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10/11/2015 | FRANCE | N°12/08640

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 10 novembre 2015, 12/08640


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 10 Novembre 2015



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08640



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juillet 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 12/00087



APPELANT

Monsieur [E] [P]

[Adresse 3]

[Localité 3]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 4] (COTE D'IVOIRE)

com

parant en personne



INTIMEES

Me [J] [C] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL ASCOM LOGISTIC

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au b...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 10 Novembre 2015

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08640

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juillet 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 12/00087

APPELANT

Monsieur [E] [P]

[Adresse 3]

[Localité 3]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 4] (COTE D'IVOIRE)

comparant en personne

INTIMEES

Me [J] [C] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL ASCOM LOGISTIC

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205 substitué par Me Anne-lise HERRY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205

AGS CGEA IDF EST

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205 substitué par Me Anne-Lise HERRY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Laurence SINQUIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mademoiselle Marjolaine MAUBERT, lors des débats

ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Marjolaine MAUBERT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [E] [P] a été engagé de la société SARL ASCOM et AGS, à compter du mois de juin 2010, en qualité de conducteur poids lourds , au salaire mensuel brut de base de 1343,80 euros. Il a transmis une lettre de démission en date du 6 octobre 2010. Il a sollicité auprès de son employeur la modification de ses bulletins de salaire, des rappels de salaires au titre des heures supplémentaires et d' indemnités. Il a saisi en référé le conseil de prud'hommes pour obtenir les justificatifs de sa situation professionnelle et s'est désisté de son action après les avoir obtenu. Il a toutefois de nouveau saisi cette juridiction afin de contester le solde de tout compte. La société SARL ASCOM a été liquidée le 29 septembre 2011 et Me [J] [C] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur et représentait la société devant le conseil des prud'hommes. L'AGS CGEA Ile de France (l'AGS) était également représenté.

Par jugement du 2 juillet 2012, le conseil de prud'hommes de Créteil a débouté M. [E] [P] de l'intégralité de ses demandes.

M. [E] [P] en a relevé appel.

Par conclusions visées au greffe le 28 septembre 2015 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, M. [E] [P] demande à la cour de requalifier la démission et le contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de lui allouer :

-1862,16 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail ;

-465,54 euros et 46,55 euros à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents ;

-14'897,28 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de rémunération ;

- 17'737,42 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- 660,10 euros bruts et 66,01 euros à titre de rappel de salaire de la période du 9 au 20 août 2010 et congés payés afférents ;

- 528,08 euros bruts et 52,80 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 21 au 30 septembre 2010 et congés payés afférents ;

- 264,04 euros bruts et 26,40 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 6 octobre 2010 avec remise de bulletin de paie et congés payés afférents ;

- 373,47 euros bruts et 37,34 euros à titre de prime horaire de nuit pour la période de juin à septembre 2010 et congés payés afférents ;

- 690,27 euros bruts et 69,02 euros à titre de rappel de salaire heures supplémentaires 25 % pour la période de juin à septembre 2010 et congés payés afférents ;

- 5437,96 euros bruts et 543,79 euros à titre de rappel de salaire supplémentaire 50 % de la période de juin à septembre 2010 et congés payés afférents ;

- 4180,97 euros et 418,09 euros à titre de préjudice subit concernant les repos compensateurs non-inscrits au bulletin de paie et congés payés afférents ;

- 4500 € bruts à titre du non-respect des repos quotidiens ;

-4000 € à titre du non-respect des règles relatives aux visites médicales ;

- 269,60 euros à titre d'indemnité de casse-croûte ;

- 199,04 euros à titre d'indemnité de repas ;

-2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonner à la CGEA Île-de-France Est la remise d'un bulletin de paie avec rectification globale un certificat de travail indiquant la date du 17 au 6 octobre 2010 et une attestation Pôle Emploi conforme aux sommes cités ci-dessus ;

Assortir le jugement de l'exécution provisoire étant prise que le salaire moyen de M. [E] [P] s'élevait à 1862,16 euros bruts ;

Dire que toutes ces sommes seront opposables à l'assurance des garanties de salaire (CGEA Île-de-France Est).

