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12/11/2015 | FRANCE | N°15/12613

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 12 novembre 2015, 15/12613


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 12 NOVEMBRE 2015



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/12613



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2015 - Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 15/02910





APPELANTE



SAS CHECKPORT FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2] / [Adresse

3]

[Établissement 1]



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Représentée pa...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 12 NOVEMBRE 2015

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/12613

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2015 - Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 15/02910

APPELANTE

SAS CHECKPORT FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2] / [Adresse 3]

[Établissement 1]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Représentée par Me Emmanuel BOUTTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221, avocat plaidant

INTIMES

FEDERATION FORCE OUVRIERE, DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Samuel GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0318, avocat postulant et plaidant

COMITE D'ETABLISSEMENT 'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS' DE LA SOCIETE SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY SAS

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Localité 2]

[Établissement 1]

Représenté par Me Samuel GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0318, avocat postulant et plaidant

SAS SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Hortense GEBEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 1er octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Nicolas BONNAL, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier .

**********

Statuant sur l'appel interjeté par la société CHECKPORT FRANCE d'un jugement rendu le 18 juin 2015 par le tribunal de grande instance de Bobigny, saisi dans le cadre d'une procédure à jour fixe par la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et par le comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY de demandes tendant essentiellement à voir constater que le transfert réalisé par la société FEDEX au sein de la société CHECKPORT FRANCE de son activité de sûreté aéroportuaire sur le site de [Établissement 1] (CDG) jusque-là assurée par la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY constitue un transfert d'entité économique autonome au sens de l'article L 1224-1 du code du travail, qui':

- s'est déclaré (territorialement) compétent,

- a rejeté l'exception de connexité,

- a déclaré la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et le comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY recevables à agir,

- a dit que le transfert du marché de prestations de sûreté aéroportuaire «'FEDEX CORP HUB de ROISSY'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY à la société CHECKPORT FRANCE s'analysait en un transfert d'une entité économique autonome,

- a dit que les contrats de travail des salariés affectés par la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY à l'exécution du marché «'FEDEX CORP HUB de ROISSY'» devaient se poursuivre de plein droit avec la société CHECKPORT FRANCE,

- a dit que les institutions représentatives du personnel existantes au sein de l'établissement «'ROISSY FEDEX'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY devaient être transférées vers CHECKPORT FRANCE à la date du transfert effectif du marché et que les mandats des membres du comité d'établissement et des délégués du personnel qui relèvent du périmètre dudit comité devaient être maintenus jusqu'à leur terme,

- a rejeté toutes les autres demandes,

- a condamné la société CHECKPORT FRANCE à payer à la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et au comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY la somme globale de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a ordonné l'exécution provisoire de la décision,

Vu l'autorisation d'assigner à jour fixe accordée par ordonnance rendue le 30 juin 2015 par le magistrat délégué par le premier président de cette cour,

Vu les assignations délivrées en suite de cette autorisation le 07 juillet 2015 en vue de l'audience du 1er octobre 2015,

Vu les dernières conclusions transmises le 30 septembre 2015 pour la société par actions simplifiée CHECKPORT FRANCE, qui demande à la cour de':

- déclarer irrecevable la demande d'injonction, formée pour la première fois en cause d'appel à son encontre, de procéder au transfert de MM. [B], [P], [L], [M], [E], [V], [Y], [G] et [I], non parties au jugement entrepris,

- déclarer irrecevables la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et le comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY,

- constater que les demandes et arguments développés par la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY devant le tribunal administratif de Montreuil sont radicalement contraires à la thèse développée devant cette cour constituant ainsi une violation du principe dit de l'estoppel et en conséquence, déclarer la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY irrecevable en ses conclusions, fins et moyens d'appel,

- dire et juger que le tribunal de grande instance de Bobigny ne pouvait fonder sa décision sur les critères retenus par la DIRECCTE dans sa décision du 1er août 2014 pour caractériser une entité économique autonome à la date du 18 novembre 2014,

- dire et juger que les conditions d'application de l'article L 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies et qu'elles ne trouvent pas à s'appliquer au transfert de prestations de sûreté intervenu le 18 novembre 2014 de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY au profit de la société CHECKPORT FRANCE,

