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19/11/2015 | FRANCE | N°12/07590

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 19 novembre 2015, 12/07590


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 19 Novembre 2015



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07590



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Mars 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS - RG n° 10-02530





APPELANTE

CAISSE DE COORDINATION AUX ASSURANCES SOCIALES DE LA RATP

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentÃ

©e par Me Catherine LANFRAY MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1354







INTIMEE

Madame [V] [H]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 4] ( Burkina Fasso)

[Adresse 3]

[Local...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 19 Novembre 2015

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07590

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Mars 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS - RG n° 10-02530

APPELANTE

CAISSE DE COORDINATION AUX ASSURANCES SOCIALES DE LA RATP

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Catherine LANFRAY MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1354

INTIMEE

Madame [V] [H]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 4] ( Burkina Fasso)

[Adresse 3]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Martin PRADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0777

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 1]

[Localité 2]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Fatima BA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Céline BRUN, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP (CCAS-RATP) d'un jugement rendu le 21 mars 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à Mme [H] ;

Les faits, la procédure, les prétentions des parties :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;

Il suffit de rappeler que Mme [H], employée par la RATP en qualité d'animateur, agent mobile, a déclaré avoir été victime d'un accident du travail le 25 mai 2009 ; que la CCAS-RATP a refusé de prendre en charge l'accident déclaré au titre de la législation sur les risques professionnels ; que l'intéressée a contesté ce refus devant la commission de recours amiable qui a rejeté sa réclamation par décision du 19 février 2010 ; qu'elle a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ; que cette juridiction a aussi été saisie de la contestation par l'intéressée du refus de prise en charge d'un second accident déclaré comme étant survenu le 21 mai 2010.

Par jugement du 21 mars 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a annulé la décision de la commission de recours amiable du 19 février 2010 et dit que les accidents dont Mme [H] a été successivement victime le 25 mai 2009 et le 21 mai 2010 devaient être pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La CCAS-RATP fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à infirmer le jugement, confirmer l'avis de la commission de recours amiable du 19 février 2010 ainsi que les décisions refusant de prendre en charge les faits survenus le 25 mai 2009 et le 21 mai 2010.

Après avoir évoqué l'existence d'une procédure prud'homale l'opposant à la salariée et la fréquence de ses arrêts de travail, la caisse conteste la réalité de chacun des faits accidentels allégués.

Pour les faits du 25 mai 2009 censés être survenus à l'issue d'un entretien avec le supérieur hiérarchique de Mme [H], elle estime que tout s'est passé normalement, sans tension particulière. Elle relève l'existence d'une contradiction sur la nature de la lésion invoquée décrite comme une douleur au dos dans la déclaration d'accident et une crise d'angoisse dans le certificat médical. De même, elle fait observer que deux certificats ont été établis le même jour avec des prescriptions divergentes en matière d'arrêts de travail.

Pour les faits du 21 mai 2010, elle considère là encore qu'aucun événement survenu aux temps et lieu du travail n'est susceptible d'avoir provoqué la lésion invoquée. Elle explique qu'au cours de cette journée de travail, Mme [H] a été reçue par sa responsable hiérarchique qui lui a remis le planning de ses horaires de travail respectant les recommandations du médecin du travail en date du 6 mai 2010 et est retournée ensuite à son poste de travail sans incident. Elle note que le certificat médical initial ne fait pas état d'une crise de nerfs, comme cela est mentionné dans la déclaration, et a été établi par un médecin situé à plus de 400 km du lieu de travail de l'intéressée. Elle précise que la nouvelle fiche d'aptitude établie le jour même de l'entretien et prescrivant un repos zéro en faveur de Mme [H] ne pouvait pas être immédiatement prise en compte dans le nouveau planning.

Mme [H] fait déposer et soutenir par son conseil des conclusions de confirmation du jugement attaqué et de condamnation de la CCAS-RATP à lui verser la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Après avoir rappelé la rétrogradation injustifiée dont elle a fait l'objet en juillet 2009 après une agression dans le métro, elle soutient avoir été successivement victime de deux traumatismes sur son lieu de travail, à une époque où ses ennuis de santé la rendaient particulièrement vulnérable.

Le 25 mai 2009, elle dit avoir subi un choc psychologique à l'issue de l'entretien passé avec son supérieur hiérarchique et fait observer que le salarié l'accompagnant a constaté son état d'angoisse avant sa prise en charge par les services hospitaliers le jour même. Elle précise aussi que son état dépressif a des conséquences physiques tels que l'eczéma ou des crises de spasmophilies.

Le 21 mai 2010, elle indique avoir subi une nouvelle crise nerveuse sur son lieu de travail à l'issue d'un entretien avec un responsable hiérarchique au sujet de son emploi du temps car ses horaires pour le mois à venir ne respectaient pas l'avis de la médecine du travail prescrivant le regroupement de ses jours de travail en début de semaine dans le cadre de son mi-temps thérapeutique (repos 0). Elle relève que dès le mois de décembre 2009, la médecine du travail recommandait le regroupement des jours de travail en début de semaine pour lui permettre de suivre son traitement médical et explique sa crise nerveuse par le refus persistant de la direction à se conformer aux avis médicaux.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;

Motifs :

Considérant qu'il résulte de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale que, pour bénéficier de la présomption d'imputabilité, il appartient à celui qui prétend avoir été victime d'un accident du travail de rapporter la preuve d'un fait accidentel survenu au temps et sur le lieu du travail ; que cette preuve ne peut résulter des seules allégations de la victime non corroborées par des éléments objectifs matériellement vérifiables ;

