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26/11/2015 | FRANCE | N°13/11823

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 26 novembre 2015, 13/11823


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 26 Novembre 2015



(n° , pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11823



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Juin 2009 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 08-01404





APPELANT

Monsieur [F] [V]

né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 2] (Maroc)

[Adresse 3]

[Adress

e 3]

EMIRATS ARABES UNIS

représenté par Me Christophe BORE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 19





INTIMEE

CARMF - CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MEDECINS DE FRANCE

[Adresse 2]

[A...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 26 Novembre 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11823

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Juin 2009 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 08-01404

APPELANT

Monsieur [F] [V]

né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 2] (Maroc)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

EMIRATS ARABES UNIS

représenté par Me Christophe BORE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 19

INTIMEE

CARMF - CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MEDECINS DE FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par M. [Z] [Y] en vertu d'un pouvoir spécial

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 1]

[Adresse 1]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Laïla NOUBEL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Céline BRUN, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Après le décès du docteur [C] [D] le 21 décembre 1983, Monsieur [F] [V] son époux a perçu de la Caisse Autonome des médecins de France (la CARMF) une rente temporaire, puis à compter du 1er octobre 2000 où il a atteint l'âge de 60 ans, une pension de réversion du régime complémentaire de vieillesse.

L'intéressé, ayant atteint l'âge de 65 ans, a adressé à la CARMF une lettre datée du 6 septembre 2005, relative à sa demande de pension de réversion de base dans laquelle il mentionnait qu'il avait « une conjointe de nationalité anglaise ». Ayant eu ensuite confirmation par la Caisse de sécurité sociale des français à l'étranger que l'intéressé s'était effectivement remarié en Angleterre le 2 août 1986 avec Mademoiselle [H] [N], la caisse a suspendu le paiement de la pension de réversion du régime complémentaire, et a envoyé le 5 juillet 2007 à Maître [Q], le conseil de Monsieur [V], une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception d'avoir à lui rembourser la somme de 154 694,70€ correspondant aux arrérages de rente temporaire puis de pension de réversion versés depuis le 2 août 1986.

En l'absence de règlement, la Caisse a saisi par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mars 2008 le TASS de Paris qui par jugement du 16 septembre 2013, a condamné avec exécution provisoire Monsieur [V] 'à rembourser à la CARMF la somme de cent cinquante mille six cent quatre vingt quatorze euros soixante dix centimes (5154698,70€)' et à lui payer 1200€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 9 décembre 2013, Monsieur [V] a fait appel de la décision.

La CARMF avait formulé le 25 novembre 2013 auprès du tribunal une requête en rectification d'erreur matérielle de la somme figurant au jugement. Le tribunal a néanmoins dans une décision du 22 septembre 2014 rectifié la décision rendue le 16 septembre 2013 en remplaçant la phrase 'condamne Monsieur [V] à rembourser à la CARMF la somme de Cent cinquante mille six cent quatre vingt quatorze euros soixante dix centimes (5154698,70€)' par la phrase 'condamne Monsieur [V] à rembourser à la CARMF la somme de Cent cinquante quatre mille six cent quatre vingt quatorze euros soixante dix centimes (154694,70€)'

Monsieur [V] a fait déposer et soutenir oralement des conclusions invitant la Cour à infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau:

- A titre principal, déclarer l'action en répétition de l'indu exercée par la CARMF prescrite par application de l'article L 355-3 du Code de la Sécurité sociale

- A titre subsidiaire, déclarer l'action en répétition de l'indu exercée par la CARMF mal fondée

- Débouter la CARMF de toutes ses demandes

Il demande conventionnellement à la Cour :

- de condamner la CARMF à lui verser les arrérages des allocations qui lui sont dues au titre du régime complémentaire d'assurance vieillesse et du régime des allocations supplémentaires de vieillesse, en sa qualité de conjoint survivant de Madame [C] [D] depuis le 1er juillet 2005 et à poursuivre ledit paiement

- enjoindre à la CARMF de procéder à l'examen du dossier de sa demande de pension de réversion au titre du régime de base, en sa qualité de conjoint survivant de Madame [C] [D], et ce à effet de son 65ème anniversaire, et à lui servir ladite pension de réversion de base si les conditions de ressources sont remplies

- de condamner la CARMF à lui payer une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Il soutient que l'action de la Caisse est prescrite puisque la prescription biennale de l'article L355-3 du code de la sécurité sociale est applicable en l'absence de fraude, dans la mesure où il ignorait qu'il avait l'obligation de déclarer son deuxième mariage célébré à l'étranger. Il prétend que la mise en demeure adressée à son avocat n'aurait pas interrompu ladite prescription, le fax qui lui a été envoyé en même temps ne pouvant avoir les effets d'une mise en demeure.