EN CONSEQUENCE,

- infirmer le jugement entrepris,

ET, STATUANT A NOUVEAU,

- dire et juger que la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et le comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» ne démontrent pas que les 52 salariés dont ils demandent le transfert remplissaient les conditions de l'accord du 5 mars 2002 modifié par l'accord du 28 janvier 2011,

- dire et juger que les conditions de l'article 2.3.1 de l'accord de branche du 5 mars 2002 modifié par l'accord du 28 janvier 2011 s'apprécient au jour de la notification par l'entreprise sortante des informations sur le personnel à l'entreprise entrante et non au jour de la prise de possession des missions de sûreté,

- dire et juger qu'elle a fait une parfaite application des dispositions de l'accord du 5 mars 2002 modifié par l'accord du 28 janvier 2011 et que les documents nécessaires n'ayant pas été transmis conformément à l'accord, elle était dans l'impossibilité d'organiser la reprise de la prestation,

- dire et juger que la prétendue entité économique transférable ne constitue pas un établissement au sein duquel a été mis en place le comité d'établissement «'FEDEX FRET & VALEURS'» qui correspondait à plusieurs agences de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY dont notamment TNT et LOOMIS,

- dire et juger qu'elle ne peut se voir transférer le comité d'établissement distinct «'FEDEX FRET & VALEURS'»,

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- dire et juger que la prétendue entité économique transférable ne constitue pas un établissement au sein duquel a été mis en place le comité d'établissement «'FEDEX FRET & VALEURS'» qui correspondait à plusieurs agences de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY et ce, compte tenu notamment du fait que l'inspection du travail a autorisé le transfert des salariés protégés,

- dire et juger que la prétendue entité économique transférable ne constitue pas un établissement au sein duquel a été mis en place le comité d'établissement «'FEDEX FRET & VALEURS'» qui correspondait à plusieurs agences de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY dont notamment TNT et LOOMIS,

- dire et juger qu'elle ne peut se voir transférer le comité d'établissement distinct «'FEDEX FRET & VALEURS'»,

- dire et juger que conformément à la décision du Ministre du travail du 17 août 2015 notifiée le 21 août 2015, les salariés protégés ne peuvent être transférés qu'à compter du 21 août 2015,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- condamner in solidum la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et le comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et le comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» aux dépens de première instance et d'appel,

Vu les dernières conclusions transmises le 25 septembre 2015 pour la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et le comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY, intimés, qui demandent à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et le comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY recevables à agir,

- dit que le transfert du marché de prestations de sûreté aéroportuaire «'FEDEX CORP HUB de ROISSY'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY à la société CHECKPORT FRANCE s'analysait en un transfert d'une entité économique autonome,

- dit que les contrats de travail des salariés affectés par la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY à l'exécution du marché «'FEDEX CORP HUB de ROISSY'» devaient se poursuivre de plein droit avec la société CHECKPORT FRANCE,

A TITRE SUBSIDIAIRE':

- dire et juger que le transfert du marché «'FEDEX CORP HUB de ROISSY CDG'» de SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY vers CHECKPORT FRANCE entraîne l'application des dispositions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel,

- en conséquence, enjoindre, sous astreinte de 100 € par jour de retard, à la société CHECKPORT FRANCE de faire une proposition de contrat pour les 9 salariés suivants qu'elle n'a toujours pas été réintégrés': [R] [M], [Z] [E], [S] [V], [U] [Y], [F] [G], [N] [I], [X] [B], [H] [P], [W] [L],

- dit que les institutions représentatives du personnel existantes au sein de l'établissement «'ROISSY FEDEX'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY devaient être transférées vers CHECKPORT FRANCE à la date du transfert effectif du marché et que les mandats notamment des membres du comité d'établissement et des délégués du personnel qui relèvent du périmètre dudit comité devaient être maintenus jusqu'à leur terme,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société CHECKPORT FRANCE à payer à la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et au comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY la somme globale de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- et statuant à nouveau, condamner la société CHECKPORT FRANCE à leur payer la somme globale de 21 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, correspondant aux frais de première instance et d'appel (18 120 € pour la première instance et 3 000 € pour l'appel),

