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12/11/2015 | FRANCE | N°15/01191

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 12 novembre 2015, 15/01191


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 12 Novembre 2015



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01191



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° F13/598





DEMANDERESSE AU CONTREDIT

SA FIMECOR

N° SIRET : 489 565 771

[Adresse 1]

[Adresse 3]

représentée par

Me Jean-Luc LASCAR, avocat au barreau de PARIS, toque : K 0029, substitué par Me KHAOUA





DÉFENDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [T] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

comparant en personne, assis...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 12 Novembre 2015

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01191

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° F13/598

DEMANDERESSE AU CONTREDIT

SA FIMECOR

N° SIRET : 489 565 771

[Adresse 1]

[Adresse 3]

représentée par Me Jean-Luc LASCAR, avocat au barreau de PARIS, toque : K 0029, substitué par Me KHAOUA

DÉFENDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [T] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

comparant en personne, assisté de Me Stéphane GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R233

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Nicolas BONNAL, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier .

**********

Statuant sur le contredit formé par la société FIMECOR à l'encontre d'un jugement rendu le 27 novembre 2014 par le conseil de prud'hommes de PARIS qui, saisi par M. [T] [Y] de demandes tendant essentiellement à la fixation de son salaire moyen à la somme de 9'208,33 euros, ainsi qu'à l'octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de la somme de 221'000 euros, au remboursement des frais exposés par lui pour les années 2010 et 2011, à hauteur d'une somme de 24'527,91 euros, demandes auxquelles la société FIMECOR a opposé avant toute défense au fond une exception d'incompétence matérielle au profit du tribunal de grande instance de PARIS, s'est déclaré compétent';

Vu la déclaration de contredit remise le 11 décembre 2014 ainsi que les conclusions transmises à la cour et soutenues à l'audience du 8 octobre 2015 pour la société anonyme FIMECOR, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de la demanderesse au contredit, qui sollicite de la cour qu'elle':

- la reçoive en son contredit,

- infirme le jugement entrepris,

- dise le tribunal de grande instance de PARIS compétent et renvoie l'affaire devant cette juridiction,

- condamne M. [T] [Y] à lui payer la somme de 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens';

Vu les conclusions transmises à la cour et soutenues à l'audience pour M. [T] [Y], auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions du défendeur au contredit, qui demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris,

- condamner la société FIMECOR à lui payer la somme de 3'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens';

SUR CE, LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] [Y] a commencé, le 22 octobre 2001, à travailler au sein de la société anonyme FIMECOR, cabinet d'expertise comptable, d'audit et de conseil, représenté par M. [V] [P], son président.

Il était chargé de développer la clientèle de la société FIMECOR dans le secteur bancaire et il devait à ce titre gérer un portefeuille de clientèle.

Le 30 septembre 2002, l'assemblée générale mixte a nommé M. [T] [Y] en qualité d'administrateur de la société FIMECOR pour une durée de trois ans, en précisant que cette nomination ne serait effective qu'après que l'intéressé serait devenu membre de l'ordre des experts comptables de Paris Île de France, ainsi que l'énonce la quatrième résolution du procès-verbal de l'assemblée générale.

M. [T] [Y] n'ayant pas obtenu le diplôme d'expert comptable, la condition requise par l'assemblée générale pour sa nomination en tant qu'administrateur n'a pu être remplie. Cette nomination n'a dès lors pas été effective ainsi que l'a constaté le conseil d'administration lors de plusieurs réunions successives':

- le procès-verbal de la réunion du 24 juillet 2003, précise': «'à la date de la prochaine assemblée cette nomination ne sera pas encore effective'»,

- le procès-verbal de la réunion du 25 août 2005 indique de nouveau': «'or, à ce jour, cette nomination n'est toujours pas effective'».

Le 29 septembre 2005, l'assemblée générale mixte n'a pas renouvelé le mandat de M. [T] [Y], mettant ainsi officiellement un terme à sa potentielle fonction d'administrateur de la société FIMECOR, étant précisé que le procès-verbal de cette assemblée indique mettre un terme à ce mandat en précisant qu'il n'est pas renouvelé.

Au cours de l'année 2011, la société FIMECOR, ayant à la fois constaté une baisse de son activité et de son chiffre d'affaires, ainsi qu'une perte du volume de la clientèle développée et gérée par M. [T] [Y], a convenu de manière amiable avec ce dernier de mettre un terme à leur relation contractuelle.

A cette fin, des discussions ont été engagées entre les parties à compter du mois de décembre 2011, notamment au sujet de la valorisation des titres détenus par M. [T] [Y].

Le 31 janvier 2012, la société FIMECOR a convoqué M. [T] [Y] à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.

Le 16 février 2012, la société FIMECOR a adressé à M. [T] [Y] une lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle avec un préavis de trois mois, indiquant que leur relation contractuelle arriverait à son terme le 18 mai 2012.

