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09/11/2015 | FRANCE | N°13/05977

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 09 novembre 2015, 13/05977


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 3



ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2015



(n° 15/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05977



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/14077





APPELANTS



Madame [P] [V] veuve [M], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légal

e des biens de son fils mineur [W] [M] né le [Date naissance 8] 1999 à [Localité 4]

[Adresse 6]

née le [Date naissance 7] 1971 à [Localité 5] - AUTRICHE



Monsieur [G] [M]

[A...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2015

(n° 15/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05977

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/14077

APPELANTS

Madame [P] [V] veuve [M], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale des biens de son fils mineur [W] [M] né le [Date naissance 8] 1999 à [Localité 4]

[Adresse 6]

née le [Date naissance 7] 1971 à [Localité 5] - AUTRICHE

Monsieur [G] [M]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 9] 1950 à [Localité 10] - TURQUIE

Monsieur [E] [M]

[Adresse 6]

né le [Date naissance 4] 1990 à [Localité 11]

Monsieur [Y] [M]

[Adresse 6]

né le [Date naissance 2]1994 à [Localité 6]

Madame [B] [M]

[Adresse 3]

née le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 10] - TURQUIE

Monsieur [T] [M]

[Adresse 3]

né le [Date naissance 6] 1969 à [Localité 10] - TURQUIE

Monsieur [H] [M]

[Adresse 4]

né le [Date naissance 12] 1974 à [Localité 9] - TURQUIE

Madame [C] [M] épouse [O]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 9] - TURQUIE

Madame [N] [M] épouse [F]

[Adresse 8]

née le [Date naissance 10] 1980 à [Localité 7]

Représentés par Me Daniel BERNFELD, avocat au barreau de PARIS, toque : R161

Assistés de Me Lucie HAUFFRAY, avocat au barreau de PARIS, toque : R161

INTIMES

Monsieur [A] [Q]

[Adresse 5]

[Localité 2]

né le [Date naissance 11] 1979 à [Localité 12]

MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES, prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentés par Me Ghislain DECHEZLEPRÊTRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155

CPAM DU VAL D'OISE, prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 9]

[Localité 3]

Défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Régine BERTRAND-ROYER, Présidente, entendue en son rapport

Madame Catherine COSSON, Conseillère

Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Nadia DAHMANI

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine BERTRAND-ROYER, présidente et par Mme Nadia DAHMANI, greffier présent lors du prononcé.

****

Le 27 février 2008, Monsieur [D] [M] a été victime d'un accident de la circulation [Adresse 10] alors qu'il circulait en motocyclette à la droite du véhicule taxi conduit par Monsieur [A] [Q] et assuré auprès de la S.A. Mutuelle Transports Assurances (la société M.T.A.).

Monsieur [D] [M] est décédé le lendemain des suites de ses blessures.

Après enquête de police ouverte pour homicide involontaire, le Parquet du tribunal de grande instance de Paris a pris une décision de classement sans suite au motif d'une infraction insuffisamment caractérisée.

La société M.T.A. a contesté le droit à indemnisation des proches de la victime.

Par jugement en date du 12 mars 2013, le tribunal de grande instance de Paris a:

- dit que le véhicule conduit par Monsieur [A] [Q] et assuré auprès de la Mutuelle des Transports Assurances est impliqué dans la survenance de l'accident du 27 février 2008,

- dit que la faute commise par Monsieur [D] [M] exclut son droit à indemnisation,

-débouté tous les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes,

- déclaré le jugement opposable à la CPAM de l'Oise,

- condamné in solidum tous les demandeurs aux dépens.

Le tribunal a exclu tout droit à indemnisation au motif que Monsieur [D] [M], en doublant imprudemment le taxi par la droite au niveau du carrefour, a commis une faute, cause exclusive de l'accident, ajoutant que la victime était en état d'ébriété au moment des faits et sous le coup d'une annulation de son permis de conduire.