- condamner la société CHECKPORT FRANCE aux dépens,

Vu les dernières conclusions transmises le 18 septembre 2015 pour la société par actions simplifiée SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY, autre intimée, qui demande à la cour de':

A TITRE PRINCIPAL':

- constater que les conditions d'application de l'article L 1224-1 du code du travail sont réunies au cas particulier de la reprise du marché de sûreté sur le site FEDEX,

- confirmer en conséquence le jugement entrepris,

A TITRE SUBSIDIAIRE':

- constater qu'elle a respecté les conditions d'application posées par l'accord du 28 janvier 2011, dans sa version modifiée par avenant étendu du 3 décembre 2012 et qu'elle a remis à la société CHECKPORT FRANCE dans les délais requis l'intégralité des informations prévues,

- constater que ses salariés affectés à l'exécution du marché de sûreté sur le site FEDEX, à l'exception de M. [C], respectent bien les conditions posées par l'accord du 28 janvier 2011 dans sa version modifiée par avenant étendu du 3 décembre 2012,

En conséquence,

- ordonner à la société CHECKPORT FRANCE de se conformer à ses obligations conventionnelles en proposant à l'intégralité des salariés de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY affectés à l'exécution de ce marché tels qu'identifiés dans la pièce n° 12, à l'exception de M. [C], un contrat de travail prévoyant la poursuite de leur activité sur le site FEDEX au sein de la société CHECKPORT FRANCE à compter du 15 mars 2015 à 07h00, sans clause de dédit formation, et ce, sous astreinte de 5 000 € par jour de retard dont la cour se réservera l'éventuelle liquidation,

- «'ordonner l'exécution provisoire de la décision'»,

EN TOUTE HYPOTHESE':

- condamner la société CHECKPORT FRANCE à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

SUR CE, LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Assurant des prestations de services spécialisés dans le domaine de la sécurité et de la sûreté aéroportuaire et relevant de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY réalise diverses opérations réglementées de prévention de la sûreté des vols, essentiellement en qualité de sous-traitante des exploitants d'aérogares.

Depuis le 1er septembre 2009, la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY exécutait une mission de sécurité et de sûreté sur le site de l'aéroport [Établissement 2] dans le cadre du contrat relatif au marché dit «'FEDEX CORP HUB de ROISSY CDG'» conclu avec la société FEDEX lorsque cette dernière l'a informée par courrier du 21 novembre 2014 qu'elle mettait fin au contrat en cours pour confier le marché à la société CHECKPORT FRANCE à compter du 15 mars 2015.

Par courriers des 08, 11 et 19 décembre 2014, la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY a transmis à la société CHECKPORT FRANCE la liste des salariés affectés à l'activité et les dossiers de chacun d'entre eux en vue de leur transfert.

Par lettre du 22 décembre 2014, la société CHECKPORT FRANCE lui a répondu qu'elle n'entendait reprendre que 29 salariés sur 84, étant précisé que par un courrier ultérieur du 03 mars 2015, elle lui notifiera qu'elle n'en reprendra en définitive que 23.

Par lettre du 08 janvier 2015, la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY l'a mise en demeure de se conformer à ses obligations tant conventionnelles que légales et de reprendre l'intégralité des salariés dédiés à l'activité, en vain.

Saisi par la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY de demandes dirigées contre la société CHECKPORT FRANCE tendant essentiellement au transfert de l'ensemble des salariés affectés au marché de sûreté sur le site FEDEX sur le fondement des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail et subsidiairement en application des dispositions conventionnelles de l'accord du 28 janvier 2011 modifié par avenant du 3 décembre 2012, le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny a par ordonnance du 27 février 2015 dit n'y avoir lieu à référé.

C'est dans ces conditions que par assignations à jour fixe délivrées les 02 et 03 mars 2015 aux sociétés SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY et CHECKPORT FRANCE, la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et le comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY ont saisi le tribunal de grande instance de Bobigny de la procédure dans le cadre de laquelle a été rendu le jugement entrepris.

