RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 27 Novembre 2015
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/10523
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 11/07686
APPELANT
Monsieur [J] [W] né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Roger KOSKAS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0137
INTIMEE
ROTHSCHILD HDF INVESTMENT SOLUTIONS venant aux droits de HDF FINANCE N° SIRET : 337 744 577
[Adresse 2]
représentée par Me Zora VILLALARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Valérie AMAND, Conseillère faisant fonction de Présidente
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseillère
Madame Anne LACQUEMANT, Conseillère
Qui en ont délibéré
Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Valérie AMAND, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [J] [W] né en [Date naissance 1] 1964 a été engagé par la Société HDF FINANCE en qualité de Directeur de Gestion Adjoint à compter du 19 septembre 2005, par contrat à durée indéterminée, pour une rémunération de base fixe annuelle brute de 100.000 euros, augmentée à 125. 000 euros en 2007, étant précisé que le salarié «'pourra percevoir une rémunération variable dont le montant sera fonction de sa contribution aux performances des OPCVM gérés par la société. Ce montant sera laissé à la discrétion de la direction de la société.'»
En dernier lieu, la rémunération mensuelle moyenne de Monsieur [W] s'élevait à 22.916, 67 euros.
Après convocation le 4 janvier 2011 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 14 janvier 2011, Monsieur [W] s'est vu notifié son licenciement par courrier en date du 18 janvier 2011 et dispensé du préavis de trois mois expiré au 21 avril 2011.
La lettre de licenciement fixe le motif du licenciement dans les termes suivants :
«'Je vous précise que votre licenciement, ainsi que je vous l'ai exposé au cours de notre entretien, se justifie par les motifs suivants :
non-respect par vous d'une directive expresse (en l'espèce, mon instruction du 23 novembre 2010 réitéré à plusieurs reprises par la suite à l'oral et à l'écrit, que vous cessiez de travailler à votre projet de rachat de l'entreprise) ; et
manquement à votre obligation de loyauté (constitué par les pressions que vous avez exercées à mon égard, en compagnie de plusieurs de vos collègues, pour que HDF Group Sas cède les actions qu'elle détient dans HDF Finance à une société d'investissement à qui vous aviez transmis des informations internes pour effectuer une offre d'achat).
Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien n'ont pas permis de modifier cette appréciation des faits.
En effet lorsque j'ai appris le 23 novembre dernier que vous et plusieurs de vos collègues travaillaient à un projet visant à racheter les parts détenues par HDF Group SAS dans HDF Finance S.A., je vous ai convoqué et, lors de cet entretien, je vous ai dit (a) qu'HDF Group n'avait aucunement l'intention de céder ses actions dans HDF Finance à qui que ce soit, et (b) que je vous donnais l'instruction de cesser immédiatement de travailler à ce projet et de vous remettre au travail. Malgré cette instruction claire, vous avez continué à travailler à ce projet, comme vous me l'avez dit vous-même lors de notre long entretien téléphonique du 6 décembre 2010 à ce sujet, au cours duquel je vous ai d'ailleurs répété mon instruction. J'ai donc dû réitérer mes instructions, par écrit cette fois, par e-mail du 7 décembre 2010. Vous avez passé outre cette instruction et êtes revenu me voir le 9 décembre 2010, en compagnie de plusieurs de vos collègues, pour me parler à nouveau de ce projet. Lors de cet entretien, j'ai réitéré ma réponse négative et mon instruction que vous cessiez immédiatement de travailler à ce projet. J'ai également demandé à rencontrer un représentant de la société d'investissement qui vous aidait à monter ce projet, [Q] & Associés, pour pouvoir lui faire savoir mon refus de vive voix. J'ai donc rencontré [N] [Q] le 10 décembre 2010 et ai pu constater qu'il avait entre les mains des informations purement internes qu'il avait utilisées en support de son offre d'achat. J'ai clairement exprimé mon refus à M. [Q] lors de cet entretien. J'ai également réitéré ma réponse lors de la réunion du Comité Exécutif du 17 décembre, à laquelle vous avez assisté. Parallèlement, la plupart des autres collaborateurs de l'entreprise semblaient avoir été mis au courant de votre projet et certains m'ont rapporté votre insistance à le mettre en avant.
Ces faits m'ont amenée à vous envoyer, le 4 janvier 2011, une convocation à entretien préalable de licenciement. Lors de cet entretien du 14 janvier 2011, vous m'avez indiqué n'avoir pas compris ma réponse négative et mon instruction que vous cessiez de travailler à ce projet.