Par conclusions visées au greffe le 28 septembre 2015, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence sans que ce qui concerne les moyens, Me [J] [C] ès qualités de mandataire liquidateur de la société SARL ASCOM et l'AGS sollicitent l'infirmation partielle du jugement. Ils demandent à la cour de statuer ce que de droit sur le principe des demandes de dommages intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche, dépassement du temps légal de travail et remise tardive des bulletins de salaire, constatant que l'appelant ne démontre pas l'existence d'un préjudice quelconque résultant de ces manquements ;

- Ramener les sommes éventuellement allouées à de plus justes proportions ;

- Statuer ce que de droit sur la demande de frais de déplacement ;

- Débouter M. [E] [P] du surplus de ses demandes, fins et conclusions ;

- Donner acte à l'AGS qu'elle ne garantit que les créances de l'article L3253 - 6 du code du travail que dans les termes et conditions de l'article L3253 -8, L 3253-17 et L3253-18 et suivants du code du travail et juger que la garantie de l'AGS ne s'étend ni à l'article 700 du code de procédure civile qui pourrait être fixé au passif de la société, ni aux dépens ;

Pour plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions des parties la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la requalification du contrat de travail

M. [E] [P] sollicite la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Le salarié prétend avoir été embauché pour 12 mois et l'entreprise dans l'attestation destinée à Pôle Emploi déclare que la rupture du contrat de travail à durée déterminée est justifiée par la fin du contrat. Elle fixe la période de travail du salarié du 17 juin 2010 au 20 septembre 2010.

Dans la mesure où il n'est pas contesté qu'aucun contrat écrit n'a été souscrit et que les horaires et le temps de travail n'ont pas été précisés par les parties, la requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée sera acceptée.

À titre indemnitaire le salarié sollicite la somme de 1862,16 euros représentant un mois de salaire. Toutefois M. [E] [P] ne justifie pas en quoi l'erreur lui a causé préjudice pendant ses quatre mois de présence dans l'entreprise, et en conséquence, il y a lieu de rejeter la demande indemnitaire.

Sur la rupture du contrat de travail

Il est constant que le salarié a informé son employeur le 6 octobre 2010 de sa démission par oral.

Il n'est pas contesté non plus que le salarié a démissionné de son poste pour rejoindre une autre société.

Considérant qu'il existe aujourd'hui des difficultés relatives à la visite médicale d'embauche, à la transmission des bulletins de paye, au calcul des heures supplémentaires et au respect du temps de travail, le salarié sollicite la requalification de cette démission.

Seul le courrier du 12 novembre 2010 adressé par le salarié évoque cette démission. Au travers de cette lettre, il n'apparaît aucune ambiguïté sur la volonté de M. [E] [P] de rompre son contrat de travail par démission. Le simple fait qu'il sollicite de son employeur de régulariser le règlement de son salaire du mois courant et la transmission des bulletins de paie ne suffit pas à justifier la requalification sollicitée.

En conséquence de cette décision, les demandes indemnitaires sollicitées en réparation du non-respect de la procédure de licenciement, ainsi que la somme de 465,54 euros à titre d'indemnité de préavis et les congés payés y afférents seront donc rejetées.

M. [E] [P] sollicite également à titre de dommages-intérêts la somme de14'897,28 euros compensant le préjudice lié à l'absence de rémunération jusqu'au terme du contrat soit le 16 juin 2011. Dans la mesure où la rupture du contrat de travail résulte de sa démission, il apparaît mal fondée à reprocher à l'employeur de n'avoir pas poursuivi l'engagement qui les liait. Cette demande sera rejetée.

Sur l'absence de visite médicale d'embauche

En application de l'article R 4624 -10 du code du travail, le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail. L'employeur reconnaît ne pas pouvoir justifier de la proposition ou de la réalisation d'une visite médicale d'embauche et il sera fait droit, en conséquence, à la demande du salarié de réparer le préjudice ainsi occasionné. L'ancienneté du salarié dans l'entreprise de moins quatre mois justifie la réparation du préjudice à hauteur de 400 euros.

Sur la période d'exécution du contrat de travail

Le salarié sollicite plusieurs demandes salariales qui nécessitent au préalable de déterminer la période exacte durant laquelle s'est exécuté ce contrat de travail.

Si la date d'embauche n'est pas sérieusement contestée au 17 juin 2010, la date du terme de ce contrat diffère selon les parties.

Le salarié prétend avoir continué son activité jusqu'au 6 octobre 2010 au lieu du 20 septembre 2010 comme indiqué sur l'attestation Pôle Emploi.