La société FIMECOR a adressé par courriel à M. [T] [Y] le 16 mars 2012 un projet de protocole d'accord conforme aux discussions qu'elles avaient engagées avant l'envoi de la lettre de licenciement.

Le 16 novembre 2012, M. [T] [Y] a adressé une lettre recommandée avec demande d'avis de réception à la société FIMECOR, par laquelle il rappelait que les parties avaient rédigé un protocole d'accord global, dans sa dernière version du 27 septembre 2012, destiné à régler, selon ce document, l'ensemble des affaires qui les liaient, mais que le rendez-vous pris pour la signature de ce document le 10 octobre 2012 avait été reporté, et mettait en demeure la société de signer le protocole avant le 23 novembre suivant.

N'ayant pas obtenu de réponse sur ce point, M. [T] [Y] a adressé le 14 janvier 2013 une nouvelle lettre recommandée avec demande d'avis de réception à la société FIMECOR, pour contester son licenciement et la mettre en demeure de lui régler les frais de déplacement et de représentation exposés par lui en 2010 et 2011, à hauteur de la somme de 24'527,91 euros.

N'ayant pas obtenu de réponse, M. [T] [Y] a saisi le 18 janvier 2013 le conseil de prud'hommes de PARIS de la procédure dans le cadre de laquelle a été rendu le jugement frappé de contredit.

MOTIFS

Sur la nature des relations contractuelles entre les parties

Aux termes de l'article L'1411-1 du code du travail, «'le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient'» et «' juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti'».

Le contrat de travail se définit par l'engagement d'une personne à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité.

Au cas présent, il n'existe pas de contrat de travail écrit liant la société FIMECOR à M. [T] [Y]. Cependant, les éléments versés au débat, spécialement les bulletins de paie dans lesquels sont indiqués la qualification de cadre de M. [T] [Y], les congés payés ainsi que la convention collective applicable, une lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle et un certificat de travail ainsi rédigé': «'je soussigné, [V] [P], président directeur général de la SA FIMECOR, [Adresse 3], agissant en qualité d'employeur, certifie par le présent certificat que M. [T] [Y] a été employé dans ladite société, comme associé, en vertu d'un contrat à durée indéterminée, pour la période du 22 octobre 2001 au 18 mai 2012, sous la convention collective des cabinets d'expertise comptable. Il nous quitte libre de tout engagement relatif au droit social'», caractérisent l'existence d'un contrat de travail apparent entre les parties au litige.

Or, c'est à la partie qui, malgré un contrat de travail apparent, invoque qu'elle n'était pas liée par des relations de nature salariale avec l'autre partie, de rapporter la preuve du caractère fictif du dit contrat.

Il appartient dès lors à la société FIMECOR, de surcroît demanderesse au contredit, de démontrer le caractère fictif du contrat de travail dont se prévaut M. [T] [Y].

Il est justifié par les pièces produites, et non contesté, que M. [T] [Y] a effectué des prestations de travail pour la société FIMECOR.

Il n'est pas davantage contesté qu'en contrepartie de la réalisation de ces tâches, M. [T] [Y] a perçu une rémunération, ainsi qu'en attestent les bulletins de paie établis par cette société.

Les parties s'opposent en revanche sur l'existence ou non d'un lien de subordination, la société FIMECOR se prévalant de l'inexistence de ce lien, et également de la qualité de mandataire social et d'associé de M. [T] [Y], qui ferait obstacle, selon elle, à ce qu'il puisse bénéficier du statut de salarié.

Il convient de rappeler qu'il résulte des dispositions de l'article L'225-22 du code de commerce qu'un salarié peut être nommé administrateur, si son contrat de travail, dont il conserve alors le bénéfice, correspond à un emploi effectif, de sorte que l'existence d'un mandat social n'est pas exclusive de l'existence d'un contrat de travail si le titulaire dudit mandat a conservé des fonctions techniques distinctes.

Cependant, au cas présent, M. [T] [Y] a été nommé administrateur de la société FIMECOR par l'assemblée générale mixte du 30 septembre 2002 dont le procès verbal précisait que sa nomination ne serait effective qu'après son inscription à l'ordre des experts comptables de Paris Île de France. L'intéressé n'ayant pas obtenu le diplôme d'expert comptable, il n'a dès lors jamais été inscrit à l'ordre, de sorte que sa nomination en qualité d'administrateur de la société FIMECOR n'est jamais devenue effective.

C'est donc de façon erronée en fait que la société FIMECOR invoque la qualité d'administrateur de M. [T] [Y].

C'est encore à tort que la société FIMECOR invoque le statut d'associé de M. [T] [Y] dans la mesure où cette qualité n'est pas incompatible avec le statut de salarié, étant précisé que l'intéressé n'a été agréé en qualité d'actionnaire que le 30 septembre 2002 soit postérieurement au 22 octobre 2001, date de son entrée au sein de la société FIMECOR.