Devant la multiplicité des occasions auxquelles je vous les ai répétées, aussi bien à l'oral qu'à l'écrit, et devant témoins, je ne peux que considérer que vous faites preuve de mauvaise foi en la matière. Vous m'avez dit également, lors de cet entretien, ne pas comprendre « comment on en est arrivé là ».
Je considère que mes multiples avertissements étaient de nature à vous alerter sur la situation. Enfin, vous m'avez dit, lors de cet entretien, avoir toujours « travaillé à fond et 'uvré dans les intérêts de l'entreprise » mais je considère que, si cela avait été le cas, vous auriez respecté les directives et cessé de faire pressions sur moi pour qu'HDF Group cède ses parts dans HDF Finance. »
Contestant son licenciement par lettre circonstanciée en date du 28 janvier 2011, il a saisi le'20 mai 2011 le conseil de prud'hommes de Paris pour voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir d'une part des dommages intérêts à ce titre outre diverses sommes au titre de la privation du bénéfice du plan d'actions gratuites et de prime de fin d'année ( 2010).
Par jugement en date du 29 juin 2012, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes, l'a condamné aux dépens et a rejeté la demande reconventionnelle de la société.
Monsieur [J] [W] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions visées par le greffe en date du 24 septembre 2015 le salarié demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la SA HDF FINANCE à payer, outre les dépens, les sommes suivantes':
- 275.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 383.373,25 euros à titre de dommages intérêts pour exclusion abusive des actions attribuées au titre du plan d'attribution gratuite d'actions
- 187.500 euros à titre de dommages intérêts pour non versement de la prime annuelle au titre de l'année 2010.
- 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées par le greffe en date du 24 septembre 2015, la société ROTHSCHILD HDF INVESTMENT SOLUTION venant aux droits de la SA HDF FINANCE demande à la cour, à titre liminaire de déclarer irrecevables les sommations de communiquer relatives à la lettre d'embauche de Monsieur [N] en date du 24 juin 2009, la prétendue transaction signée par ce dernier le 7 avril 2010, la lettre d'embauche de Monsieur [X] en date du 1er juillet 2010, les échanges de courrier entre Monsieur [I], consultant puis directeur général de la société HDF et la société HDF, le prétendu protocole de départ de Monsieur [G] en date du 15 décembre 2010, les comptes 64 et 69 détaillés de la société en 2010 et 2011, les primes individuelles versées à chaque salarié.
La société intimée demande à la cour à titre principal de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter le salarié de toutes ses demandes et à titre subsidiaire d'ordonner la constitution d'une garantie auprès de la caisse des dépôts et consignations et de dire que les demandes de dommages et intérêts éventuellement alloués s'entendent de sommes brutes avant CSG et CRDS ; la société intimée demande la condamnation de l'appelant à 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
À l'audience des débats les parties ont soutenu oralement les conclusions susvisées auxquelles la cour fait expressément référence pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
MOTIVATION
Sur le bien-fondé du licenciement
La cour observe les faits constants suivants':
La SA HDF FINANCE est une société de gestion indépendante spécialisée dans le domaine de la multi-gestion créée en 1986 par Monsieur [Z] [Y], détenue majoritairement par une holding familiale la société HDF Group Sas.
A la suite du décès en août 2009 de Monsieur [Z] [Y], sa veuve Madame [W] [Y] est devenue usufruitière de la société et contrôlait 75% de la Holding HDF GROUP.
Au 29 septembre 2009 la nouvelle gouvernance de cette société était assurée de la manière suivante':
le Directoire était composé de [W] [Y], [O] [G], [O] [A], [R] [H] et [Z] [N], ce dernier ayant été recruté dès le 24 juin 2009 pour être le directeur général de la société, et ayant vocation à être en outre Vice-Président puis Président du Directoire.
Le 26 mars 2010, le conseil de surveillance composé des actionnaires a révoqué ad litum le mandat social détenu par [Z] [N], en sorte que le directoire n'était plus composé le 11 août 2010 que des quatre personnes suivantes': [W] [Y], présidente du directoire, M.[O] [G], directeur général et membre du directoire, [O] [A], directeur général et membre du directoire, M. [R] [H] directeur général et membre du directoire ; Mr [X] a remplacé M. [N] en qualité de Directeur général de la SA HDF FINANCE à compter du 1er juillet 2010, puis a donné sa démission le 5 octobre 2010.
