Grosses délivrées
aux parties le :RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2015
(n° , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/14513
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mai 2012 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2009F01541
APPELANTE :
Etablissement DARTY & FILS
ayant son siège [Adresse 1]
[Adresse 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Ayant pour avocat plaidant Me Jean-daniel BRETZNER de l'AARPI BREDIN PRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : T12
INTIMÉE
M. LE MINISTRE DE L'ECONOMIE INDUSTRIE ET EMPLOI
représenté par MONSIEUR [F] [V]
Direccte [Localité 1] Pôle C
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Mme [N] [U] (Chargée du contentieux civil) en vertu d'un pouvoir spécial.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, rédacteur
Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère
Mme Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Françoise COCCHIELLO dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente et par Monsieur Vincent BREANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS
La loi LME du 4 août 2008 a introduit l'obligation pour les distributeurs et les fournisseurs de formaliser annuellement leur négociation commerciale dans une seule convention qui doit être conclue avant le 1er mars de chaque année.
La société DARTY et Fils ( Darty) a ainsi signé des contrats avec ses fournisseurs en 2009. Dans plusieurs de ces contrats, une clause dite de «'protection des stocks'» et une clause dite de «'mévente des produits'» étaient stipulées :
La clause de «'protection des stocks'» prévoyait qu'en cas de baisse de prix d'un produit le fournisseur pourrait ou devrait, selon les cas, accorder à DARTY un avoir correspondant à l'écart entre le précédent prix et le nouveau prix, multiplié par le nombre de produits en stock.
La clause de «'mévente des produits'» prévoyait qu'en cas d'obsolescence, d'arrêt de fabrication ou de mévente d'un produit, le fournisseur pourrait établir un avoir au bénéfice de DARTY correspondant à l'écart entre le prix d'achat réglé par DARTY et le prix conforme à la situation nouvelle, multiplié par le nombre de produits en stock.
Les fournisseurs dont les contrats sont concernés par le litige sont des grands producteurs d'équipements audiovisuels, électroniques ou électroménagers : WHIRPOOL, SAMSUNG, SEB, HAIER, LG, BSH, CANDY HOOVER, TOSHIBA, INDESIT, MIELE, TOM TOM, PACKARD BELL, THOMSON, PANASONIC.
Entre le 1er janvier et le 27 juillet 2009, DARTY a reçu la somme de 625.820,07 euros en application des clauses litigieuses (de la part des groupes ACER, PACKARD BELL, PANASONIC, TOM TOM et TOSHIBA).
PROCÉDURE
Au 1er semestre 2009, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a mené une enquête nationale relative aux pratiques de la grande distribution dans ses rapports avec les fournisseurs. C'est dans le cadre de cette enquête que la DGCCRF s'est intéressé aux contrats passés entre DARTY et ses fournisseurs.
Compte tenu des éléments recueillis par ses services durant leur enquête, le Ministre a considéré que les clauses de «'protection des stocks» et de «mévente des produits» soumettaient ces fournisseurs à un déséquilibre significatif dans leurs droits et obligations vis-à-vis de DARTY en violation de l'article L. 442-6-I 2° du code de commerce.
Le Ministre a assigné la société Darty devant le Tribunal de commerce de Bobigny sur le fondement du III du même article.
Le Tribunal de Bobigny a, par jugement du 29 mai 2012, notamment :
Débouté la société DARTY de ses demandes d'annulation de l'assignation signifiée par le Ministre et d'irrecevabilité des demandes de ce dernier ;
Dit valide la représentation du Ministre et son action recevable ;
Dit que les clauses de «'protection des stocks'» et de «'mévente des produits'» créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au profit de DARTY et qu'elles contrevenaient par conséquent à l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce ;
Enjoint la société DARTY à cesser de recourir à ces clauses ;
Constaté la nullité des clauses litigieuses dans les contrats liant Darty à différents fournisseurs ;
Condamné la société DARTY à la restitution des sommes indûment versées en application de ces clauses (soit 575 820,07 euros) ;
Condamné la société DARTY au paiement d'une amende civile de 300 000 euros ;
Débouté la société DARTY de sa demande de condamner le Ministre (i) au paiement d'une somme de 100.000 euros au titre de dommages et intérêts et (ii) à la publication du jugement au frais de celui-ci.
La Société par actions simplifiée DARTY et Fils a interjeté appel de ce jugement les 17 juillet 2012 et 10 janvier 2013.
