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25/11/2015 | FRANCE | N°13/08951

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 25 novembre 2015, 13/08951


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 25 novembre 2015



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08951



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 5 septembre 2013 par le conseil de prud'hommes - formation de départage de PARIS -section encadrement- RG n° 09/10734





APPELANTE

Madame [H] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

née le [Date naissance 1] 1961 à

PARIS (75008)

comparant en personne, assistée de Me Jean-michel DUDEFFANT, avocat au barreau de PARIS, P0549





INTIMEE

EPIC CENTRE NATIONAL D'ETUDES SPATIALES (CNES)

[Adresse 1]

[...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 25 novembre 2015

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08951

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 5 septembre 2013 par le conseil de prud'hommes - formation de départage de PARIS -section encadrement- RG n° 09/10734

APPELANTE

Madame [H] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

née le [Date naissance 1] 1961 à PARIS (75008)

comparant en personne, assistée de Me Jean-michel DUDEFFANT, avocat au barreau de PARIS, P0549

INTIMEE

EPIC CENTRE NATIONAL D'ETUDES SPATIALES (CNES)

[Adresse 1]

[Adresse 4]

N° SIRET : 775 66 5 9 12

représentée par Me Pierre-jacques CASTANET, avocat au barreau de PARIS, P0349

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine ROSTAND, président, et Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, président

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

Greffier : Madame Laura DESINGLY, greffier en stage de préaffectation, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, pour Madame Christine ROSTAND, président empêché, et par Madame Laura DESINGLY, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [H] [S] a été engagée à compter du 1er mars 1985 par le Centre national d'études spatiales, dit ci-après CNES, et occupait en dernier état le poste de chargée du suivi budgétaire à la direction financière où elle était affectée depuis juillet 2008, statut cadre, position 2, coefficient 135, moyennant une rémunération mensuelle de 3 126',06 €.

Elue déléguée du personnel en 1992, elle a été membre du CHSCT jusqu'en juin 2009 et désignée déléguée syndicale suppléante FO de l'établissement de Paris à partir de juin 2005.

Elle a été convoquée par lettre du 21 avril 2010 à un entretien préalable au licenciement fixé au 4 mai 2010 puis reporté au 3 juin 2010 et par lettre du 10 juin 2010, devant le conseil de discipline de l'établissement. Celui-ci, réuni le 24 juin 2010, a émis l'avis de poursuivre la procédure de licenciement.

Sur l'autorisation de l'inspecteur du travail accordée par décision du 10 août 2010, Mme [S] a été licenciée pour insuffisance professionnelle par lettre du 24 août 2010.

Sur recours hiérarchique de Mme [S], le ministre du travail, par décision du 21 février 2011 a annulé la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail au motif que celui-ci n'était pas compétent, la salariée ne bénéficiant d'aucune protection légale à la date de la demande d'autorisation.

Par jugement du 5 septembre 2013, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Mme [S] de l'ensemble de ses demandes portant principalement sur la contestation de son licenciement et des dommages et intérêts pour discrimination «'attentatoire à ses rémunération et carrière'».

Mme [S] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

A l'audience du 30 septembre 2015, développant oralement ses conclusions visées par le greffier, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau,

- à titre principal, d'annuler le licenciement prononcé par le CNES, ordonner sa réintégration à son poste sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir , condamner le CNES à lui verser une indemnité égale au montant des salaires et accessoires de salaire qu'elle aurait du percevoir depuis la fin de son préavis et à titre de provision sur son indemnisation, la somme de 173 342,16 €, subsidiairement, dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner le CNES à lui payer la somme de 57 780,72 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- dire et juger qu'elle doit être classée position cadre 3A+ depuis le 1er juin 2008, coefficient 170 et condamner le CNES à lui verser les sommes de 46 921,11 € à titre de rappel de salaire pour la période allant des mois d'août 2004 à novembre 2010 et 4 692,11€ d'incidence congés payés

- annuler les avertissements prononcés les 9 juillet et 23 décembre 2009

- condamner le CNES à lui verser la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination illicite

- condamner le CNES à lui verser la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le CNES, développant oralement ses conclusions visées par le greffier, demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et, déboutant Mme [S] de l'ensemble de ses demandes, la condamner à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur la discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article'L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

