RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 13 Novembre 2015
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/10021
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Mars 2011 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 09/02979
APPELANT
Monsieur [M] [O] né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1] (COTE D'IVOIRE)
[Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Didier PETIT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1447
INTIMEE
SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS N° SIRET : 309 755 387
[Adresse 1]
représentée par Me Valérie BATIFOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P 470
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Valérie AMAND, Conseillère faisant fonction de Présidente
Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère
M. Christophe BACONNIER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Valérie AMAND, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [M] [O] né en [Date naissance 2] a été engagé par la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS à compter du 20 juin 2003 en qualité d'officier pilote de ligne Airbus catégorie personnel navigant technique/C 2 avec un statut de cadre.
Il est promu aux fonctions de commandant de bord à compter du 21 avril 2006 sur les avions Airbus de la compagnie et sa rémunération est précisée en référence à l'accord d'entreprise.
Les relations de travail entre les parties sont régies par l'accord d'entreprise de la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS nommé accord PNT (personnel navigant technique) du 28 octobre 2002, dénoncé par la direction le 25 mars 2013, avec cessation effective d'application à compter du 15 août 2014 mais maintien des avantages individuels acquis pour tous les PNT en poste au 14 août 2014.
Monsieur [M] [O] a occupé à compter du 17 mars 2008 de nombreux mandats de représentation du personnel et en dernier lieu il est titulaire de quatre mandats (membre titulaire au comité d'entreprise, délégué du personnel, membre du CHSCT, délégué syndical désigné par le [Adresse 3] (SNPL)).
Estimant ne pas avoir été intégralement rempli de ses droits concernant les indemnités de congés payés depuis l'année 2003, Monsieur [M] [O] et plusieurs autres pilotes de ligne ont saisi le 10 août 2009 le conseil de prud'hommes de Bobigny en nomination d'un expert judiciaire avec pour mission de répertorier les manquements de l'employeur et évaluer les sommes dues au demandeur au titre des indemnités de congés payés.
Le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de nomination d'un expert judiciaire mais a enjoint à la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS de communiquer au comité d'entreprise et aux salariés demandeurs une note récapitulant les différentes modalités de calcul appliquées à l'établissement de l'indemnité de congés payés depuis 2004 jusqu'à ce jour.
Une note de l'employeur a été transmise en octobre 2010 aux institutions représentatives du personnel explicitant les méthodes de calcul modifié.
Sur la base de cette note, un expert-comptable a été mandaté par les salariés aux fins de calculer le rappel des indemnités de congés payés dus par leur employeur dans le strict respect de la prescription quinquennale.
Par jugement en date du 2 mars 2011, le conseil de prud'hommes de Bobigny a condamné la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS à verser à Monsieur [M] [O] la somme de 1. 222,30 euros à titre de rappel d'indemnité de congés payés avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2009, la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Monsieur [M] [O] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions visées par le greffe le 10 septembre 2015, Monsieur [M] [O] demande à la cour'de':
- dire que la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS durant la période d' août 2004 à juin 2014 n'a pas respecté les dispositions d'ordre public relatives au calcul des indemnités de congés payés à l'égard de Monsieur [M] [O] et condamner en conséquence la société intimée à lui payer la somme de 2. 892,93 euros bruts à titre de rappel d'indemnité de congés payés, outre la somme de 8. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail
- Déclarer recevables les demandes formulées par Monsieur [M] [O] au titre de rappel de paiement d'heures de délégation pour la période du 16 septembre 2008 au 31 mai 2015
- juger que la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS n'a jamais respecté à l'égard de Monsieur [M] [O] le principe protecteur et égalitaire défini dans le premier alinéa du paragraphe 4. 3. 5 de l'accord collectif d'entreprise du 28 octobre 2002 agissant comme une clause de garantie de rémunération du PNT lors de l'exercice de ses missions de représentation du personnel
- dire et juger que la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS durant la période du 16 septembre 2008 au 31 mai 2015 a rémunéré Monsieur [M] [O] en tant que salarié protégé de sorte que volontairement celui-ci subisse une perte de rémunération de l'exercice de ses missions de représentation du personnel PNT
- dire et juger que la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS a ainsi exercé une attitude discriminante à l'égard de Monsieur [M] [O]
- condamner en conséquence la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS à payer à Monsieur [M] [O] au titre de rappel de paiement d'heures de délégation pour la période du 16 septembre 2008 au 31 mai 2015
à titre principal : les sommes de 288.'002, 56 euros bruts et 28'800,25 euros de congés payés y afférents ainsi que la somme de 24.'000,21 euros à titre de 13e mois afférent,
à titre subsidiaire : les sommes de 216.'081,14 euros et 21'.608, 11 euros de congés payés y afférents ainsi que la somme de 18.'006,76 euros à titre de 13e mois afférent.