Conclusions et moyens de Darty
Vu les dernières conclusions déposées par DARTY le 4 septembre 2015, il est demandé à la Cour de :
DIRE ET JUGER recevable et fondé l'appel interjeté par DARTY ;
INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
I. Sur la demande principale du Ministre
DIRE ET JUGER que l'assignation du Ministre est affectée d'un vice de fond lié au défaut de pouvoir spécial conféré aux personnes qui l'ont successivement représenté en première instance ;
PRONONCER en conséquence l'annulation de l'assignation signifiée à DARTY et déclarer irrecevables les demandes du Ministre ;
Subsidiairement,
DIRE ET JUGER que toute infraction à l'article L. 442-6.I.2° du Code de commerce est subordonnée à des conditions cumulatives qui font défaut en l'espèce (existence d'un partenariat commercial, action de soumission, création d'une obligation, création d'un déséquilibre significatif), aucune preuve pertinente n'étant produite aux débats par le Ministre, dont la thèse procède de postulats gratuits et inexacts ;
Très subsidiairement,
CONSULTER la CEPC, conformément à l'article L. 440-1 IV, alinéa 2 in fine du Code de commerce et à la décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2011, et l'inviter à formuler un avis sur les points suivants :
(i) S'agissant de la clause de « protection de stock » :
Est-il possible de considérer que les fournisseurs de DARTY ont été « soumis » à la clause litigieuse au sens de l'article L. 442-6. I. 2°, alors même que beaucoup d'entre eux disposent d'un poids économique très supérieur à DARTY, que la clause litigieuse a été historiquement conçue et appliquée avant 2009 par au moins 23 des fournisseurs de DARTY, que plusieurs de ces fournisseurs ont contracté en 2009 avec DARTY sur la base de leurs propres modèles de contrat, que d'autres ont obtenu une modification de la clause suggérée par DARTY et que ceux qui ont adhéré au principe d'une telle clause ont presque tous opté souverainement pour l'alternative n°2, qui leur était plus favorable que l'alternative n°1 proposée par DARTY '
Est-il possible de considérer que les fournisseurs de DARTY qui ont adhéré à la clause litigieuse ont contracté une « obligation » au sens de l'article L. 442-6.I. 2°, alors même que la clause litigieuse instaurait une règle dont la mise en 'uvre dépendait de décisions qu'il appartenait en toute hypothèse aux fournisseurs de prendre seuls '
Est-il possible de considérer que la clause litigieuse n'offrait pas de contrepartie suffisante aux fournisseurs de DARTY, alors même qu'elle figurait avant 2009 dans les conditions générales de vente et contrats conçus par de très nombreux fournisseurs de DARTY, qu'elle favorisait une prise de risques accrus de la part de DARTY et que les fournisseurs étaient seuls en mesure de susciter sa mise en 'uvre '
(ii) S'agissant de la clause de « produits obsolètes » :
Est-il possible de considérer que l'insertion de la clause litigieuse dans le champ contractuel en 2009 résulte d'une action de « soumission » de la part de DARTY, alors même qu'elle ne figure nullement dans la totalité des contrats conclus en 2009 par les fournisseurs de DARTY et que seul l'un de ces fournisseurs a émis un avoir au profit de DARTY en application de la clause litigieuse '
Est-il possible de considérer que les fournisseurs qui ont adhéré à la clause litigieuse ont contracté une « obligation » au sens de l'article L. 442-6 I. 2°, alors même que la clause litigieuse leur offrait seulement la possibilité d'émettre un avoir et que seul l'un des très nombreux fournisseurs de DARTY a utilisé cette possibilité '
Est-il possible de considérer que la clause litigieuse ne présente pas de contrepartie significative pour les fournisseurs de DARTY, dont les produits sont pour la plupart frappés par une obsolescence très forte '
ORDONNER un sursis à statuer dans l'attente de l'avis de la CEPC ;
Encore plus subsidiairement,
DIRE ET JUGER que l'article L. 442-6.I.2° du Code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief à l'encontre de DARTY dans la mesure où ce texte n'observe pas le principe de légalité des délits et des peines consacré respectivement par (i) la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par (ii) le Pacte civil relatif aux droits politiques ;
REJETER l'appel incident formé par le Ministre via ses écritures ;
II. Sur la demande reconventionnelle de DARTY
DIRE ET JUGER qu'en révélant sciemment à la presse l'action judiciaire qu'il a initiée à l'encontre de la concluante, le Ministre a adopté un comportement fautif au regard de l'article 1383 du Code civil ;
CONDAMNER en conséquence le Ministre à s'acquitter d'une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts entre les mains de DARTY ;
CONDAMNER en outre le Ministre à publier à ses frais, sous huit jours à compter du jugement à intervenir, le dispositif dudit jugement dans LE MONDE, LE FIGARO, LES ECHOS, LA TRIBUNE et LE PARISIEN ;
DEBOUTER le Ministre de toutes demandes, fins ou conclusions contraires ;
CONDAMNER le Ministre à s'acquitter entre les mains de DARTY d'une somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER le Ministre aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP AFG conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La défense de DARTY repose sur deux fondements : l'un procédural et l'autre au fond.