Il soutient qu'en outre ce deuxième mariage ne peut l'empêcher de toucher la pension de réversion puisque le conjoint survivant ne serait privé des droits acquis du fait du premier mariage que s'il bénéficie d'avantages du fait du deuxième conjoint et qu'en l'espèce son épouse anglaise n'a elle-même droit à aucune retraite.

La CARMF par l'intermédiaire de son conseil qui a déposé des écritures développées à l'audience, conclut :

- à la confirmation du jugement,

- au rejet de toutes les demandes de Monsieur [V] et à sa condamnation à lui payer la somme de 154694,70€ avec intérêts légaux et 1200€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la prescription biennale ne serait pas applicable en l'espèce en raison du comportement frauduleux de Monsieur [V] qui avait signé un engagement de signaler tout changement susceptible de modifier ses déclarations et à qui avaient été remis de nombreux documents précisant que le remariage faisait perdre les droits du conjoint survivant et qui a en outre eu un comportement démontrant qu'il cherchait à cacher sa situation.

Elle rappelle que la loi autorise les avocats à représenter leurs clients devant les administrations, qu'ainsi la mise en demeure adressée à Maître [Q] qui indiquait agir pour le compte de Monsieur [V] interrompait la prescription à l'égard de son client qui était en outre informé de cette mise en demeure par un fax.

Elle prétend que même en l'absence de pension de retraite du deuxième conjoint, aucune pension ne peut être versée du chef du premier en l'absence de décès du deuxième.

MOTIFS

- Sur la prescription de l'action de la CARMF

Monsieur [V] a indûment perçu des prestations du fait de sa qualité de conjoint survivant de sa première épouse à compter du 2 août 1986 date de son remariage.

Le délai de prescription de deux ans de l'action de l'organisme payeur en recouvrement de prestations indûment payées ne peut être écarté qu'au cas de preuve positive de manoeuvres frauduleuses ou de fausse déclaration de la part de la personne allocataire, destinées à obtenir un versement indu à son profit .

En l'espèce, ainsi que le TASS de Paris l'a très justement constaté dans sa décision, Monsieur [V] a commis une fraude en s'étant volontairement abstenu de ne pas déclarer son premier mariage.

La preuve de la mauvaise foi de l'intéressé et de la connaissance qu'il avait de son obligation de déclarer son mariage, même célébré en Angleterre, sont établies par de nombreux éléments du dossier et notamment ses propres déclarations:

- il indique que son mariage serait de pure forme et prétend n'avoir avec Madame [N] aucune communauté d'intérêts alors qu'ils ont un enfant ensemble

- il qualifie de « célébré dans l'urgence » le mariage en Angleterre de deux personnes vivant aux Emirats qui a dû nécessiter un certain nombre de démarches

- à la demande de la Caisse de produire les éléments sur son remariage (et non son mariage) , il a volontairement donné les éléments relatifs au premier mariage qu'il savait parfaitement connu de la CARMF.

- il a fait volontairement une fausse déclaration dans sa demande de retraite de réversion du 1er octobre 2000 en déclarant être 'marié en uniques noces: 3 enfants', alors qu'il a une nouvelle épouse et un quatrième enfant.

Monsieur [V] ne pouvait, alors qu'il avait reçu les imprimés relatifs aux conditions pour percevoir les allocations au titre de conjoint survivant prétendre ignorer l'obligation de déclarer son remariage. En effet tous les documents mentionnent cette obligation :

- le 'résumé des principales dispositions statutaires relatives au régime complémentaire d'assurance invalidité décès' joint à la notification d 'attribution de pension mentionne que 'le remariage du conjoint survivant fait perdre le droit à la rente',

- l'imprimé d'information de la CARMF relatif à la rente temporaire mentionne clairement que 'le remariage fait perdre tout droit à cette prestation '

- celui sur 'les pensions de réversion' précise à la case remariage: 'suspension du versement de la pension de réversion'.

Monsieur [V] avait en outre signé lors de sa première demande à la CARMF une obligation d'informer celle-ci de tout changement de situation dont un remariage fait évidemment partie, notamment parce que du fait du travail de son épouse ses revenus augmentaient.