Comme le soutient M. [E] [P] il ressort de l'analyse entre le reçu pour solde de tout compte et son annexe, signés du salarié et datés du 20 septembre 2010, et des deux chèques datés du 13 janvier 2011, des courriers et de l'action en référés engagée par le salarié que manifestement, les documents remis au salarié ont été antidatés. En outre M. [E] [P] produit un imprimé de carte conducteur en date du 6 octobre 2010 mentionnant des temps de conduite sur un véhicule immatriculé [Immatriculation 1]. Même si le véhicule était un camion de location, il ressort de quelques-unes des fiches de liaison que ce véhicule était utilisé pour effectuer des trajets pour le compte de la société.

A l'inverse, aucun élément fourni par l'employeur ne permet de faire la preuve de ce que la cessation d'activité du salarié doit être fixée au 20 septembre 2010 au lieu si 6 octobre 2010 date de sa démission.

Ainsi au vu de ces éléments, il convient d'établir que M. [E] [P] a travaillé pour le compte de la société à compter du 17 juin 2010 jusqu'au 6 octobre 2010 et qu'il est fondé à sollicité le rappel de salaire du 21 septembre 2010 au 6 octobre 2010.

Il existe une seconde contestation sur la période d'exécution du temps de travail entre les parties en ce qui concerne le mois d'août 2010. Le salarié prétend qu'en raison d'un manque d'activité, son employeur lui avait demandé de rester à son domicile et estime qu'étant resté à sa disposition, il doit pouvoir bénéficier d'un rappel de salaire sur la période du 9 au 20 août 2010.

L'AGS sollicite le débouté de cette demande de rappel de salaire en considérant que le salarié ne justifie ni être resté à la disposition de son employeur, ni des heures supplémentaires qu'il aurait effectuées.

La lecture du bulletin de salaire du mois d'août 2010 démontre que ce mois a été partiellement travaillé, l'employeur indiquant une absence du 9 au 20 août 2010. Il appartient au salarié d'étayer par tous moyens sa prétention concernant le fait que la mention de ce temps d'absence est erronée ou qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur sur cette période. Tel n'est pas le cas en l'espèce et en conséquence M. [E] [P] devra être débouté de ses demandes de rappel de la salaire pour le mois d'août.

Sur les rappels de salaires

M. [E] [P] soutient que lors de l'entretien d'embauche, les parties avaient convenu d'un taux horaire de 9,43 euros correspondant au coefficient 150 M de la convention collective des transports routiers.

En l'absence de contrat de travail écrit, il convient de rechercher la commune intention des parties au travers des documents produits. Or, il apparaît sur le bulletin de salaire du mois de juin 2010 que le taux retenu par l'employeur est celui de 8,86 euros correspondant au SMIC horaire et que l'emploi indiqué sur cette fiche de paie est celui de chauffeur SPRL. Il n'est spécifié aucune qualification, ni classification particulière.

Il ressort de la convention collective des transports routiers de marchandises et des activités auxiliaires du transport en vigueur en 2010 que la classification revendiquée par le salarié suppose l'existence de qualifications spéciales ou d'une ancienneté particulière. À l'exception d'un certificat de formation professionnelle de mécanicien réparateur, le salarié ne justifie pas de la qualification qu'il revendique. En conséquence, la demande de modification du bulletin de salaire relativement au taux horaire sera rejetée et le taux horaire retenu sera celui de 8,86 euros.

Compte tenu du nombre d'heures travaillées du 21 septembre au 6 octobre 2010, telles qu'elles ressortent des disques chirographaires transmis par M [E] [P] le salarié a réalisé 6h06 de travail du 21 septembre au 30 septembre 2010 et 28 heures 43 de travail 1er au 6 octobre 2010 il y a lieu de lui alloué la somme de 306,59 euros au titre des heures effectuées sur cette période outre 30,65 euros pour les congés afférents.

Sur les demandes relatives aux heures supplémentaires

En application des articles L3121-21 et L3121-22 du code du travail la durée légale du travail effectif des salariés fixés à 35 heures par semaine civile des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L3121-10 ou de la durée considérée comme équivalente donne lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

Le salarié à l'appui de sa demande de modification de ses fiches de paies fait valoir que ne lui ont pas été compté 120 heures d'heures supplémentaires à 25 % et 323,37 heures supplémentaires à 50 %, la majoration de 20 % d'heures de nuit et par voie de conséquence de repos compensateur.

