La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/11/2015 | FRANCE | N°15/18159

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 25 novembre 2015, 15/18159


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2015



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/18159



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Août 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/06239





APPELANT



Monsieur [D] [C], né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Loca

lité 1]



représenté et assisté par Me Jean-Marie MOYSE de la SCP MOYSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0274





INTIMES



Madame [B] [E], née le [Date naissance 1] 1968 à [Loca...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2015

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/18159

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Août 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/06239

APPELANT

Monsieur [D] [C], né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté et assisté par Me Jean-Marie MOYSE de la SCP MOYSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0274

INTIMES

Madame [B] [E], née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Monsieur [M] [J], né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentés et assistés par Me Hervé CABELI, avocat au barreau de PARIS, toque : W01

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique DOS REIS, Président, chargée du rapport

Madame Denise JAFFUEL, Conseiller

Madame Claudine ROYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Stéphanie JACQUET

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique DOS REIS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier présent lors du prononcé.

Mme [B] [E] et M. [M] [J] ont acquis, le 26 février 2013, un appartement sis au 4ème étage de l'immeuble en copropriété [Adresse 1]. Lors de leurs travaux de rénovation, ils ont découvert, encastrées sous un faux-plafond, des canalisations d'évacuation des eaux usées desservant une salle de bains de l'appartement de M. [D] [C], au 5ème étage de l'immeuble, qu'ils ont coupées et bouchées de leur propre initiative.

C'est dans ces conditions qu'ayant été condamnés par arrêt du 10 mars 2015 de cette Cour, rendu sur appel de l'ordonnance de référé du 2 octobre 2013, à rétablir les canalisations litigieuses sous astreinte de 300 € par jour de retard, Mme [B] [E] et M. [M] [J] ont assigné à jour fixe M. [D] [C], selon acte extra-judiciaire du 27 avril 2015 à l'effet de voir dire que la canalisation litigieuse était privative et que son rétablissement consacrerait une atteinte à leur droit de propriété, sollicitant, en outre, la condamnation de M. [D] [C] au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 28 août 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que la canalisation positionnée sous le plancher haut de l'appartement des consorts [E]-[J], perpendiculaire aux solives et poutres de plancher haut, constituait une partie privative appartenant au propriétaire du lot n° 18, en l'occurrence, M. [D] [C],

- débouté Mme [B] [E] et M. [M] [J] de leur demande de dommages-intérêts,

- débouté M. [D] [C] de ses demandes,

- condamné M. [D] [C] à payer à Mme [B] [E] et M. [M] [J] ensemble une somme de 6.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

M. [D] [C] a relevé appel de ce jugement dont il poursuit l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 19 octobre 2015, de :

- au visa des articles 545 et 1382 du code civil, dire que les canalisations supprimées sont des parties communes de l'immeuble comme étant extérieures à son appartement,

- débouter Mme [B] [E] et M. [M] [J] de leurs demandes,

- dire que Mme [B] [E] et M. [M] [J] ne pouvaient, sans commettre une voie de fait et sans violer le règlement de copropriété, couper et boucher les canalisations d'évacuation en l'absence de décision de justice les y autorisant,

- les condamner solidairement à rétablir l'usage des canalisations d'eau, coupées et bouchées au niveau du plancher haut séparatif de leur appartement d'avec le sien et à les remettre en leur état initial sous astreinte de 1.000 € par jour de retard passé quinze jours de la signification du présent arrêt jusqu'à exécution complète des travaux,

- les condamner au paiement des sommes de 150.000 € à titre de dommages-intérêts et de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.

Mme [B] [E] et M. [M] [J] prient la Cour, par dernières conclusions signifiées le 15 octobre 2015, de :

- au visa de l'article 122 du code de procédure civile, dire que M. [D] [C] est irrecevable en ses demandes pour s'être contredit à leur préjudice en soutenant de manière contradictoire que la canalisation litigieuse était privative (lors de l'instance en référé), puis commune (devant le juge du fond),

- subsidiairement, le dire mal fondé en son appel et le débouter de ses prétentions,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- condamner M. [D] [C] à leur payer une somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts,

- le condamner au paiement d'une amende civile,

- le condamner au paiement de la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.