DARTY estime que l'assignation signifiée par le Ministre est entachée d'un vice de fond. Le Ministre n'était pas valablement représenté pour assigner et saisir le tribunal : le décret du 12 mars 1987 et l'arrêté de 2007 ne permettent pas de déroger aux règles de l'article 853 alinéa 3 du Code de procédure civile qui suppose l'existence d'un «pouvoir spécial». En l'espèce, les fonctionnaires qui ont assigné DARTY puis représenté le Ministre n'en disposaient pas. En outre, le mandat ne permettait pas d'exercer une action fondée sur l'article L 442-6 1 2° du code de commerce, sinon la signature d'actes relatifs à l'action prévue par l'article 36 de l'ordonnance du premier décembre 1986, texte qui était abrogé lors de l'introduction de l'instance par le Ministre et dont les dispositions n' ont pas été reprises dans l'article du code de commerce, aucune codification à droit constant ne pouvant être invoquée pour ce qui concerne «le déséquilibre significatif», ne s'agissant au surplus pas de dispositions de même nature. Darty estime que le vice de fond a subsisté tout au long de l'instance, la substitution d'un représentant par un autre étant inopérante.
Sur le fond, DARTY fait valoir que les clauses litigieuses ne remplissent pas les trois conditions cumulatives posées par l'article L. 442-6 I 2° (le distributeur doit avoir (i) imposé sa volonté à ses fournisseurs de manière (ii) à créer de véritables obligations à leur charge qui doivent être sources (iii) d'un déséquilibre significatif).
En tout état de cause, DARTY estime par ailleurs que l'article L. 442-6 ne respecte pas le principe de légalité des délits et des peines en ce qu'il contient des dispositions répressives pouvant entraîner une amende civile de 2 millions d'euros alors même que ses termes sont flous et ses conditions mal définies. DARTY considère que la Cour doit donc écarter ces dispositions en raison de leur non conformité à la CEDH et au Pacte civil relatif aux droits politiques.
Enfin, à titre reconventionnel, DARTY demande la condamnation du Ministre au paiement de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1383 du code civil pour réparer le préjudice d'image subi par DARTY en raison de la révélation aux médias par le Ministre des poursuites engagées par les services de la DGCCRF. Selon DARTY, le Ministre n'a pas respecté son devoir de prudence et a commis une imprudence blâmable en médiatisant largement l'affaire à des fins politiques. DARTY ne répond pas aux observations du Ministre qui fait valoir que la responsabilité de l'État ne saurait être engagée que devant le juge administratif.
Conclusions et moyens du Ministre :
Vu les dernières conclusions déposées par le Ministre de l'Economie, des Finances et du Numérique le 8 septembre 2015, il est demandé à la Cour de :
CONFIRMER le jugement entrepris sur la validité de la représentation du Ministre et la recevabilité de son action ;
CONSTATER la validité de l'assignation du 28 octobre 2009 ;
DÉCLARER recevables les pièces et écritures versées par le Ministre ;
DÉBOUTER la société DARTY de ses demandes fondées sur l'absence de pouvoir spécial de Messieurs [O], [J], [W] et [G] ;
CONSTATER que le Ministre est valablement représenté devant la Cour ;
Sur le fond :
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il dit que les clauses intitulées «'protection de stock'» et «'produit obsolète ' mévente d'un produit'» contreviennent aux dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce et sont donc illicites ;
DÉBOUTER la société DARTY de sa demande de dire et juger que l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce ne saurait fonder un quelconque grief à son encontre dans la mesure où ce texte n'observerait pas le principe de légalité des délits et des peines consacré par la CESDH et le Pacte civil relatif aux droits politiques ;
DÉBOUTER la société DARTY de sa demande de consultation de la CEPC et de sa demande de sursis à statuer dans l'attention de l'avis de la CEPC ;
ORDONNER la cessation des pratiques mises en 'uvre par la société DARTY consistant à faire figurer les clauses litigieuses dans ses contrats ;
CONSTATER la nullité des clauses dénoncées dans les contrats conclus en 2009 entre DARTY et les fournisseurs suivants : WHIRPOOL, BSH, SAMSUNG, SEB, HAIER, LG ELECTRONICS, TOSHIBA, CANDY HOOVER, INDESIT, MIELE, TOM TOM SALES, PACKARD BELL, THOMSON TCL et PANASONIC ;
ORDONNER la restitution des sommes indûment versées par les fournisseurs ACER, PACKARD BELL, PANASONIC, TOM TOM SALES et TOSHIBA (soit 625.820,07 euros) ;
CONDAMNER la société DARTY à verser au Trésor public la somme de 625.820,07 euros représentant les montants indûment perçus auprès des fournisseurs qui leur seront reversés ensuite ;
CONDAMNER la société DARTY au paiement d'une amende civile de deux millions d'euros ;
REJETER la demande reconventionnelle formée par la société DARTY ;
DÉBOUTER la société DARTY de toutes ses autres demandes ;
CONDAMNER la société DARTY à verser au Ministre la somme de 5.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Sur les moyens de procédure,
Le Ministre fait valoir qu'en application des article 55 et 648 code de procédure civile, seule la signature de l'assignation par l'huissier était nécessaire. La signature par le représentant du Ministre n'était pas nécessaire à la validité de cet acte. Par ailleurs, il observe que la règle prévue par l'article 853 alinéa 3 du code de procédure civile s'applique à la représentation et à l'assistance d'une partie devant le Tribunal de commerce et non pas à l'introduction d'une action devant ce même Tribunal. Monsieur [O], qui représentait le Ministre, n'était donc pas tenu de disposer d'un pouvoir spécial pour introduire l'instance. Il fait valoir que la référence à l'article 36 de l'ordonnance de 1986 figurant au décret du 12 mars 1987 renvoie automatiquement, par effet du processus de codification, à l'article L. 442-6 du code de commerce.
