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18/11/2015 | FRANCE | N°15/01922

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 18 novembre 2015, 15/01922


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 18 novembre 2015



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01922



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 mai 2013 par le conseil de prud'hommes de PARIS -section encadrement- RG n° 12/01927





APPELANTE

Madame [D] [M]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 3]

comparan

te en personne





INTIMEE

SARL ARKADIN

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Jean DE BAZELAIRE DE LESSEUX, avocat au barreau de PARIS, P0244





COMPOSITION DE LA COUR :



En appl...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 18 novembre 2015

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01922

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 mai 2013 par le conseil de prud'hommes de PARIS -section encadrement- RG n° 12/01927

APPELANTE

Madame [D] [M]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 3]

comparante en personne

INTIMEE

SARL ARKADIN

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Jean DE BAZELAIRE DE LESSEUX, avocat au barreau de PARIS, P0244

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine ROSTAND, président, et Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, président

Madame Christine LETHIEC, conseiller

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Greffier : Madame Laura DESINGLY, greffier en stage de préaffectation, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, pour Madame Christine ROSTAND, président empêché, et par Madame Laura DESINGLY, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 24 mai 2013 ayant':

- condamné la SARL Arkadin à payer à Mme [D] [M] la somme indemnitaire de 44'506,94 € au titre de la clause de non-concurrence, avec intérêts au taux légal partant du 28 février 2012, et celle de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [D] [M] de ses autres demandes,

- condamné Mme [D] [M] aux dépens';

Vu la déclaration d'appel de Mme [D] [M] reçue au greffe de la cour le 30 octobre 2013';

Vu les écritures régulièrement communiqués et oralement soutenues à l'audience du 30 septembre 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de Mme [D] [M] qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ses seules dispositions de condamnations, sauf à y rajouter la somme de 4'450,69 € de congés payés afférents sur l'indemnité de non-concurrence,

- l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, condamner la SARL Arkadin à lui régler les sommes de':

167'702,71 € de rappel d'heures supplémentaires (2007/2011) et 16'770,27 € de congés payés afférents,

9'513 € de rappel de salaires « pour la mise en place d'objectifs inatteignables pour l'année 2008 » et 951,30 € d'incidence congés payés,

50'000 € de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

240'394,31 € de dommages-intérêts pour « préjudice professionnel et perte de chance subis consécutivement au départ brutal et vexatoire »,

44'506,94 € d'indemnité pour travail dissimulé,

178'325,65 € au titre de la contrepartie obligatoire en repos ou repos compensateur (2005/2011) et 17'832,57 € de congés payés afférents,

178'325,65 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice lié à l'impossibilité de formuler une demande de repos compensateur, et 17'832, 57 € d'incidence congés payés (demande nouvelle),

89 013,88 € de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

5'000 € de dommages-intérêts pour départ brutal et vexatoire,

44'506,94 € d'indemnité pour travail dissimulé,

12'148,40 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

5'000 € d'indemnité pour absence de visite médicale périodique obligatoire,

1'500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal';

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 30 septembre 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SARL Arkadin qui demande à la cour':

- d'infirmer la décision déférée en ses dispositions de condamnation au titre de l'indemnité de non-concurrence (44'506,94 €) et, statuant à nouveau, de débouter Mme [D] [M] de cette demande sauf, subsidiairement, à la réduire à la somme de 28'051,56 €,

- de la confirmer pour le surplus,

- de condamner en tout état de cause Mme [D] [M] à lui payer la somme de 5'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les demandes liées au rappel d'heures supplémentaires

La SARL Arkadin France, qui a un effectif d'une centaine de salariés, a engagé Mme [D] [M] en contrat de travail à durée indéterminée en qualité de gestionnaire de comptes clients débutant ayant pris effet le 12 septembre 2005, qualification non cadre au groupe C-niveau III de la convention collective nationale des télécommunications, moyennant un Salaire fixe de 19'200 € bruts annuels payables par mensualités de 1'600 et auquel s'ajoute une part variable calculée selon le plan de rémunération en vigueur et les objectifs qui lui seront fixés.

L'article 8 dudit contrat stipule que la durée de travail de Mme [D] [M], par référence au titre V de la convention collective précitée et de l'article 11 de l'accord de branche, est de 37 heures hebdomadaires.