CECI ETANT EXPOSE, LA COUR

Sur la fin de non-recevoir tirée du principe de l'Estoppel

Il est exact que M. [D] [C] a d'abord soutenu le caractère privatif des canalisations coupées evant le juge des référés avant d'exciper de leur caractère commun : toutefois la seule circonstance qu'une partie se contredise dans son argumentation n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir, dans la mesure où un changement de position en droit d'une partie dans le cours d'un procés doit être de nature à induire en erreur la partie adverse sur ses intentions, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que les hésitations de M. [D] [C] sur la qualification exacte des canalisations litigieuse ne font que refléter les difficultés d'interprétation du règlement de copropriété de l'immeuble et n'ont pu induire les intimés en erreur sur sa véritable intention de voir rétablir l'évacuation de eaux usées de sa salle de bains, étant ajouté que l'instance en référé fondée sur la sanction d'une voie de fait était distincte de celle engagée devant le juge du fond tendant à voir prioritairement déterminer la nature, commune ou privative, desdites canalisations ;

Les prétentions de M. [D] [C] seront donc jugées recevables ;

Sur la qualification des canalisations coupées

M. [D] [C] fait valoir que, selon le règlement de copropriété, n'ont un caractère privatif que les parties de canalisations affectées à l'usage exclusif de chaque copropriétaire et se trouvant à l'intérieur de ses parties privatives, à partir du droit de la soudure jusqu'au branchement particulier sur le robinet d'arrêt, que les canalisations litigieuses qui se trouvent à l'extérieur de son lot ne peuvent donc être privatives ; il ajoute que toute intervention sur ces canalisations communes par incorporation dans le plancher haut, lui-même partie commune, nécessitait une autorisation de l'assemblée générale de l'immeuble, qu' à supposer qu'elles fussent privatives, la voie de fait commise par les intimés n'en serait pas moins caractérisée ;

Mme [B] [E] et M. [M] [J] estiment qu'ils étaient en droit de supprimer des canalisations privatives empiétant sur leur lot et nient s'être livrés à une voie de fait en les coupant trois mois après la découverte de leur existence dès lors que ces ouvrages bloquaient la rénovation de leur appartement ;

Il convient de rappeler que l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 qui répute communes les parties de bâtiment affectées à l'usage de tous les copropriétaires ou de certains d'entre eux n'a qu'un caractère supplétif des prévisions du règlement de copropriété, qui fait la loi des copropriétaires ;

Il apparaît des documents produits aux débats, notamment de l'historique de propriété inséré au règlement de copropriété, que l'immeuble du [Adresse 1], immeuble de rapport de construction ancienne, n'a été mis en copropriété qu'en 2011 et il n'est pas contesté que les canalisations litigieuses préexistaient à cette mise en copropriété, M. [D] [C] ayant acquis son lot en 2012 et les consorts [E]-[J] en 2013 ; or, le règlement de copropriété, dérogeant en cela à l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, dispose que « sont au nombre des parties communes les planchers à l'exclusion des revêtements de sols.... toutes les canalisations et compteurs, colonnes et conduites montantes ou descendantes de distribution, notamment d'eau, de gaz, d'électricité et de chauffage. Les tuyaux de chute, d'écoulement des eaux pluviales et usées, sauf les parties de canalisations ou conduites affectées à l'usage exclusif et particulier de chaque propriétaire, se trouvant à l'intérieur de ses parties privatives (c'est la Cour qui souligne), à partir du droit de la soudure et jusqu'au branchement particulier sur le robinet d'arrêt », tandis que les parties privatives de l'immeuble sont définies comme « les locaux, espaces et éléments qui sont compris dans un local privatif d'un bâtiment et, comme tels, affectés à l'usage privatif et particulier de son occupant, elles comprennent notamment, sans que cette énonciation soit limitative... les canalisations intérieures et raccordements particuliers, les appareillages, et robinetteries et accessoires qui en dépendent » ;