- En page 34 de ses conclusions, il réclame le paiement de 300.000 euros de dommages intérêts en réparation de ses nombreux préjudices subis pendant la période du 16 septembre 2008 au 31 mai 2015.
- Il demande la condamnation en tout état de cause de la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS à payer outre les entiers dépens, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées par le greffe le 10 septembre 2015, la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS demande à la cour de confirmer le jugement ayant validé la méthode de calcul de l'indemnité de congés payés fixée par la société, en conséquence débouter le salarié de sa demande de rappel de congés payés et juger qu'il n'est pas fondé à solliciter des dommages intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.
Elle demande par ailleurs de :
- juger que l'appelant est irrecevable à solliciter un rappel d'heures de délégation, ces dernières ayant été rémunérées conformément à l'accord du 28 octobre 2002 puis conformément aux dispositions des règles d'emploi applicables à compter du 15 août 2014
- dire que M. [O] n'a pas fait l'objet d'une discrimination et le débouter en conséquence de sa demande de dommages intérêts pour discrimination; à titre subsidiaire, juger que le rappel de salaires serait de 2.885, 48 euros, dire que M. [O] ne justifie pas le montant des dommages intérêts sollicités au titre de la discrimination salariale alléguée, et le condamner à la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience des débats, les parties ont développé oralement les écritures susvisées auxquelles il fait expressément référence pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
MOTIVATION
Sur le rappel d'indemnité de congés payés
Selon l'article L. 3141-22 du code du travail, le congé annuel ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.....
Toutefois, l'indemnité prévue au I ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
Si les parties, après de multiples discussions s'accordent désormais sur l'assiette de l'indemnité (exclusion de la prime de fidélité, de primes du 1er mai 2014, déductions de certains congés payés déjà pris en compte, exclusion de la prime de 13 ème mois) , et sont donc d'accord sur le facteur M dans les formules suivantes, elles sont contraires sur le diviseur à appliquer dans les deux méthodes retenues :
pour le salarié, dans la règle du maintien de salaires, le montant du salaire maintenu est calculé ainsi :
[ salaire brut mensuel (M-2) / 30 ] x nombre de congés pris, tandis que pour l'employeur c'est la même formule mais avec un diviseur de 30,33 au lieu de 30
et dans la règle du 10 ème, la formule de l'indemnité mensuelle de congés payés est :
[salaire brut de la période de référence X 10%/ 30] x nb de jours de congés pris, tandis que pour l'employeur, la formule est la même mais avec un diviseur de 30,33 au lieu de 30.
Comme le reconnaissent les deux parties, la loi ne détermine pas comment décompter les retenues au titre des congés payés, et la circulaire du 30 août 1978 invoquée par elles propose 4 méthodes :
- celle du 30 ème salaire du mois correspondant à la prise des congés payés /30 X nb de congés pris
- celle des jours ouvrables 26 [52 semaines X 6 jours / 12 mois ]
- celle des jours ouvrés : 21,67 [ 52 semaines X 5 jours / 12 mois ]
- celle des heures : rapport entre le nombre d'heures que le salarié aurait accomplies pendant le congé et le nombre d'heures correspondant à la durée légale effective du travail pendant le mois considéré.
En l'absence de détermination légale, la détermination par l'employeur doit résulter soit d'un accord d'entreprise, soit d'un usage et correspondre à la situation la plus appropriée à l'exercice effectif de la prise de congés payés.
Or en l'espèce, la spécificité de l'activité de l'employeur a conduit la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS à :
- fixer à 48 jours le nombre de congés payés acquis chaque année par un PNT (et non jours) décomposé en 35 jours calendaires, 6 jours de congés payés compensatoires supplémentaires, 7 jours de congés payés supplémentaires pour fractionnement moins un jour pour la journée de solidarité
- décompter les jours de congés payés en jours calendaires et non en jours ouvrables ou ouvrés
- décompter l'activité des PNT en primes horaires de vol (PHV) et non en heures.
