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05/11/2015 | FRANCE | N°14/23439

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 05 novembre 2015, 14/23439


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2015



(n° 489 , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/23439



Décision déférée à la Cour : Jugement rendue le 19 Mars 2012 par le Tribunal de grande instance de Paris - RG : 09/18035

Arrêt du 18 juin 2013 - Cour d'appel de Paris - Pôle 5 Chambre 7 - RG : 2012/05362

Arrêt du 04 Novembre 2014 -

Cour de Cassation - Pourvoi n° B13-24.134





DEMANDEUR A LA SAISINE





Madame [M] [Y] épouse [I]

Née le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Adre...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2015

(n° 489 , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/23439

Décision déférée à la Cour : Jugement rendue le 19 Mars 2012 par le Tribunal de grande instance de Paris - RG : 09/18035

Arrêt du 18 juin 2013 - Cour d'appel de Paris - Pôle 5 Chambre 7 - RG : 2012/05362

Arrêt du 04 Novembre 2014 - Cour de Cassation - Pourvoi n° B13-24.134

DEMANDEUR A LA SAISINE

Madame [M] [Y] épouse [I]

Née le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque':'L0187

Monsieur [F] [I]

Né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 1]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

SARL LMO INDUSTRIE (ordonnance désistement partiel du 13 avril 2015)

RCS de PARIS sous le n°B 381 436 351

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Adresse 2]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

SOCIÉTÉ CIVILE LES ORGUES

RCS d'EVREUX sous le n°378 486 823

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

DÉFENDEUR A LA SAISINE

SOCIÉTÉ EDMOND DE ROTHSCHILD

Anciennement dénommée LA COMPAGNIE FINANCIÈRE EDMOND DE ROTHSCHILD

RCS de PARIS sous le n° 572 037 026

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 3]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Bernard GRELON de l'AARPI LIBRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0445

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente de chambre

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRÊT :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

Monsieur [F] [I] et son épouse, Madame [M] [Y], ainsi que les sociétés LMO INDUSTRIE ET LES ORGUES, dont Monsieur [I] est le gérant, ont signé des mandats de gestion de portefeuille avec LA COMPAGNIE FINANCIÈRE EDMOND DE ROTHSCHILD (ci-après LCFR) au cours de l'année 2005.

Se prévalant de fautes commises par leur mandataire et des pertes subies sur l'ensemble de leurs portefeuilles, Monsieur et Madame [I], la société LMO INDUSTRIE ET LA SOCIÉTÉ CIVILE LES ORGUES ont fait assigner en paiement de dommages-intérêts la LCFR par acte d'huissier en date du 20 novembre 2009.

Par jugement en date du 19 mars 2012, le tribunal de grande instance de Paris a débouté Madame [Y] épouse [I], Monsieur [I], la société LMO Industrie et la société civile Les Orgues de leurs demandes, condamné in solidum Madame [Y] épouse [I], Monsieur [I], la société LMO Industrie et la société civile Les Orgues à verser à la LCFR la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, débouté les parties du surplus de leurs demandes, condamné Madame [Y] épouse [I], Monsieur [I], la société LMO INDUSTRIE et la société civile LES ORGUES aux dépens.

Par arrêt en date du 18 juin 2013, la cour d'appel de Paris a dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces communiquées par Madame [Y] épouse [I], Monsieur [I], la société LMO Industrie et la société Les Orgues, confirmé le jugement déféré, rejeté les demandes de Madame [Y] épouse [I], Monsieur [I], la société LMO Industrie et la société Les Orgues et les a condamnés in solidum aux dépens ainsi qu'à payer à la Compagnie Financière Edmond de Rothschild la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 4 novembre 2014, la Cour de Cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt du 18 juin 2013 et remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt en les renvoyant devant la cour d'appel autrement composée.

La déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi a été remise au greffe de la cour le 21 novembre 2014 par Madame [M] [Y] épouse [I], Monsieur [F] [I], la société LMO Industrie et la société civile Les Orgues.

Par ordonnance en date du 13 avril 2015, le conseiller de la mise en état a donné acte à la société LMO INDUSTRIE de son désistement d'appel sur renvoi après cassation et dit sans objet la demande d'irrecevabilité de la COMPAGNIE FINANCIÈRE EDMOND DE ROTHSCHILD, en la condamnant aux dépens de l'incident.