Monsieur [V] n'a d'ailleurs jamais prétendu qu'il ignorait l'obligation de signaler un deuxième mariage, mais a indiqué qu'il pensait que le mariage célébré à l'étranger n'était pas valide en France, alors même qu'il l'avait invoqué devant d'autres administrations françaises notamment la Caisse des français de l'étranger, en reconnaissant ainsi la « validité' et les effets, afin d'obtenir des droits pour sa deuxième épouse qui n'avait plus de revenus et de protection sociale.

En raison de sa fraude, la prescription biennale pour réclamer les prestations indûment versées n'est pas applicable, mais c'est la prescription de droit commun qui s'applique à compter de la date de découverte de la fraude.

Le tribunal de Paris a retenu le jour de réception du courrier du 6 septembre 2005 dans lequel Monsieur [G] faisait allusion à un « conjoint anglais » comme point de départ de la prescription, même si la Caisse a du ensuite faire des démarches pour obtenir les actes d'état civil que l'intéressé refusait de produire.

Jusqu'à la loi 2008-561 du 17 juin 2008, la prescription pour les actions en répétition de l'indu de droit commun était de 30 ans et elle est passée à 5 ans, ce nouveau délai débutant en l'absence d'expiration de l'ancien, à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi soit le 18 juin 2008 et s'achevant donc le 18 juin 2013, la durée totale restant inférieure à 30 ans.

- Sur l'interruption de la prescription

Une réclamation adressée par une caisse à un allocataire à l'effet de lui demander le remboursement d'un trop perçu vaut commandement interruptif de la prescription au sens de l'article 2244 du Code civil dès lors qu'elle est parvenue au destinataire.

La preuve doit être rapportée que le débiteur a eu connaissance de cette invitation impérative qui lui a été adressée d'avoir à rembourser les sommes indûment perçues.

L'article 6 de la loi 71-1130 qui a réformé la profession d'avocat précise que ces derniers peuvent assister et représenter autrui devant les administrations publiques'. En l'espèce Maître [Q] avait écrit dans une lettre datée du 2 novembre2006 adressée à la CARMF: 'j'interviens auprès de vous dans l'intérêt de Monsieur [F] [V] . Je vous prie de me faire connaître votre position quant à la situation de Monsieur [V] qui vit actuellement à [Localité 1] aux Emirats Arabes Unis et qui se trouve confronté à un certain nombre de difficultés du fait de son éloignement'.

L'avocat se présentait donc dans cette lettre comme représentant Monsieur [V] et devant recevoir les courriers pour lui, et la mise en demeure qui lui a été adressée, dont un double a en outre été adressé par fax à Monsieur [V] a bien interrompu la prescription. Maître [Q] a immédiatement répondu le 12 juillet 2007 à cette mise en demeure sans remettre en cause le fait qu'elle représentait effectivement Monsieur [V] qu'elle présente comme 'mon client'.

En toute hypothèse, au moment de l'introduction de l'action le 24 décembre 2010, ou de la réception par l'avocat des demandes de la Caisse le 6 janvier 2011, la prescription n'était pas acquise.

- Sur les effets du remariage de Monsieur [V]

Depuis 2004, le conjoint survivant d'un assuré quel qu'il soit, peut percevoir la pension de base de réversion de son conjoint, à condition de remplir les conditions de ressources, même en cas de remariage.

En revanche le droit à toutes les autres pensions : rente temporaire et pension de réversion complémentaire est exclu en cas de remariage.

La décision du tribunal condamnant Monsieur [V] au remboursement des sommes perçues du 2 août 1986 au 2005 au 30 juin 1985 soit la somme de 154671,67€, sera donc confirmée.

La demande d'instruction de la demande d'examen de la demande de pension de base de réversion étant formulée pour la première fois en appel n'est pas recevable, n'ayant fait l'objet d'aucune décision de la commission de recours amiable ou du tribunal.

- Sur la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

La condamnation de Monsieur [V] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera fixée à 1.000 euros; succombant , il sera également condamné au paiement du droit d'appel .

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 16 septembre 2013 tel que rectifié par jugement du septembre 2014 en toutes ses dispositions.

Constate l'irrecevabilité de la demande de Monsieur [V] d'enjoindre à la Caisse d'instruire la demande de pension de base de réversion.

Condamne monsieur [V] à une indemnité de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelant qui succombe au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L241-3 du code de la sécurité sociale et condamne monsieur [V] au paiement de ce droit ainsi fixé à la somme de 317 € ( trois cent dix sept euros)

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 13/11823
Date de la décision : 26/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°13/11823 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-26;13.11823 ?
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