Compte tenu de ces particularités liées à l'activité spécifique de la société et aux conditions de travail des PNT, la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS est parfaitement fondée à retenir la méthode des jours calendaires et utiliser le diviseur 30, 33 dans la méthode du dixième et du maintien de salaires [52 semaines X 7 jours calendaires / 12 mois, soit 30, 33].
Cette méthode de calcul de l'indemnité de congés payés est cohérente avec la fixation du nombre de congés payés en jours calendaires, laquelle n'est pas en son principe remis en cause par le salarié dont le régime est plus favorable que ce que la loi accorde (maximum de 30 jours ouvrables).
Par suite, le rappel de salaire tel que formulé par le salarié n'est pas justifié comme se fondant sur une méthode erronée, étant précisé qu'il a perçu la somme de 1.222, 30 euros fixée par le conseil de prud'hommes, en sorte que la condamnation est prononcée en deniers valant quittance.
S'agissant des dommages intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, il est observé que la mise à plat des méthodes a amené les deux parties à reconnaître chacune leurs erreurs (dans la prise en compte du salaire de référence pour le salarié et dans divers oublis pour l'employeur).
L'employeur à qui il appartient de remplir ses salariés de leurs droits à congé payés s'est lui-même reconnu débiteur de la somme de 1. 222, 30 euros sur la période de 2004 à 2009 ; privé de cette somme due, le salarié peut obtenir la réparation du préjudice en résultant qui ne saurait dépasser un montant équivalent aux intérêts au taux légal sur cette somme depuis le 10 août 2009 alloué à juste titre par le jugement déféré confirmé sur ce point ; le salarié qui ne justifie pas d'un préjudice spécifique et plus ample est débouté de sa demande de dommages intérêts.
Sur le rappel des heures de délégation
Estimant que son décompte d'activité de représentation du personnel serait discriminatoire et qu'il a été privé indûment de rémunération à raison de l'exercice de ses fonctions de représentation du personnel et syndicales, le salarié formule en appel une demande nouvelle de rappel d'heures de délégation pour la période du 16 septembre 2008 au 31 mai 2015, outre des dommages intérêts en réparation de son préjudice.
Selon l'article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte notamment en matière de rémunération au sens de l'article L. 3221-3 en raison de ses activité syndicales et selon les articles L. 2315-3, 2143-17, 2325-8 et L.4614-6 du même code, le temps de délégation est un temps de travail effectif qui doit être rémunéré comme du temps de travail, l'utilisation des heures de délégation ne devant pas entraîner de perte de rémunération.
L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse de prouver que la décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, il est constant que selon l'accord d'entreprise du 28 octobre 2002 les différentes activités de chaque PNT sont répertoriées et définies et donnent droit chacune à une fraction ou un multiple de primes horaires de vol (PHV), cette PHV restant la référence pour exprimer le temps de travail conformément à l'article D. 422 ' 4 du code de l'aviation civile.
Ainsi, l'activité exploitation vol donne droit à':
- 1 PHV pour 1 heure d'activité exploitation vol en fonction de jour
- 1,5 PHV pour 1 heure d'activité exploitation vol en fonction de nuit
tandis que l'activité exploitation sol donne droit à':
- 0,5 PHV pour 1 heure de MEP (mise en place par voie aérienne)
- 1 PHV pour 1 heure de simulateur, hors formation qualifiante'..
- 0,75 PHV pour une formation qualifiante en cours ou au simulateur par tranche de 2 heures, sans majoration de nuit
''
Par ailleurs, chaque PNT bénéficie d'un salaire mensuel minimum garanti pour toutes les activités effectuées dans le mois ayant généré un décompte inférieur ou égal à 65 primes horaires de vol (PHV).
Au-delà du seuil de 65 PHV, l'accord prévoit'le paiement de PHV supplémentaires, et complémentaires affectés de coefficients révisés régulièrement notamment en 2008 et 2009.
S'agissant d'un salarié exerçant l'activité de représentant du personnel, l'accord prévoit expressément'en son article'4.3.5 :
«' La rémunération du PNT exerçant des fonctions de représentation du personnel est calculée dans le respect du principe que l'exercice d'un mandat ne peut conduire à lui verser une rémunération moindre que celle dont il aurait bénéficié s'il avait exercé une activité d'exploitation vol.
