel (pièce 32) et la liste des salariés de même qualification d'employé commercial que Mme [J] (pièce 33) et rétorque que ces éléments montrent que les autres salariés n'ont pas eu non plus de promotion et sont restés au même salaire si bien qu'il n'y a pas eu de discrimination.

En effet les éléments produits sur la situation des autres employés commerciaux mettent en évidence que Mme [J] n'a pas subi de traitement de défaveur dans le déroulement de sa carrière, dès lors la discrimination n'est pas établie.

Sur l'allégation de harcèlement moral

En application de l'article L.1152-1 du code du travail «'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits e à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'»

En outre, il incombe à l'employeur de prendre toutes dispositions pour prévenir et empêcher les agissements de harcèlement moral.

En l'espèce, Mme [J] produit notamment un courrier du 3 octobre 2014 de l'inspecteur du travail (pièce 111) qui indique avoir rencontré Mme [J] à plusieurs reprises en 2013 lors de sa permanence et précise que les faits qu'elle a porté à sa connaissance laissent supposer qu'elle a été victime à plusieurs reprises d'agissements de ses responsables hiérarchiques ayant eu pour objet et pour effet de dégrader ses conditions de travail et de porter atteinte à sa santé et son intégrité physique et mentale. L'inspecteur ajoute que ces faits sont corroborés par les éléments de l'enquête effectuées par ses services au sein de l'établissement et les témoignages recueillis à cette occasion ; il précise avoir adressé un signalement au titre de l'article 40 du code de procédure pénale au Parquet de [Localité 2]; et souligne que les méthodes de gestion du personnel mises en oeuvre par la direction de l'établissement SUPER U de Neuilly sur Marne et l'attitude de certains responsables ou membres de la direction ont mis en évidence :

- le non-respect de l'employeur de ses obligations légales en matière de protection de la santé physique et mentale de ses salariés,

- des faits susceptibles de caractériser l'infraction de harcèlement moral.

S'agissant de ce document, la cour relève que contrairement à ce qu'affirme l'employeur il ne concerne pas seulement Mme [R] mais bien Mme [J] ; au demeurant l'inspection du travail dans le courrier du 23 septembre 2014 adressé à Mme [R] précisait que les faits dénoncés étaient susceptibles de caractériser le harcèlement moral à son encontre mais aussi à l'encontre d'autres salariés.

C'est vainement que l'employeur conclut de l'autorisation de licenciement délivrée ultérieurement sans réserve qu'il n'y a pas eu harcèlement alors que cette autorisation a été donnée dans le cadre de la procédure de licenciement suite à l'impossibilité de reclassement de Mme [J] du fait de sa maladie étant d'ailleurs observé que cette autorisation n'est pas produite par l'employeur.

Mme [J] verse encore plusieurs attestations de collègues témoignant avoir vu M. [K] et M. [H] «'crier et mal parler à Mme [J] [A]. Je l'ai vue partir plusieurs fois en pleurs. c'est humiliant devant les clients et même devant le personnel'» (pièce 84 attestation de Mme [R]), «'Monsieur [U] l'a plusieurs fois menacée de licenciement quand il trouvait des périmés que les employés de son rayon n'ont pas vu, il se retourne toujours contre elle . ET quand il y a l'arrivage M. [U] [F] n'a pas hésité chaque jour à la harceler surtout en lui mettant tous les produits par terre 'après un an que Mme [J] est désignée officiellement comme responsable,nous avons demandé à voir le directeur pour lui dire qu'il est temps de nous faire un avenant du contrat pour nous désigner officiellement comme responsable; M.[W] s'est mis en colère ensuite il a mis un avertissement à Mme [J] en prétextant qu'elle n'était pas venue pour l'inventaire du mois d'août 2011 Alors que c'était la seule journée de repose le mercredi et il l'a obligée à changer de rayon et a demandé à M. [S] [K] de lui faire la misère jusque'à ce qu'elle quitte le magasin; M. [V] lui parle à ses employés comme des chiens et des bons à rien'» (pièce 87 attestation de Mme [I]). M. [L] (pièce 85) atteste aussi de ce qu'à la suite de la demande d'avenant formée par Mme [J], M. [P] [W] l'a convoquée et lui a mis un avertissement.

La cour observe encore que le compte-rendu de l'entretien du 26 septembre 2011 entre Mme [J] et M. [W] (pièce18) témoigne du comportement inapproprié et coléreux de ce dernier.

Par ailleurs le fait pour une salariée de recevoir des avertissements infondés contribue nécessairement à la dégradation de ses conditions de travail.

Enfin la lecture du compte-rendu de réunion de la DUP du 21 mai 2013 (pièce 89) met en évidence une importante dégradation du dialogue au sein du super U et le fait que les dirigeants de l'entreprise et du magasin n'ont pas empêché les agressions verbales envers Mme [J] et Mme [R] alors que celles-ci étaient présentes.

Au vu de ces éléments répétés et concordants, la cour constate que Mme [J] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Au vu des justificatifs produits et de l'ampleur du préjudice subi par Mme [J] : nombreux arrêts maladie pour anxiété et syndrome dépressif lié à une souffrance au travail (pièces20,22,71,36,73,74,7(,76,77,78,81,82), la cour estime que la réparation due à Mme [J] s'élève à 20.000 €, somme à laquelle est condamnée la société SAS NEUILLY LA POINTE.