Considérant que constitue un accident du travail tout événement précis survenu soudainement au cours du travail et qui est à l'origine d'une lésion ; que cette lésion peut être physique ou psychologique tel qu'un état de choc ou une crise de dépression ;

Considérant qu'en l'espèce, Mme [H] a été convoquée, le 25 mai 2009, à un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'à la révocation ; qu'elle s'est rendue à cet entretien avec M. [K], un collègue de travail, pour l'assister ;

Considérant que pour contester la réalité du fait accidentel allégué, la CCAS s'appuie essentiellement sur les déclarations du supérieur hiérarchique selon lesquelles l'entretien se serait déroulé normalement sans tension particulière, l'agent ayant répondu calmement à ses questions avant de sortir tranquillement, et sur les réponses de M. [K] qui a indiqué que Mme [H] paraissait dans un état normal en quittant le lieu de l'entretien qu'il qualifie de cordial ;

Considérant toutefois que le témoin précise aussi qu'à un moment, Mme [H] s'est tenue la tête en fermant les yeux, lui a dit que cela n'allait pas et s'est absentée un moment avant de poursuivre l'entretien ; qu'il ajoute que durant le trajet de retour 'elle avait du mal à marcher et se plaignait du dos' et qu'en arrivant au local syndical 'Mme [H] s'est assise et s'est mise à pleurer spasmodiquement, puis a dit : je suis bloquée du dos';

Considérant qu'il est établi qu'ensuite Mme [H] a été transportée immédiatement après ces faits à l'hôpital [Établissement 1] où un médecin a constaté 'une crise d'angoisse, anxiété' ; que ce diagnostic a été confirmé le jour même par un autre certificat médical faisant état d'un 'syndrome anxieux - spasmosphilie' ;

Considérant que l'intéressée justifie donc d'un événement précis et soudain survenu à l'issue de l'entretien préalable à une mesure disciplinaire tenu avec son supérieur hiérarchique et que cet événement a provoqué les lésions médicalement constatées le jour même ;

Considérant qu'à cet égard il importe peu que la déclaration d'accident mentionne uniquement le dos comme siège des lésions sans faire référence à la crise d'anxiété constatée par les médecins ; qu'il apparaît en réalité que les douleurs sont liées à la crise d'angoisse ;

Considérant que de même, la différence soulignée par la CCAS entre les deux certificats médicaux délivrés à Mme [H] le lendemain des faits ne porte que sur le nombre de jours de travail prescrits à l'intéressée ; que la réalité des lésions constatées par les deux médecins consultés successivement immédiatement après les faits n'est pas remise en cause ;

Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu l'existence d'un fait accidentel subi par Mme [H] au cours de la journée du 25 mai 2009 et ont fait application de la présomption d'imputabilité prévue à l'article L 411-1 du code de la sécurité pour ordonner sa prise en charge au titre de la législation professionnelle ;

Considérant que le fait accidentel invoqué le 21 mai 2010 consiste également en une crise de nerf consécutive à un entretien au sujet des horaires de travail de la salariée ;

Considérant que celle-ci indique avoir ressenti un choc en prenant connaissance de ses nouveaux horaires de travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ;

Considérant que la CCAS-RATP soutient que les horaires de travail respectaient les avis de la médecine du travail des 15 mars et 6 mai 2010 préconisant un aménagement de poste de travail mais pas l'application du repos 0 impliquant des repos les samedis et dimanches ;

Considérant cependant que Mme [H] fait observer que depuis le 7 décembre 2009, tous les avis de la médecine du travail prévoient expressément que les jours de travail doivent être regroupés en début de semaine à partir du lundi afin qu'elle puisse se soigner, ce qui équivaut à un repos 0 et que l'avis du 21 mai 2010, comme celui du 4 février 2010, visent clairement le repos 0 ;

Considérant qu'il est par ailleurs établi que l'intéressée a contesté en vain les modalités de son nouveau planning en faisant état de son mi-temps thérapeutique et des recommandations de la médecine du travail ;

Considérant que la lettre de réserves établie par la personne responsable de la ligne de métro reconnaît qu'après son entretien avec l'agent de maîtrise, le 21 mai 2010, 'Mme [H] est allée sur son poste de travail en pleurant et a pris à parti une de ses collègues de travail pour qu'elle atteste de son état' ; que cette lettre précise que l'intéressée a dû être relevée de son poste de travail pour lui permettre d'aller consulter un médecin ;

Considérant qu'il apparaît en effet que, sous le choc, Mme [H] est repartie chez elle en Bretagne et son médecin-traitant a fait les constatations suivantes 'harcèlement au travail-craque nerveusement suite aux difficultés et incompréhensions de sa cadre qui ne l'aide pas pour ses soins' ;

Considérant que la circonstance que le certificat médical initial soit établi par un médecin dont le cabinet est situé à 400 km du lieu de travail ne présente rien d'anormal puisque l'intéressée a établi son domicile en province ;

Considérant qu'il est ainsi justifié de l'apparition d'une lésion psychologique après un événement précis et soudain survenu à l'occasion du travail de Mme [H] ;

Considérant que c'est donc également à bon droit que les premiers juges ont considéré que la preuve d'un fait accidentel survenu le 21 mai 2010 était rapportée et ont fait application de la présomption d'imputabilité pour en ordonner la prise en charge ;

Considérant qu'au regard de la situation respective des parties, la CCAS-RATP sera tenue de verser à Mme [H] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare la CCAS-RATP recevable mais mal fondée en son appel ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne la CCAS-RATP à verser à Mme [H] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La dispense du paiement du droit d'appel prévu à l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 12/07590
Date de la décision : 19/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°12/07590 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-19;12.07590 ?
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