L'article L.2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article'1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Mme [S] expose que c'est son mandat au CHSCT qui a provoqué l'hostilité de l'employeur à son égard. Elle soutient que, promue cadre niveau II dès le 1er juin 1987, elle n'a connu par la suite aucune progression de carrière alors que plusieurs collègues qu'elle cite nommément, ayant une ancienneté comparable à la sienne, sont à tout le moins chefs de service positionnés cadre 3 B'; que bien qu'ayant changé de poste à plusieurs reprises, elle n'a bénéficié d'aucune progression dans le classement'; qu'alors que les cadres de la position 2 à la position 3A+ sont classés du coefficient 100 au coefficient 170 et évoluent jusqu'au niveau cadre 2, coefficient 135, par tranches de 3 années, ce n'est qu'en juin 2007 qu'elle a été classée au coefficient 135 tout en restant dans la position cadre 2'; qu'en 2007, elle n'était même plus rémunérée au niveau du minimum conventionnel'; que c'est ainsi qu'en mars 2007, elle a dénoncé le traitement discriminatoire qu'elle subissait et alerté le CHSCT sur sa situation'; que le 29 juin 2007, le CNES a procédé à la revalorisation de son salaire de base, portant son coefficient salarial à 135 et lui allouant la somme de 1 224,94 € au titre du différentiel de salaire correspondant aux périodes où son salaire de base était inférieur au minimum du coefficient'; qu'elle a cependant continué d'avoir une rémunération très inférieure à celle de ses collègues.

Au soutien de ses allégations, Mme [S] produit notamment le bulletin de paie d'avril 2009 d'un de ses collègues, ingénieur 3B, au coefficient 180, mentionnant un salaire de base de 5 241,69 € alors que son salaire de base de juillet 2009 s''élevait à 3 104,48 €, ainsi qu'un tableau récapitulant l'évolution de son salaire brut annuel. En outre, elle justifie avoir protesté en mars 2007 contre le fait qu'aucune mission sur des sujets concrets ne lui était confiée et avoir saisi en septembre 2007 la Halde qui lui a répondu qu'il n'était pas possible d'engager une instruction susceptible d'aboutir.

Mme [S] n'invoque aucun manquement de l'employeur aux règles posées par l'accord collectif du CNES du 9 septembre 1994 fixant les règles de l'exercice du droit syndical et ne relève aucun fait susceptible de caractériser des relations conflictuelles au sein du CHSCT du à ses fonctions de secrétaire. Elle revendique la grande qualité de ses travaux, s'agissant notamment de deux rapports remis les 7 février 2007 et le 19 mars 2008, qui auraient du conduire à une évolution de sa carrière alors que l'employeur fait valoir en s'appuyant sur l'attestation circonstanciée de son supérieur hiérarchique que l'intérêt du premier rapport était limité car il reposait sur des considérations générales et que le second rapport n'était pas davantage satisfaisant, le travail de synthèse qui avait été demandé à sa rédactrice n'ayant pas été réalisé.

Pour démontrer que la situation de Mme [S] est exclusive de toute discrimination en matière de rémunération, le CNES fait valoir que les augmentations individuelles dont a bénéficié la salariée sont en cohérence avec les appréciations globalement négatives sur son travail telles qu'elles ressortent des entretiens annuels d'évaluation de 2005 à 2010'et fait remarquer que ni les organisations syndicales, et délégués du personnel, ni l'inspecteur du travail n'ont contesté son déroulement de carrière et ses augmentations de salaire.

Au vu des pièces produites, Mme [S] n'apporte aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination liée à son activité de représentant du personnel en qualité de membre du CHSCT et de délégué syndical suppléant FO, et de façon surabondante, l'employeur produit des pièces qui expliquent l'absence de progression professionnelle de la salariée.

Invoquant une inégalité de traitement quant à sa rémunération et à l'évolution de sa carrière, Mme [S] se fonde sur le rapport Egalité professionnelle hommes/femmes de l'année 2007 qui fait ressortir qu'à son niveau de classification, la rémunération moyenne des salariées femmes était dans l'entreprise supérieure à la sienne. De plus, elle se compare à des collègues ayant une ancienneté comparable à la sienne mais bénéficiant d'une évolution de carrière plus favorable pour avoir atteint la position 3A et plus.

Pour justifier la stagnation de la carrière de Mme [S], le CNES fait valoir que la promotion en position 3A est fonction d'une politique de quotas et de l'appréciation portée sur les capacités et les compétences professionnelles des collaborateurs relevant de la classification cadre position 2 et qu'à la différence de Mme [S], les salariés cités par celle-ci qui ont atteint la position 3A et plus ont fait leur preuve et ont su tout au long de leur carrière développer des compétences et une implication qui ont justifié leur promotion. Il verse pour illustrer ses affirmations les entretiens annuels de ces salariés qui soulignent leurs qualités professionnelles et l'atteinte des objectifs qui leur avaient été fixés ainsi que les documents indiquant annuellement les règles relatives aux promotions appliquées dans l'entreprise outre les bilans annuels des opérations d'avancement et de promotions.