Sur l'allégation de mauvaise exécution du contrat de travail

Mme [J] sollicite la somme de 10.000 € de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat par son employeur mais le présent arrêt l'indemnise du préjudice découlant des avertissements annulés et la cour observe qu'elle ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui lié au harcèlement moral dont elle a fait l'objet lequel est aussi indemnisé par cet arrêt, dès lors il convient de la débouter de cette demande.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la demande de résiliation judiciaire

Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes le 5 juin 2013 de divers chefs de demandes dont celle de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

cette demande étant intervenue avant le licenciement dont elle a fait l'objet le 3 septembre 2014, il y lieu de statuer d'abord sur cette demande et ce n'est que si elle est infondée qu'il conviendra de statuer sur le licenciement.

Le fait que Mme [J] a subi un harcèlement moral ayant entraîné pour elle des arrêts maladie successifs et finalement une inaptitude médicale à tous postes au sein de l'entreprise (pièces 25, 26 de l'employeur), constitue un motif suffisamment grave pour justifier la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Il convient donc de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [J] aux torts exclusifs de son employeur.

Sur les conséquences de la résiliation judiciaire

La résiliation judiciaire étant fondée sur les torts exclusifs de l'employeur et pour des faits de harcèlement moral, elle emporte les conséquences d'un licenciement nul, par application de l'article L.1152-3 du Code du travail.

Mme [J] ayant une ancienneté supérieure à deux ans, il doit être fait droit à la demande de complément d'indemnité compensatrice de préavis de 427,98 € outre 42,80 € de congés payés afférents ;

Mme [J] forme une demande d'indemnité relative à la rémunération du salarié protégé jusqu'à la fin de son mandat faisant savoir que son mandat se terminait en février 2015 que dès lors par application de l'article L.2411-3 du Code du travail elle devrait percevoir sa rémunération jusqu'en février 2016.

Mais cette disposition qui vise les cas de licenciement non autorisé par l'inspecteur du travail ne saurait recevoir application dans cette espèce portant sur une demande de résiliation judiciaire et où l'inspection du travail a donné son autorisation pour le licenciement pour inaptitude et où il n'est pas allégué que cette autorisation ait fait l'objet d'un recours. Cette demande doit donc être rejetée.

Mme [J] forme une demande d'indemnité de 40.000 € pour licenciement nul ; elle fait valoir que la rupture de son contrat a des conséquences particulièrement graves pour elle ; au vu de son âge de 41 ans, de son ancienneté de plus de 5 ans, de ses difficultés à retrouver un emploi en particulier du fait de la dégradation de sa santé mentale et physique, il convient de lui allouer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour perte d'emploi à hauteur de 30.000 €.

Mme [J] sollicite la somme de 229,42 € au titre du complément de l'indemnité légale de licenciement faisant valoir qu'en application de la convention collective, il faut tenir compte de la période de préavis pour calculer le montant de l'indemnité ce que l'employeur n'a pas fait. Sa demande est justifiée et le calcul de la somme n'est pas discuté, il y est donc fait droit.

De même convient il de faire droit à la demande formée au titre du DIF à hauteur de 1.644,13 € et à la demande de remise des documents de fin de contrat sans qu'il ne soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société NEUILLY LA POINTE succombant en la présente instance, elle est déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles, les dispositions prises par les juges de première instance au titre des frais irrépétibles et des dépens sont confirmées, la société est condamnée aux dépens d'appel et à la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de [Localité 2] du 7 octobre 2014 en ce qu'il a :

- annulé les avertissements du 26 septembre 2011 et du 23 avril 2013,

- condamné la société SAS NEUILLY LA POINTE à verser à Mme [J] [A] la somme de 1.000 € de dommages et intérêts pour les deux avertissements reçus, et celle de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- rejeté les demandes de Mme [J] au titre de la qualification d'employée commerciale de niveau 4, des heures supplémentaires, de la discrimination syndicale,

- débouté la SAS NEUILLY LA POINTE de sa demande reconventionnelle

- condamné la SAS NEUILLY LA POINTE aux dépens,

L'infirme pour le surplus ,

Juge que Mme [A] [O] épouse [J] a fait l'objet d'un harcèlement moral,

Prononce la résiliation de son contrat de travail aux torts exclusif de la SAS NEUILLY LA POINTE,

Condamne la SAS NEUILLY LA POINTE à lui verser les sommes suivantes :

- 20.000 € de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

- 30.000 € de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 1.644,13 € au titre du DIF,

- 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de cet arrêt,

- 427,98 € à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

- 42,80 € au titre des congés payés afférents,

- 229,42 € à titre de complément d'indemnité de licenciement,

Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation,

Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

Condamne la SAS NEUILLY LA POINTE à remettre à Mme [A] [O] épouse [J] les documents suivants, conformes au présent arrêt :

- Bulletins de paie,

- Certificat de travail,

- Attestation Pole emploi,

Rejette toute autre demande,

Condamne la SAS NEUILLY LA POINTE aux entiers dépens.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 15/03648
Date de la décision : 27/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°15/03648 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-27;15.03648 ?
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