Sur sa représentation devant le Tribunal de commerce, le Ministre indique que l'administration n'avait pas à produire de pouvoir spécial dès lors qu'elle bénéficiait de l'arrêté de délégation de pouvoirs du 12 mars 1987, en vigueur à la date de l'assignation. Cet arrêté permettait au Ministre de désigner les fonctionnaires qui le représenteraient à l'occasion d'actions initiées devant les juridictions civiles pour déposer des conclusions, les développer oralement et produire des procès-verbaux et des rapports d'enquête. Le Ministre observe également que «l'acte de représentation du Ministre à l'audience» (constitué par un mandat daté du 30 novembre 2011) se distingue du pouvoir spécial de l'article 853 Code de procédure civile et que cet acte n'est produit à l'instance que pour informer les parties de l'identité du représentant du Ministre (conformément aux article 415 et 416 du Code de procédure civile). Le Ministre observe aussi que cet «acte de représentation», s'il se distingue du «'pouvoir spécial'» de l'article 853 Code de procédure civile, remplit en tout état de cause les conditions posées par l'article 853 Code de procédure civile (pouvoir donné pour une instance déterminée, précisant la juridiction saisie, l'objet de la demande et mentionnant la partie adverse).
Enfin, le Ministre estime que la modification de son représentant en cours d'instance (Monsieur [J], Directeur Régionale de la DIRECCTE, à la place de Monsieur [O], Directeur Régional de la DGCCRF) est sans effet sur la poursuite de l'instance. Selon le Ministre, l'article 3 de l'arrêté du 24 septembre 2010 (organisant la suppléance des représentants du Ministre désignés en application ode l'article L. 470-5 du code de commerce) permet au Directeur Régional de la DGCCRF d'être suppléé par le Directeur Régional de la DIRECCTE de façon transparente.
Sur le fond,
Pour ce qui concerne la conformité des dispositions de l'article L. 442-6 I 2° aux normes supérieures, le Ministre fait observer que le Conseil constitutionnel a reconnu la conformité de cet article au principe de légalité des délits et des peines (QPC n° 2010-85 du 13 janvier 2011) ; que l'infraction et la peine correspondante prévues par ces dispositions existaient déjà au moment où l'infraction a eu lieu ; que ces dispositions respectent la légalité matérielle des délits et des peines en ce qu'il est possible de se référer à d'autres sources que la loi (et en particulier à la jurisprudence) pour trouver une définition claire et précise de la notion de «déséquilibre significatif».
Le Ministre fait état le rôle «incontournable» de DARTY sur le marché français de la distribution de produits audiovisuels, électroménagers et électroniques (3 milliards de chiffre d'affaires, plus de 200 magasins, premier groupe français sur le marché selon une étude de 2009).
Le Ministre estime que la saisine de la Commission d''examen des pratiques commerciales est d'une part inutile tant la notion de «déséquilibre significatif» fait déjà l'objet d'une jurisprudence abondante et d'autre part dilatoire dans la mesure où DARTY l'avait critiquée dans ses précédentes écritures du 13 mai 2013.
Le Ministre explique qu'il n'est pas nécessaire que la pression ou la contrainte du distributeur sur ses fournisseurs soit établie pour que les dispositions de l'article L. 442-2 I 2° s'appliquent. Il fait ensuite valoir qu'en cas de baisse des prix des produits concernés, les clauses litigieuses avaient pour effet de faire assumer tous les risques commerciaux aux fournisseurs sans que le distributeur n'en assume aucun. Le Ministre précise également que les fournisseurs de DARTY ne sont pas à l'origine des clauses litigieuses et que c'est DARTY qui les a introduites dans ses contrats types à partir de 2009.
Enfin, le Ministre rappelle que les griefs constituant, selon DARTY, un fait générateur de responsabilité relèvent de toute façon du juge administratif. Par ailleurs, il fait valoir qu'il n'a pas violé la moindre obligation de mesure ou de prudence en communiquant de façon identique sur les assignations dirigées en 2009 contre neuf groupes de la grande distribution dans le simple but d'informer les administrés de l'action de ses services en matière de concurrence et de respect de l'ordre public économique.