Dans le même temps, la fédération et le comité d'établissement précités ont saisi en référé d'heure à heure le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny sur le fondement des dispositions de l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile pour notamment voir ordonner la suspension du transfert du marché «'FEDEX CORP HUB de ROISSY CDG'» et de ses effets jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur l'application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail et subsidiairement de celles de l'avenant du 28 janvier 2011 modifié, en tant que de besoin ordonner la suspension du contrat de prestations de services conclu entre les sociétés FEDEX et CHECKPORT FRANCE et/ou de ses effets et ordonner sous astreinte la poursuite du contrat de prestations de services entre la société FEDEX et la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY aux conditions prévues antérieurement à la dénonciation du marché à effet du 15 mars 2015 jusqu'au jugement au fond à intervenir, demandes qui ont été rejetées par ordonnance du 20 mars 2015.

Entre-temps, par décision du 05 mars 2015, l'inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de transfert conventionnel des salariés protégés que lui avait soumise le 15 janvier la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY, au motif que l'opération de transfert du personnel en cause relevait des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail.

Saisi à nouveau le 20 mars 2015 de demandes d'autorisation de transfert des contrats de travail des salariés protégés sur le fondement cette fois de l'article L 1224-1 du code du travail, l'inspecteur du travail y a fait droit par décisions du 08 avril 2015.

Par décision du 17 août 215, le Ministre du travail sur recours hiérarchique a annulé les décisions du 08 avril pour un motif de forme et autorisé le transfert des contrats de travail en application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail.

Par ordonnance du 03 juillet 2015, le magistrat délégué par le premier président de cette cour a rejeté les conclusions de la société CHECKPORT FRANCE tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement entrepris et condamné cette société à payer la somme de 1 500 € à la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et au comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de constater qu'une copie des assignations délivrées à la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES, au comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY et à la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY a bien été remise au greffe de la cour avant la date fixée pour l'audience et que les dispositions de l'article 922 du code de procédure civile ont donc été respectées.

Sur les dispositions du jugement entrepris rejetant les exceptions d'incompétence territoriale et de connexité':

La société CHECKPORT FRANCE ne soutient plus ces exceptions devant la cour et aucune des parties ne critique le jugement rendu le 18 juin 2015 par le tribunal de grande instance de Bobigny en ce qu'il s'est déclaré territorialement compétent et a rejeté l'exception de connexité, de sorte que ces dispositions seront purement et simplement confirmées.

Sur les fins de non-recevoir soulevées par la société CHECKPORT FRANCE':

- Sur la demande nouvelle présentée par la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et le comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY':

Ce n'est qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ne confirmerait pas le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le transfert du marché de prestations de sûreté aéroportuaire «'FEDEX CORP HUB de ROISSY'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY à la société CHECKPORT FRANCE s'analysait en un transfert d'une entité économique autonome, que la fédération et le comité d'établissement précités ont soumis à la cour une demande tendant au transfert conventionnel des contrats de travail de 9 salariés non repris au jour des débats par la société CHECKPORT FRANCE.

Il ne sera dès lors statué sur cette fin de non-recevoir opposée à une demande subsidiaire des intimés que si nécessaire.

- Sur le principe dit de l'estoppel opposé à la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY':

Selon ce principe, nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.

Par décision du 1er août 2014, la DIRECCTE de la Seine-Saint-Denis a fixé à 10 le nombre d'établissements distincts au sein de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY, parmi lesquels celui de ROISSY FEDEX.

La société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY, qui n'avait jusqu'alors qu'un comité d'entreprise unique et souhaite que tel reste le cas, a formé contre cette décision un recours qui est actuellement pendant devant le tribunal administratif de Montreuil.

S'il est exact que la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY a adopté des positions contradictoires devant les deux ordres de juridiction, en se fondant notamment sur l'existence en son sein d'un comité d'établissement distinct lié au site de FEDEX pour revendiquer devant cette cour l'application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail tout en développant des arguments contraires devant le tribunal administratif de Montreuil pour obtenir la disparition de ce comité, le principe dit de l'estoppel ne lui est néanmoins pas opposable dans la mesure où les deux instances considérées sont distinctes et n'ont pas le même objet.