Madame [P] [V], veuve [M] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale des biens de son fils mineur [W] [M] né le [Date naissance 8] 1999, Monsieur [E] [M], Monsieur [Y] [M], Monsieur [G] [M], Madame [B] [R] épouse [M], Monsieur [T] [M], Monsieur [H] [M], Madame [C] [M] épouse [O] et Madame [N] [M] épouse [F] ont relevé appel du jugement.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 11 juin 2013, les consorts [M] demandent à la Cour de :

- les déclarer recevables en leur appel,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le véhicule de Monsieur [A] [Q] est impliqué dans l'accident,

- infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de :

* dire que Monsieur [D] [M] n'a commis aucune faute de nature à exclure ou limiter le droit à indemnisation de ses ayants droit,

* condamner in solidum Monsieur [A] [Q] et la société M.T.A. à indemniser intégralement les préjudices des ayants droit de Monsieur [D] [M],

* condamner in solidum Monsieur [A] [Q] et la société M.T.A. à leur payer au titre de leur préjudices moraux les sommes suivantes:

- 40.000 € à Madame [P] [M], veuve de la victime

- 30.000 € à chacun des enfants de la victime,

- 20.000 € à chacun des parents de la victime,

- 15.000 € à chacun des frères et soeurs de la victime,

* condamner in solidum Monsieur [A] [Q] et la société M.T.A. à leur payer au titre de leurs préjudices économiques :

- 775.701,74 € à Madame [P] [M],

- 5.021,50 € à Monsieur [E] [M], âgé de 17 ans au moment de l'accident,

- 7.065,75 € à Monsieur [Y] [M], âgé de 13 ans au moment de l'accident,

- 39.697,11 € à Monsieur [W] [M], âgé de 9 ans au moment de l'accident.

* subsidiairement, condamner in solidum Monsieur [A] [Q] et la société M.T.A. à payer au titre de son préjudice économique, à Madame [P] [M], pour la période de mars 2008 à avril 2026, la somme de 366.068,36 €, déduction faite de l'allocation veuvage perçue par elle et surseoir à statuer sur la réparation de son préjudice économique à compter de mai 2016 dans l'attente de connaître le montant éventuel de la pension de réversion qui pourra lui être allouée,

* condamner in solidum Monsieur [A] [Q] et la société M.T.A. à payer à Monsieur [G] [M], père de la victime, la somme de 10.039,98 € au titre de ses frais de transport,

* condamner in solidum Monsieur [A] [Q] et la société M.T.A. à payer à Madame [P] [M] la somme de 2.639,81 € au titre de son préjudice matériel,

* constater que la société M.T.A. n'a pas formulé d'offre dans le délai qui lui était imparti par l'article L 211-9 du code des assurances,

* en conséquence, dire que l'évaluation qui sera faite des préjudices de Madame [M] et de ses enfants, créances des organismes sociaux incluses, portera intérêts au double du taux légal du 27 octobre 2008 jusqu'à l'arrêt à intervenir,

* dire que, conformément à l'article 1154 du code civil, les intérêts échus depuis au moins une année seront capitalisés et porteront eux-mêmes intérêts au taux légal,

* dire que les sommes allouées aux appelants porteront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

*condamner in solidum Monsieur [A] [Q] et la société M.T.A. à leur payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :- 3 000 € à Madame [P] [M],

- 1 000 € à chacun des enfants,

- 500 € à chacun des parents et à chacun des frères et soeurs

avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

* déclarer l'arrêt commun à la CPAM de l'Oise,

* condamner in solidum Monsieur [A] [Q] et la société M.T.A. aux entiers dépens.

La société M.T.A. et Monsieur [Q], dans leurs dernières conclusions signifiées le 24 juillet 2013, demandent à la cour :

A titre principal de :

- infirmer le jugement entrepris et dire que la preuve de l'implication du véhicule de Monsieur [A] [Q] n'est pas rapportée,

- débouter les consorts [M] de toutes leurs demandes.

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris,

- dire que Monsieur [D] [M] a commis des fautes de nature à exclure son droit à indemnisation et en conséquence celui des demandeurs,

- débouter les consorts [M] de toutes leurs demandes.