*

Au soutien de sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, Mme [D] [M] précise que ses horaires de travail se situaient habituellement entre 9h15 et 20h30 avec une pause théorique déjeuner d'une heure de 12h30 à 13h30, ce qui représentait 51 heures sur la semaine dont 14 heures supplémentaires au-delà des 37 heures contractuelles.

L'appelante étaye sa demande en produisant de nombreux courriels qu'elle a envoyés à certains de ses collègues de travail et à sa hiérarchie, la plupart jusqu'à 20h30 voire au-delà -ses pièces 27 à 30, 36-, deux attestations de salariés de l'entreprise confirmant qu'elle travaillait « tard le soir » et qu'« elle faisait de longue journée de travail », ainsi qu'un décompte récapitulatif.

Pour s'opposer à cette prétention, l'employeur considère que Mme [D] [M] ne rapporte pas la preuve d'un travail effectif alors que les échanges de courriels précités sont de nature professionnelle en lien direct avec les fonctions exercées par cette dernière, peu important qu'elle disposait d'une « grande autonomie » dans l'organisation de son temps de travail, invoque l'exigence d'un accord explicite de l'employeur en renvoyant à sa pièce 12 qui, contrairement à ce qu'il prétend, n'est pas un formulaire de suivi des heures supplémentaires, étant en outre rappelé que l'absence d'autorisation préalable n'excluait pas en soi un accord tacite de sa part dès lors qu'il ne s'est jamais opposé à ces dépassements d'horaires récurrents de sa salariée en fin de journée, et affirme qu'elle ne peut se prévaloir d'un décompte précis malgré la pièce 50 de son dossier de plaidoirie comme appelante.

La preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires par Mme [D] [M] étant rapportée, après infirmation du jugement entrepris, la SARL Arkadin sera condamnée à lui régler à titre de rappel d'heures supplémentaires la somme évaluée par la cour à 167'702,71 € sur la période 2007/2011, et celle de 16'770,27 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 28 février 2012, date de réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation.

*

Infirmant tout autant la décision déférée, en application des articles D.3121-7 et suivants du code du travail, la SARL Arkadin sera condamnée à verser à Mme [D] [M], au vu de son décompte (pièce 59), la somme de 159'668,66 € au titre de la contrepartie obligatoire en repos ou repos compensateur sur la même période 2007/2011, et 15'966,86 € d'incidence congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2012.

*

Faisant droit à la demande nouvelle de Mme [D] [M], l'employeur sera condamné à lui payer la somme de 159'668,66 € (+ 15'966,86 €) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant de ce qu'elle n'a pas été en mesure du fait de celui-ci de formuler une demande de repos compensateur, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

*

Concernant la demande indemnitaire pour travail dissimulé, compte tenu du volume important d'heures supplémentaires effectuées par l'appelante de manière régulière et persistante sur plusieurs années avec l'accord au moins implicite de son employeur qui a laissé cette situation perdurer tout en établissant les bulletins de paie sur une base invariable de 151,67 heures mensuelles, en dépit des observations de sa salariée notamment dans un échange de courriels du 3 mars 2008, il en résulte une omission intentionnelle caractérisant une situation de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié au sens de l'article L.8221-5 du code du travail, de sorte qu'après infirmation de la décision critiquée la SARL Arkadin sera condamnée à payer à Mme [D] [M] une indemnité forfaitaire de 28 020 € en application de l'article L.8223-1, indemnité à calculer sur la base d'une rémunération en valeur moyenne de 4'670 € bruts mensuels (partie fixe et variable), avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

Sur la demande de rappel de salaires

Les parties ont conclu 9 avenants entre 2006 et 2011 ayant pour objet la détermination de la rémunération variable constituée de commissions mensuelles et de primes semestrielles ou trimestrielles selon les années.

Mme [D] [M] présente une demande de rappel de salaires en raison de « la mise en 'uvre d'objectifs inatteignables pour l'année 2008 », ce que conteste l'intimée qui relève que la salariée se contente de l'affirmer alors que certains de ses collègues ont atteint leurs objectifs la même année, et qu'elle a bénéficié d'un réajustement pour tenir compte de sa situation personnelle.