Au demeurant, la reconnaissance d'une entité économique autonome n'est pas subordonnée à la condition juridique qu'elle soit circonscrite à un établissement distinct ou qu'elle coïncide avec le périmètre d'intervention d'un comité d'établissement.

En outre, l'instance administrative n'oppose pas la société CHECKPORT FRANCE ' nonobstant son intervention volontaire ' à la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY, de sorte qu'il ne saurait être retenu que celle-ci s'est contredite au détriment de celle-là, étant observé de surcroît que l'entreprise entrante ne peut se méprendre sur les intentions de l'entreprise sortante dans le cadre de l'action collective soumise à la cour.

En conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée du principe dit de l'estoppel soulevée au stade de l'appel par la société CHECKPORT FRANCE.

- Sur la qualité et l'intérêt à agir de la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES':

En application de l'article L 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

Sur le fondement de ces dispositions, ils peuvent notamment agir devant le tribunal de grande instance en vue de faire appliquer une disposition légale non-respectée ou en exécution d'une convention collective, dès lors que l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent est en cause.

Au cas présent, la violation des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail si elle s'avère caractérisée porte atteinte à l'intérêt collectif des salariés concernés.

Il en est de même d'un éventuel refus d'application de l'avenant du 28 janvier 2011 (modifié le 03 décembre 2012) à l'accord du 05 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, sur lequel la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES fonde à titre subsidiaire son action.

Dès lors, cette fédération syndicale a bien qualité et intérêt à agir, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

- Sur la qualité et l'intérêt à agir du comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY':

En application des dispositions des articles L 2327-18 et L 2327-19 du code du travail, les comités d'établissement sont dotés de la personnalité civile et leur fonctionnement est identique à celui des comités d'entreprise.

Ils ont qualité à agir en justice dans la limite de leurs attributions, si les faits dénoncés leur causent un préjudice direct, c'est-à-dire s'ils portent atteinte à leur fonctionnement régulier ou à leurs attributions légales, ou encore le cas échéant à leurs intérêts de cocontractant.

Contrairement aux syndicats professionnels, les comités d'établissement ne tiennent donc d'aucune disposition légale le pouvoir de défendre les intérêts collectifs d'une profession.

Enfin, dans le cadre spécifique d'une opération de transfert, les incidences de celle-ci sur leurs modalités futures de fonctionnement ou sur leur existence même ne procèdent pas directement du comportement des parties à cette opération mais de la loi ou de la convention.

Il s'ensuit que le comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY n'a pas qualité à demander en justice que le transfert du marché de prestations de sûreté aéroportuaire «'FEDEX CORP HUB de ROISSY'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY à la société CHECKPORT FRANCE soit régi par les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail ou subsidiairement par les dispositions conventionnelles applicables, ni par voie de conséquence à solliciter le transfert des institutions représentatives du personnel de l'établissement «'ROISSY FEDEX'» au sein de la société CHECKPORT FRANCE.

En conséquence, le comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY doit être déclaré irrecevable en ses demandes, le jugement entrepris étant infirmé sur ce point.

Sur la nature du transfert':

L'article L 1224-1 du code du travail dispose :

«'Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.'»

Ainsi que l'a dit pour droit la Cour de justice des Communautés européennes le 10 février 1988, puis encore le 11 mars 1997, doit être assimilé à la modification dans la situation juridique de l'employeur pour l'application de ce texte, même en l'absence de lien de droit entre les employeurs concernés, le transfert d'une entité économique ayant conservé son identité et dont l'activité a été poursuivie ou reprise, une telle entité économique devant être entendue, ainsi que le précise la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001, comme «'un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire'», le transfert d'une telle entité supposant, outre celui des personnes, celui de moyens propres, corporels ou incorporels, qui permettent la poursuite de l'activité transférée.

Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre.

Si la perte d'un marché ou la seule poursuite de la même activité ne peut suffire à caractériser le transfert d'une entité économique autonome, il ressort en l'espèce des productions que conformément au contrat relatif à la sécurité conclu avec le donneur d'ordre et à ses annexes, la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY avait affecté 84 salariés exclusivement à l'exécution de la mission de sûreté sur le site FEDEX, qui est situé en dehors de l'aérogare.