Très subsidiairement,:

- limiter à 10% le droit à indemnisation des demandeurs, surseoir à statuer sur la réparation du préjudice économique de Madame [P] [M] dans l'attente de la production du montant du capital représentatif des arrérages de la pension de retraite de réversion dont elle bénéficiera,

- dire satisfactoire l'évaluation avant application du coefficient de réduction du droit à indemnisation des préjudices effectuée par la société M.T.A., soit :

* au titre des préjudices moraux :

25.000 € pour Madame [P] [M],

20.000 € pour chacun des enfants,

10.000 € pour chacun des parents,

5.000 € pour chacun des frères et soeurs

* au titre des préjudices économiques :

2.967,79 € pour Monsieur [E] [M],

8.814,81 € pour Monsieur [Y] [M],

12.999,27 € pour Monsieur [W] [M]

* au titre des frais matériels :

2.639,81 € pour Madame [P] [M]

1.820 € pour Monsieur [G] [M]

- réduire à de plus justes proportions les sommes à allouer au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre infiniment subsidiaire :

- dire satisfactoire l'évaluation à hauteur de 148.492,94 € du préjudice économique subi par Madame [P] [M] jusqu'en 2026 et surseoir à statuer sur le préjudice économique à échoir à compter de 2026.

La CPAM de l'Oise, assignée à personne habilitée n'a pas constitué avocat et les appelants ont produit sa créance qui s'élève à la somme de 6.875,61 € au titre des frais d'hospitalisation de Monsieur [D] [M] du 27 au 29 février 2008.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Les appelants soutiennent que le droit à indemnisation de la victime est total en faisant valoir que :

- le véhicule de Monsieur [A] [Q] est impliqué dans l'accident puisqu'il est entré en collision avec la motocyclette de la victime;

- les fautes de conduite reprochées à Monsieur [D] [M] ne sont pas établies, l'accident étant dû au comportement de Monsieur [A] [Q] qui, pour une raison indéterminée, s'est rabattu brutalement sur sa droite et a projeté Monsieur [D] [M] qui circulait à sa droite, contre la rambarde séparant le trottoir de la chaussée ;

- les résultats du test d'alcoolémie pratiqué post-mortem, deux jours après l'accident ne sont pas significatifs, d'autant que le gardien de la paix BUR a affirmé qu'aucun des deux conducteurs ne présentait les signes d'une alcoolémie;

- et, en tout état de cause, la preuve du rôle causal dans l'accident tant d'un état alcoolique que de la conduite malgré une mesure d'annulation du permis de conduire n'est pas rapportée.

La société M.T.A et Monsieur [A] [Q] contestent l'implication du véhicule conduit par ce dernier dans l'accident à défaut de choc entre les deux véhicules ainsi que l'atteste l'absence de dommage sur le flanc droit du véhicule taxi. A titre subsidiaire, ils font valoir que Monsieur [D] [M] a commis des fautes qui doivent exclure tout droit à indemnisation, ou, plus subsidiairement, limiter ce droit à 10% des dommages en exposant que Monsieur [D] [M], qui conduisait malgré une annulation de son permis de conduire et sous l'empire d'un état alcoolique, a perdu le contrôle de son engin en tentant de dépasser par la droite le véhicule de Monsieur [A] [Q] et a ainsi percuté les barrières métalliques anti-stationnement implantées sur le trottoir.

Sur l'implication

Au sens de la loi du 5 juillet 1985, est impliqué dans un accident de la circulation, tout véhicule ayant joué un rôle quelconque dans sa survenance. Une collision entre véhicules caractérise leur implication mais en l'absence de choc, il appartient à celui qui invoque l'implication, d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, l'accident s'est produit le 27 février 2008 à 11h20, avenue Marx Dormoy dans le 18ème arrondissement de [Localité 8], sur une chaussée sèche, alors que Monsieur [D] [M] circulant à motocyclette sur la voie de droite se dirigeait vers la Porte de la Chapelle et que, sur cette même voie de droite, mais à sa gauche, circulait le véhicule taxi conduit pas Monsieur [A] [Q]. Monsieur [D] [M] est décédé des suites de ses blessures abdominales quelques heures plus tard.