L'avenant concerné n°3 applicable sur l'année 2008 fixe des objectifs précis par paliers pour la détermination des commissions mensuelles, de même que les primes semestrielles font l'objet d'une formule de calcul rigoureuse reposant sur des objectifs détaillés.

Au-delà de l'affirmation de l'appelante, qui se contente de produire une attestation d'une collègue de travail en la personne de Mme [B] [E] indiquant « n'avoir eu aucune explication claire sur la manière dont (les objectifs) étaient calculés », il n'apparaît pas une insuffisance des moyens mis à sa disposition pour lui permettre de les atteindre en tout ou partie, comme il ne ressort pas qu'elle aurait été confrontée dans l'exercice de ses missions à des difficultés particulières ou à des obstacles d'envergure de nature à expliquer ses moins bons résultats si on se permet une comparaison avec d'autres salariés ayant été sur le même exercice plus performants au vu de la pièce 33 émanant de l'intimée.

Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté Mme [D] [M] de cette demande (9'513 €).

Sur le harcèlement moral

Mme [D] [M], au soutien de sa demande indemnitaire à ce titre, précise avoir subi des reproches infondés, une baisse sans raisons objectives de son évaluation ainsi que de sa notation en 2009, des sanctions disciplinaires injustifiées, une sanction financière suite à un arrêt de travail, une absence d'augmentation salariale en 2009 alors que ses performances étaient « excellentes », une baisse de rémunération de 27% en 2008 en dépit du fait que son volume d'affaires affichait une croissance de 24%, une surcharge de travail excessive, un stress et une anxiété générés par la surveillance « systématique » de ses horaires d'arrivée, des atteintes à sa santé physique et mentale, une atteinte à son droit au repos et à une vie privée, ce que conteste globalement l'employeur.

Au vu des éléments soumis par l'appelante à la cour':

- les « reproches infondés » reposeraient sur une série de courriels avec sa hiérarchie le 9 septembre 2010 dont la lecture permet plutôt de conclure à des échanges libres et décomplexés dans le ton employé de part et d'autre';

- son évaluation de l'année 2009 met en avant ses qualités commerciales, tout en insistant sur le fait qu'« elle s'est concentrée sur elle-même et n'a pas développé l'esprit d'équipe, valeur fondamentale chez Arkadin », avec une « attitude parfois conflictuelle et problématique » vis-à-vis de sa hiérarchie, ce qui relève d'une appréciation purement professionnelle de la part de son employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction';

- les « sanctions disciplinaires injustifiées » se résument à un avertissement lui ayant été notifié le 7 octobre 2010 pour des prises de service le matin avec retard';

- la « sanction financière » suite à un arrêt de travail en septembre 2008, laquelle se serait concrétisée par une retenue de 1'000 € sur son bulletin de paie, ne résulte que d'un courriel de protestation qu'elle a envoyé à sa hiérarchie en novembre, étant observé par la cour que le bulletin de salaire en question ne laisse apparaître aucune déduction à due concurrence'et qu'il n'est pas versé aux débats celui du mois suivant ;

- les augmentations salariales procèdent d'une négociation annuelle entre la direction et les salariés, la réévaluation de sa rémunération n'ayant rien d'automatique et d'acquis courant 2009 en dépit de ses « performances excellentes », expression quelque peu exagérée dès lors que ses résultats correspondaient aux objectifs lui ayant été fixés sans plus ;

- sa « baisse de salaire de 27% » en 2008 liée, selon elle, à la mise en place « d'objectifs inatteignables », n'a pas de fondement dès lors que la cour l'a déboutée de sa demande de rappel de Salaire pour les raisons précédemment exposées';

- la surcharge de travail avec des horaires importants, sauf circonstances particulières, ne peut relever de la qualification de harcèlement moral, étant principalement dénoncé par la Salariée un « manque de ressources chronique », ce qui renvoie à la question plus générale des moyens mis à la disposition de l'entreprise pour faire face à ses missions';

- le fait de contrôler ses heures d'arrivée relève du pouvoir de direction de l'employeur nonobstant « le stress et l'anxiété » que cela a pu malheureusement lui procurer';

- le certificat médical de son médecin traitant du 8 octobre 2012 fait état de « pathologies liées au stress au travail » sans autre indication ;

- aucune atteinte n'est caractérisée dans son droit au repos, lors de ses congés maladie ou quand pour des raisons personnelles elle a pris un congé de solidarité familiale, ce que l'employeur a parfaitement accepté ;

- la prétendue « atteinte à (son) droit à la vie privée » résulterait principalement d'un échange de courriels avec son supérieur hiérarchique le 30 mars 2010 (S. [U] / 9h42 : « C'est vrai tu veux un café » - A. [M] / 9h43 : « Non, juste si tu as des questions qui concernent ma vie privée, y'a des salles de réunion, pas besoin du café ' » ).