MOTIFS
Sur le vice de fond affectant la procédure initiale :
Considérant que le Ministre a assigné la société Darty et Fils devant le tribunal de commerce de Bobigny le 29 octobre 2009,
Considérant que le décret 87-163 du 12 mars 1987 portant délégation de signature autorise le Ministre à déléguer sa signature pour des actes relatifs à l'action prévue par l'article 36 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986 devenu l'article L 442-6 du Code de commerce ; que par arrêté du 31 juillet 2007, pris en application du décret du 12 mars 1987, le Ministre a délégué sa signature à Monsieur [O],
Que contrairement à ce que soutient Darty, le décret de 1987 ne restreint aucunement le pouvoir du Ministre d'agir en vertu de l'ordonnance de 1986, mais vise les actes relatifs à l'action engagée par le Ministre en application de l'article 36 de l'ordonnance,
Que l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui permet au Ministre d'agir en justice relativement aux pratiques restrictives de la concurrence a été repris dans la loi du 11 mai 2001 et incorporé dans l'article L 442-6 du Code de commerce ; que le décret de 2007, en renvoyant à l' ordonnance de 1986, renvoie à l'article L 442-6 du code de commerce qui donne pouvoir au Ministre d'introduire l'action devant le tribunal,
Considérant par ailleurs que selon l'article L 470-5 du code de commerce (jadis article 56 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur le fondement duquel a été pris l'arrêté du 12 mars 1987), le représentant du Ministre peut déposer des conclusions et les développer oralement à l'audience ; que les dispositions de l'article 853 du code de procédure civile ne sont pas applicables à l'espèce et que le titulaire de la délégation de pouvoirs n'a pas l'obligation de justifier d'un pouvoir pour représenter les parties à l'audience ;
Considérant encore que l'article R 470-1-1 du code de commerce issu du décret 2010-1010 relatif à la désignation des autorités administratives compétentes pour représenter le Ministre en application de l''article L 470-5 du code de commerce et l'arrêté du 24 septembre 2010 organisent la suppléance des représentants du Ministre désignés en application de l'article L 470-5 du Code de commerce et traduisent la volonté affirmée du législateur d'organiser au nom de l'Etat, de façon continue, l'action de défense de l'ordre public économique, et comme le souligne justement le Ministre, l'action ne résulte pas d'une prérogative attachée à une personne donnée ; que dès lors la substitution d'un représentant à un autre reste sans effet sur la validité de la procédure, au surplus régulièrement engagée,
Sur le fond :
Considérant que l'article L 442-6 I 2° invoqué au soutien de l'action du Ministre expose : «Engage sa responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ' de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties»,
Sur le caractère incompatible de l'article L 442-6 I 2° du code de commerce avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ( CEDH) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ( Pacte de New-York) :
Considérant que selon l'article 7 de la CEDH, «'1 Nul ne peut être condamné pour une action ou pour une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. ...'» ; que l'article 15 du Pacte précise en 1. «'Nul ne peut être condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises...'»,
Considérant que, selon Darty, nonobstant la décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2011, l'article L 442-6 I 2° du code de commerce qui prévoit une sanction ne définit pas clairement l' infraction qu'il réprime et que la notion de «déséquilibre significatif» imprécise voire obscure donne lieu à de multiples difficultés d' interprétation laissées à l'appréciation du juge lequel se trouve dans une large mesure dans l'ignorance de la réalité économique, que cette incertitude juridique n'est pas compatible avec les exigences conventionnelles,
Mais considérant certes que l'article 7 § 1 de la CEDH peut être utilement invoqué ainsi que l'article 15 du Pacte ratifié en 1980 par la France, alors même que la disposition légale que critique Darty a fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le point précis de la légalité ; qu' en retenant la notion de déséquilibre significatif, le législateur a renvoyé à une notion connue, claire et précise du droit de la consommation insérée dans l'article L 132-1 du code de la consommation lequel reprend les termes de l'article 3 de la directive 93/13 du 5 avril 1993 ; qu'en référence à cette notion, dont le contenu est précisé depuis de nombreuses années par la jurisprudence, l'infraction est définie dans des conditions qui permettent au juge de statuer sur l'action du Ministre ; qu'ainsi, le principe de légalité des délits et des peines se trouve respecté dans la mesure où le justiciable peut savoir, au besoin à l'aide de l'interprétation faite de l'article L 442-6 I 2° du code de commerce par les tribunaux, quels actes engagent sa responsabilité ; que sans aller plus avant dans le détail de son argumentation, il y a lieu de rejeter les moyens que la société Darty invoque,
Sur l'application de l'article L 442-6 I 2° du code de commerce :
