RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 19 Novembre 2015
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/03661
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mars 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section commerce - RG n° 11/04943
APPELANTE
Madame [H] [Q]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Dominique OZENNE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136
INTIMÉE
SA PREVOIR VIE (GROUPE PREVOIR)
[Adresse 2]
[Localité 2]
N° SIRET : 343 28 6 1 033
représentée par Me Assunta SAPONE de la SELARL SELARL SAPONE - BLAESI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0404
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laura CLERC-BRETON, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente et par Madame Laura CLERC-BRETON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
[H] [Q] a été engagée en qualité de chef de projet partenariat par la société Prévoir Vie-Groupe Prévoir selon contrat de travail à durée indéterminée du 2 juillet 2007 ; son licenciement pour cause réelle et sérieuse lui a été notifié par lettre du 4 février 2011 ; elle a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 24 mars 2011 pour réclamer le paiement de dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de travail et des conditions dans lesquelles elle est intervenue.
Vu le jugement rendu le 27 mars 2013 par le conseil de prud'hommes qui a débouté [H] [Q] de ses demandes sauf celle concernant le non respect de la procédure de licenciement en condamnant la société Prévoir Vie-Groupe Prévoir à lui payer 2 500, 00 euros à ce titre ainsi que 500, 00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'appel formé par [H] [Q] contre ce jugement.
Vu les conclusions du 20 octobre 2015 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des prétentions et des moyens, reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, par l'appelante qui demande à la cour de condamner la société Prévoir Vie-Groupe Prévoir à lui payer les sommes de
- 70 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail
- 30 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
- 3 000, 00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
et d'ordonner la remise des documents sociaux et bulletins de salaire correspondant à la décision en confirmant le jugement pour le surplus.
Sur la procédure de licenciement elle expose que la convention collective prescrit que la lettre de convocation à l'entretien préalable doit comporter la possibilité de réunir un conseil, et l'article L.1232-6 du code du travail l'obligation d'envoyer la lettre de licenciement par pli recommandé, ce qui n'a pas été fait en l'espèce.
Sur le fond elle expose que le motif du licenciement repose sur des affirmations non étayées, que la réalité des griefs n'est pas établie et que s'agissant de l'incompatibilité d'humeur dont il est fait état dans certaines attestations celle-ci ne constitue pas un motif de licenciement ; elle souligne que le licenciement a été subitement mis en place lorsqu'elle a entrepris des démarches pour se présenter aux élections en février 2011 et que l'échelle des sanctions prévue par le règlement intérieur n'a pas été respectée.
Elle fait valoir que ses conditions de travail, telles qu'elles les subissait, ont eu une influence néfaste sur son état de santé et sont constitutives de harcèlement moral.
Vu les conclusions du 20 octobre 2015 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des prétentions et des moyens, reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, par la société Prévoir Vie-Groupe Prévoir qui demande à la cour de confirmer le jugement en ses dispositions sur la rupture du contrat de travail mais de l'infirmer en déboutant [H] [Q] de sa demande d'indemnité au titre de la procédure de licenciement et de la condamner à lui payer 1 500, 00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que si le premier entretien d'évaluation de la salarié s'est déroulé favorablement, le deuxième relève qu'elle doit encore s'affirmer comme force de proposition, le troisième fait état de tensions et relève les observations de son manager sur ses arrivées tardives récurrentes; elle indique que pour tenir compte de cette situation un nouveau poste a été proposé à [H] [Q] mais que celle-ci a persisté dans son comportement de refus de communication, de dénigrement et de remise en cause du fonctionnement collectif.
SUR QUOI
LA COUR
Sur la régularité de la procédure de licenciement,
l'envoi de la lettre recommandée pour notifier le licenciement prévu par l'article L. 1232-6 du code du travail ne constitue pas une règle de fond et n'est qu'un moyen de prévenir les contestations sur la date de notification du licenciement; par contre la convention collective qui prévoit en son article 90 la possibilité de réunir un conseil paritaire oblige l'employeur à le mentionner dans la convocation à l'entretien préalable, ce qui n'a pas été fait ; le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré la procédure irrégulière ; une indemnité de 1 000, 00 euros est suffisante à assurer la réparation intégrale du préjudice qui résulte pour [H] [Q] de ce manquement.