Lorsque le salarié n'invoque aucune caractéristique personnelle qui aurait déterminé l'employeur à le traiter différemment de ses collègues, mais revendique le même traitement que ceux-ci, dont il soutient qu'ils sont dans une situation comparable à la sienne, sa demande est fondée, non sur la discrimination, mais sur l'inégalité de traitement.

Il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles'L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

En application de l'article'1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En l'espèce, Mme [S] ne produit aucun élément montrant que les salariés dont elle cite les noms sont dans une situation comparable à la sienne en termes de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse tandis que l'employeur rapporte la preuve des critères objectifs régissant les règles relatives aux promotions appliquées dans l'entreprise.

En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale ou d'une inégalité de traitement n'est pas démontrée.

A défaut de pièces nouvelles et de moyens nouveaux, c'est donc par des motifs pertinents que la cour adopte que le jugement critiqué, relevant que l'évolution de carrière et de rémunération de Mme [S] est conforme à son engagement professionnel dans la réalisation des missions qui lui ont été successivement confiées, a débouté l'appelante de ses demandes au titre d'un rappel de salaire, de l'accès à une classification professionnelle supérieure et de dommages et intérêts.

Sur les avertissements

Le CNES a notifié le 9 juillet 2009 à la salariée un avertissement au motif qu'elle n'avait pas pris en charge les activités qui lui étaient confiées depuis son changement d'affectation, qu'elle avait multiplié les absences dont certaines injustifiées, posé des congés et demandé à suivre une formation longue dans le cadre du DIF alors qu'elle prenait ses fonctions et que des échéances et des réunions importantes étaient programmées, qu'elle n'avait pas respecté les horaires de travail et les plages de présence obligatoires, qu'elle ne s'investissait pas dans les fonctions qui lui étaient confiées, en concluant que l'ensemble de ces éléments montraient une intention délibérée de ne pas fournir une prestation de travail à la hauteur de ce qu'il était en droit d'attendre d'un salarié de niveau cadre.

L'employeur à qui il appartient de démontrer la matérialité et le sérieux des faits fautifs sur lesquels la sanction disciplinaire est fondée, verse aux débats un courriel daté du 12 juin 2009 adressé par Mme [S] à M. [P], son supérieur hiérarchique, accompagné de plusieurs fichiers e précisant qu'elle n'avait pu terminer et qu'il y avait beaucoup de vérifications à faire ainsi que le message du15 juin 2009 de M. [P] au directeur des ressources humaines pour se plaindre de la mauvaise qualité de ces tableaux de bord et de l'absence de Mme [S] pour raisons personnelles le 15 juin 2009, ce qui l'avait contraint à annuler une réunion où sa présence était indispensable. Il produit également l'attestation de M. [Z], directeur financier, qui confirme «'l'exactitude des faits reprochés à Mme [S] et qui ont motivé l'avertissement du 9 juillet 2009'».

Cette dernière attestation imprécise sur les faits visés par l'avertissement et les circonstances dans lesquelles son auteur les a constatés est dépourvue de pertinence. Par ailleurs, s'agissant des tableaux de bord, Mme [S] ajoutait dans son courriel que pour le mois suivant, il conviendrait que M. [P] les examine avec elle avant qu'elle ne les transmette, ajoutant ainsi à la précaution qu'elle avait prise en annonçant que son travail devait être vérifié. Son comportement n'a donc pas de caractère fautif

Il n'est donc démontré ni que Mme [S] a délibérément fourni une prestation de travail insuffisante, ni qu'elle ait pris une journée de RTT de façon abusive alors qu'il appartenait à l'employeur de s'y opposer En l'absence de preuve de l'existence de faits fautifs, l'avertissement sera annulé, le jugement étant infirmé sur ce point.

Un second avertissement a été notifié à Mme [S] le 23 décembre 2009 pour une absence irrégulière du 11 au 18 décembre 2009 et pour avoir aux termes d'un courriel du 15 décembre 2009, adressé à trois collègues dont une n'était pas affectée au service des ressources humaines, déclaré qu'elle n'avait rien à faire au bureau et que donc son absence ne gênait personne.

Mme [S] ne conteste pas avoir été en absence injustifiée du 11 au 18 déembre 2009 et fait valoir que l'employeur ne lui donnant pas de travail, elle n'a fait que dénoncer une réalité.