Il résulte de la procédure d'enquête les éléments suivants :

- à leur arrivée sur les lieux, les services de police ont constaté des 'dégâts au niveau du bas de caisse droit' du véhicule taxi,

- le rapport de transport fait état d'un enfoncement en bas de la portière droite du véhicule taxi,

- la note de transmission au Parquet de Paris souligne que Monsieur [D] [M] est entré en collision 'dans des circonstances indéterminées' avec le véhicule taxi,

- Monsieur [A] [Q] lui-même a déclaré aux services de police que Monsieur [D] [M] qui le doublait par la droite l'a percuté sur le flanc droit pour finir sa course sur le trottoir, 'ce scooter m'a touché alors qu'il me doublait par la droite' et encore 'il a percuté la bordure du trottoir et la porte avant droite de mon véhicule'

- Monsieur [D] [M], entendu par un policier, alors qu'il était dans le camion des sapeurs-pompiers, a déclaré qu'un taxi situé à sa gauche s'est brutalement déporté sur lui et l'a percuté.

Ces éléments démontrent suffisamment qu'une collision est survenue entre le véhicule conduit par la victime et celui de Monsieur [A] [Q] qui l'a d'ailleurs reconnu. Le véhicule taxi est par conséquent impliqué dans l'accident.

Sur le droit à indemnisation

En application de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, lorsque plusieurs véhicules terrestres à moteur sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice et une telle faute qui s'apprécie indépendamment du comportement des autres conducteurs, a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages.

En l'espèce, Monsieur [A] [Q] et son assureur expliquent l'accident par une perte de contrôle spontanée du cyclomotoriste qui dépassait le taxi par la droite dans des conditions dangereuses alors que les consorts [M] soutiennent que le chauffeur de taxi s'est rabattu brutalement sur sa droite et a heurté la victime qui circulait sur le bord droit de la chaussée. Ces versions sont contradictoires mais toutes deux possibles en l'absence de tout témoin de l'accident ou éléments matériels susceptibles de départager les parties. Les fautes de dépassement dangereux par la droite et de défaut de maîtrise reprochées à la victime ne sont donc pas démontrées. Dès lors, à défaut de faute de conduite avérée, l'éventuelle conduite sous l'empire d'un état alcoolique et malgré annulation du permis de conduire sont dépourvues de lien de causalité avec l'accident et ne peuvent justifier une exclusion ou une réduction du droit à indemnisation.

Le droit à indemnisation de Monsieur [D] [M] et de ses proches est donc entier et le jugement doit être infirmé en ce sens.

Sur les préjudices moraux des consorts [M]:

Monsieur [D] [M] (né le [Date naissance 5] 1971) était âgé de 36 ans au moment de son décès. Il avait épousé le [Date mariage 1] 1990 Madame [P] [V], née le [Date naissance 7] 1971, au consulat de Turquie à Paris et le couple avait trois enfants, [E] né en 1991, [Y] né en 1994 et [W] né en 1999. Monsieur [D] [M] avait ses deux parents et quatre frères et soeurs.

Compte tenu de ces éléments, les préjudices d'affection consécutifs au décès de la victime seront ainsi indemnisés :

- Madame [P] [M] : 30.000 €,

- Monsieur [E] [M] : 25.000 €,

- Monsieur [Y] [M] : 25.000 €,

- Monsieur [W] [M] : 25.000 €,

- Monsieur et Madame [M] [G] et [B], chacun: 20 000 €,

- Mrs [M] [T], [H], [C], [N], chacun: 6.000 €.

Sur les préjudice patrimoniaux:

Les préjudices économiques:

Il résulte des pièces produites aux débats que lors de l'accident, seul Monsieur [D] [M] percevait des revenus professionnels. Il avait déclaré des revenus de 18.683 € en 2006 et de 19.849 € en 2007. Les consorts [M] soutiennent que ces déclarations ne rendent pas compte des revenus réellement perçus par la victime et demandent que ceux-ci soient fixés à la somme de 27.777,99€/an en fonction des bulletins de paie établis en 2007. Ils ne produisent toutefois pas la totalité de ces bulletins de salaires pour l'année 2007 et n'expliquent pas la raison pour laquelle les revenus déclarés auraient été très différents des revenus perçus. Il y a donc lieu de retenir le montant déclaré pour l'année précédant l'accident, soit 19.849€.

Ces salaires perdus seront revalorisés, conformément à la demande des victimes et en fonction des indices qu'elles proposent, lesquels ne sont pas discutés par la M.T.A et son assuré, soit une somme de 21.598,24€ (19.849€ x 124,83/114,72).