Sur la rupture du contrat de travail,
la lettre de licenciement fixant les limites du litige il convient de rappeler que par lettre du 4 février 2011l'employeur exprime les reproches suivants : 'des difficultés ont été constatées et rapportées dans votre communication tant au sein du service qu'à l'égard des partenaires notamment en ne respectant pas les logiques et les règles de validation en vigueur et en communiquant des mails à usage interne à des partenaires extérieurs... vous persistez à refuser de communiquer avec vos collègues dans le suivi des dossiers dans lesquels vous faites de la rétention d'informations et omettez d'alerter ceux-ci lorsque des difficultés surgissent ... vous ne respectez toujours pas les règles de validation en transmettant, de votre propre initiative , des documents non validés par votre hiérarchie, ce qui est source d'incompréhension et de tensions au sein de l'entreprise ... vous avez délibérément choisi de ne pas intervenir lors des réunions de service en refusant de vous engager sur des questions à l'ordre du jour en opposant un mutisme regretté par tous dans la mesure où votre contribution y est attendue ... en vous comportant de la sorte vous persistez à vouloir travailler de manière isolée ... vous avez fait montre d'un comportement inadmissible en vous livrant au dénigrement de votre hiérarchie ou de certains de vos collègues ...'.
La mission du chef de projet partenariat qu'occupait [H] [Q] consiste à développer et coordonner des projets de partenariat avec les partenaires commerciaux et à mettre en place des opérations attachées à ces projets ; elle se trouve précisément définie dans la fiche en date du 21 février 2007 ; les griefs développés dans la lettre de licenciement s'inscrivent dans le cadre de cette mission ; ils s'inscrivent également dans le suivi de l'entretien individuel d'évaluation de [H] [Q] par [I] [P] les 11 et 14 décembre 2009 où l'évaluateur relève chez la salariée des difficultés à se positionner en force de proposition sur des sujets buisness, des documents non soumis à sa validation et fait grief à [H] [Q] de ses arrivées tardives récurrentes, ' qui posent un problème d'échanges et d'image ... par exemple je t'ai cherchée 7 à 8 fois dans l'année et tu n'étais pas là.. ' de son manque de leadership, de sa discrétion dans les réunions du comité de pilotage et les rendez-vous avec les partenaires potentiels, et au terme duquel [H] [Q] se déclare frustrée par les résultats qu'elle obtient au regard de son investissement professionnel mais met en avant, quant à elle, son leadership dans la coordination des projets et la qualité des réunions et des échanges avec les services transverses de l'entreprise, son respect des timings, sa créativité et sa contribution aux autres services de l'entreprise.
Il en ressort que la salariée et son manager ne perçoivent pas l'activité de la première de la même manière, ce qui créé entre eux un climat de tension souligné par l'évaluateur.
Soucieux de mettre un terme à une situation mal vécue par [H] [Q] si l'on se réfère aux nombreux courriers qu'elle adresse au directeur des ressources humaines, monsieur [H], ce dernier lui propose, à la demande de [I] [P] , d'occuper le poste de chef de projet intégration, en collaboration avec monsieur [E], récemment recruté en qualité de développeur grands comptes ; tout en acceptant ces nouvelles fonctions [H] [Q], s'en plaint dans un courrier du 21 février 2010 en prétendant, sans le démontrer que cette nouvelle fonction est vide de sens pour l'entreprise dès lors que l'activité Prévoir Partenaires n'a que 3 partenariats santé et aucun partenariat vie entière et exprime le souhait de connaître des conditions de travail moins dénigrantes ; or il ressort de l'examen de la fiche de poste émise le 13 janvier 2010 relative au poste de chef de projet intégration que les critiques de [H] [Q] sur le contenu de ses fonctions nouvelles ne reposent sur aucun fondement.
Il ressort de l'enquête diligentée à la demande de l'inspection de travail le 25 mai 2010 que la situation conflictuelle qui s'est installée entre [H] [Q] et [I] [P] remonte à l'entretien d'évaluation de l'année 2008, la salariée n'ayant pas admis les évaluations négatives qui y étaient portées par son supérieur hiérarchique qui dénonçait un manque de recul, d'initiative, de créativité, une attitude passive lors des rendez-vous et un manque de leadership ; [H] [Q] y reconnaît le manque de participation qui est relevé à nouveau dans la lettre de licenciement en indiquant contribuer pleinement à l'activité ' même si je ne prends pas forcément la parole en réunion' ; le rapport conclut à l'existence d'une relation conflictuelle sans que la responsabilité de ce conflit puisse être mise à la charge de [I] [P] qui prend ses responsabilités en tant que manager.
