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12/11/2015 | FRANCE | N°14/25759

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 12 novembre 2015, 14/25759


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 12 NOVEMBRE 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/25759



Décision déférée à la Cour : Jugement prononcé le 28 Octobre 2014 par la 3ème Chambre du Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 14F00514





APPELANTE



SAS PRESTIGE SENIOR

immatriculée au RCS de Salon de Provence sous le n° [L

ocalité 2]

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



représentée par Me Michel BLIN de la ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 12 NOVEMBRE 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/25759

Décision déférée à la Cour : Jugement prononcé le 28 Octobre 2014 par la 3ème Chambre du Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 14F00514

APPELANTE

SAS PRESTIGE SENIOR

immatriculée au RCS de Salon de Provence sous le n° [Localité 2]

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Michel BLIN de la SCP BLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0058

ayant pour avocat plaidant Me Yves BOYER, de la société d'avocats YVES BOYER BASSOT-BOYER MAX VAGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE

SARL ORION FIDUCIAIRE

immatriculée au RCS de Créteil sous le n° 409 297 009

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

ayant pour avocat plaidant Me Arnaud MANGIN, de l'AARPI PARDALIS GRSM Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : R094

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Michèle PICARD, Conseillère et Madame Christine ROSSI, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle PICARD, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Christine ROSSI, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller appelé d'une autre chambre afin de compléter la Cour

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine ROSSI, Conseillère, dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY

MINISTERE PUBLIC : l'affaire a été communiquée au Ministère Public.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, conseillère faisant fonction de présidente et par Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY, greffier présent lors du prononcé.

*

La société Prestige Senior détient 48% de la snc La Bastide. Cette dernière société a fait l'objet d'une vérification fiscale, et des rehaussements des bases d'imposition lui ont été signifiés. Cette procédure de rectification a entraîné pour la société Prestige Senior la mise en recouvrement d'impositions et pénalités.

Selon la société Prestige Senior, les redressements sont fondés sur des erreurs et omissions grossières qui n'auraient pas dû échapper au cabinet Orion Fiduciaire, société chargée d'une mission de tenue et révision des comptes de la snc La Bastide.

Par acte extrajudiciaire du 5 juin 2013, la société Prestige Senior a donc assigné devant le tribunal de commerce de Créteil la société Orion Fiduciaire en réparation de son préjudice.

Dans un jugement contradictoire du 29 octobre 2014, le tribunal de commerce de Créteil a dit mal fondée la fin de non-recevoir soulevée par la société Orion Fiduciaire, a débouté la société Prestige Senior de sa demande de condamnation de la société Orion Fiduciaire à lui payer la somme de 344.366,00 euros ainsi que sa demande d'intérêts et de capitalisation des intérêts, a dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire et a condamné la société Prestige Senior aux entiers dépens et à payer à la société Orion Fiduciaire la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

La société Prestige Senior a interjeté appel de cette décision le 19 décembre 2014.

***

Suivant des conclusions notifiées le 22 juin 2015 par voie électronique, la société Prestige Senior, appelante, demande à la cour, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de réformer le jugement du 29 octobre 2014 et de juger la société Orion Fiduciaire responsable vis-à-vis de la société Prestige Senior. En conséquence, de condamner la société Orion Fiduciaire à payer à la société Prestige Senior la somme de 307.470 euros en réparation de la perte subie et celle de 57.374 euros en réparation du gain manqué, sauf à parfaire, lesquelles sommes assorties des intérêts de droit au taux légal à compter du 29 mai 2013, de prononcer la capitalisation des intérêts par périodes annuelles en vertu de l'article 1154 du code civil, de condamner la société Orion Fiduciaire à payer à la société Prestige Senior la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Orion Fiduciaire aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur le fond, l'appelante soutient que la société Orion Fiduciaire avait une mission complète de tenue et de présentation des comptes, et qu'à tout le moins elle avait une mission de surveillance s'étendant au contrôle de la comptabilité.


Elle avance que dans le cadre de cette mission, l'expert-comptable a commis deux erreurs techniques constitutives de fautes et a failli à son devoir de conseil.

D'une part, la société Orion Fiduciaire aurait comptabilisé à tort une participation en titres de participation alors qu'elle aurait du être comptabilisée en titres de placement. Elle conteste l'argument adverse imputant cette erreur technique à la snc La Bastide et fait valoir que la liasse fiscale est nécessairement remplie par le cabinet d'expert-comptable puisque son numéro d'agrément y figure, elle s'appuie également sur le devoir de conseil dont était redevable la société Orion Fiduciaire envers la snc. Elle réfute l'argument adverse selon lequel 'cette comptabilité parait parfaitement légitime', l'administration fiscale ne l'ayant pas remise en cause, et avance à cet égard qu'il est de notoriété publique qu'à cette époque, l'administration ne contestait pas le classement des titres par les entreprises.

