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12/11/2015 | FRANCE | N°15/01830

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 12 novembre 2015, 15/01830


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 12 Novembre 2015



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01830



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section commerce - RG n° F14/3528





DEMANDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [I] [H]

né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 2]

[Adresse 3]

[Localité 1

]

représenté par Me Alain JANCOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1006

Aide juridictionnelle Partielle 55% n° 2015/026395 du 17/06/2015





DEFENDERESSES AU CONTREDIT

SARL FILO ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 12 Novembre 2015

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01830

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section commerce - RG n° F14/3528

DEMANDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [I] [H]

né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 2]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Alain JANCOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1006

Aide juridictionnelle Partielle 55% n° 2015/026395 du 17/06/2015

DEFENDERESSES AU CONTREDIT

SARL FILO TAXIS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Christian CHARRIERE, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 189

SARL BELEM TAXIS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Christian CHARRIERE, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 189

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Nicolas BONNAL, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Nicolas BONNAL, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier.

***********

Statuant sur le contredit formé par M. [I] [H] d'un jugement rendu le 23 janvier 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS qui, saisi par l'intéressé de demandes tendant à la requalification en contrat de travail des contrats de location de véhiculé équipé taxi conclus avec les sociétés FILO TAXIS et BELEM TAXIS et au paiement de sommes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail ainsi qualifié, et statuant sur une exception d'incompétence matérielle soulevée par les sociétés défenderesses, y a fait droit et s'est déclaré matériellement incompétent au profit du tribunal de grande instance de PARIS, réservant les dépens';

Vu le contredit reçu le 29 janvier 2015 au conseil de prud'hommes de PARIS, les conclusions transmises à la cour et soutenues à l'audience du 7 octobre 2015 pour M. [I] [H], auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions du demandeur au contredit, ainsi que les observations orales formulées à cette même audience pour l'intéressé, qui sollicite de la cour qu'elle':

- dise son contredit recevable,

- infirme le jugement frappé de contredit,

- dise le conseil de prud'hommes compétent pour connaître du litige,

- évoque l'affaire, les demandes présentées dans ce cadre au fond étant formulées dans les conclusions déposées à l'audience';

Vu les conclusions transmises à la cour et soutenues à l'audience pour les sociétés à responsabilité limitée FILO TAXIS et BELEM TAXIS, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des défenderesses au contredit, qui demandent à la cour de':

- dire le contredit irrecevable,

- confirmer le jugement frappé de contredit,

- dire le conseil de prud'hommes de PARIS incompétent et renvoyer l'affaire et les parties devant le tribunal de grande instance de PARIS,

- dire n'y avoir lieu à évocation,

- rejeter toutes les demandes formées par M. [I] [H],

- le condamner aux frais du contredit et à leur payer à chacune la somme de 1'500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité du contredit

C'est en vain que les sociétés FILO TAXIS et BELEM TAXIS soutiennent que le contredit formé par M. [I] [H] ne serait pas motivé, et serait donc irrecevable, en application des dispositions de l'article 82 du code de procédure civile, et ce au motif qu'il ne serait constitué que du «'simple recopiage'» des conclusions de l'intéressé devant le conseil de prud'hommes, dont la décision ne serait pas contestée de façon argumentée.

Le contredit renvoie, en effet, à «'l'argumentation venant à l'appui de la compétence prud'homale'» figurant dans les conclusions qui avaient été développées devant les premiers juges, lesquelles lui sont annexées. Dès lors que ces conclusions développaient, sur plusieurs pages, une motivation relative à la requalification des relations contractuelles en contrat de travail, argumentation que le contredit qualifie expressément de motivation sur la compétence de la juridiction du travail, il importe peu que les motifs du jugement déféré (consistant au demeurant à constater en deux phrases que M. [I] [H] était inscrit au registre du commerce et des sociétés et qu'il ne démontrait «'nullement l'existence d'une véritable relation salariale'») n'aient pas été expressément discutés dans l'acte de contredit.