Il communique un décompte manuscrit déjà produit en première instance et complété en appel dans lequel figure jour par jour, l'horaire du début et de la fin de la journée de travail, l'amplitude horaire, le temps de nuit travaillé, les temps de repas et de casse-croûte dus par l'employeur. S'y ajoute désormais le récapitulatif hebdomadaire des heures supplémentaires à 25 % et à sa 50 % effectués par le salarié.

En cause d'appel M. [E] [P] transmet les disques numériques chronotachygraphes de juin 2010, juillet 2010, août 2010, septembre 2010 et octobre 2010. Il communique également des fiches de liaison routière pour la période considérée.

Au vu de l'ensemble de ces documents, le mandataire judiciaire représentant la société se fondant sur les bulletins de salaire et, soutient que le calcul par l'amplitude de la journée de conduite, sans prendre en compte les temps de repos de pause, de déjeuner et de chargement est erronée. Il estime également que les relevés des disques produits tardivement comportent des erreurs qui mettent en cause leur fiabilité.

Il fait valoir par ailleurs que l'élaboration manuscrite de certains disques chronotachygraphes ne peuvent fonder la demande.

Il y a lieu de rappeler qu'en application de l'article L 3161- 4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accompli par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En l'espèce l'employeur ne fournit aucun autre justificatif que les quatre bulletins de paie du mois de juin, juillet, août, septembre 2010, une attestation Pôle Emploi et le solde de tout compte remis au salarié. Ces éléments ne suffisent à soutenir sa contestation concernant la fiabilité des disques chronotachygraphes, la société ne communiquant aucun commencement de preuve établissant la falsification des données issues de cet enregistrement habituel des chauffeurs poids-lourds.

Il convient au contraire au vu de l'ensemble de ces documents de constater que M. [E] [P] transmet des éléments suffisants pour permettre à l'employeur de préciser les heures effectuées par le salarié. Toutefois dans la mesure où il existe une variation des calculs opérés par le salarié au travers des documents communiqués, la cour, pour déterminer les calculs relatifs au temps de travail effectué et aux heures supplémentaires corrélatives, s'attachera pour l'essentiel aux données inscrites et relevées sur les disques chronotachygraphes.

Après analyse des disques, il apparaît que l'employeur a satisfait aux règlements sur l'ensemble de la période des heures supplémentaires à 25 %. A l'inverse les bulletins de paie ont omis d'intégrer un montant d'heures supplémentaires à 50 % à hauteur de 151,19 heures. Il convient donc d'allouer au salarié, le salaire correspondant à ces heures supplémentaires, soit la somme de 2009,31 euros outre la somme de 200,93 euros pour les congés afférents.

Sur la demande relative au repos compensateur

Toutes heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos fixés à 100 % pour les entreprises de plus de 20 salariés. Le contingent annuel d'heures supplémentaires constitue le seuil de déclenchement de la contrepartie obligatoire en repos. Le contingent annuel est défini par convention ou accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou à défaut par branche étendue ou non. En l'absence d'accord collectif, il est fixé par décret.

S'agissant du cas particulier de M. [E] [P], salarié des transports routiers de marchandises, ce contingent d'heures supplémentaires est par voie conventionnelle fixé à 195 heures par période de 12 mois. Le salarié sollicite sur cette base l'indemnisation pour le non-respect des temps de repos compensateur. L'employeur sans contester le taux retenu, n'établit pas que son salarié a pu bénéficier des temps de repos compensateur réglementaires, ni même qu'il en est été informé.

Avec un nombre d'heures supplémentaires calculées à 220,48 heures pour la période considérée, il convient d'allouer au salarié au titre du repos compensateur la somme de 1377,55 euros outre la somme 137,75 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande relative au travail de nuit

Au visa du protocole d'accord relatif au travail de nuit dans les transports routiers de marchandises, les activités du transport et le transport de déménagement, il convient de constater que la demande faite par M. [E] [P] concernant le rappel de salaire pour exécution d'heures de travail de nuit et la compensation des repos sur les heures de travail de nuit, apparaît fondée tant dans son principe que dans le calcul de son montant. En effet, déduction faite des 82 heures déjà décomptées par l'employeur, ce dernier reste redevable de la somme de 373,40 euros outre la somme de 37,34 euros pour la compensation des repos.

Sur le non-respect de la durée de travail maximale quotidienne et hebdomadaire

Il résulte du décret numéro 83 -40 du 26 janvier 1983 relatif aux modalités d'application des dispositions du code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises que le salarié était soumis à un temps de travail susceptible de s'exécuter sur une période de six jours, pour une durée quotidienne de travail effectif ne pouvant excéder 10 heures.

