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05/11/2015 | FRANCE | N°15/01537

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 05 novembre 2015, 15/01537


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 05 Novembre 2015

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01537



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Juillet 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° F13/07453





APPELANT

Monsieur [T] [G]

[Adresse 2]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 3]


comparant en personne,

assisté de Me Pascale TRAN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC001





INTIMÉE

SA BOUYGUES TELECOM

[Adresse 1]

[Localité 2]

N° SIRET : 397...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 05 Novembre 2015

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01537

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Juillet 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° F13/07453

APPELANT

Monsieur [T] [G]

[Adresse 2]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 3]

comparant en personne,

assisté de Me Pascale TRAN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC001

INTIMÉE

SA BOUYGUES TELECOM

[Adresse 1]

[Localité 2]

N° SIRET : 397 480 930

représentée par M. [R] [D] (Responsable des ressources humaines) en vertu d'un pouvoir spécial en date du 30 Septembre 2015,

assisté de Me Laurent GAMET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laura CLERC-BRETON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente et par Madame Laura CLERC-BRETON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[T] [G] a été engagé par la société Bouygues Telecom en qualité d'acheteur, statut cadre, selon contrat de travail à durée indéterminée du 29 novembre 1999 ; par avenant du 19 avril 2000 les parties sont convenues de ce que la rémunération du salarié se ferait sur la base d'un forfait annuel en jours de 217 jours ; le 1er janvier 2007 il prend la fonction de responsable achats et selon avenant du 1er janvier 2008 il devient chef de groupe adjoint avec ajout d'une part variable de 5 % s'il atteint les objectifs qui lui sont fixés ; selon avenant du 1er juin 2009 il prend le poste de chef de service adjoint la part variable de sa rémunération passant à 13 % s'il atteint ses objectifs ; selon avenant signé le 1er avril 2012 sa rémunération est augmentée d'une prime de fidélisation de 4 mois de salaire payable en 2 fois ; son licenciement lui a été notifié le 22 mars 2013 et il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une action tendant à faire juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverse sommes tant au titre de l'exécution du contrat de travail que de sa rupture.

Vu le jugement rendu le 18 juillet 2014 par le conseil de prud'hommes de Paris qui a condamné la société Bouygues Telecom à payer à [T] [G] les sommes de 54 000, 00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 700,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en le déboutant de ses autres demandes et en donnant acte à la société Bouygues Telecom de ce qu'elle s'engageait à payer à [T] [G] la somme de 20 757, 00 euros en contrepartie de la clause de non concurrence.

Vu l'appel formé par [T] [G] contre ce jugement.

Vu les conclusions du 1er octobre 2015 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des prétentions et des moyens, reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, par l'appelant qui demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse mais de le réformer pour le surplus et de condamner la société Bouygues Telecom à lui payer les sommes de 140 943, 00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec congés payés y afférents, de juger que la convention de forfait est nulle et de condamner la société Bouygues Telecom à lui payer 147 490, 10 avec congés payés y afférents à titre de rappel de salaire et la somme de 67 333, 38 euros au titre du repos compensateur outre 5 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions du 1er octobre 2015 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des prétentions et des moyens, reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, par la société Bouygues Telecom, appelante incident, qui demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la convention de forfait est valide , de l'infirmer en ce qu'il a jugé que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de débouter [T] [G] de ses demandes en le condamnant à lui payer 3 000, 00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

SUR QUOI

LA COUR

sur la rupture du contrat de travail,

aux termes de la lettre de licenciement qui fixent la limite du litige il est reproché à [T] [G] d'avoir adopté une attitude d'opposition au changement qui s'est manifestée par le dénigrement du supérieur hiérarchique, la remise en cause de ses choix, de ses décisions et d'une manière générale de sa légitimité, par une insubordination et par le refus du poste proposé.

Au soutien, la société Bouygues Telecom expose qu'à la suite de la modification de l'organisation interne et du rejet de la candidature de [T] [G] au poste de directeur achats réseaux, le salarié a manifesté une résistance constante à toutes les propositions qui lui ont été faites, notamment d'un changement de poste qui lui aurait permis, à conditions de travail identiques et rémunération égale, de ne pas se trouver sous la hiérarchie du titulaire du poste qu'il convoitait ; elle produit les échanges de mail et plusieurs attestations dans lesquelles les témoins font état de cette résistance, de l'attitude de contestation permanente de [T] [G] et du dénigrement auquel il se livrait.

[T] [G] expose quant à lui qu'il a toujours adopté un comportement professionnel irréprochable, faisant gagner beaucoup d'argent à son employeur, sans manifester la moindre démotivation, et réfute le grief consistant en la remise en cause de la légitimité de son supérieur hiérarchique ; il prétend que le poste auquel il a été affecté représentait une rétrogradation de ses fonctions et qu'il n'avait été créé que pour justifier son déplacement, ayant disparu depuis son licenciement.

Il ressort de la lecture des mail échangés entre [X] [Y], responsable hiérarchique de [T] [G], notamment à partir de novembre 2012 que le ton et les propos des messages adressés par [T] [G] à [X] [Y] ne se limitent pas à l'émission d'avis techniques relevant de ses fonctions mais consistent le plus souvent à une affirmation d'opinions tranchés sur la répartition des tâches, les orientations prises par le service, comportant une critique non déguisée des positions prises par [X] [Y] : 'je pensais qu'il était préférable que nous nous concentrions sur des sujets où nous avons une réelle plus value pour Bouygues tel..... je suis donc désarmé et je voudrais que tu me confirmes que tu as bien dit ça avant que je me déjuge et décrédibilise auprès des clients internes et de mes collaborateurs .....objectif qui ne tient donc absolument pas compte de la vision business que j'avais pris soin d'évoquer à plusieurs reprises... je ne comprends pas que tu n'ais pas forcément les réponses par toi même face à une telle situation ...j'ai compris que tu ne souhaites pas que je réfléchisse par moi-même et que j'applique et acquiesce à tout ce que tu me dis...' ; en regard les messages émanant de [X] [Y] qu'ils soient adressés directement à [T] [G] ou en réponse à ses critiques, le sont sur un ton conciliant, apaisé et respectueux.