La cour relève que les évaluations portées par [I] [P] sur sa collaboratrices portent, de façon précise et détaillée, sur les attentes non satisfaites par la titulaire du poste, même si celle-ci ne les comprend pas, qu'elles sont rédigées de manière à la fois technique et respectueuse de la salariée, dont les compétences dominantes sont répertoriées dans la recherche d'une fonction qui permettrait d'optimiser ses domaines de compétence et de préférence ; en regard [H] [Q] rédige de nombreux courriers dont le ton dominant est accusateur sans qu'aucun des griefs qui y sont développés ne repose sur un fait précis et circonstancié.
Il convient également d'observer qu'il ressort de la déclaration de monsieur [D], délégué du personnel et membre du CHSCT chargé par le CHSCT de conduire une enquête sur les conditions de travail de [H] [Q], qu'une proposition de rupture conventionnelle a été présentée à la salariée qui, après avoir demandé à réfléchir à cette proposition, ne s'est plus rendue devant l'enquêteur.
Il ressort encore de l'attestation de [U] [E], nouveau collaborateur de [H] [Q] à compter de février 2011, que [H] [Q] fait preuve dans l'exercice de son activité quotidienne d'une quasi absence de communication à son égard, qu'elle n'a apporté aucune valeur ajoutée dans le traitement du dossier Groupe François Bernard, mettant en danger cette relation commerciale, que l'aspect juridique du dossier n'a pas été traité, et qu'elle n'a pas fait preuve de la transparence nécessaire à la relation professionnelle basée sur la confiance ; s'agissant du dossier Figaro le témoin mentionne que [H] [Q] n'a pas répondu dans le temps imparti, pour la partie du dossier qui concernait sa responsabilité, et qu'elle a nié l'évidence lorsqu'il le lui a fait remarquer ; monsieur [E] souligne le manque d'investissement et la difficulté de [H] [Q] à travailler en équipe, ainsi que l'avait, avant lui, relevé [I] [P].
Dans une attestation du 26 avril 2012 [I] [P] témoigne de manière précise et circonstanciée de faits qui illustrent le mutisme de [H] [Q] dans les réunions et les répercussions négatives de ce comportement sur le fonctionnement de l'équipe de travail, dénonce une attitude de déni systématique, d'absence d'écoute de l'autre ; ce comportement est également relaté par [E] [G], cadre marketing au sein de l'entreprise qui relève que [H] [Q] avait une attitude d'ennui, ne participait à aucune discussion et qu'elle l'a dénigré auprès de ses collègues en prétendant qu'il n'était pas compétent.
[I] [P] dénonce encore la transmission d'informations à l'extérieur du service sans en référer ni les lui faire valider.
Se trouve ainsi établie la réalité des griefs développés dans la lettre de licenciement, de sorte que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a retenu que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté les demandes de [H] [Q] de ce chef.
Sur le harcèlement moral,
L'article L. 1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
S'il ressort des éléments du dossier tels qu'ils viennent d'être mis en perspective, qu'une situation de conflit s'était instaurée entre [H] [Q] et son supérieur hiérarchique direct, il ne ressort d'aucun de ces éléments que celui-ci aurait fait preuve d'agissements répétés de harcèlement moral, la salariée procédant à cet égard par affirmation fondées sur ses propres écrits, seuls éléments versés au débat au soutien de cette allégation qui ne se trouve donc pas suffisamment étayée.
C'est donc là encore à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande indemnitaire fondée sur des faits de harcèlement moral.
[H] [Q] qui succombe en son recours en supportera les dépens, aucun élément d'équité ne conduisant la cour à appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe :
ORDONNE la jonction des instances n° 13 /03661 et 13 / 03783 sous le n° unique : 13 / 03661
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf à fixer à la somme de 1 000, 00 euros le montant de l'indemnité due à [H] [Q] pour non respect de la procédure de licenciement,
Y ajoutant :
CONDAMNE [H] [Q] aux dépens d'appel,
REJETTE les demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT