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19/11/2015 | FRANCE | N°14/10082

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 19 novembre 2015, 14/10082


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 19 NOVEMBRE 2015



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/10082



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2014 - Tribunal de Commerce de PARIS - 8ème chambre - RG n° 2013036743





APPELANTE



SA ERDF

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 3]

prise en

la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me François TRECOURT de la SDE TRECOURT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0510

Assistée de Me L...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 19 NOVEMBRE 2015

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/10082

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2014 - Tribunal de Commerce de PARIS - 8ème chambre - RG n° 2013036743

APPELANTE

SA ERDF

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me François TRECOURT de la SDE TRECOURT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0510

Assistée de Me Lola CHUNET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0510

INTIMEE

SAS DOUNOR

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 2]

N° SIRET : 334 781 366

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU CICUREL MEYNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240

Assistée de Me Adrien DEBRÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0098

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, chargée du rapport

Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de Chambre

Mme Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCEDURE

La société Dounor est une entreprise industrielle spécialisée dans la fabrication de non-tissés destinés à la fabrication de couches ou de tissus hygiénique.

Pour les besoins de son activité elle a souscrit, le 20 janvier 2006, auprès de la société EDF un « Contrat d'accès au réseau public de distribution d'électricité en soutirage N°350 ».

Ce contrat a été transféré à la société ERDF lors de la séparation juridique entre l'entité assurant la gestion du réseau de distribution d'électricité et celle exerçant des activités de production ou de fourniture.

Le montant annuel facturé au client au titre du présent contrat se compose :

* du montant annuel résultant de l'application du Tarif d'Utilisation des Réseaux, tel que décrit à l'article 7.1 des Conditions Générales ;

et le cas échéant :

* du montant des prestations complémentaires, tel que décrit à l'article 7.2 des Conditions Générales.

Les sommes dues par le Client en application du présent chapitre sont majorées des impôts, taxes et contributions légales en vigueur au moment de la facturation.

En application des dispositions de la loi n°2003-8 du 3 janvier 2003, le montant des factures adressées mensuellement par la société EDF puis par la société ERDF à la société Dounor, se rapportant à la consommation d'électricité, est chaque mois majoré de la Contribution au Service Public de l'Electricité (CSPE) ; cette contribution permet de rétribuer les distributeurs d'électricité pour les éventuels surcoûts liés à la mission de service public qui leur incombe et son calcul est basé sur la consommation d'électricité, à raison, pour la période comprise entre 2006 à 2008, de 0,45 centième d'euros pour chaque kWh consommé. C'est ainsi que, du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, la société Dounor a payé la somme totale de 518.224,06 €.

Au cours de l'exercice 2011, la société Dounor a eu connaissance de la mise en place d'un mécanisme de plafonnement de la CSPE et de la possibilité d'obtenir, le cas échéant, le remboursement du trop-payé sous réserve de l'introduction de la demande au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle au titre de laquelle la demande de remboursement était formulée. Elle a constaté avoir versé un trop-payé de CSPE au titre des années 2006 à 2010.

Au titre du mécanisme de plafonnement, elle a obtenu auprès de la Commission de régulation de l'énergie le remboursement du trop-payé pour les seules années 2009 et suivantes mais elle a été déclarée forclose pour les années antérieures au terme d'un courrier en date du 21 octobre 2011.

Elle s'est alors rapprochée de la société ERDF afin d'obtenir le remboursement de la somme de 335.656,60 € lui faisant reproche d'avoir manqué à son obligation d'information.

Par un courrier en date du 9 janvier 2012, la société ERDF a répondu à la société Dounor qu'elle ne pouvait pas répondre favorablement à sa demande de remboursement, puis par un courrier en date du 19 avril 2012 elle l'a informée qu'une demande d'expertise était « en cours auprès d'EDF Assurances sur cette question ». La société EDF Assurances, dans un courrier en réponse en date du 30 mai 2012, a finalement confirmé le refus d'indemniser la société Dounor du préjudice subi.

C'est dans ces conditions que la société Dounor a assigné la société EDF et la société ERDF devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir réparation de ce préjudice, soit le paiement de la somme de 335.656,61 euros.

Par jugement du 8 avril 2014, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :

- mis hors de cause EDF.

- dit que l'action de la société Dounor n'est pas prescrite.

- condamné la société ERDF à payer à la société Dounor la somme de 87 780,57€ outre celle de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné la société Dounor à payer à la société EDF la somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné la société Dounor aux dépens.

La société ERDF a interjeté appel le 7 mai 2014.

Vu les conclusions en date du 1er août 2014 par lesquelles la société ERDF demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris du 8 avril 2014

- Débouter la société Dounor de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamner la société Dounor à payer à la société ERDF 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Vu les conclusions en date du 30 septembre 2014 par lesquelles la société Dounor demande à la Cour de

- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 8 avril 2014 en ce qu'il a constaté un manquement de la société ERDF à son obligation d'information au profit de la société Dounor ;

- Constater l'existence du préjudice subi par la société Dounor résultant de ce manquement ;

- Constater que la société Dounor n'a commis aucune faute de nature à limiter son droit à indemnisation et infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a limité le préjudice subi par la société Dounor à la seule année 2006 ;

En conséquence,

- Condamner la société ERDF à la réparation du préjudice subi par la société Dounor, soit la somme de 335.656,60 euros (augmentée des intérêts au taux légal depuis le 3 novembre 2011) ;

- Condamner la société ERDF au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société ERDF aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Didier MEYNARD, SCP BRODU CICUREL MEYNARD GAUTHIER, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la mise hors de cause de la société EDF

La société Dounor ne présente aucune demande à l'encontre de la société EDF et ne critique pas davantage la décision entreprise en ce qu'elle l'a mise hors de cause ; il y a donc lieu à confirmation.

Sur la mise en cause de la société ERDF

La société Dounor expose que la société ERDF a manqué à son obligation d'information contractuelle ce qui lui a causé un préjudice en ce qu'elle a été déclarée forclose dans sa demande de remboursement d'une partie des sommes réglées au titre de la CSPE ;

L'article L. 121-21 du Code de l'énergie (reprenant les dispositions de l'article 67 de la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005) dispose que :

« ['] le montant total dû au titre de la contribution au service public de l'électricité par toute société industrielle consommant plus de 7 gigawattheures d'électricité par an est plafonné à 0,5 % de sa valeur ajoutée telle que définie selon les modalités prévues à l'article 1586 sexies du code général des impôts. Une société industrielle peut demander à la Commission de régulation de l'énergie l'arrêt de la facturation de la contribution au service public de l'électricité, pour un ou plusieurs sites de consommation, dès lors que les prévisions de cette société montrent qu'elle aurait déjà acquitté au titre de l'année considérée un montant égal ou supérieur au montant total plafonné dû au titre de l'année précédente. La régularisation intervient, le cas échéant, lorsque la valeur ajoutée de l'année considérée est connue. ['] ».

L'arrêté ministériel du 25 octobre 2006 a fixé les modalités de remboursement partiel de la contribution aux charges de service public de l'électricité) pris en application de cette loi et de son décret d'application (décret n°2004-90 du 28 janvier 2004) précise les modalités de la demande de remboursement :

« Pour obtenir le remboursement partiel de sa contribution aux charges de service public de l'électricité mentionné à l'article 12 bis du décret du 28 janvier 2004 susvisé, la société concernée adresse une demande à la Commission de régulation de l'énergie avant le 31 décembre de l'année qui suit celle au cours de laquelle la contribution a été recouvrée. La demande de remboursement, effectuée à l'aide d'un formulaire disponible sous forme électronique auprès de la Commission de régulation 7 de l'énergie, est signée par un responsable de la société, dûment habilité à cet effet. Cette demande est accompagnée d'un relevé d'identité bancaire ou postal et, le cas échéant, de la copie de la demande de plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée adressée aux services fiscaux en application de l'article 1647 B sexies du code général des impôts ou du tableau de calcul de valeur ajoutée, souscrit en application du 3° du II de l'article 38 de l'annexe III au code général des impôts ».

Les opérations de recouvrement de la CSPE sont fixées par le décret n°2004-90 du 28 janvier 2004 relatif à la compensation des charges de service public de l'électricité modifié par le décret n°2006-581 du 22 mai 2006 et par le Code de l'Énergie et sont assurées par le gestionnaire du réseau public de transport ou de distribution, dénommé le redevable, sous la forme d'un prélèvement additionnel aux Tarifs d'utilisation des réseaux, lorsque le consommateur final a exercé son droit de choisir librement son fournisseur ;

La société ERDF fait valoir que l'obligation d'information alléguée est sans rapport avec l'objet des obligations nées du contrat, telles que les caractéristiques de la prestation due ou encore les éléments dont dépendent la régularité, l'utilité ou l'efficacité de la convention du contrat

Le contrat du 20 janvier 2006 liant les parties a pour objet de définir les conditions techniques, juridiques et financières de l'accès au réseau public de distribution en vue du soutirage d'énergie électrique par les installations industrielles ; il prévoit le raccordement du site de la société Dounor au réseau public d'électricité, la puissance d'énergie souscrite, le comptage de l'électricité soutirée, les prestations du distributeur relatives à la continuité et la qualité de l'onde électrique mais aussi le tarif d'utilisation du réseau.

Si la CSPE est un prélèvement obligatoire assis sur la consommation électrique et payé par tous les consommateurs finals d'électricité et peut être considérée comme un impôt dont le contentieux est compris parmi le contentieux général des actes et des opérations de puissance publique, il n'en demeure pas mois qu'elle figure sur les factures établies par la société ERDF et qui à ce titre est tenue d'une information du client sur le tarif pratiqué et sur des sommes payées en trop quand bien même celles-ci concernent des paiements déjà effectués.

Le plafonnement de la CSPE constituait une information importante et utile à la société Dounor dans la mesure où à ce titre elle réglait chaque année plus de 150 000€.

La société ERDF en sa qualité de distributeur d'électricité et de collecteur a été la première informée du mécanisme mis en place et a nécessairement eu connaissance des préalables à la décision prise ; il appartenait en conséquence à la société ERDF d'en avertir son partenaire.

La société ERDF soutient que la société Dounor est un professionnel averti ce qui est certes le cas dans son domaine d'activité ; en revanche elle n'avait pas de connaissance particulière dans le domaine de la fiscalité faisant confiance à son opérateur qui lui était particulièrement averti et qui était en situation de monopole ; la société ERDF ne peut comparer la CSPE à la TVA qui certes sont deux impôts sauf que la TVA a un caractère universel et concerne tous les produits alors que la CSP ne porte que sur la consommation d'électricité et ne concerne donc que les opérations nouées par ERDF et ses clients.

La société ERDF ne saurait arguer de la connaissance de la loi qu'avait la société Dounor pour échapper à leurs propres obligations d'information vis à vis de son partenaire en ce qu'elle détenait une information privilégiée et qui était pour son partenaire de la plus haute importance puisqu'elle lui permettait de récupérer partie des sommes payées.

La société ERDF a d'ailleurs reconnu ensuite son obligation d'information vis à vis de ses clients puisqu'en juillet 2011 un communiqué alertait ses clients sur l'évolution de la tarification de la CSPE dans les termes suivants : « Cette année, le TURPE (Tarif d'Utilisation du Réseau Public de Transport d'Electricité) et la CSPE (Contribution aux Charges de Service Public d'Electricité) évoluent. ERDF décide de vous en dire plus ».

Les premiers juges ont retenu un défaut d'information au titre de l'année 2006, observant que le contrat était de trois ans renouvelable et qu'avant fin 2008 la société Dounor aurait dû, en bon professionnel, faire jouer la concurrence qui aurait pu l'informer ; la Cour estime qu'il ne peut être fait grief à la société Dounor d'avoir conservé le même opérateur, ce qui traduit la confiance qu'elle lui faisait, pour dénier l'obligation d'information qui reposait sur celui-ci ; la Cour réformera le jugement entrepris en ce qu'il n'y a pas lieu de distinguer les exercices au titre desquels la société Dounor a été déclarée forclose et donc sur le quantum des dommages et intérêts.

La société Dounor aurait pu obtenir le remboursement de la somme globale de 335.656,61 € correspondant au trop-payé versé pour les années 2006, 2007 et 2008, montant qui n'est pas contesté et qui correspond donc à son préjudice ; la Cour réformera le jugement entrepris et condamnera la société ERDF à payer à titre de dommages et intérêts la somme de 335.656,61€à la société Dounor.

sur l'article 700 du code de procédure civile

La société Dounor a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum.

et statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la société Electricité Réseau Distribution France à payer à la société Dounor la somme de 335.656,61€,

et y ajoutant,

CONDAMNE la société Electricité Réseau Distribution France à payer à la société Dounor la somme de 8 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société Electricité Réseau Distribution France aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

B.REITZER C.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/10082
Date de la décision : 19/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°14/10082 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-19;14.10082 ?
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