Elle fait, d'autre part, grief à la société Orion Fiduciaire de n'avoir pas souscrit pour le compte de la snc La Bastide la déclaration DAS 2 au titre de l'année 2002, ce qui a conduit à un redressement d'un montant de 459.274,48 euros. Selon elle, cette déclaration incombait à la société Orion Fiduciaire dans le cadre de sa mission comptable et fiscale.

Enfin, l'appelante reproche à la partie adverse d'avoir failli à son devoir de conseil en ayant omis d'avertir la snc La Bastide des risques encourus par la mise à disposition au profit de la société anonyme La Bastide de divers locaux sans percevoir ni réclamer de loyers.
Elle soutient que ces fautes sont à l'origine de son préjudice les rehaussements pratiqués par l'administration fiscale, suite aux erreurs relevées dans la comptabilité, s'élevant à 1.757.170,48 euros, soit 122.330 euros au titre de la provision sur dépréciation, 459.274,48 euros au titre de l'absence de la déclaration DAS 2 et 175.566 euros au titre de la renonciation à recettes. Ces rehaussements en base ayant donné lieu à des rappels d'impôts sur les sociétés et des intérêts de retard pour 307.470 euros, montant constitutif de la perte par elle subie et dont elle demande réparation.

Dans des conclusions notifiées le 28 avril 2015 par voie électronique, la société Orion Fiduciaire, intimée, demande à la cour, sur le fondement des articles 31 du code de procédure civile et 1147 du code civil, de confirmer le jugement. En conséquence, de juger, à titre principal, irrecevable la société Prestige Senior en ses prétentions, de juger subsidiairement que la société Prestige Senior ne démontre à l'encontre de la société Orion Fiduciaire aucun grief, ni ne justifie d'aucun préjudice indemnisable en relation causale avec les travaux du cabinet d'expertise comptable, de condamner la société Prestige Senior à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la scp Jeanne Baechlin en application de l'article 699 du même code.

Elle soutient que sa responsabilité ne peut être engagée, les conditions n'en étant pas réunies.

D'une part, elle conteste tout faute et avance que sa mission se limitait à une simple mission de présentation des comptes de fin d'exercice avec établissement de la déclaration fiscale afférente, en sorte qu'elle ne pourrait se voir reprocher une anomalie qui relèverait d'une mission juridique ou d'une mission sociale. Elle rappelle que l'expert-comptable n'est pas responsable des choix arrêtés par l'entreprise sans intervention de sa part, et notamment en matière fiscale et n'est tenu qu'à une obligation de moyen et non de résultat.

S'agissant de la comptabilisation des titres en titres de participation, elle fait valoir que cette affectation a été décidée par la snc La Bastide et soutient en tout état de cause que cette comptabilisation était légitime et que, de plus, cette affectation n'a pas privé la snc La Bastide de la déduction d'une provision dès lors que l'administration fiscale a nié une quelconque dépréciation. S'agissant de la déclaration DAS 2, elle avance que l'expert-comptable n'était pas tenu dans sa mission d'y procéder. S'agissant du troisième grief, elle oppose n'avoir pu exercer son devoir de conseil faute d'avoir été informée de la mise à disposition gracieuse du bien immobilier au profit de la société anonyme.

Elle conteste la réalité d'un lien causal entre le préjudice allégué et les travaux d'expertise-comptable. Elle prétend que les préjudices doivent être imputés à la direction de la snc La Bastide. Elle fait valoir que le redressement ne trouve pas sa source dans le classement des titres mais dans le fait qu'aucune dépréciation de valeur n'avait été subie, que la direction avait la possibilité de régulariser sa situation au titre de la DAS 2 suite à une proposition de l'administration fiscale mais a choisi de s'abstenir, et que la direction ne pouvait ignorer que la mise à disposition gracieuse du bien immobilier était contraire à l'objet social de la snc La Bastide.

Enfin, soutenant que la société Prestige Senior n'établit aucun préjudice indemnisable, elle rappelle que lorsque le contribuable a été replacé par l'administration fiscale dans la situation qui aurait dû être la sienne à l'origine, à raison d'une imposition éludée irrégulièrement, il ne peut invoquer aucun préjudice indemnisable. Elle oppose que l'appelante ne démontre pas la perte de revenu qu'elle allègue à raison de l'impôt acquitté pas plus qu'elle ne justifie du taux d'intérêt de 4% qu'elle entend voir appliquer sur le montant des sommes payées au titre de l'impôt.

***

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2015.

***

SUR CE,

Sur la recevabilité de la demande

La société Orion Fiduciaire, intimée, fait valoir que l'appelante est irrecevable en sa demande au motif que le cabinet d'expertise comptable n'était en relation contractuelle qu'avec la seule société La Bastide, laquelle n'a jamais prétendu que l'expert-comptable ait pu circonvenir à une quelconque mission. Elle soutient également que la société Prestige Senior n'entend pas revendiquer un dommage qui lui est propre mais un dommage qui n'est que le corollaire de celui de la société snc La Bastide dont elle est associée.