Répartis en trois équipes (une équipe pour la matinée, la deuxième pour l'après-midi et la troisième pour la nuit) et placés sous la responsabilité de 3 chefs d'équipe, eux-mêmes sous l'autorité d'un responsable local des opérations M. [J], ces salariés suivaient un planning spécifique pour assurer la prestation 24 heures sur 24 et étaient entièrement dédiés à cette activité.

Ils disposaient des qualifications requises en matière de sûreté aéroportuaire, mais aussi d'une formation complète adaptée à la spécificité du site et aux demandes particulières de la société FEDEX.

Si à cet égard, M. [K] de la société FEDEX a pu écrire le 17 mars 2015 à la société CHECKPORT qu'aux termes du contrat CHECKPORT «'(similaire au contrat de Securitas précédent)'» les agents de sûreté assurant la prestation sur notre site devaient avoir tous reçus les formations à la réglementation à la sûreté aérienne (CQP ASA) et qu'aucune autre formation ou qualification spécifique n'était demandée (pièce n° 32 de la société CHECKPORT FRANCE), il n'en reste pas moins, à l'examen de l'article 16 de l'annexe A et du paragraphe II b de l'annexe B du contrat signé avec le donneur d'ordre, que celui-ci a imposé à la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY diverses exigences en matière de formation et de suivi à cet effet de chacun des agents affectés à l'activité.

Le paragraphe II b précité concernant les gardes stipule ainsi qu' «'outre la formation standard dispensée aux gardes par l'agence, la formation suivante est exigée par FEDEX':

- disponibilité d'une personne formée et accréditée (premier intervenant et premiers secours) pendant chaque service (vacation),

- formation à la sécurité et à la prévention incendie (une personne pendant chaque service),

- bonne connaissance du fonctionnement du système de télévision en circuit fermé, des appareils à rayons X et des magnétomètres utilisés pour le filtrage de sécurité ou les contrôles,

- 4 heures de formation interne chez FEDEX,

- formation à l'étiquette au téléphone,

- au moins 4 heures de formation périodique et de contrôle des connaissances professionnelles chaque année,

- formation de la DGAC (rayons X, filtrage des employés, recherches A/C ...)'».

C'est en vain que la société CHECKPORT FRANCE soutient sans cependant l'établir que les salariés considérés n'étaient pas affectés exclusivement à l'activité, dans la mesure où la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY justifie que la plupart d'entre eux étaient affectés à plein temps sur le site «'ROISSY FEDEX'» ' le donneur d'ordre avait également des exigences à cet égard s'agissant des gardes selon le paragraphe II f de l'annexe B du contrat ' que les non-affectations apparaissant sur les plannings versés aux débats correspondaient à des retards ou à des départs anticipés de l'agent et que quasiment toutes les autres mentions se rapportaient à des motifs d'absence ou à des formations suivies, et non à une affectation sur une autre mission.

Il importe peu dans ces conditions que M. [J], responsable local des opérations, ne figure pas sur la liste des salariés concernés par l'opération de transfert (pièces n° 12, 15, 17 de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY).

D'ailleurs, contrairement à l'argumentation de cette dernière, il ne résulte pas de l'avenant du 29 novembre 2010 à son contrat de travail que [A] [J] assurait ses fonctions d'encadrement exclusivement «'pour l'exécution de la mission FEDEX'» ou sur le site de FEDEX puisque cet avenant stipule qu'il occupe la fonction de responsable local des opérations et est chargé de relayer la direction dans la mise en oeuvre opérationnelle, la gestion et le suivi des prestations sur les sites (c'est la cour qui souligne) et que dans un courriel du 02 février 2015 (pièce n° 33 de la société CHECKPORT FRANCE), M. [K] (déjà cité) indique que M. [J] était à mi-temps sur le site FEDEX.

Il est en outre établi que l'essentiel des moyens d'exploitation nécessaires à la poursuite de l'activité a fait l'objet d'un transfert indirect, les équipements fournis par le donneur d'ordre au prestataire et mis gracieusement à sa disposition (dispositifs d'inspection-filtrage des personnes et des bagages), dédiés à l'activité et indispensables à l'exécution des prestations, étant compte tenu de leur coût et de leur importance sans commune mesure avec les quelques outils et matériels confiés par le prestataire lui-même à ses salariés.