L'avertissement précédent démontre cependant qu'à la direction financière où elle était affectée, Mme [S] avait des tâches définies à accomplir.

L'absence injustifiée d'une semaine est avérée et la désinvolture de la salariée sur ce point justifiait l'avertissement, elle sera déboutée de sa demande d'annulation de la sanction, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur le licenciement

Sur le fondement des articles L.2411-1, L.2411-2 et L. 2411-13 du code du travail, Mme [S] soutient que le licenciement est nul, en raison des motifs invoqués par le CNES à l'appui de sa demande d'autorisation du licenciement qui se rapportent à la période où elle bénéficiait de la protection légale due à son mandat de représentante au CHSCT, et non à son activité de déléguée syndicale suppléante.

Le CNES réplique que dans la lettre de saisine de l'inspection du travail, il est fait mention du fait que Mme [S] a été élue membre du CHSCT jusqu'en juin 2009'; que lorsqu'il a demandé l'autorisation de la licencier, elle n'était plus membre du CHSCT et qu'il ne pouvait donc saisir l'inspecteur du travail qu'au titre de son mandat de déléguée syndicale suppléante'; que le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail au motif de l'incompétence de celui-ci, la qualité de délégué syndical suppléant n'étant couverte par aucune protection particulière ; que la décision du ministre du travail est définitive et qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir saisi l'administration d'une demande d'autorisation avant de procéder au licenciement.

Le salarié protégé ne peut être licencié au terme de son mandat en raison de faits commis pendant la période de protection qui auraient dû être soumis à l'inspection du travail.

En l'espèce, l'employeur, dans sa demande d'autorisation du licenciement de Mme [S] datée du 30 juin 3010, rappelle que celle-ci a été désignée le 8 juin 1985 par le syndicat FO déléguée syndicale suppléante et qu'elle a été élue membre du CHSCT jusqu'en juin 2009 et développe ensuite son argumentation pour caractériser l'insuffisance professionnelle de la salariée en qualité de «'responsable veille méthodologique'» de 2004 à 2008, puis dans ses fonctions au sein de la direction financière en 2008 et 2009. L'inspecteur du travail avait donc tous les éléments pour apprécier les faits commis pendant la période de protection dont la salariée bénéficiait et prendre sa décision le 10 août 2010 autorisant son licenciement aux motifs que les éléments du dossier démontraient l'existence de difficultés dans les 9 postes occupés successivement depuis son entrée dans l'entreprise et que l'employeur avait à 8 reprises reclassé l'intéressée qui avait en outre bénéficié au cours de sa carrière d'actions de formation destinées à favoriser son adaptation au poste.

Dans son recours hiérarchique devant le ministre du travail formé par lettre du 6 octobre 2010, Mme [S] reprend le déroulement de sa carrière notamment sur la période pendant laquelle elle était membre du CHSCT et le CNES en fait de même dans son mémoire en réplique. En outre, le ministre du travail vise expressément le courrier de Mme [S] du 6 octobre 2010 dans sa décision d'annulation pour incompétence de la décision de l'inspecteur du travail.

L'administration a donc eu connaissance tout au long de la procédure des éléments de fait de l'espèce comme des mandats exercés par la salariée.

Le CNES a procédé au licenciement après y avoir été régulièrement autorisé par l'inspecteur du travail qui avait connaissance des mandats ouvrant droit à la protection légale que Mme [S] détenait ou avait détenus. La décision du ministre du travail étant définitive, il ne saurait donc être reproché à l'employeur de ne pas avoir saisi une nouvelle fois de façon distincte l'autorité administrative.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] de ses demandes de nullité du licenciement, réintégration et paiement d'une provision sur salaire à compter de la fin du préavis.

La lettre de licenciement est ainsi motivée':

«' Le constat depuis plusieurs années est que vous faites preuve dans chacune des activités qui vous sont confiées, d'une insuffisance professionnelle persistante et d'une absence de volonté de fournir un travail s'approchant de ce qui est normalement attendu d'un salarié'».

L'insuffisance professionnelle traduit l'inaptitude du salarié à exercer de façon satisfaisante les fonctions qui lui sont confiées. L'employeur qui est seul juge des aptitudes professionnelles des salariés peut invoquer l'insuffisance professionnelle d'un salarié à condition que son appréciation soit objective et matériellement vérifiable.