Les parties s'entendent pour fixer la part de consommation de Monsieur [D] [M] à 20% de ce revenu, la perte annuelle du foyer s'établit donc à la somme de 17.278,59€ (21.598,24€ x 80%).

Les parties divergent en revanche sur le barème de capitalisation devant être utilisé pour capitaliser les pertes, les consorts [M] sollicitant l'emploi du barème publié par la Gazette du Palais en 2013 au taux de 1,20% tandis que la M.T.A et son assuré demandent que soit appliqué le BCIV au taux de 3,28%. Il sera fait droit à la demande des victimes, le barème qu'elles proposent demeurant le mieux adapté aux données sociologiques et économiques actuelles.

- le préjudice économique des enfants de la victime:

Les parties fixent d'un commun accord la part de chacun des enfants à 10% de la perte annuelle du foyer. Sur cette base (1.727,85€/an) le préjudice de chacun d'eux sera réparé comme suit:

* Monsieur [E] [M]:

Celui-ci a commencé à percevoir un revenu professionnel le 28 avril 2010, son préjudice économique est donc de:

1.727,85€ x 2 ans + 1.727,85€ x 28j/365j = 3.588,24€.

* Monsieur [Y] [M]:

Ce dernier exerce une activité professionnelle depuis le 2 mars 2011, il recevra en conséquence une indemnité de:

1.727,85€ x 3 ans + 1.727,85€ x 2j/365j = 5.193€.

* Monsieur [W] [M]:

Ce jeune homme avait 9 ans lors du décès de son père. Il sera considéré, comme le demandent les consorts [M], qu'il sera autonome financièrement à l'âge de 25 ans et non 20 ans comme l'indiquent la M.T.A et son assuré, et il lui sera alloué la somme de

1.727,85€ x14,445(€ de rente limitée à 25 ans pour un garçon de 9ans) = 24.958,79€

- le préjudice économique de Madame [P] [M]:

Les parties s'accordent pour considérer que Madame [P] [M] ne pourra percevoir une pension de réversion qu'à compter de 2026 dont le montant n'est pas aujourd'hui connu. Il y a donc lieu de surseoir à statuer sur le préjudice économique de Madame [P] [M] à compter du 26 avril 2026 et de réparer le seul préjudice économique subi jusqu'à cette date.

Le 26 avril 2026, Monsieur [D] [M], s'il avait survécu à l'accident, aurait été âgé de 54 ans.

Le préjudice du foyer jusqu'à cette date, s'établit donc à la somme de

17.278,59€ x 15,716 (€ de rente fixé pour un homme âgé de 36 ans et limitée 54 ans) = 271.550,32€.

Le préjudice de Madame [P] [M] jusqu'au 26 avril 2026 est donc, après déduction des indemnités réparant les préjudices ayant été subis par ses enfants antérieurement à cette date, de 271.550,32€ - (3.588,24€ + 5.193€ + 24.958,79€) = 237.810,29€.

Les parties s'accordent pour déduire la somme de 13.454€ perçue par cette victime au titre de l'allocation de veuvage, de sorte qu'il revient à Madame [P] [M] une indemnité de 224.356,29€.

Le préjudice matériel de Monsieur [G] [M], père de la victime.

Monsieur [G] [M] produit aux débats une facture d'une agence de voyages mentionnant des frais d'avion pour venir de Turquie aux obsèques de Monsieur [D] [M]. Seuls les frais relatifs à des proches identifiables de la victime seront pris en charge, soit la somme offerte de 1.820€.

Le préjudice matériel de Madame [P] [M].

La somme de 2 639,81 € demandée en remboursement de frais d'obsèques et de dossier n'est pas contestée, à titre subsidiaire, par Monsieur [A] [Q] et son assureur. Cette somme sera donc allouée.

Sur la demande de doublement des intérêts:

En application de l'article L. 211-9 du Code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime, quelle que soit la nature du dommage, lorsque la responsabilité n'est pas contestée et le dommage entièrement quantifié, une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

En vertu du même article, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident, une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, à la victime qui a subi une atteinte à sa personne et en cas de décès de cette victime, l'offre doit être faite à ses héritiers et s'il y a lieu à son conjoint. Une offre doit aussi être présentée aux autres victimes dans un délai de huit mois à compter de leur demande d'indemnisation.