Sans qu'il soit nécessaire d'examiner dans le détail les raisons de ces mouvements dans la gouvernance de la SA HDF FINANCE, il convient de retenir à ce stade que la disparition de son fondateur a suscité diverses interrogations en interne quant à l'avenir de la société et à son contrôle.
C'est dans ce contexte qu'est intervenu le licenciement de Monsieur [J] [W] et de trois autres de ses collègues, MM. [V] [C], [R] [U], et [T] [P] auxquels Madame [W] [Y], devenue dirigeante de la société reproche':
- d'avoir refusé de suivre son instruction réitérée de cesser de travailler sur le projet de rachat de la société HDF par ces derniers, la dirigeante ayant indiqué ne pas vouloir céder ses actions dans HDF
- d'avoir manqué à l'obligation de loyauté en communiquant à un tiers investisseur, la société [Q] des éléments confidentiels sur la SA HDF FINANCE et exercé des pressions morales.
S'agissant du premier grief tel que formulé dans la lettre de licenciement intégralement reproduite, la cour retient que si Madame [Y] affirme qu'elle n'aurait été informée que le 23 novembre 2010 du projet de LBO (Leverage Buy Out- opération consistant à racheter une entreprise par ses salariés), cette assertion est contredite par les éléments versés aux débats.
Il ressort en effet clairement d'un échange de courriels le 14 octobre entre Madame [Y] et Monsieur [O] [A], détenteur de 5% du capital de la société, membre du directoire de la société et directeur général selon K bis du 11 août 2010, supérieur hiérarchique direct de Monsieur [J] [W] ainsi que cela est expressément mentionné dans son contrat de travail que dans le cadre du devenir de la société ( objet du courriel HDF 2013),
Mme [Y] qui s'inquiétait de la position de M. [A] et de son rôle dans les diverses démissions effectives ou envisagées et sur les difficultés de la société indiquait': «''enfin nos perf se sont moins bien redressées que notre peer group en septembre et, pour la première année, nous sommes en dessous des indices sur tous nos fonds.
Dans ce contexte de climat archi politique de HDF qui nuit à l'avenir d'HDF, mes priorités vont devenir le changement d'actionnariat rapide avant tout autre chose.
J'arrête tous les autres sujets et vous me forcez à me mettre en quête d'un actionnaire à 100%. Voulez-vous faire un LBO sur la base d'une valo faite par [X] [Z]'''»
Au vu de cette demande expresse, et alors que M. [A] répond à Mme [Y] «'l'esprit qui m'anime est uniquement orienté vers la recherche d'une solution pérenne pour HDF, dans l'intérêt du tryptique historique d'HDF': ses clients, son staff et ses actionnaires''», il apparaît tout à fait compréhensible que Monsieur [J] [W] ait été conduit avec ses trois autres collègues à travailler sur un projet de rachat de l'entreprise (LBO), une hypothèse de changement d'actionnariat envisagée par Mme [Y] elle-même.
Sans doute M. [A] atteste-t-il près deux ans après le licenciement de l'appelant ne pas lui avoir un tel ordre'; mais d'une part, son lien de subordination avec la SA ROTHSCHILD HDF INVESTMENTS SOLUTIONS venant aux droits de la société HFD FINANCE et sa position d'actionnaire membre du directoire rendent son attestation peu crédible; en outre son affirmation reste peu convaincante, dès lors que M. [A] a également été convoqué pour un entretien préalable à un éventuel licenciement pour avoir précisément travaillé et fait travailler sur ce rachat dont l'étude a été confiée à ses collaborateurs directs dont l'appelant.
La société qui prétend que le 23 novembre 2010, Monsieur [J] [W] et ses trois autres collègues auraient été convoqués à un entretien pendant lequel Madame [Y] leur aurait interdit de poursuivre le projet de rachat des parts de la Société ne le démontre pas en ne fournissant aucun élément à l'appui de son affirmation.
Le rappel à l'ordre téléphonique en date du 6 décembre 2010 n'est pas davantage corroboré par un quelconque élément de preuve.
La seule instruction claire donnée au salarié de cesser de travailler sur ce projet de rachat date en réalité du courriel du 7 décembre 2010, aux termes duquel Madame [Y] demande au salarié :
« Je vous remercie de vous concentrer sur votre travail, de cesser toutes les discussions avec la Société de LBO puisque je ne souhaite pas vendre ».