Considérant qu'il y a lieu de rappeler que Darty reste pour les fournisseurs de matériel électro-ménagers, Hi Fi et informatique un distributeur «incontournable», en dépit de sa dénégation ; que dans le cadre de sa défense et de façon légitime, Darty fait à plusieurs reprises état des contrats signés et de conditions générales de vente d'autres de ses fournisseurs ( par exemple Microsoft, Kodak-Pathe, Creative Labs Ltd, Sony, IBM, Hewlett Packard France, Agfa-Gevaert ...) non concernés par cette procédure dans lesquels les clauses critiquées ont pu se trouver et se trouvent encore ; qu'il apparaît en effet que le Ministre n''a pas engagé de procédure visant les contrats signés entre Darty et tous ses fournisseurs et que des fournisseurs ayant un poids économique très lourd (Hewlett Packard, Microsoft, Apple notamment) ne sont pas à la cause ; que le Ministre a choisi de limiter son action à certains contrats signés avec certainsfournisseurs et versé aux débats les documents qu'il estime pertinents pour soutenir ses prétentions de dénoncer le déséquilibre significatif que créent certaines clauses du contrat s'adressant indifféremment à des fournisseurs qui ne sont pas tous en avantage de négocier ; que la délimitation du litige relève de son choix ;
Considérant que l'article L 442-6 I 2° du Code de commerce suppose que soient remplies trois conditions ; que la société Darty soutient que l'infraction n'est pas constituée : qu'il n' y a ni soumission ni tentative de soumission, qu'il n' y a pas d'obligations à la charge du fournisseur, qu'il n' y a pas de déséquilibre significatif,
Sur la clause protection de stock,
Considérant que la clause de «protection des stocks» prévoyait qu'en cas de baisse de prix d'un produit, le fournisseur pourrait ou devrait, selon les cas, accorder à DARTY un avoir correspondant à l'écart entre le précédent prix et le nouveau prix, multiplié par le nombre de produits en stock, que deux rédactions différentes de la clause sont distinguées,
que pour la plupart des contrats signés avec les fournisseurs concernés par la procédure (Whirpool, BSH, Samsung, Haier Europe Trading, LG Electronics ISP, Candy Hoover, Indesit, Miele, Packard Bell, Thomson TCL), la clause était ainsi rédigée : «Les parties pourront convenir qu'en cas de baisse du tarif d'un produit, le fournisseur établira au client un avoir correspondant à l'écart entre le précédent prix et le nouveau prix multiplié par le nombre de produits en stock chez le client. Les produits concernés ainsi que les conditions et modalités de la protection du stock seront fixées d'un commun accord. L'accord pourra prendre la forme d'échange de correspondances, lesdites correspondances pouvant revêtir la forme électronique'», que pour le contrat signé avec TomTom Sales, la clause était ainsi rédigée: «'Lorsque le fournisseur décide une réduction de prix net d'un produit listé dans la plus récente liste de prix, le fournisseur compense le client selon les conditions décrites dans le stock Protection Program»,
Que pour ce qui concerne certains fournisseurs (SEB, Toshiba, Panasonic), la clause de «protection des stocks» présentait une alternative rédigée comme suit :
«Alternative 1 :
En cas de baisse du prix tarif d'un produit, le fournisseur établira au client un avoir correspondant à l'écart entre le précédent prix et le nouveau prix multiplié par le nombre de produits en stock chez le client. Le client indiquera au fournisseur l'état du stock concerné.
Alternative 2 :
Les parties pourront convenir qu'en cas de baisse de prix tarif d'un produit, le fournisseur établira au client un avoir correspondant à l'écart entre le précédent prix et le nouveau prix multiplié'» par le nombre de produits en stock chez le client. Le(s) produit(s) concerné(s) ainsi que les conditions et modalités de protection du stock seront fixés d'un commun accord. L''accord pourra prendre la forme d'un échange de correspondance, ladite correspondance pouvant revêtir la forme électronique.»,
1) considérant que l'application de l'article L 442-6 I 2° exige une soumission ou une tentative de soumission ;
Considérant que Darty est un leader de la distribution des produits de l'électroménager (blancs), de l'image et du son (bruns) et de la micro-informatique (gris), avec 221 magasins en France ; qu'elle était un intermédiaire obligé entre les fournisseurs et les consommateurs ; qu'en juin 2009, Darty se classait premier sur le marché en terme de chiffre d'affaires qui, pour l'exercice 2009-2010, était de 2, 79 milliards d'Euros ; qu'elle a une puissance de négociation incontestable,
Considérant que les clauses dénoncées par le Ministre se trouvent dans tous les contrats signés avec les fournisseurs, à l'exception des contrats signés avec LG Electronics pour les produits blancs et bruns ; que contrairement à ce qui est soutenu, la soumission ou la tentative de soumission n'est pas subordonnée à la preuve de l'existence de pressions ou des contraintes ; qu'elle résulte de l' insertion même de ces clauses dans les contrats intervenant entre des parties dont la puissance n'est pas la même selon des modalités qui traduisent l'absence de marge de négociation pour les fournisseurs,
Que certains fournisseurs, qu'ils soient concernés ou non par la procédure d'ailleurs, peuvent avoir eu et présenter encore des clauses notamment de «protection des prix» dans leurs documents commerciaux ; que la présence historique' de telles clauses pour des fournisseurs non concernés par la présente procédure (à l'exception de TOM TOM et SAMSUNG) et la présence encore actuelle de cette clause pour les fournisseurs tels que Hewlett Packard qui n'est pas visé dans cette procédure et Samsung (ici dans une rédaction de la clause différente examinée plus loin) ne permettent de tirer aucune conséquence sur l'existence ou non d'une soumission ou de sa tentative,