A défaut d'offre dans les délais impartis par l'article L.211-9 du code des assurances, étant précisé que le délai applicable est celui qui est le plus favorable aux victimes, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l'article L.211-13 du même code, des intérêts au double du taux légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

En l'espèce, les consorts [M] font grief à la S.A. Mutuelle des Transports Assurances de ne pas leur avoir présenté une offre d'indemnisation dans le délai de 8 mois suivant l'accident et affirment que les offres faites par conclusions du 2 avril 2012 étaient manifestement insuffisantes.

La M.T.A. n'a en effet formulé des offres d'indemnisation que par conclusions signifiées le 2 avril 2012, en première instance. Cependant, contrairement à ce que soutiennent les appelants, ces offres n'étaient pas manifestement insuffisantes. La S.A. Mutuelle des Transports Assurances sera donc condamnée au paiement des intérêts au double du taux légal sur les indemnités offertes à Madame [P] [M] et aux enfants de la victime, avant déduction des montants versés par les organismes sociaux et des éventuelles provisions réglées, à compter du 27 octobre 2008 jusqu'au 2 avril 2012.

Sur la capitalisation des intérêts.

Il sera fait droit à cette demande des consorts [M] dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts [M] l'intégralité des frais et honoraires exposés par eux et non compris dans les dépens. Il leur sera alloué au titre des procédures de première instance et d'appel, la somme globale de 8.000 €.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative à l'implication du véhicule de Monsieur [A] [Q] dans l'accident ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant:

Dit qu'aucune faute n'est établie à l'encontre de Monsieur [D] [M] et que ses proches ont droit à l'indemnisation de leurs entiers dommages;

Condamne in solidum Monsieur [A] [Q] et la MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES à verser à :

- Madame [P] [M] :

* la somme de 30.000 € en réparation de son préjudice d'affection ;

* la somme de 2.639,81 € au titre de son préjudice matériel,

* la somme de 224.356,29€ en réparation de son préjudice économique subi jusqu'au 26 avril 2026;

- Madame [P] [M], en sa qualité d'administratrice légale de son fils mineur, [W] [M] :

* la somme de 25.000 € en réparation du préjudice d'affection de l'enfant;

* la somme de 24.958,79€ en réparation de son préjudice économique;

- Monsieur [E] [M] :

* la somme de 25.000 € en réparation de son préjudice d'affection;

* la somme de 3.588,24€ en réparation de son préjudice économique;

- Monsieur [Y] [M] :

* la somme de 25.000 € en réparation de son préjudice d'affection;

* la somme de 5.193€ en réparation de son préjudice économique;

- Madame [B] [M] :

* la somme de 20.000 € en réparation de son préjudice d'affection;

- Monsieur [G] [M] :

* la somme de 20.000 € en réparation de son préjudice d'affection;

* la somme de 1.820€ en réparation de son préjudice matériel;

- Madame [C] [M] épouse [O] :

* la somme de 6.000 € en réparation de son préjudice d'affection;

- Madame [N] [M] épouse [F] :

* la somme de 6.000 € en réparation de son préjudice d'affection;

- Monsieur [T] [M] :

* la somme de 6.000 € en réparation de son préjudice d'affection;

- Monsieur [H] [M] :

* la somme de 6.000 € en réparation de son préjudice d'affection;

- aux consorts [M] la somme globale de 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES à verser à Madame [P] [M] agissant tant à titre personnel qu'ès qualités, et à Messieurs [M] [E] et [Y], les intérêts au double du taux légal à compter du 27 octobre 2008 jusqu'au 2 avril 2012 sur les sommes offertes par conclusions du 2 avril 2012 avant déduction de la créance de l'organisme social et des provisions ;

Dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1154 du code civil ;

Sursoit à statuer sur le préjudice économique éventuellement subi par Madame [P] [M] à compter du 26 avril 2026 dans l'attente de la production du justificatif du montant de la pension de réversion qu'elle recevra;

Renvoie l'affaire à cette fin à l'audience de la mise en état du 4 janvier 2016 à 13h15;

Condamne in solidum Monsieur [A] [Q] et la MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES aux dépens de première et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/05977
Date de la décision : 09/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°13/05977 : Sursis à statuer


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-09;13.05977 ?
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