La société Prestige Senior, appelante, concède que l'action en justice engagée par un associé est irrecevable lorsque le préjudice invoqué n'est que le corollaire du dommage causé à la société, mais soutient subir un dommage personnel et fait valoir qu'est admise sur le fondement de l'article 1382 du code civil que le tiers à un contrat invoque l'inexécution contractuelle s'il justifie d'un dommage causé par celle-ci.

Il convient en effet de relever que le préjudice allégué par la société Prestige Senior ne réside pas dans la perte de valeur des titres ni dans l'amoindrissement du patrimoine de la société La Bastide mais bien, s'il s'avérait établi, dans les rehaussements pratiqués par l'administration fiscale à l'encontre de l'appelante, lesquels rehaussements constitueraient un préjudice propre à cette dernière dès lors recevable à réclamer réparation au tiers responsable. En conséquence, et sans préjuger du fond, la fin de non recevoir opposée par la société Orion Fiduciaire sera rejetée, la société Prestige Senior justifiant d'un intérêt à agir conformément aux dispositions de l'article 31 du code de procédure civile, la décision de première instance étant confirmée sur ce point.

Sur la responsabilité prétendue de la société Orion Fiduciaire

A titre liminaire, les constats suivants s'imposent, en premier lieu, il n'a pas été établi de lettre de mission, or, aucune obligation légale ne pesait en ce sens sur la société Orion Fiduciaire lors de l'année 2002 incriminée et il ne ressort pas des débats qu'une demande ait été faite à cette fin par la société La Bastide, qui en sa qualité de professionnel avisé était en mesure de faire préciser les points sur lesquels elle entendait bénéficier d'une assistance spécifique. En second lieu, les pièces soumises aux débats ne permettent pas de retenir qu'incombait à la société Orion Fiduciaire la tenue de la comptabilité de la snc Prestige Senior, seule devant être admise une mission de présentation des comptes et d'établissement de la déclaration fiscale afférente. Il en résulte que pesait sur l'expert comptable une obligation de moyen et non de résultat.

Au titre des griefs la société Prestige Senior soutient, d'une part, que la société Orion Fiduciaire aurait comptabilisé à tort une participation en titres de participation alors que celle-ci aurait dû être comptabilisée en titre de placement. Cependant, et sans se prononcer sur l'opportunité d'une telle décision, il importe de relever comme l'ont fait les premiers juges que la comptabilisation quelle qu'elle soit constitue un acte de gestion relevant des seuls dirigeants de la société La Bastide à l'exclusion de la société d'expertise comptable à laquelle il ne saurait mieux être reproché de ce chef un manquement à son devoir de conseil.

D'autre part, la société Prestige Senior fait grief à la société Orion Fiduciaire de n'avoir pas souscrit pour le compte de la snc La Bastide la déclaration DAS 2 au titre de l'année 2002 alors que selon elle cette diligence entrait dans sa mission comptable et fiscale. Cependant, et sans qu'il y ait lieu d'entrer dans la discussion à cet égard, il ne peut qu'être relevé que la société Prestige Senior n'a pas donné suite à la proposition de régularisation de l'administration fiscale en date du 7 octobre 2004 et ne saurait dès lors valablement et en tout état de cause imputer les conséquences de ses choix à son expert comptable.

Enfin, sur le troisième et dernier grief, l'administration fiscale a réintégré dans la base imposable des recettes non comptabilisés les loyers que la snc La Bastide aurait dû percevoir de la société anonyme La bastide si elle n'avait pas laissé à cette dernière la disposition gracieuse d'un immeuble lui appartenant, outre que la décision d'accorder une occupation à titre gratuit relève d'un choix de gestion, l'appelante n'établit pas en tout état de cause avoir informé l'expert-comptable de cette situation. Ici encore, elle ne pourra être suivie.

Aucun manquement n'étant établi à l'encontre de la société Orion Fiduciaire, il n'y a pas lieu d'examiner les préjudices avancés par la société Prestige Senior.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance et d'appel

La solution retenue fonde de condamner la société Prestige Senior aux entiers dépens de première instance et d'appel, de confirmer la décision des premiers juges relatives aux frais irrépétibles de première instance et de condamner la société Prestige Senior à payer à la société Orion Fiduciaire la somme de 2.000 euros au tire des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Rejette la fin de non recevoir soutenue par la société Orion Fiduciaire et dit en conséquence la société Prestige Senior recevable en son action ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Pairs en date du 28 octobre 2014 ;

Y ajoutant,

Condamne la société Prestige Senior à payer à la société Orion Fiduciaire la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Prestige senior aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la scp Jeanne Baechlin dans les condiotions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE

Xavier FLANDIN-BLETY Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 14/25759
Date de la décision : 12/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°14/25759 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-12;14.25759 ?
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