Une activité sol programmée et dûment justifiée, de représentant du personnel, donne droit à 0,75 PHV par tranche d'amplitude supérieure ou égale à deux heures, et dans la limite du quota d'heures de délégation visée par les dispositions réglementaires ainsi que par le présent accord. »
Or comme le reconnaît expressément la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS, cette dernière a calculé la rémunération due à Monsieur [M] [O] pendant ses heures de délégation en appliquant le seul second alinéa de l'accord (cf ses écritures page 14) en alignant ainsi la rémunération du salarié pendant ses heures de délégation sur l'activité exploitation sol exclusivement.
Ce faisant la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS a méconnu l'accord collectif dont elle n'a pas respecté le principe protecteur et égalitaire de rémunération qu'elle a elle-même édicté dans ce premier alinéa.
Par ailleurs, l'alignement opéré sur l'activité exploitation sol dans les conditions de l'accord apparaît d'emblée discriminatoire dès lors qu'il conduit à rémunérer de manière distincte et dans une proportion moindre le salarié commandant de bord qui exerce des fonctions de représentant du personnel par rapport à celui qui n'exerce pas de telles fonctions, l'activité exploitation sol étant moins bien rémunérée que l'activité exploitation vol sauf dans quelques hypothèses visées à l'accord.
Contrairement à ce qu'indique la société intimée, même en l'absence d'action en annulation de l'accord d'entreprise du 28 octobre 2002 ou en déclaration d'illicéité de l'article 4.3.2 alinéa 2, le salarié appelant est parfaitement recevable à faire valoir devant la juridiction prud'homale les droits qu'il tient de cet accord et notamment de l'alinéa 1er de l'article suscité et à solliciter l'indemnisation du préjudice consistant en la perte d'éléments de traitement par l'effet d'une disposition conventionnelle discriminatoire.
La société intimée alertée notamment par lettres du 1er octobre 2010, du 27 janvier 2011 et courriel du 5 juillet 2011 sur la discrimination introduite par l'alinéa 2 de l'article 4.3.2 de l'accord a modifié cet accord qu'elle a dénoncé le 15 mai 2013 sans pour autant trouver de solution pour déterminer les modalités de paiement des rémunérations variables des PNT exerçant des mandats de représentation du personnel.
Dans le nouvel accord d'entreprise à effet du 15 août 2014, l'alinéa 1 est légèrement modifié en prévoyant «' La rémunération du PNT exerçant des fonctions de représentation du personnel est calculée dans le respect du principe que l'exercice d'un mandat ne peut conduire à lui verser une rémunération moindre que celle dont il aurait bénéficié s'il avait exercé [son contrat de travail']».
En revanche, le nouvel accord maintient inchangé le second alinéa de l'article 4.3.2 et la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS reconnaît qu'elle continue à rémunérer Monsieur [M] [O] pendant ses heures de délégation comme une activité d'exploitation sol en application de ce seul alinéa en méconnaissant le nouvel alinéa 1.
Ce nouvel accord encourt les mêmes reproches que le premier pour rémunérer les heures de délégation sur une base inférieure à l'activité exploitation vol sans prendre en compte que Monsieur [M] [O] en qualité de commandant de bord est amené à avoir une activité vol et une activité sol qui doivent être rémunérées comme telles sans que ses mandats syndicaux et de représentation du personnel puissent le priver de sa rémunération d'activité vol y compris pendant ses heures de délégation comme le prévoit l'accord de 2002 dont la dénonciation n'a pas eu pour effet de remettre en cause les avantages individuels acquis par le salarié.
Vainement la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS conclut-elle à l'absence de discrimination en raison de l'avancement et du changement de classe de Monsieur [M] [O] identique à ceux de ses collègues, ces faits avérés étant inopérants, s'agissant de considérer les différences de traitements de M. [O] par rapport à ses collègues commandants de bord sans mandats de représentation du personnel ni mandats syndicaux.
Si la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS indique exactement qu'il existe des raisons objectives justifiant qu'une activité vol soit rémunérée différemment (majorée ) d'une activité sol- plus de fatigue, plus grande responsabilité pénale et civile - , elle ne s'explique pas sur la raison objective la conduisant à aligner les heures de délégation de Monsieur [M] [O] sur l'activité exploitation sol sans lui garantir la rémunération activité exploitation vol comme l'impose le premier alinéa 1 de l'accord de 2002 jusqu'au 15 août 2014 et sur l'activité telle qu'il aurait été amené à la faire selon son contrat de travail (vol et sol) comme l'impose l'accord depuis le 15 août 2014. La cour observe à cet égard que l'activité d'exploitation sol est une activité d'exploitation aéronautique en lien direct avec l'exploitation vol définie par le code de l'aviation civile, le code des transports et la réglementation européenne et que l'activité de représentation du personnel PNT est le simple exercice des mandats représentatifs en sorte que la confusion de ces deux activités opérées par l'accord n'est pas pertinente et que le paiement des heures de délégation systématiquement assimilées à une activité d'exploitation sol n'est pas objectivement justifiée.