M. [E] [P] sollicite la somme de 4500 euros bruts au titre du non-respect des repos quotidiens et se fonde sur une analyse de l'amplitude du temps de travail pour évaluer le dépassement. La cour qui se fonde sur les mentions récapitulatives inscrites au bas des disques complétés à partir de l'appareil chronotachygraphe pour vérifier les temps de travail effectif constate qu'il existe au quotidien un dépassement des plages de temps réglementaire.

Le non-respect par l'employeur du temps de travail crée nécessairement au salarié un préjudice qu'il convient de réparer à hauteur de 1200 euros.

Sur les demandes relatives aux indemnités de casse-croûte et de repas

En application de l'annexe de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport et plus précisément du protocole relatif aux frais déplacements des ouvriers, il apparaît que M. [E] [P] est bien fondé à solliciter le règlement par l'employeur des indemnités omises dans les bulletins de salaire concernant les indemnités de casse-croûte et de repas. Il sera fait droit sur ce point à l'intégralité des demandes formulées par le salarié et il lui sera alloué la somme de 269,60 euros au titre des indemnités de casse-croûte et la somme de 199,04 euros au titre des indemnités de repas restant à payer.

Sur la demande relative au travail dissimulé

L'article L81221-5 du code du travail indique : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1°- Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L 1221-10 relatif à la déclaration préalable à l'embauche;

2°- Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L 3243 -2 relatif à la délivrance d'un bulletin de salaire ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre premier de la troisième partie;

3°- Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives au salaire ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions ou des cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales . »

Il appartient au salarié qui invoque l'existence d'un travail dissimulé de prouver l'intention frauduleuse de l'employeur. En l'espèce M. [E] [P] ne transmets aucun élément permettant d'établir, que tant au niveau de l'embauche, que des heures de travail, l'employeur ait eu une volonté de dissimulation. La demande du salarié sur ce point sera donc rejetée ;

Il appartient au mandataire judiciaire ès qualités de représentant de l'entreprise d'effectuer la remise au salarié de l'ensemble des documents sociaux rectifiés conformes à la décision.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris aussi en ce qu'il a considéré que le contrat de travail de M. [E] [P] était un contrat de travail à durée indéterminée ;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau ;

- Fixe la période de temps de travail de M. [E] [P] du 17 juin 2010 au 6 octobre 2010 et dis que la rupture du contrat de travail s'est effectuée par la démission du salarié ;

- Fixe la créance de M. [E] [P] au passif de la liquidation judiciaire de la société ASCOM Logistic aux sommes de :

- 306,59 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 21 au 30 au 6 octobre 2010 et 30,66 euros au titre des congés payés afférents ;

- 373,47 euros bruts à titre de prime horaire de nuit pour la période de juin à septembre 2010 et 37,34 euros au titre des congés payés afférents ;

- 2009,31euros bruts à titre de rappel de salaire heures supplémentaire pour la période de juin à septembre 2010 et 200,93 euros au titre des congés payés afférents,

- 1377,55 euros à titre de préjudice subit concernant les repos compensateurs et 137,75 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1200 € bruts à titre du non-respect du temps de travail ;

- 400 € à titre du non-respect de la visite médicale d'embauche ;

- 269,60 euros à titre d'indemnité de casse-croûte ;

- 199,04 euros à titre d'indemnité de repas.

- Rejette les demandes indemnitaires concernant la requalification du contrat de travail, le préavis et les congés payés afférents, la perte de rémunération jusqu'au terme de son contrat, le travail dissimulé, le rappel de salaire de la période du 9 au 20 août 2010 et les congés payés afférents ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonne la remise par Maître [C] [J] ès qualités de liquidateur de la société Ascom Logistic SARL à M. [E] [P] de documents sociaux rectifiés conformes au présent arrêt, de bulletins de paye, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail rectifiés conformes au présent arrêt ;

- Dit l'AGS CGEA Ile de France Est subsidiairement tenue dans les limites de sa garantie ;

- Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA Ile de France Est dans la limite des garanties légales et des plafonds applicables ;

- Déboute pour le surplus ;

- Met les dépens à la charge de la liquidation judiciaire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/08640
Date de la décision : 10/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°12/08640 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-10;12.08640 ?
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