Même par référence, le contredit est motivé au sens du texte susvisé. La fin de non-recevoir qui lui est opposée sera, en conséquence, rejetée.

Sur les faits constants

Il résulte des pièces produites et des débats que':

- la société BELEM TAXIS, [Adresse 2]) a conclu avec M. [I] [H] deux contrats de «'location de véhicule équipé taxi'-'doublage'», le premier en date du 27 mai 2011, le second en date du 17 août 2012,

- la société FILO TAXIS (même adresse) a ensuite conclu avec le même quatre contrats du même type, en date respectivement des 13 août, 2, 16 et 30 septembre 2013,

- le 9 janvier 2014, M. [I] [H] a signé une lettre de résiliation du contrat en cours avec la société FILO TAXIS à compter du 18 janvier suivant,

- le 12 février 2014, il a écrit à cette société pour indiquer qu'alors qu'il souhaitait prendre une semaine de congé, il avait signé cette résiliation à la demande de celle-ci, qui à son retour avait prétendu qu'aucun véhicule n'était disponible et n'avait pas repris la location,

- le 5 mars 2014, la société FILO TAXIS a répondu à M. [I] [H] en contestant les termes de son courrier et affirmé qu'elle n'avait fait que tenir compte de la résiliation unilatérale du contrat par lui,

- le 10 mars 2014, M. [I] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS de la procédure dans le cadre de laquelle a été rendue la décision déférée.

Sur la nature des relations entre les parties

Il doit être rappelé qu'aux termes de l'article L'1411-1 du code du travail, «'le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient'» et qu'«'il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti'», qu'il y a contrat de travail, ce qui détermine donc la compétence de la juridiction du travail, lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération et que, spécialement, le lien de subordination ainsi exigé est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le fait que le travail soit effectué au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice de l'existence d'un lien de subordination lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de faits dans lesquelles est exercée l'activité litigieuse. Il appartient en conséquence au juge d'examiner ces conditions de fait et de qualifier la convention conclue entre les parties, sans s'arrêter à la dénomination qu'elles avaient retenue entre elles.

Par ailleurs, ainsi qu'en dispose l'article L'8221-6 du code du travail, «'sont présumé[e]s ne pas être lié[e]s avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription'» notamment «'les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales'» ainsi que «'les personnes physiques relevant de l'article L'123-1-1 du code de commerce ou du V de l'article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat'».

Quoique les sociétés BELEM TAXIS et FILO TAXIS ne se prévalent pas de cette présomption, c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé que M. [I] [H] était inscrit au registre du commerce et des sociétés, ainsi qu'il n'est pas contesté et qu'il résulte du compte de résultat simplifié et de la déclaration de revenus (bénéfices industriels et commerciaux) produits aux débats.

Il incombe donc à M. [I] [H], de surcroît demandeur à la requalification de contrats donnant aux relations entre les parties la forme d'une location et demandeur au contredit, renversant cette présomption, d'établir la réalité de l'existence du contrat de travail dont il entend se prévaloir.

Pour caractériser le lien de subordination allégué, M. [I] [H] s'appuie d'abord sur les clauses des contrats, tous semblables, qu'il a successivement signés avec les sociétés défenderesses.

Chacun de ces contrats est conclu pour une durée d'une année, renouvelable par tacite reconduction. Le contrat prévoit le paiement d'une mensualité par acomptes payables d'avance, toutes les semaines.

Le contrat est résilié de plein droit en cas de non-paiement «'d'une seule échéance et des sommes éventuellement dues au titre des dommages et intérêts et d'indemnité'». Par ailleurs, tout manquement par le locataire aux obligations du contrat «'autorise le loueur à mettre en demeure le locataire de restituer le véhicule immédiatement et à avancer ainsi la date de fin de la location'», comme à refuser le renouvellement du contrat. Pour toute autre cause, le loueur et le locataire peuvent mettre fin au contrat «'par lettre recommandée quinze jours francs avant la date de cessation prévue'».