Que ces clauses figurant dans les documents commerciaux des fournisseurs étaient limitées quant aux objets concernés (par exemple, la clause des CGV de TOM TOM prévoit qu'elle s'applique à une liste de produits particuliers), ou encore limitées dans la durée de la période de référence qui variait à compter de la réduction de prix, ou encore soumises à des conditions de réclamation précises (réclamation dans les 15 jours de la baisse et avec un engagement du distributeur à fournir un état hebdomadaire de ses ventes et de son stock, à fournir un état mensuel de ses ventes par clients et à fournir un état prévisionnel de ses commandes à 12 mois) ;
Qu'il apparaît pourtant que les clauses critiquées sont rédigées de manière uniforme (à l'exception du contrat Whirpool dans lequel il est précisé que les parties peuvent convenir d'un avoir dont elles négocieront le montant en cas de baisse significative du prix tarif d''un produit «'de manière exceptionnelle», mention qui ne démontre pas l'existence d'une véritable discussion entre les parties) ; qu'en effet, les limites spécifiques à chacune des clauses dans les documents contractuels des fournisseurs ont toutes été supprimées et les clauses dénoncées sont toutes générales et imprécises ;
que les demandes de suppression de la clause dont Darty fait état ne sont pas établies, que ce soit dans les contrats signés avec Seb, Toshiba ou Panasonic, dans lesquels elle se retrouve,
que par ailleurs, les clauses renvoient à des accords pour les produits concernés, les modalités et les conditions de la protection ; qu' aucun accord n'est cependant versé aux débats, (sinon un accord intervenu en 2005 entre les sociétés Darty et Sony , cette dernière n'étant pas concernée par la procédure) ;
que pourtant, l'absence d'échanges de correspondance matérialisant les accords sur les modalités d'application n'a pas empêché le jeu de ces clauses, ainsi qu'il résulte de la pièce 28 produite par le Ministre en ce qui concerne les fournisseurs Toshiba et Panasonic,
qu'enfin, si Haier Europe, fournisseur de Darty précise dans un courrier adressé à Darty le 26 septembre 2011 que «'Nous estimons qu'aucun déséquilibre n'affecte nos accords, dont toutes les clauses ont été librement convenues par nos sociétés et dont l'exécution nous donne entière satisfaction.'», il doit être remarqué que ce fournisseur est justement concerné par la procédure ;
Considérant que le Ministre a rapporté la preuve de la soumission des fournisseurs concernés par la procédure à la volonté de Darty, alors que rien ne justifie la présence d''échanges entre les fournisseurs et Darty sur la présence des clauses dans les contrats puis sur les accords définissant leurs modalités d'application,
2) considérant que les fournisseurs sont soumis à une obligation par l'introduction de cette clause de protection de stock dans les contrats signés avec Darty,
Considérant que des obligations doivent être imposées par le distributeur, ce que conteste Darty dans une analyse de la rédaction de la clause de protection du stock prévoyant une alternative, qu'il apparaît néanmoins que l'alternative proposée n'est pas une, la première branche de celle-ci générant une véritable obligation, la seconde branche créant également une obligation de prise de tous les risques commerciaux par le fournisseur qui, faute de marge de négociation, n'a pas de liberté en dépit de l'emploi du terme «' pourra'» ; que la société Darty soutient certes qu'elle ne pouvait obtenir l'exécution forcée d'une telle clause ; que toutefois, plusieurs fournisseurs ont exécuté la clause rédigée dans la seconde branche de l'alternative ;
Qu'il apparaît qu'une véritable obligation est mise à la charge des fournisseurs,
Sur la clause de «mévente des produits» ou «produits obsolètes» :
Considérant que cette clause est ainsi rédigée : «En cas d'obsolescence, d'arrêt de fabrication ou de mévente d'un produit, le fournisseur pourra établir , à son initiative, un avoir au bénéfice de DARTY correspondant à l'écart entre le prix auquel le produit a été acheté par le client et le prix conforme à la situation nouvelle du marché à l'achat, multiplié par le nombre de produits en stock chez le client. Le client indiquera au fournisseur l'état du stock concerné»,
Que pour Darty, la soumission ou la tentative de soumission ne serait pas rapportée, faisant observer que le fournisseur «peut» et qu'il en a l''«initiative» ; mais que rien cependant dans les pièces versées aux débats ne permet de constater qu'une véritable discussion s'est instaurée entre Darty et ses fournisseurs relative à l'insertion de la clause de mévente qui se trouve dans tous les contrats invoqués le Ministre, dans une rédaction identique, alors au surplus que l'obsolescence n 'est pas un élément déterminant pour la vente de produits blancs et dans une moindre mesure pour les produits bruns ; qu'enfin, l'absence manifeste d'intérêt pour le fournisseur à l'insertion d'une telle clause démontre qu'une telle clause lui a été imposée ;
Que cette clause crée une obligation pour le fournisseur, étant au surplus constaté que la société Acer dont le contrat ne comportait pas une telle clause s'est pourtant acquittée d'une somme à ce titre ;
Sur le déséquilibre engendré par ces deux clauses :