A l'appui de l'insuffisance professionnelle invoquée dans la lettre de licenciement, le CNES reprend en remontant à 1986 les appréciations portées sur la salariée à la suite de l'entretien d'évaluation auquel il est procédé chaque année au sein de l'entreprise. Il est souligné dans les fiches d'appréciation très complètes qui sont établies à la suite de l'entretien que le travail de Mme [S] est insuffisant tant au plan quantitatif que qualitatif quelque soit le poste occupé, excepté pour les années 1996,1997 et 1998. Pour l'année 1999, il est fait mention de résultats insuffisants et Mme [S] change alors de service pour être affectée à la direction de la stratégie, de la qualité et de l'évaluation au poste de chargée de mission serveur intranet. Au sein de cette direction, les résultats sur l'année 2000 sont considérés acceptables et le resteront jusqu'à l'appréciation de l'année 2003, étant toutefois constaté que la qualité du travail est toujours à améliorer et sa quantité insuffisante. En 2004, Mme [S] est affectée au service de l'inspection générale et qualité au poste de chargée de mission interne puis chargée d'études veille et technologie. Les entretiens annuels de 2005, 2007 et 2008 révèlent qu'elle n'est pas intégrée dans l'équipe, ne s'investit pas dans les objectifs fixés et n'est pas à l'aise dans ce nouveau poste.

Des pièces versées aux débats, il ressort qu'à compter du 1er juillet 2008, Mme [S] est affectée avec son accord à la direction financière. Par une lettre datée du 8 décembre 2008, l'employeur lui confirme cette affectation mais insiste sur la nécessité d'être présente aux heures de travail, de hiérarchiser ses actions de formation et de s'investir sur celles qui ont un véritable impact sur sa fonction actuelle et souligne que les activités concernant la gestion opérationnelle et le suivi budgétaire ne sont pas encore assimilées. Aux termes d'un courriel daté du 27 août 2009, M. [P], supérieur hiérarchique de Mme [S], constate que celle-ci sur la période du 27 juillet au 17 août 2009, a «'manifesté pendant cette période une suractivité apparente mais n'avait traité aucun dossier sur le fond'» à part un seul. Le même indique à Mme [S] le 14 septembre 2009 qu'il faut faire un point sur ses activités car le résultat attendu n'est pas au rendez-vous. Les délégués du personnel, réunis le 22 octobre 2009 sur la situation de la salariée indiquent connaître celle-ci et «'avoir pu observer les difficultés que cela crée au sein de la structure concernée'». L'entretien annuel qui a lieu au cours du premier trimestre 2010 confirme que Mme [S] n'a «'pas du tout atteint ses objectifs'» sur l'année 2009. Il lui est alors proposé un poste de gestionnaire qu'elle accepte par lettre du 3 février 2010 avant de revenir sur son accord le 12 mars suivant.

Le CNES justifie en outre que Mme [S] a bénéficié de 1 712 heures de formation au cours de sa carrière sans compter une année passée en Chine pour apprendre le mandarin dans le cadre d'un Fongecif.

Mme [S] objecte qu'elle a régulièrement contesté les appréciations défavorables, qu'elle n'a pas signé la fiche d'appréciation de l'année 2007, ni celles de 2009 et 2010 et que les formations qu'elle a suivies étaient rarement en relation directe avec le poste qu'elle occupait. Elle conteste les affirmations et commentaires faits sur son activité par M. [P] dans son courriel du 27 août 2009 en faisant remarquer qu'ils ne portent que sur les trois semaines pendant lesquelles ce dernier était en congé et soutient que l'insuffisance professionnelle n'est pas établie sans cependant apporter elle-même davantage d'éléments objectifs pour contredire les pièces fournies par l'employeur.

En l'absence de moyens nouveaux et de pièces nouvelles, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges relevant notamment que toutes les fiches d'appréciation annuelle à partir de 1986 témoignent de l 'absence récurrente d'atteinte des objectifs fixés, de l'insatisfaction de ses supérieurs successifs et des vaines tentatives pour trouver à l'intéressée un poste qui lui convienne et lui permette un parcours de progression professionnelle, des encouragements prodigués sans succès puis des mises en garde pour lui permettre de prendre conscience de la nécessité de redresser la situation, ont considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et ont débouté Mme [S] de sa demande d'indemnité formée à ce titre.

Le CNES sera condamné aux entiers dépens et versera à Mme [H] [S] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions excepté en ce qu'il a débouté Mme [S] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 9 juillet 2009 et condamné celle-ci aux dépens ;

Statuant à nouveau,

ANNULE l'avertissement notifié le 9 juillet 2009;

CONDAMNE le Centre national des études spatiales à verser à Mme [H] [S] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le Centre national des études spatiales aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT

EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 13/08951
Date de la décision : 25/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°13/08951 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-25;13.08951 ?
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