Dans leurs dernières conclusions, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 26 juin 2015, Madame [Y] épouse [I], Monsieur [I] et la société civile LES ORGUES demandent l'infirmation du jugement déféré et à la cour, statuant à nouveau, de :

- dire que Monsieur [F] [I] a donné instruction à son gestionnaire de portefeuille LCF E de Rothschild de placer en sécurité l'intégralité de ses actifs,

- dire que la LCF E de Rothschild n'a pas exécuté cette instruction,

- dire que la LCF E de Rothschild a procédé à des placements contraires à l'orientation de gestion telle que stipulée dans les mandats et les a exposés à des risques très élevés,

- dire que la LCF E de Rothschild a, en outre, manqué à son obligation de loyauté envers ses clients en les entretenant faussement dans l'illusion que leurs instructions étaient suivies d'effet et que les relevés n'étaient pas le véritable reflet de la situation de leurs comptes,

- dire que la LCF E de Rothschild a également manqué à son obligation d'agir exclusivement dans l'intérêt du client en composant les portefeuilles avec des produits maison plus exposés au risque,

- dire qu'en tout état de cause, la LCF E de Rothschild a réagi trop tardivement aux effets de la crise financière de l'automne 2008 en ne sécurisant définitivement les actifs qu'en janvier 2009, manquant ainsi à son obligation de diligence en tant que professionnel,

- dire que la LCF E de Rothschild aurait dû s'enquérir de la situation financière des mandants, de leur expérience en matière d'investissements boursiers et de leurs objectifs concernant les services demandés,

- dire que la LCF E de Rothschild a manqué à son obligation d'information et de conseil au moment de la souscription des mandats de gestion,

- dire que la LCF E de Rothschild leur a fait perdre une chance de ne pas souscrire au mandat de gestion,

- condamner la LCF E de Rothschild à verser à Madame [M] [I] la somme de 161.149 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance,

- condamner la LCF E de Rothschild à verser à Madame [M] [I] la somme de 73.342 euros au titre de son manque à gagner,

- condamner la LCF E de Rothschild à verser à Monsieur [F] [I] la somme de 34.148 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance,

- condamner la LCF E de Rothschild à verser à Monsieur [F] [I] la somme de 14.058 euros au titre de son manque à gagner,

- condamner la LCF E de Rothschild à verser à la société civile LES ORGUES la somme de 258.631 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance,

- condamner la LCF E de Rothschild à verser à la société LES ORGUES la somme de 14.0711 euros au titre de son manque à gagner,

- dire que ces sommes porteront intérêts à compter de l'assignation,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la LCF E de Rothschild à verser à Monsieur et Madame [I] la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- condamner la LCF E de Rothschild à verser aux appelants la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 30 juin 2015, la société EDMOND DE ROTHSCHILD FRANCE, anciennement dénommée COMPAGNIE FINANCIÈRE EDMOND DE ROTHSCHILD, demande la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et, en toute hypothèse, de :

- dire que les préjudices de perte de chance réclamés ne sont pas établis, les sommes demandées correspondant à des moins-values latentes et non à des pertes réellement subies,

- dire que les appelants ne démontrent pas que les pertes alléguées ne seraient pas dues à l'aléa des marchés financiers, mais auraient été directement causées par les fautes qui lui sont imputées,

- dire que les préjudices allégués au titre d'un manque à gagner ne sont pas établis, ni fondés, le calcul par référence au taux de performance des placements monétaires n'étant pas justifié,

- dire que le préjudice moral réclamé n'est pas établi,

- débouter les consorts [I] et la société civile LES ORGUES de toutes leurs demandes,

subsidiairement, réduire le montant des demandes à de plus justes proportions, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les appelants au paiement d'une somme de 2.000'euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance, condamner solidairement les consorts [I] et la société civile LES ORGUES à lui payer la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 juin 2015.