Si la durée de la location est suffisamment longue pour garantir les intérêts du locataire, les modalités de résiliation, pour tout manquement contractuel, et pour toute autre cause avec un simple préavis de quinze jours, caractérisent indéniablement une dépendance économique du locataire, qui risque de perdre son outil de travail sans préavis ou avec un bref préavis, mais ne suffisent pas à elles seules à caractériser le contrat de travail allégué.

Outre un dépôt de garantie de 460 euros, le montant hebdomadaire de la location a été successivement fixé aux sommes de 585 euros (contrat du 27 mai 2011), 605 euros (contrats des 17 août 2012, 13 août, 2 et 16 septembre 2013) puis 625 euros (contrat du 30 septembre 2013), les frais de carburant étant à la charge du locataire.

Le locataire s'engage notamment à':

- conduire lui-même le véhicule, interdiction formelle lui étant faite de le confier à un autre conducteur, fût-il membre de sa famille,

- «'exercer son activité en se conformant à la réglementation du taxi à PARIS'»,

- effectuer «'gratuitement l'entretien du véhicule [...] l'entretenir en bon état de propreté [...] vérifier, chaque jour, les niveaux d'huile et d'eau [...] présenter le véhicule aux tranches kilométriques imposées pour vérification mécanique, entretien, réparation, échange de pièces ou pneumatiques, etc..., par les services de l'atelier'», étant précisé que «'les réparations, échanges de pièces ou de pneumatiques résultant de l'usure normale sont à la charge du loueur et seront obligatoirement effectuées dans ses ateliers'» et que le locataire s'interdit toute intervention, «'tant sur le moteur que sur la carrosserie ou les accessoires du véhicule loué'» sans l'autorisation formelle du loueur, à défaut de quoi ces interventions resteront à sa charge et engageront sa responsabilité,

- déclarer au loueur dans les 24 heures tout vol, incendie, accident, incident, une franchise de 490 euros étant mise à la charge du locataire «'pour chaque sinistre responsable'»,

- «'ne pas conduire sous l'empire d'un état alcoolique'», ne pas participer à «'des compétitions, rallyes, etc'», garer le véhicule dans les conditions réglementaires, «'ne pas transporter de voyageur en nombre supérieur à celui des places assises du véhicule'», le fermer en le quittant, ne pas laisser à bord «'les documents taxis et les clés'», ne pas l'utiliser «'à des fins illicites ou immorales'», «'ne pas remorquer ou pousser d'autres véhicules'»,

- «'ne pas installer de galerie sur le véhicule'», «'ne pas effectuer de transport de marchandise'», «'respecter les plombs apposés'» sur les compteurs,

- «'ne conduire le véhicule hors de France qu'avec l'autorisation écrite du loueur'».

Contrairement à ce que soutient M. [I] [H], ces clauses, qui consistent, pour l'essentiel et suivant les cas, en le respect des règles s'imposant à tout conducteur de véhicule, à tout locataire de véhicule pour un usage professionnel intensif et à tout chauffeur de taxi, ne sont en rien significatives d'un lien de subordination.

Il en est de même de la clause qui stipule que le loueur effectuera pour le compte du locataire le versement des cotisations de sécurité sociale, étant rappelé qu'en application des dispositions de l'article L'311-3 (7°) du code de la sécurité sociale, les chauffeurs de taxis qui ne sont pas propriétaires de leur véhicule sont obligatoirement affiliés au régime général de la sécurité sociale.

Le contrat stipule également que la location s'effectue sous le régime dit du doublage, régime autorisé par l'article 11 de l'ordonnance n° 96-11774 du 31 octobre 1996 du préfet de police, qui le limite à 20'% des autorisations de stationnement et prévoit que l'autorisation de double sortie journalière peut être annulée au cas où la voiture concernée n'aura pas été utilisée avec deux conducteurs pendant quinze jours consécutifs ou pendant 250 jours pendant une année, régime qui impose au loueur titulaire de l'autorisation de stationnement une gestion prévisionnelle stricte de l'utilisation du véhicule qui en fait l'objet.