Il suit de cette rédaction et d'une interprétation a contrario de ces articles du règlement définissant les parties communes et privatives, que le règlement de copropriété, pour tenir compte des particularités de distribution et d'évacuation des eaux usées de certaines salle de bains et WC dans l'immeuble, exclut des parties privatives les canalisations qui ne se trouvent pas à l'intérieur des lots qu'elles desservent, seule interprétation pouvant être donnée à la clause restrictive ci-dessus reproduite excluant des parties communes les « canalisations ou conduites affectées à l'usage exclusif et particulier de chaque propriétaire, se trouvant à l'intérieur de ses parties privatives » ;

Quant au fait que les canalisations litigieuses étaient horizontales et non pas montantes ni descendantes, il est sans emport sur la qualification de celles-ci, les termes « montantes et descendantes » se rapportant, selon la clause ci-avant reproduite du règlement de copropriété, aux conduites montantes ou descendantes de distribution, notamment d'eau, de gaz, d'électricité et de chauffage,et non aux canalisations d'évacuation ;

Il s'évince de ces éléments que, le règlement de copropriété qui fait, comme il a été dit, la loi des copropriétaires nonobstant toute autre considération tirée de l'usage exclusif des canalisations dont s'agit, Mme [B] [E] et M. [M] [J] ont, par voie de fait, sans autorisation de quiconque et contre l'opposition formelle de M. [D] [C], coupé et bouché des canalisations communes desservant son lot qui étaient encastrées dans le plancher haut de leur appartement, empêchant ainsi l'évacuation des eaux usées et eaux vannes de l'une des salles de bains et du WC équipant le lot de l'appelant ;

Dès lors, le jugement étant infirmé, ils seront condamnés, sous astreinte de 500€ par jour passé deux mois de la signification du présent arrêt, à rétablir lesdites canalisations en leur état antérieur ;

Si M. [C] ne peut être suivi dans son argumentation relative à la plus-value du prix de vente dont il aurait été privé par la faute des intimés, alors que la perte de chance qu'il allègue n'est pas établie avec une certitude suffisante par l'attestation de l'agence Vaneau produite aux débats, en revanche, en réparation du trouble de jouissance qu'il a subi par suite de l'impossibilité de jouir, avec sa famille de six personnes dont quatre enfants, pleinement de son bien depuis deux années, ne pouvant ni le vendre ni le donner en location en l'état du litige relatif aux évacuations de l'une de ses salles de bains, Mme [B] [E] et M. [M] [J] seront condamnés in solidum à payer à M. [D] [C] la somme de 30.000 € ;

La solution apportée au litige conduit à débouter la demande de dommages-intérêts présentée par Mme [B] [E] et M. [M] [J] ;

Il sera, à toutes fins, rappelé que les amendes civiles prononcées dans les cas prévus à l'article 32-1 du code de procédure civile sont destinées à l'État, d'où il suit que toute demande en ce sens d'une partie est irrecevable ;

En équité, ils seront condamnés à régler la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que les canalisations coupées et bouchées étaient des parties communes selon le règlement de copropriété de l'immeuble,

Condamne in solidum Mme [B] [E] et M. [M] [J], sous astreinte de 500 € par jour passé deux mois de la signification du présent arrêt, à rétablir lesdites canalisations en leur état antérieur,

Les condamne à régler à M. [D] [C] la somme de 30.000 € en réparation de son trouble de jouissance,

Les condamne à payer à M. [D] [C] la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne Mme [B] [E] et M. [M] [J] in solidum aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/18159
Date de la décision : 25/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°15/18159 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-25;15.18159 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award