La comparaison opérée par le salarié sur la période du 16 septembre 2008 au 31 mai 2015 entre le décompte de son activité de représentation du personnel pour un évènement précis et celui de l'activité d'exploitation vol réalisée par trois commandants de bord de sa catégorie (K10) basés à [Localité 2] ( MM [T], [O] et [B]) fait apparaître une différence de rémunération de 216.381,14 euros brut ( pièces 11-1 à 11-81 reliquat 1) tandis que la différence s'élève à 288.002, 56 euros brut, par rapport à une rémunération moyenne journalière de l'activité exploitation vol toutes bases confondues (pièces 11-1 à 11-81- reliquat 2) évaluée à 7 PHV par l'appelant.
Pour critiquer ces deux termes de comparaison, la société intimée considère que le premier n'est pas pertinent car les heures de délégation ne peuvent être assimilées à du temps de vol et qu'il est discriminatoire pour les collègues ayant une activité régulière d'exploitation sol et que le second repose sur une moyenne de 7 PHV sans que ce chiffre ne soit justifié. Elle oppose un tableau rectifié des sommes dues au salarié en se fondant sur la moyenne des salaires des 3 salariés du panel présenté par le salarié lui-même pour conclure à une différence de PHV équivalente à 2.885,28 euros et un tableau comparatif des moyennes annuelles de salaires entre M. [O] et un panel de 12 commandants de bord (pièces 8, 9, 10, 11 de la société intimée).
Mais d'une part, le tableau opposé par la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS en ce qu'il compare l'activité exploitation vol de M. [O] à celle des trois pilotes MM. [T], [B] et [O] pour conclure à une différence de PHV équivalente à 2.885, 28 euros n'est pas pertinent, puisque comme l'indique le salarié non démenti sur ce point, les rotations journalières de vol sont sensiblement équivalentes pour tous les PNT dont l'activité exploitation vol est forfaitisée depuis 2010.
Conformément à l'alinéa 1 de l'article 4.3.1 de l'accord de 2002, la comparaison à effectuer est bien celle proposée par le salarié à savoir le décompte journalier de PHV généré par l'activité de représentant du personnel de Monsieur [M] [O] avec celui généré lors de la même journée par l'activité exploitation vol ou la moyenne de l'activité exploitation vol réalisée par ses autres collègues non représentants du personnel.
A cet égard, les tableaux figurant en pièces 11-1 à 11-81 sont pertinents, étant précisé que le salarié justifie avoir corrigé ceux 11-58 à 11-70 remplacés par ceux 11-58 c à 11-70 c pour corriger les erreurs dues à un décalage informatique.
Par ailleurs, force est de constater que la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS ne justifie à aucun moment de la moyenne journalière d'activité vol d'un commandant de bord de sa compagnie toutes bases confondues malgré demande du salarié.
Ce dernier qui propose de fixer cette moyenne journalière à une valeur de 7 PHV se fonde sur des éléments objectifs concordants que constituent la forfaitisation retenue l'accord d'entreprise du 4 janvier 2010 (sa pièce 4-3), la rémunération d'une série de journées de négociations du 23 au 30 avril 2014 sur la base de 6,89 PHV par jour.
Cette valeur n'étant pas sérieusement contredite est retenue par la cour.
Enfin, la pièce 8 versée par l'employeur relative au salaire brut moyen de M. [O] comparé au salaire brut moyen de 12 commandants de bord montre que sur une période de 60 mois, le salaire de M. [O] a été inférieur de manière discontinue pendant 53 mois'à la moyenne des rémunérations de ces 12 commandants de bord'; en outre, ce panel est constitué de 12 commandants de bord sans que la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS justifie du choix de ces 12 salariés par rapport à l'ensemble des commandants de bord et ne démontre pas qu'ils sont dans une situation comparable à celle de M. [O]'; sur ces 12 pilotes, comme l'indique le salarié sans être démenti, trois d'entre eux ont subi de longues périodes de maladie, quatre sont de classe inférieure (J9), ce qui a eu pour effet de réduire leur rémunération annuelle (pièce 11 de l'employeur) . Par ailleurs pour l'année 2014, seul le salaire de 10 commandants de bord est renseigné mais la moyenne est divisée par 12 ce qui aboutit nécessairement à une moyenne annuelle erronée, cette même erreur ayant été effectuée en 2011, 2012 et 2013- dix et 11 salaires renseignés mais moyenne divisée par 12.