Enfin, la société CHECKPORT FRANCE ne saurait utilement soutenir qu'elle ne facture que des prestations, qui ne correspondraient pas à celles prévues par le contrat conclu entre la société FEDEX et la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY, sans verser aux débats les conventions qui la lient elle-même à la société FEDEX.

La cour relève certes à cet égard que selon un courriel de M. [K] adressé le 09 février 2015 à la société CHECKPORT FRANCE, la société FEDEX aurait dans un premier temps mis un terme par courrier recommandé du 17 juin 2014 à la prestation de filtrage de l'entrée assurée par la société sortante avant de lui retirer l'ensemble des prestations sur site les 28 octobre et 06 novembre 2014 (pièces n° 7 et 8 de la société CHECKPORT FRANCE), étant observé que dans son mémoire en intervention volontaire devant la juridiction administrative (page 9), la société CHECKPORT FRANCE expose que le filtrage de l'entrée du site FEDEX (le point H) a été perdu par la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY «'depuis septembre 2014'» (sa pièce n° 77).

Cependant, ces éléments contestés ne sont pas suffisamment probants en l'absence au dossier du courrier notifiant à la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY la perte anticipée du seul filtrage de l'entrée du site.

En tout état de cause, à supposer même qu'il en soit ainsi, la circonstance que le donneur d'ordre ait procédé en deux temps, à quelques mois d'intervalle, pour retirer de façon anticipée à la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY l'ensemble des prestations afférentes à la sécurité et à la sûreté du site «'ROISSY FEDEX'» n'est pas de nature à faire perdre à l'opération de transfert litigieuse ses caractéristiques essentielles justifiant qu'elle soit régie par les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail.

Compte tenu de sa spécificité, la mission de sécurité et de sûreté confiée à la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY a nécessairement été poursuivie dans des conditions similaires par la société CHECKPORT FRANCE, le courriel précité du 17 mars 2015 de M. [K] à la société CHECKPORT FRANCE évoquant l'existence d'un contrat CHECKPORT «'similaire au contrat de Securitas précédent'» et la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY soutenant sans être contredite que le coût des prestations facturées par la société entrante est quasiment identique (page 31 de ses conclusions).

Il résulte de l'ensemble de ces développements que l'affectation exclusive de 84 salariés formés et dédiés à la mission de sûreté sur le site «'ROISSY FEDEX'», parmi lesquels les 3 chefs d'équipe, et le transfert indirect de la majeure partie des moyens d'exploitation indispensables à l'exécution de ce type d'activité caractérisent l'existence d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre et que cette entité économique autonome a conservé son identité après la reprise de l'activité par la société CHECKPORT FRANCE.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges, dont la décision est confirmée sur ces points, ont':

- dit que le transfert du marché de prestations de sûreté aéroportuaire «'FEDEX CORP HUB de ROISSY'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY à la société CHECKPORT FRANCE s'analysait en un transfert d'une entité économique autonome,

- dit que les contrats de travail des salariés affectés par la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY à l'exécution du marché «'FEDEX CORP HUB de ROISSY'» devaient se poursuivre de plein droit avec la société CHECKPORT FRANCE.

Sur le sort des mandats des représentants du personnel compris dans l'opération de transfert':

Pour juger que les institutions représentatives du personnel existantes au sein de l'établissement «'ROISSY FEDEX'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY devaient être transférées vers la société CHECKPORT FRANCE à la date du transfert effectif du marché et que les mandats des membres du comité d'établissement et des délégués du personnel qui relèvent du périmètre dudit comité devaient être maintenus jusqu'à leur terme, les premiers juges ont retenu que l'activité de sûreté aéroportuaire de l'établissement distinct «'ROISSY FEDEX'» tel que reconnu par la DIRECCTE d'ILE DE FRANCE le 1er août 2014 était maintenue dans les mêmes locaux et avec l'intégralité des salariés affectés dont les contrats se poursuivent de plein droit et que du fait de la spécificité des prestations de sécurité objet de ce marché, le périmètre de l'établissement «'ROISSY CEDEX'» ne subissait pas de modification.