Considérant que la définition du déséquilibre significatif ne saurait être limitée aux cas dans lesquels le code de la consommation trouve application ; que Darty entend démontrer l'utilité que de telles clauses ont pour les fournisseurs, et la compensation qui résulte d'un ou plusieurs autres avantages effectifs pour le fournisseur, ce que le Ministre conteste,
Considérant qu'il n'a jamais été interdit aux parties d'aménager le transfert des risques ; que cependant, dans tous les contrats soumis à la cour, ces clauses font supporter automatiquement l'intégralité de la charge du risque commercial (diminution de prix, mévente) sur le fournisseur alors qu' à la suite du contrat de vente de son produit au profit de Darty, le fournisseur ne maîtrise plus le devenir de celui-ci sur le marché ; que si le fournisseur a déterminé les qualités intrinsèques du produit et a défini une stratégie tarifaire, la société Darty reste maître de sa politique commerciale, par les promotions qu'elle fait du produit, par l' emplacement qu'elle lui donne, le tout dans le cadre de l' «animation interne du réseau sur les produits du fournisseur» laquelle donne lieu à ristourne à son profit de la part du fournisseur ; qu'elle a une influence directe essentielle sur la vente du produit acquis auprès des fournisseurs qu'elle ne peut minimiser,
Considérant que la société Darty met en avant les avantages retirés par le fournisseur par ces clauses qui l' inciteraient à «prendre des risques auxquels il ne s'exposerait pas sinon», que le fournisseur aurait une meilleure appréhension des problèmes d'approvisionnement, pourrait mieux planifier sa production, optimiser les coûts logistiques, accélérer la rotation des stocks et l'arrivée de nouvelles générations de produits, financer sereinement les fonds de roulement ; qu'il reste à la société Darty toutefois de démontrer la réalité de telles assertions, ce qu'elle ne fait pas ; qu' il existe en effet dans les contrats qu'elle signe avec ses fournisseurs différentes clauses qui excluent de la part de Darty tout engagement sur des volumes, qui prévoient des ristournes sur les engagements de volumes ou sur leur augmentation, de sorte que les avantages mis en avant ne sont pas sérieusement démontrés ; qu'enfin, à supposer que de telles clauses auraient pu être expliquées pour la vente des produits gris et des produits électronique «grand public», elles se comprennent difficilement pour la vente de produits «blancs» dont l'obsolescence est moins évidente ;
Considérant selon Darty qu' «en termes d'éthique», il pourrait n' y avoir «rien de choquant à ce qu'un distributeur n'assume pas seul l''aléa inhérent au succès ou non d'un produit, succès qui ne dépend que partiellement de lui» ; qu'il apparaît pour autant qu'en l'espèce, il n'existe aucun partage du risque économique, lequel est assumé en totalité par le fournisseur ; que par ailleurs, rien ne justifie que la rupture significative de l'équilibre dans les obligations des parties au détriment du fournisseur est compensée par des clauses qui lui sont favorables, alors qu'au contraire, le Ministre rapporte la preuve de l'existence de clause qui permettent de conforter ce déséquilibre,
Considérant que la demande d'avis à la Commission d'examen des pratiques commerciales que sollicite la société Darty n'est pas nécessaire,
Sur les sanctions :
Considérant que l'article L 442-6 III précise : «'' Le Ministre chargé de l'économie et le ministère public ' peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. Ils peuvent également demander le prononcé d'une amende civile...'»,
Considérant que le Ministre demande la confirmation du jugement sur les demandes qu'il a formulées et que le premier juge a accueillies ;
Considérant que l'amende prononcée par le premier juge d'un montrant de 300 000 Euros doit être confirmée ; que l'annulation des clauses litigieuses ci-dessus mentionnées doit être prononcée et que la cessation de l'insertion de ces clauses dans ses contrats avec ses fournisseurs dénommés doit être ordonnée ; que de même doivent être confirmés le paiement entre les mains du Ministre des sommes perçues en application de ces clauses pour le montant global de 575820, 07 Euros , ainsi que la restitution des fonds aux fournisseurs lésés,
Sur la demande de dommages intérêts de Darty :
Considérant que Darty a reproché au Ministre d'avoir révélé l'existence et l'objet de ce contentieux, ce qui est une imprudence blâmable, fautive et constitutive de préjudice, que la diffusion médiatique a terni son image auprès de ses fournisseurs et de ses clients, que rien ne peut légitimer l'attitude du Ministre,
Mais considérant que, ainsi que le rappelle le Ministre, la mission que lui donne le législateur de faire appliquer et respecter la loi de modernisation de l'économie doit être connue du public et des professionnels, de sorte que l'information relayée par les médias ne saurait être constitutive d'une faute et générer un préjudice pour Darty qui d'ailleurs n'en justifie pas, qu'elle sera déboutée de sa demande, que le jugement sera confirmé,
PAR CES MOTIFS
La COUR,
CONFIRME le jugement,
Y additant,
DIT n' y avoir lieu à avis de la Commission d'examen des pratiques commerciales,
CONDAMNE la société Darty et Fils à payer au Ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique la somme de 5000 Euros a à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,
CONDAMNE la société Darty et Fils aux entiers dépens.
Le GreffierLa Présidente
Vincent BREANTFrançoise COCCHIELLO