Le jour même et non le 9 décembre 2010 comme il est prétendu dans la lettre de licenciement, Madame [Y] sollicite Monsieur [W] pour qu'il organise une réunion avec la Société de LBO dans les termes suivants :
« Merci de m'envoyer la société de LBO au plus vite de façon à ce que cela cesse ».
Cette directive a bien été respectée puisque le 10 décembre 2010, Madame [Y] recevait le cabinet [Q] et Associés.
Ainsi la Société HDF Finance n'apporte aucune preuve que le salarié aurait reçu l'ordre avant le 7 décembre 2010 de cesser de travailler au projet de rachat de l'entreprise envisagé dans un premier temps par la direction, projet dont M. [A] était responsable en tant que directeur général, membre du directoire et préparé par Monsieur [J] [W], un de ses adjoints et ses collègues.
Certes lors du comité exécutif du 17 décembre 2010 auquel participait M. [A], Mme [Y] indiquait «' je rappelle qu'une proposition de LBO m'a été soumise. J'ai fait savoir que je n'acceptais pas ce projet. Néanmoins j'entends que beaucoup de membres du personnel de la société ont été mis au courant de ce projet.
Je demande à chacun d'entre vous de veiller à ce que ces rumeurs cessent en faisant savoir à vos équipes que ce projet n'est aucunement à l'ordre du jour.'»
Il ne s'en déduit cependant nullement que Monsieur [J] [W] spécifiquement ait contrevenu à son instruction du 7décembre 2010, mais montre au contraire qu'il appartenait notamment à M. [A] , directeur général, de donner toute consigne utile à son équipe pour relayer le choix devenu clair de la part de la présidente du directoire de ne pas donner suite au projet de LBO envisagé initialement.
En toute hypothèse, la société ne démontre qu'après l'instruction écrite formelle du 7 décembre 2010, l'appelant ne s'y serait pas conformé en sorte que l'insubordination reprochée n'est pas avérée.
Les attestations établies plus d'un an après les faits par Monsieur [D] et par Monsieur [A] [Y] manquent de force probante dès lors que le premier est administrateur et consultant de la société HDF Finance, et que second est administrateur, actionnaire de la société et beau-fils de Madame [Y] et partagent donc avec la société une communauté d'intérêts.
En outre, la rencontre alléguée en date du 9 décembre 2010 avec [W] [Y] au cours de laquelle Monsieur [J] [W] accompagné de M. [A] et d'autres collègues aurait à nouveau parlé de ce projet de LBO ne suffit pas à établir que Monsieur [J] [W] continuait à travailler à ce projet'; de même la teneur de l'entretien avec M. [Q] n'étant pas rapportée par celui-ci, il n'est pas suffisamment établi que Monsieur [J] [W] aurait de manière réitérée refusé de se conformer à la directive de Mme [Y].
Par suite, il est retenu que la preuve de la réalité du premier grief n'est pas suffisamment rapportée.
S'agissant du second grief relatif au manquement à l'obligation de loyauté par transmission d'éléments confidentiels à un tiers investisseur et par l'exercice de pressions sur Madame [W] [Y], il convient d'observer en premier lieu que le reproche collectivement fait à Monsieur [J] [W] et ses trois collègues sans que l'imputabilité spécifique à Monsieur [J] [W] ne soit établie ni même alléguée rend le grief peu sérieux.
En outre, le grief n'est pas suffisamment précis ni matériellement vérifiable, la lettre de licenciement n'indiquant pas quels documents confidentiels auraient été transmis ni à quelle date, ni de quelle manière. Il n'est corroboré par aucun élément objectif, pas même par M. [Q] détenteur de ces documents selon la société intimée.
Au surplus, dans la mesure où le meneur du projet était M. [A] directeur général, membre du directoire, il ne peut être reproché spécifiquement à Monsieur [J] [W] d'avoir transmis des documents utiles à l'étude du projet de LBO initialement demandé par Mme [Y] et mis en 'uvre par M. [A] et son équipe.
Dans ces conditions et alors qu'il n'est pas contesté que M. [A] auquel devait répondre Monsieur [J] [W] son adjoint n'a pas été licencié malgré un début de procédure et est resté directeur général de la société dont il est actionnaire, la cour retient que les griefs reprochés à Monsieur [J] [W] ne sont pas avérés et ne pouvaient justifier son licenciement.
L'ensemble de ces éléments conduit la cour à retenir par infirmation du jugement que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse; il n'est dès lors pas nécessaire de répondre au moyen surabondant tiré de la cause économique du licenciement, véritable motif de la rupture selon le salarié ; ce dernier doit également être débouté de sa demande de production en justice de différents documents concernant l'embauche et le départ de M. [N], l'embauche de M. [X], le départ de M. [G], les comptes de la société, ces documents n'étant pas utiles à la solution du litige.