Le recours à un tel régime, qui conduit à ce que deux locataires partagent le même véhicule, oblige également à la définition, à laquelle procède le contrat, d'horaires de départ et de retour du dit véhicule, sans imposer d'autres obligations à cet égard.

Aux termes d'une attestation de M. [B] [U], qui partageait selon ce régime le même véhicule que M. [I] [H], tous deux avaient cependant, comme les autres chauffeurs en doublage travaillant pour les sociétés défenderesses, l'obligation de procéder à la remise du véhicule à l'autre locataire au garage AUTORALLY de CLICHY, désigné par le loueur, ce que confirment également les attestations émanant de MM. [C] [G] et [K] [Z].

Il résulte plus généralement de ces trois attestations, dont ni les conditions d'établissement ni les termes ne sont l'objet d'aucune contestation, qu'au delà des termes du contrat, diverses obligations étaient imposées aux chauffeurs locataires des diverses sociétés établies [Adresse 2]), dont les sociétés BELEM TAXIS et FILO TAXIS, et spécialement':

- obligation de faire les pleins de carburant au garage de ces sociétés, sauf à devoir, après un plein fait à l'extérieur, pour un prix au litre inférieur d'environ 15 centimes à celui pratiqué dans ce garage, y faire procéder à la vérification du niveau de gazole, pour un coût de deux euros,

- interdiction de faire installer une autre radio que la radio TAXIS 7000, qui équipe tous les véhicules de ces sociétés, ce qui implique soit d'utiliser la dite radio, soit de n'en utiliser aucune, et en tout état de cause, de recevoir les messages d'instruction ou de rappel adressés par cette radio,

- interdiction d'apposer des messages publicitaires sur les véhicules, et obligation de circuler avec le message publicitaire pour la radio TAXIS 7000, floqué sur la lunette arrière,

- interdiction de tout conventionnement avec la caisse primaire d'assurance maladie en vue du transport de malades,

- tarifs de location identiques pour tous les chauffeurs en doublage,

- obligation pour le chauffeur de jour «'de porter le véhicule sur ses heures de service au lieu de rectification et de contrôle du taximètre'».

M. [B] [U] décrit par ailleurs les obligations imposées au chauffeur qui entend prendre un congé et qui doit, pour ce faire, soit continuer à payer la prix de la location pendant la période où il ne travaille pas, soit rompre le contrat, avec l'assurance qu'«'une place lui sera réservée à son retour'», par la signature d'un «'nouveau contrat dans une des sociétés du garage, pas forcément la même que quand il a résilié'», étant encore précisé qu'une seule rupture de contrat pour congé est autorisée par année, pendant une durée maximale de cinq semaines, et avec un préavis minimum de quinze jours.

Il ajoute que «'la direction a obligé un grand nombre de chauffeurs en fin d'année 2013 à remplir leur carnet de doublage à des dates et horaires pas toujours travaillés dans le seul but de remplir le nombre d'heures minimum en doublage demandé par la préfecture pour que la licence reste en doublage'» et que «'bon nombre de [s]es collègues se sont exécutés de peur d'être mis à la porte'».

Le contenu de ces attestations est notamment confirmé par la production de':

- captations d'écrans de messages reçus dans les taxis, émanant de la radio TAXIS 7000 et contenant des instructions précises («'Chauffeur en doublage. Il faut remplir et signer impérativement vos carnets risque de passage en commission de discipline'»'; «'Attention pour Europ Ass, courses aux aéroports et gares si un retard est affiché prévenir le standard sinon votre attente ne sera pas réglée merci'»),