De l'ensemble de ces données, force est de constater que Mme [D] [M] n'établit pas, comme exigé par l'article L.1154-1 du code du travail, « des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement » au sens de l'article L.1152-1.

La décision critiquée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande indemnitaire de ce chef (50'000 €).

Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

Mme [D] [M] a notifié à l'intimée sa démission le 1er juillet 2011 en ces termes': « Par la présente, je vous informe de ma volonté de démissionner du poste d'ingénieur commercial ' Cette démission prendra effet le 1er juillet 2011. Bien que la Convention Collective ' prévoie un préavis de trois mois, je souhaiterais bénéficier d'une réduction de préavis et ainsi être libre de tout engagement le 31/07/2011 ' ».

*

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail qui le lie à son employeur.

Lorsque, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, le salarié remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à l'employeur, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date de sa notification elle était équivoque, il convient de l'analyser en une prise d'acte produisant les conséquences indemnitaires d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les griefs invoqués la justifiaient.

*

Mme [D] [M] invoque entre autres manquements contre l'intimée le non-paiement des heures supplémentaires qu'elle a effectuées, ce qui motive sa demande de « requalification de (sa) démission en rupture abusive aux torts de l'employeur », demande visant en définitive à faire juger que la rupture du contrat de travail est imputable à celui-ci.

La SARL Arkadin considère au contraire que la démission de l'appelante est claire et non équivoque dès lors qu'il ne peut lui être reproché aucun manquement ou aucune faute à ses obligations comme employeur.

*

Dans la mesure où il a été précédemment relevé un manquement de la SARL Arkadin à son obligation de payer les heures supplémentaires réalisées par Mme [D] [M], avec en outre le constat d'une situation de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, il ressort que la volonté de démissionner de cette dernière était équivoque.

Cette prise d'acte par la salariée de la rupture de son contrat de travail sera considérée comme justifiée dès lors qu'elle se fonde sur un manquement suffisamment grave de l'employeur ayant empêché la poursuite de l'exécution du contrat de travail entre les parties, prise d'acte qui produira les conséquences indemnitaires d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans cette hypothèse, la salariée peut prétendre à une indemnité conventionnelle de licenciement ainsi qu'à des dommages-intérêts auxquels elle aurait eu droit en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

*

Infirmant le jugement querellé, l'intimée sera condamnée à payer à Mme [D] [M] les sommes de':

8'406,46 € d'indemnité conventionnelle (article 4.4.1.2) de licenciement (4'670,26 € bruts de salaire mensuel moyen x 12 mois = 56'043,12 € x 3/100 x 5 années), avec intérêts au taux légal partant du 28 février 2012';

46'700 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, représentant l'équivalent de 10 mois de salaires compte tenu de son âge (32 ans) et de son ancienneté dans l'entreprise (5 ans), avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La cour le confirmera en ce qu'il a débouté l'appelante de sa demande indemnitaire pour « départ brutal et vexatoire », dès lors qu'il n'est pas établi que cette rupture est survenue dans des circonstances ainsi alléguées (5'000 €).

Sur le « préjudice professionnel et la perte de chance subis consécutivement au départ brutal et vexatoire »'

Le caractère supposé brutal et vexatoire de la rupture n'ayant pas été retenu par la cour, la décision querellée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la réclamation indemnitaire de Mme [D] [M] à ce titre (demande passée de 89'013,88 € en première instance à 240'394,31 € en cause d'appel).

Sur l'absence de visite médicale périodique

Mme [D] [M] précise qu'après son embauche en septembre 2005, elle n'a eu une première visite médicale qu'en février 2009, ce à quoi l'intimée répond, sans même en justifier, qu'elle a pu bénéficier d'« un rendez-vous médical le 19 mars 2008 dans le cadre de la visite médicale périodique ».