Par ailleurs, c'est de façon dénuée de pertinence que la société FIMECOR déduit l'inexistence d'un contrat de travail entre les parties de l'absence d'écrit en ce sens.

A cet égard, il convient en effet de rappeler qu'il résulte des termes de l'article L'1221-1 du code du travail que l'existence d'un contrat de travail ne résulte pas nécessairement d'un écrit signé par les parties, destiné à formaliser leur engagement, et qu'un tel contrat peut être conclu verbalement sans que cette circonstance n'ait d'incidence sur son existence.

La société FIMECOR soutient encore que M. [T] [Y] exerçait ses activités en toute indépendance, qu'il ne devait rendre aucun compte à la société à ce titre, qu'aucun ordre ni directive ne lui était adressé, et qu'elle ne disposait pas de pouvoirs de contrôle et de sanction à son égard, de sorte que le lien de subordination, condition inhérente à l'existence d'un contrat de travail, ne peut être au cas présent établi.

Il convient de rappeler que l'autonomie et la liberté d'organisation ne sont pas exclusives de l'existence d'un contrat de travail.

Au vu des éléments versés au débat, M. [T] [Y] avait pour mission de gérer un portefeuille de clientèle relevant du secteur bancaire. La société FIMECOR soutient que l'intéressé signait, à ce titre, en qualité d'associé, des contrats de prestation de services alors qu'il n'avait aucune délégation de signature.

Or, une telle prérogative ne peut à elle seule constituer une preuve de l'indépendance de M. [T] [Y] dans les missions qu'il effectuait au sein de la société, dans la mesure où les prérogatives de l'intéressé se limitaient à ces signatures, étant rappelé qu'il n'est pas contesté que, ne disposant pas de délégation de signature en ce sens, il n'avait pas accès aux comptes bancaires de la société et qu'il n'avait pas davantage le pouvoir de signer les contrats de travail conclus entre la société et ses salariés, ni encore celui de signer les commandes aux fournisseurs.

En outre, il ressort des pièces versées au débat, et spécialement d'un courrier envoyé par M. [T] [Y] à la société FIMECOR, ainsi qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'intéressé, dans le cadre de ses missions, établissait des rapports, qui étaient signés par un représentant de la société lorsque les dits rapports relevaient de la qualification d'expert-comptable ou de commissaire aux comptes, ce qui donnait à la société un pouvoir de contrôle sur son activité.

Enfin, en adressant d'abord le 31 janvier 2012 une première lettre à M. [T] [Y] dans laquelle elle convoquait ce dernier à un entretien préalable en vue d'un licenciement, puis le 16 février 2012 un deuxième courrier, par lequel elle lui notifiait son licenciement pour insuffisance professionnelle, aux motifs notamment que «'depuis désormais 2 ans, on a pu observer et constater': une insuffisance progressive et très nette du montant de tes heures productives facturées aux clients. Cette dégradation et chute conséquente du montant des heures productives est d'autant plus grave qu'elle ne peut permettre d'équilibrer ta rémunération ni les autres coûts de structure liés'», la société FIMECOR a bien, contrairement à son argumentation, fait usage d'un pouvoir de sanction à l'encontre de M. [T] [Y].

Il résulte de l'ensemble de ces développements que la société FIMECOR manque à rapporter la preuve de l'absence du lien de subordination dans lequel se trouvait M. [T] [Y] à son égard et donc du caractère fictif du contrat de travail, de sorte que l'existence dudit contrat entre les parties se trouve établie, ainsi que les premiers juges l'ont à bon droit retenu.

Il convient en conséquence de rejeter le contredit, de dire que les parties étaient liées par un contrat de travail au titre de la période du 22 octobre 2001 au 18 mai 2012, de dire en conséquence que le conseil de prud'hommes de PARIS est compétent pour connaître des demandes de M. [T] [Y] et de renvoyer l'affaire devant cette juridiction.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les frais de contredit

Il est équitable que la société FIMECOR contribue à hauteur de 1'500 euros aux frais irrépétibles exposés par M. [T] [Y] en cause d'appel, et ce en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société FIMECOR qui succombe supportera les frais de contredit.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Rejette le contredit';

Dit que les parties étaient liées par un contrat de travail';

Confirme le jugement frappé de contredit, et dit le conseil de prud'hommes de PARIS compétent pour connaître du litige opposant les parties';

Renvoie l'affaire devant le conseil de prud'hommes de PARIS';

Condamne la société FIMECOR à payer à M. [T] [Y] la somme de 1'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne la société FIMECOR aux frais de contredit.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/01191
Date de la décision : 12/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°15/01191 : Se dessaisit ou est dessaisi au profit d'une autre juridiction


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-12;15.01191 ?
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