Il ressort par ailleurs de l'attestation de monsieur [M] [V], cadre ressources humaines au sein de l'entreprise, que [T] [G] nourrissait une certaine rancoeur envers [X] [Y] ' ... [T] [G] a dénigré plusieurs fois [X] [Y] , manifestant une certaine rancoeur envers lui et se positionnant toujours en opposition avec ses méthodes...' ; de celle de madame [N] : '[P] m'a affirmé à plusieurs reprises que [Y] n'avait pas de valeur ajoutée pour lui, que ce n'était pas un acheteur et que l'organisation de l'équipe n'était pas efficace...il n'avait pas confiance dans les qualités professionnelles de son patron'.

Face à ce constat, l'employeur démontre qu'il a cherché à faire sortir [T] [G] de cette relation hiérarchique vécue comme frustrante par le salarié ; ainsi par mail du 5 février 2013 monsieur [E], responsable RH lui propose-t-il un poste au sein de la direction Achats ; la réponse apportée par [T] [G] démontre qu'il privilégie la possibilité de saisir une opportunité d'évolution de carrière à la perspective d'échapper à la tutelle de [X] [Y] ; les échanges de mail qui suivent révèlent qu'un poste de responsable d'achats des pays low cost a été proposé à [T] [G], dont le descriptif lui a été communiqué avec invitation à s'entretenir avec le responsable hiérarchique du poste, dont [T] [G] n'a pas profité, prétendant sans en rapporter la preuve que ce poste n'existerait pas.

Alors que la prise de fonction est fixée au 4 mars 2013, [T] [G] indique dans un mail du 1er mars qu'il n'a pas accepté ce poste.

Or il ressort des attestations concordantes de messieurs [E], responsable des ressources humaines, en date du 30 juin 2014, et [Q], directeur général adjoint de l'entreprise que [T] [G], déçu de n'avoir pas obtenu le poste qu'il convoitait, a manifesté son intention de quitter l'entreprise et exercé une pression sur son employeur en faisant délibérément obstruction à toute solution qui lui était proposée pour mettre fin à la situation dans laquelle il se trouvait hiérarchiquement placé, tout en rendant celle-ci incompatible avec le bon fonctionnement du service dirigé par [X] [Y].

Il ne peut par ailleurs être fait grief à la société Bouygues Telecom de n'avoir pas proposé à [T] [G] d'intégrer le plan de départs volontaires puisque la catégorie professionnelle à laquelle il appartenait n'était pas éligible à ce traitement.

Les griefs développés dans la lettre de licenciement se trouvant ainsi établis il apparaît qu'en considération des efforts déployés par l'employeur pour offrir au salarié une porte de sortie honorable et compatible avec ses intérêts, puisque le changement de poste se faisait à rémunération constante, de la durée pendant laquelle la situation a perduré, l'obstruction systématique de [T] [G] à toute solution proposée constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

D'où il suit que la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse présentée par [T] [G] doit être rejetée, le jugement devant être réformé de ce chef.

Sur la demande en paiement des heures supplémentaires et repos compensateurs,

il ressort des éléments de l'espèce que les dispositions de l'article L. 212-15-3 du code du travail, applicable au litige compte tenu de ce que la date de la signature du contrat de travail est antérieure à la publication de la loi du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, devenu L. 3121-45 du même code, prescrivent que la convention ou l'accord collectif prévoyant la conclusion de conventions de forfait en jours doit fixer le nombre de jours travaillés ; ce nombre ne doit pas dépasser le plafond de 218 jours.

Contrairement à ce que prétend [T] [G] une convention a été signée par lui et son employeur le 10 mai 2000 pour mise en conformité de la relation de travail avec l'accord relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail du 6 avril 2000, sous la forme d'un avenant au contrat de travail qui prévoit qu'en application de l'article 12 de l'accord cadre ARTT la gestion du temps de travail sera effectuée en nombre de jours fixé conventionnellement à 208 jours.

La circonstance que le plafond de 208 jours est indiqué pour l'année 2000, n'est pas de nature à invalider la convention dès lors que le salarié disposait des indications précises sur le nombre de jours effectivement travaillés au cours de l'année, sans avoir à opérer de précompte, nonobstant la variabilité du nombre de jours RTT ; le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d' heures supplémentaires et de repos compensateurs présentée par [T] [G].

Aucun élément d'équité ne conduit la cour, en l'état de la solution donnée au litige, à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

[T] [G] qui succombe en cause d'appel, en supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe

réformant le jugement en ses dispositions relatives à la rupture du contrat de travail , aux dépens et à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

JUGE que le licenciement de [T] [G] par la société Bouygues Telecom repose sur une cause réelle et sérieuse,

REJETTE la demande d'indemnité présentée par [T] [G],

REJETTE les demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE [T] [G] aux dépens de première instance,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

y ajoutant :

REJETTE les demandes présentées par les parties en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE [T] [G] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/01537
Date de la décision : 05/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/01537 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-05;15.01537 ?
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