- document d'«'information chauffeurs'» émanant de TAXIS 7000 faisant état de plaintes de clients abonnés «'concernant des retards non annoncés, des compteurs d'approche trop élevés et des comportements agressifs'», demandant aux chauffeurs de «'faire le nécessaire pour améliorer la qualité de [leurs] services'» et menaçant de sanctions «'en cas de manquement aux règles de service'», document dont la cour observe qu'il est signé de la même main que la lettre du 5 mars 2014 adressée à M. [I] [H] par la société FILO TAXIS,

- affichettes de «'la direction'» prévenant d'une augmentation du tarif de la semaine de location, avec notamment un avis de passage au tarif de 625 euros au 30 septembre 2013, date à laquelle M. [I] [H] a signé un nouveau contrat de location mentionnant ce tarif, contrat faisant suite à un contrat signé seulement deux semaines avant.

Ces éléments ne sont pas utilement contredits par les trois attestations versées aux débats par les sociétés BELEM TAXIS et FILO TAXIS, émanant de chauffeurs du groupe de sociétés de taxis installées [Adresse 2], qui indiquent seulement':

- qu'il n'y a aucune obligation de faire le plein de gazole au garage, étant observé que M. [N] [J] précise': «'cependant afin d'éviter les litiges entre doubleurs, la société vérifiait que le plein de gazole était correctement fait'», ce qui vient conforter les attestations produites par M. [I] [H],

- que les véhicules sont équipés d'une radio gratuite, dont l'utilisation est une option facultative.

Les pièces ainsi produites aux débats démontrent qu'au delà des obligations résultant du contrat de location, le groupe de sociétés auquel appartiennent les sociétés défenderesses imposait à M. [I] [H] des obligations caractérisant l'existence d'un pouvoir de direction portant sur les modalités de l'exercice quotidien de son activité (obligation de prendre et déposer le véhicule loué dans leur garage, sans qu'il soit possible aux deux chauffeurs se partageant le même véhicule de s'organiser librement, interdiction de contracter avec la caisse primaire d'assurance maladie et d'équiper le véhicule d'une radio concurrente, modalités encadrées de prise des congés), d'un pouvoir de contrôle, notamment sur le remplissage du réservoir de carburant, avec une forte incitation à faire le plein au sein du garage des dites sociétés, et d'un pouvoir de sanction, compte tenu des modalités contractuelles de résiliation par le loueur.

C'est donc à juste titre que M. [I] [H] se prévaut de l'existence d'un contrat de travail successivement avec les sociétés BELEM TAXIS et FILO TAXIS.

Le jugement déféré sera, en conséquence, infirmé, et il sera dit que le conseil de prud'hommes de PARIS (dont la compétence territoriale n'est l'objet d'aucune contestation) est compétent pour connaître du litige.

Sur l'évocation

M. [I] [H] ne motive pas sa demande d'évocation, cependant que les sociétés BELEM TAXIS et FILO TAXIS font valoir qu'elles ne souhaitent pas être privées du bénéfice du double degré de juridiction.

La cour considère qu'il ne serait de fait pas de bonne justice, au sens de l'article 89 du code de procédure civile, de priver les parties d'un double degré de juridiction. Il sera dit en conséquence n'y avoir lieu à évocation et l'affaire sera renvoyée au conseil de prud'hommes.

Sur les frais irrépétibles et les frais du contredit

Aucune demande n'est formée, à ce stade, par M. [I] [H] au titre des frais irrépétibles.

Les sociétés BELEM TAXIS et FILO TAXIS seront condamnées aux frais du contredit.

PAR CES MOTIFS

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de motivation du contredit';

Dit le contredit recevable';

Infirme le jugement déféré';

Dit que M. [I] [H] a été successivement lié aux sociétés BELEM TAXIS et FILO TAXIS par un contrat de travail';

Dit le conseil de prud'hommes de PARIS compétent pour connaître du litige';

Dit n'y avoir lieu à évocation';

Renvoie l'affaire et les parties devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de PARIS';

Condamne les sociétés BELEM TAXIS et FILO TAXIS aux frais du contredit.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/01830
Date de la décision : 12/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°15/01830 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-12;15.01830 ?
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