SUR CE

Considérant que l'arrêt de la cour d'appel du 18 juin 2013 a été cassé, au visa de l'article 455 du Code de procédure civile, en ce qu'il n'a pas répondu aux conclusions de Monsieur et Madame [I] et de la société Les Orgues qui soutenaient que la banque avait l'obligation, lors de la souscription des mandats, de s'enquérir de la situation financière de ses clients, de leur expérience en matière d'investissements boursiers et de leurs objectifs concernant les services demandés ;

Considérant que les appelants exposent que Monsieur [I] est client de la COMPAGNIE FINANCIÈRE EDMOND DE ROTHSCHILD depuis 1999 et qu'il y a ouvert plusieurs comptes pour les besoins de son activité professionnelle dans le cadre de la société LMO, dont il est le gérant et l'associé unique, ayant pour activité le développement de projets industriels pour lesquels il a besoin d'actifs financiers importants; qu'en 1999, Monsieur [I] a confié une partie de ses capitaux à la LCFR à la suite de la cession de l'une de ses participations industrielles et que la gestion de son argent, constituant son outil de travail, exclut tout investissement à caractère spéculatif ; que, de 1999 à 2005, la LCFR a placé ses capitaux dans des produits sécurisés sans risque en capital, ce qui lui a permis de traverser les crises financières de 2001 et 2004 sans perte'; qu'en 2005, elle leur a proposé de prendre en charge la gestion de leurs avoirs compte tenu de leur incompétence dans le domaine financier et qu'ils ont signé divers mandats de gestion avec un objectif de gestion équilibrée ou prudente, outre des mandats de gestion du PEA n° 23624 560 de Madame [I] et du PEA n° 20066 550 de Monsieur [I] ; qu'ils ont choisi les deux types de gestion les moins risqués pour assurer la sauvegarde de leur outil de travail et qu'il n'y a eu aucune orientation de gestion pour les PEA ; qu'au 1er janvier 2008, la valorisation de leurs avoirs était de 2.707.255 euros ; que compte tenu de la crise économique et de l'effondrement du chiffre d'affaires de deux sociétés dans lesquelles la société LMO avait des participations, Monsieur [I] a émis, de manière répétée, des consignes de prudence auprès de son gestionnaire dès le mois de janvier 2008 et que la LCFR n'a pas respecté ses instructions ;

Qu'ils reprochent aux premiers juges d'avoir considéré que la modification du profil de gestion supposait la régularisation d'un avenant alors qu'ils n'avaient aucune raison de le modifier, pensant que leurs instructions étaient suivies d'effet par leur gestionnaire qui les a entretenus dans l'illusion que leurs avoirs étaient sécurisés ainsi que le prouvent un mail du 7 octobre 2008 et un courrier du 16 juin 2009 ; qu'ils estiment que la régularisation d'un écrit n'était pas nécessaire et que, si tel était le cas, leur gestionnaire aurait dû le leur dire'; qu'ils ajoutent que leur gestionnaire a expliqué n'avoir pas suivi leurs instructions au motif qu'elles n'étaient pas claires et fermes et non en raison de l'absence d'un avenant et qu'il finira par le faire sans aucun avenant en décembre 2008 tardivement'; que, même sans modification du profil de gestion, le mandataire devait exécuter leurs instructions de ne prendre aucun risque et se rapprocher de la fourchette basse du profil d'investissement pour les produits à risque à moins de 30 % pour une gestion prudente et à 30 % pour une gestion équilibrée, ayant à ce titre une obligation de résultat ; que, même pour les PEA, il était possible de réduire le risque et que la LCFR a fait le contraire ; que si Monsieur et Madame [I] ont rempli un questionnaire sur leur expérience et leurs objectifs, il n'a rien été demandé à la société LES ORGUES qui avait besoin d'actifs mobilisables à tout moment pour ses besoins professionnels ; que toute la gestion de la LCFR a été effectuée dans un sens contraire à leur volonté ; que la responsabilité du mandataire peut être engagée indépendamment des termes du mandat s'il choisit des produits inadaptés malgré la latitude qui lui a été donnée puisqu'il doit, en toute hypothèse, se conformer à l'intérêt du mandant ; que la LCFR ne devait pas privilégier les produits du groupe auxquels elle était intéressée pour percevoir des frais de gestion plus élevés ; qu'ils ajoutent que leur mandataire aurait dû, de lui-même, sécuriser les actifs et s'interdire d'investir dans des produits à risque à compter du mois de janvier 2008 en raison de la crise financière en cours même sans aucune instruction de leur part compte tenu de la volonté clairement exprimée de ne pas prendre de risques et d'être liquide ; que la LCFR n'a pas pris en compte la crise avant décembre 2008 et a manqué à son obligation de diligence allant jusqu'à augmenter le pourcentage en actions des PEA de janvier à décembre 2008 ainsi que les produits actions sur le compte de la société LES ORGUES ; qu'aucun aléa boursier ne peut exonérer l'intimée de sa responsabilité alors que l'évolution des marchés était prévisible ; qu'ils font également valoir que le mandataire a dépassé les limites du mandat sur le compte de la société LES ORGUES en procédant à des investissements en produits actions et à risque dans une proportion de 76,02% en juin 2008 et de 81.93 % en septembre 2008 ; que c'est à tort que les premiers juges ont retenu uniquement le pourcentage d'actions sans tenir compte des produits alternatifs qui sont des produits complexes très risqués réservés à des investisseurs avertis ; que le portefeuille de Monsieur [I] comporte des produits relevant de classes d'actifs hautement spéculatifs contraires à son objectif de gestion relevant d'une gestion dynamique ou offensive non choisie ; que les produits choisis par le gestionnaire, quelque soit leur classification, ne correspondaient pas à une exposition modérée ou faible aux fluctuations du marché selon le profil choisi ;