En définitive les éléments de comparaison produits par la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS ne sont pas pertinents tandis que ceux versés par le salarié sont justifiés.
Sur la base des éléments versés par le salarié, celui-ci est fondé à obtenir un rappel d'heures de délégation pour la période du 16 septembre 2008 au 31 mai 2015 la somme de 288.002,56 euros bruts, outre la somme de 28.800, 25 euros à titre de congés payés y afférents et un treizième mois afférent à hauteur de 24.000, 21 euros, en application de l'article 4.4.9 de l'accord PNT, avantage conventionnel non discuté par la société intimée.
Le salarié sollicite la somme de 300.000 euros (page 34 de ses écritures) en réparation du préjudice financier et moral tenant à la privation des rémunérations dues à l'occasion de l'exercice de ses mandats, à l'obligation de s'acquitter en une seule fois de ses obligations fiscales sur le montant alloué, à l'absence d'optimisation de sa retraite calculée sur ses 25 meilleures années, à l'attitude discriminante portant atteinte de manière délibérée et permanente à l'exercice de ses fonctions électives et syndicales, et au préjudice de carrière, le salarié «'étant stigmatise comme un empêcheur de tourner en rond'» (page 34 des écritures de l'appelant) le privant de l'accession à toute promotion notamment celle d'instructeur de pilote de ligne en raison de sa saisine du juge judiciaire.
Mais force est de constater que le salarié ne démontre pas qu'il ne pourra pas étaler le paiement des impôts dus sur les sommes allouées en sorte que le préjudice fiscal allégué est éventuel et compensé par l'avantage d'absence de surplus d'imposition pendant plusieurs années'; l'absence d'optimisation de sa retraite seulement alléguée n'est pas démontrée, aucun élément n'étant fourni sur ce point'; le préjudice de carrière allégué n'est pas davantage démontré, la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS indiquant que le salarié a avancé et changé de classe de Monsieur [M] [O] de manière identique à ses collègues et le salarié ne fournissant aucun élément de fait sur les promotions auxquelles il pouvait prétendre dont il aurait été indûment privé.
En revanche, il ne fait nul doute qu'en refusant malgré plusieurs alertes de le remplir intégralement de ses droits au paiement de ses heures de délégation et en le privant de sommes conséquentes chaque année, la société intimée a causé au salarié un préjudice financier et moral en rendant moins attractives ses fonctions de représentant du personnel et syndicales'; il en sera indemnisé par l'octroi d'une somme de 15.000 euros'; le surplus de ses demandes est rejeté.
Sur les autres demandes
L'issue du litige commande de confirmer le jugement de première instance qui a condamné la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS aux dépens et à une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés par Monsieur [M] [O] en première instance.
Il convient d'y ajouter la condamnation de la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS à payer à Monsieur [M] [O] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande à ce titre.
La SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS qui succombe en appel est condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS à payer à Monsieur [M] [O] la somme de 1.222, 30 euros à titre d'indemnités de congés payés, sauf à ajouter que cette condamnation est prononcée en deniers valant quittance, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2009, ainsi que 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [M] [O] de sa demande de dommages intérêts pour le préjudice résultant du calcul erroné de l'indemnité de congés payés,
Dit recevable la demande de rappel d'heures de délégations, de congés payés afférents et primes de 13ème mois,
Condamne la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS à payer à Monsieur [M] [O] les sommes suivantes':
- 288.002, 56 euros à titre de rappel d'heures de délégation entre le 16 septembre 2008 et le 31 mai 2015
- 28.800, 25 euros à titre de congés payés afférents au rappel d'heures de délégations
- 24.000, 21 euros à titre de treizième mois afférent au rappel d'heures de délégations
- 15.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice financier et moral causé par la rémunération discriminatoire des heures de délégation de Monsieur [M] [O]
Condamne la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS à payer à Monsieur [M] [O] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS aux dépens d'appel.
Le Greffier,La Conseillère faisant fonction de présidente,