Eu égard à son ancienneté (plus de 5 ans), à son âge (47 ans) et à sa situation professionnelle dont il est justifié (pas de période de chômage et nouvel emploi effectif à compter du 2 mai 2011 avec une rémunération annuelle de 140'000 euros fixe , soit de 20% plus importante à celle reçue chez la SA HDF FINANCE), son préjudice notamment moral lié à l'éviction abusive d'un collaborateur particulièrement investi dans ses fonctions et régulièrement récompensé pour la qualité de son travail sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 206.250, 03 euros (9 mois) en application de l'article L.1235-3 du code du travail.
Le salarié est débouté du surplus de sa demande faute de justifier de l'ampleur du dommage à la hauteur de l'indemnité qu'il sollicite.
La SA ROTHSCHILD HDF INVESTMENTS SOLUTIONS venant aux droits de la société HFD FINANCE est condamnée à payer à Monsieur [J] [W] la somme de 206.205, 03 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. S'agissant de dommages intérêts, la somme allouée s'entend d'une somme nette non soumise à CSG-CRDS.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la privation injustifiée du bénéfice du plan d'attribution gratuite d'actions
Selon le règlement du plan d'attribution d'actions gratuites signé le 15 décembre 2009, le salarié s'est vu attribuer 16.472 actions à cette même date.
Si l'article 5 de ce règlement prévoit que «'' le bénéficiaire ne pourra acquérir les actions gratuites qui lui ont été attribuées que s'il exerce toujours ses fonctions de directeur salarié de la SA HDF FINANCE à l'issue de la période d'acquisition'», et l'article 8 que «' après la période d'acquisition de deux ans, le bénéficiaire s'engage à conserver les titres pendant une période de deux ans. Pendant cette période les actions gratuites sont acquises par le bénéficiaire mais sont incessibles et insaisissables''», l'article 7 indique 'Les Actions gratuites deviendront la propriété du Bénéficiaire à l'issue d'un délai d'acquisition de 2 (deux) ans commençant à courir à compter de la date d'attribution et prenant fin le jour suivant celui du deuxième anniversaire de cette date d'attribution (ce qui correspond à la Date d'acquisition)'.
Il résulte de ces éléments que les actions attribuées devenaient de plein droit par l'effet de la clause la propriété le 15 décembre 2011, soit deux ans après leur attribution.
En licenciant sans cause réelle et sérieuse le salarié avant cette date, l'employeur a privé ce dernier du droit accordé dès le 15 décembre 2009 d'être propriétaire gratuitement des actions attribuées, et l'a ainsi privé indûment de l'avantage financier contractuel que constituaient ces actions.
Cette privation a nécessairement causé un préjudice au salarié ; ce dernier fixe à 383.373,25 euros le montant du préjudice sur la base d'une valeur de l'action au 15 décembre 2011 à la somme de 23, 27 euros selon tableau fourni ( pièce 32 du salarié) non discutée par l'employeur ; contrairement à ce qu'indique l'employeur ce préjudice est avéré et certain et n'est pas sérieusement discuté par l'employeur qui ne produit pas de valeur moindre de l'action de nature à réduire le préjudice allégué.
Par suite, la SA HDF FINANCE est condamnée à payer à Monsieur [J] [W] la somme de 383.373,25 euros à titre de dommages intérêts pour exclusion abusive des actions attribuées au titre du plan d'attribution gratuite d'actions.
S'agissant de dommages intérêts, la somme allouée s'entend d'une somme nette non soumises à CSG-CRDS.
Sur la demande relative à la prime annuelle
Le contrat prévoit expressément que le salarié ''pourra percevoir une rémunération variable dont le montant sera fonction de sa contribution aux performances des OPCVM gérés par la société. Ce montant sera laissé à la discrétion de la direction de la société.'
Le salarié établit qu'il a perçu au titre de la prime variable la somme de 15.000 euros au titre de l'année 2005, 100.000 euros au titre de l'année 2006, 200.000 euros pour l'année 2007, 100.000 euros pour l'année 2008, 150.000 euros pour l'année 2009.
Contrairement à ce qu'affirme la SA HDF FINANCE, cette clause ne subordonne nullement le versement de cette prime à la présence du salarié au mois de mars de l'année de versement, cette mention ne figurant pas au contrat et la prime variable au titre de l'année 2009 ayant été versée pour partie en mars 2010 et pour partie en décembre 2010.