Il en résulte que l'employeur n'a manifestement pas satisfait à cette obligation de visite médicale « périodique » prévue à l'article R.4624-16 du code du travail.

Ce manquement de la SARL Arkadin à son obligation générale de sécurité de résultat en matière de protection de la santé au travail a nécessairement causé un préjudice à l'appelante.

Infirmant la décision entreprise, l'intimée sera condamnée à payer à Mme [D] [M] la somme indemnitaire à ce titre de 2'000 € majorée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur la clause de non-concurrence

Mme [D] [M], au soutien de sa réclamation, rappelle que le délai convenu pour procéder à la levée de l'obligation de non-concurrence était de 15 jours calendaires, délai expirant le 16 juillet 2011 et que n'a pas respecté la SARL Arkadin pour avoir manifesté son intention en ce sens seulement le 19 juillet 2011.

L'article 4.2.4.1 de la convention collective précitée, auquel se réfère l'article 12.4 du contrat de travail, permet à l'employeur de « renoncer à la ' clause de non concurrence par notification écrite au salarié dans les 15 jours calendaires suivant la notification ' de la démission ».

La notification de la démission à la SARL Arkadin ayant été faite le 1er juillet 2011, ce qui n'est pas contesté, celle-ci avait théoriquement jusqu'au 16 juillet pour renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence.

L'intimée considère que le point de départ du délai de 15 jours calendaires est le 4 juillet 2011, date à laquelle elle aurait reçu de l'appelante un courriel ayant pour objet « erratum », Sans autre précision, courriel qui n'est même pas versé aux débats.

Il convient de dire que ledit délai a couru à compter du 1er juillet 2011, date à laquelle la démission de l'appelante a été portée à la connaissance de l'employeur qui, comme cela n'est pas contesté, a fait part de son intention de lever la clause de non-concurrence dans un courrier réceptionné par Mme [D] [M] seulement le 19 juillet suivant, hors délai.

Infirmant la décision déférée sur le quantum de l'indemnité de non-concurrence devant ainsi revenir à Mme [D] [M], en application de l'article 12.4 du contrat de travail rappelant qu'elle est égale à « 50% du salaire annuel brut », l'intimée sera condamnée à lui payer la somme de ce chef de 28'021,53 € (56'043,06 €/2), avec intérêts au taux légal partant du 28 février 2012.

Il n'y a pas lieu à ordonner la restitution d'un trop perçu de 16 485,94 € (44'506,94 € de montant retenu par les premiers juges avec l'exécution provisoire de plein droit ' 28'021 €), comme sollicité par l'employeur, dès lors que le présent arrêt vaut titre et se suffit à lui-même.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'intimée sera condamnée en équité à régler à l'appelante la somme complémentaire de 1'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions sur le rappel de salaires, le harcèlement moral, les demandes fondées sur le «départ brutal et vexatoire», l'article 700 du code de procédure civile et les dépens';

L'INFIRME pour le surplus et, statuant à nouveau,

CONDAMNE la SARL Arkadin à régler à Mme [D] [M] les sommes de':

' 167'702,71 € de rappel d'heures supplémentaires (2007/2011) et 16'770,27 € de congés payés afférents

' 159'668,66 € au titre de la contrepartie obligatoire en repos (2007/2011) et 15'966,86 € d'incidence congés

' 8'406,46 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

' 28'021,53 € d'indemnité de non concurrence

avec intérêts au taux légal partant du 28 février 2012

' 28'020 € d'indemnité pour travail dissimulé

' 46'700 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 2'000 € de dommages-intérêts pour absence de visite médicale périodique

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt';

Y ajoutant,

CONDAMNE la SARL Arkadin à verser à Mme [D] [M]':

' la somme indemnitaire de 159'668,66 € en réparation de son préjudice résultant de ce qu'elle n'a pas été en mesure de formuler une demande de repos compensateur, et celle de 15'966,86 € d'incidence congés payés, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt

' la somme de 1'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SARL Arkadin aux dépens d'appel.

LE GREFFIER POUR LE PRESIDENT

EMPECHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/01922
Date de la décision : 18/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°15/01922 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-18;15.01922 ?
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