Cependant, s'il est constant qu'à la suite de la décision de la DIRECCTE du 1er août 2014 faisant l'objet d'un recours actuellement pendant devant le tribunal administratif de Montreuil, un comité d'établissement propre au site «'ROISSY FEDEX'» a été mis en place dans le cadre des dernières élections professionnelles tenues le 30 octobre 2014, il n'est pas davantage contesté qu'en sus des effectifs dédiés au site de FEDEX ont été en particulier inclus dans le périmètre de cet établissement 16 salariés affectés aux prestations TNT et LOOMIS, qui ne sont évidemment pas concernés par l'opération de transfert légal en cause.

C'est pour cette raison que le comité d'établissement a été dénommé «'FEDEX, FRET & VALEURS'».

La question de l'avenir de ces 16 salariés non transférables était d'ailleurs inscrite à l'ordre du jour de la réunion du comité d'établissement du 22 décembre 2014 (pièce n° 35 de la société CHECKPORT).

Il s'ensuit que le périmètre de compétence des institutions représentatives du personnel de l'établissement distinct «'ROISSY FEDEX'» s'en trouve nécessairement modifié à la suite de l'opération de transfert, ce qui constitue, les conditions des articles L'2324-26 et L 2314-28 du code du travail n'étant pas réunies, un obstacle au maintien des mandats en cours chez le nouvel employeur en dépit du transfert de l'entité économique autonome sur le fondement des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail.

La FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES sera donc déboutée de sa demande à ce titre, le jugement entrepris étant infirmé sur ce point.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens':

La décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné la société CHECKPORT FRANCE à payer à la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES et au comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY la somme globale de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les premiers juges n'ont par ailleurs pas statué sur les dépens de première instance.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, il est équitable que la société CHECKPORT FRANCE contribue à hauteur de 10 000 € aux frais irrépétibles exposés par la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES depuis l'introduction de la procédure et à hauteur de 5 000 € à ceux que la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY a été contrainte d'engager devant la cour.

Il n'y a pas lieu à application de ces dispositions au profit du comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY, déclaré irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir, ni au profit de la société CHECKPORT FRANCE qui succombe sur l'essentiel et supportera à ce titre la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement rendu le 18 juin 2015 par le tribunal de grande instance de Bobigny en ce qu'il':

- s'est déclaré territorialement compétent,

- a rejeté l'exception de connexité soulevée par la société CHECKPORT FRANCE,

- a déclaré la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES recevable à agir,

- a dit que le transfert du marché de prestations de sûreté aéroportuaire «'FEDEX CORP HUB de ROISSY'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY à la société CHECKPORT FRANCE s'analysait en un transfert d'une entité économique autonome,

- a dit que les contrats de travail des salariés affectés par la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY à l'exécution du marché «'FEDEX CORP HUB de ROISSY'» devaient se poursuivre de plein droit avec la société CHECKPORT FRANCE';

L'infirme pour le surplus';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare le comité d'établissement «'SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY FEDEX, FRET & VALEURS'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY irrecevable en ses demandes';

Rejette la fin de non-recevoir tirée du principe dit de l'estoppel soulevée au stade de l'appel par la société CHECKPORT FRANCE à l'encontre de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY';

Déboute la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES de ses demandes tendant au transfert des institutions représentatives du personnel existantes au sein de l'établissement «'ROISSY FEDEX'» de la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY au sein de la société CHECKPORT FRANCE à la date du transfert effectif du marché et au maintien jusqu'à leur terme des mandats, notamment des membres du comité d'établissement et des délégués du personnel, qui relèvent du périmètre dudit comité';

Condamne la société CHECKPORT FRANCE à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 10 000 € à la FEDERATION FORCE OUVRIERE DE L'EQUIPEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DES SERVICES au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer depuis l'introduction de la procédure et celle de 5 000 € à la société SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager devant la cour';

Déboute les parties de leurs demandes plus amples, autres ou contraires';

Condamne la société CHECKPORT FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/12613
Date de la décision : 12/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°15/12613 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-12;15.12613 ?
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