Le principe de la prime variable étant contractualisé et seul son montant étant laissé à la discrétion de la SA HDF FINANCE, le salarié est fondé à réclamer des dommages intérêts pour avoir été privé indûment par l'effet du licenciement sans cause réelle et sérieuse du bénéfice d'une prime variable contractuellement due'; s'agissant du montant réclamé, l'employeur qui n'a pas fourni aux débats malgré la sommation de communiquer formulée par l'appelant le montant des primes variables effectivement allouées à l'ensemble des salariés en 2010 et ne fournit aucun élément démontrant que pendant l'année 2010 le salarié n'aurait pas contribué aux performances des OPCVM ne peut se prévaloir de sa propre carence et se borner à conclure qu'aucune somme ne serait due à l'appelant; à cet égard, et sans qu'il soit besoin d'ordonner en justice la production par l'employeur des primes individuelles versées aux salariés maintenus dans l'entreprise, la cour a les éléments pour apprécier le préjudice généré par la perte de la rémunération variable récompensant la contribution du salarié pendant l'année 2010 aux performances de la société'; en effet le salarié dernier démontre- et ce n'est pas contesté par l'employeur- qu'un montant de l'ordre 150.000 euros en moyenne a été réglé chaque année depuis 5 ans à ce salarié dont il n'est pas démontré ni même allégué qu'il n'a pas contribué aux performances de la société pendant l'année 2010'; par suite, la cour retient que le salarié est fondé à réclamer une rémunération variable de l'ordre de de 150.000 euros au titre de l'année 2010'; en revanche la majoration de 25% des primes variables à verser en 2010 est écartée faute pour l'appelant de démontrer cette hausse systématique de 25 % en 2010.
En définitive, la société ROTSCHILD HDF INVESTMENT SOLUTIONS venant aux droits de la SA HDF FINANCE est condamnée à payer à Monsieur [J] [W] la somme de 150.000 euros à titre de dommages intérêts pour privation indue de prime annuelle au titre de l'année 2010.
Les sommes allouées ayant la nature de dommages intérêts, elles sont entendues comme des montants nets non soumis à la CRDS et CSG.
Sur les autres demandes
La société qui sollicite la constitution d'une garantie auprès de la caisse des dépôts et consignations ne démontre pas la nécessité de cette mesure, compte tenu de la surface financière de la société Rotschild HDF Investment Solutions et des revenus actuels du salarié qui sont d'une importance suffisante pour garantir la restitution éventuelle des sommes allouées en cas de recours judiciaire.
La SA ROTHSCHILD HDF INVESTMENTS SOLUTIONS venant aux droits de la société HFD FINANCE succombant en toutes ses demandes, le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné l'appelant aux dépens de première instance'et la SA ROTHSCHILD HDF INVESTMENTS SOLUTIONS venant aux droits de la société HFD FINANCE est condamnée aux entiers dépens (de première instance et d'appel)'; il convient également de condamner l'employeur à payer à Monsieur [J] [W] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de le débouter de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
Dit recevable mais mal fondée la demande de production en justice des différentes pièces sollicitées par Monsieur [J] [W],
Dit que le licenciement de Monsieur [J] [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société ROTSCHILD HDF INVESTMENT SOLUTIONS venant aux droits de la SA HDF FINANCE à payer à Monsieur [J] [W] les sommes suivantes :
- 206. 250, 03 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- 383.373,25 euros à titre de dommages intérêts pour privation indue du bénéfice des actions gratuites attribuées
- 150.000 euros à titre de dommages intérêts pour privation indue de la prime annuelle au titre de l'année 2010
Déboute la SA ROTHSCHILD HDF INVESTMENTS SOLUTIONS venant aux droits de la société HFD FINANCE de sa demande de constitution de garantie et rappelle que toutes les sommes allouées à titre de dommages intérêts sont des sommes nettes non soumises à CGS-CRDS,
Y ajoutant,
Condamne la société ROTSCHILD HDF INVESTMENT SOLUTIONS venant aux droits de la SA HDF FINANCE à payer à Monsieur [J] [W] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société ROTSCHILD HDF INVESTMENT SOLUTIONS venant aux droits de la SA HDF FINANCE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société ROTSCHILD HDF INVESTMENT SOLUTIONS venant aux droits de la SA HDF FINANCE aux entiers dépens.
Le Greffier,La Conseillère faisant fonction de présidente,