Qu'en outre, ils soutiennent que Monsieur [I] n'est pas investisseur averti ; que son activité professionnelle l'amène à rechercher des financements pour le développement d'activité de petites entreprises à potentiel et que, s'il a une grande connaissance de l'entreprise et sait lire un bilan, il n'a aucune connaissance dans le domaine financier et boursier; qu'il a fait part, à plusieurs reprises de son incompréhension des relevés adressés par la LCFR et que, s'il les avait compris, il n'aurait pas laissé la situation des avoirs familiaux se dégrader pendant un an avec la crise ; que le fait qu'il est reconnu avoir une connaissance financière confirmée sur le questionnaire répond à son activité professionnelle impliquant qu'il sécurise ses liquidités pour les investir aux côtés de fonds d'investissements et de dirigeants d'entreprise pour les accompagner dans les projets qui lui sont confiés ; que la question sur la connaissance des marchés financiers est mal posée et qu'il recherchait des placements sans risques n'ayant aucune expérience sur les marchés dérivé et à terme et sur les produits complexes ; que le questionnaire n'est pas rempli de manière exhaustive en l'absence des éléments patrimoniaux les concernant et que, même avant la transposition de la directive MIF, il y avait déjà une exigence de recueillir des informations sur la situation financière des clients, leur expérience des marchés financiers et leurs objectifs en application de l'article 11 du règlement COB 96-03 reprenant l'article 58-4 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 et de l'article L.533- 4 du Code monétaire et financier dans sa version applicable ; que la banque ne prouve pas qu'elle les a informés sur les risques pris en leur faisant cocher les trois options inadaptées à leurs objectifs de gestion'; que la clause type de risque ne dispense pas la banque d'une information personnelle et suffisante et que, si elle leur avait donné les informations pertinentes, ils ne les auraient pas acceptées ; que les appelants estiment que la LCFR a manqué à ses obligations d'information et de conseil au moment de la souscription des mandats ; qu'elle n'a pas exécuté leur instruction de sécurisation des portefeuilles en cours de mandat alors que le mandataire doit exécuter le mandat conformément à la convention des parties ; qu'elle doit répondre de la mauvaise exécution du mandat par une accumulation massive de produits spéculatifs et à risque contraire à l'objectif de gestion convenu et des fautes qu'elle a commis dans sa gestion, ayant une obligation de résultat quant aux objectifs fixés par le mandant ; que s'agissant d'actifs industriels, elle ne pouvait ignorer qu'ils devaient être sécurisés et qu'ils ont demandé des produits de trésorerie sans risque ; que c'est tardivement, le 1er janvier 2009, que leurs actifs ont été placés sur des supports conformes à une gestion prudente à 65 % alors que cela aurait dû être réalisé dès le mois de janvier 2008 à 100 % ; que la LCFR a manqué à son obligation de loyauté envers ses clients en augmentant la part de produit à risque avec un horizon à long terme au plus fort de la crise financière en l'exposant à des fluctuations à court terme à la baisse de nature à remettre en cause l'utilisation industrielle des actifs en violation de l'article 58-2 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 codifié à l'article L.533- 4 du code monétaire et financier ; qu'elle n'a pas agi dans l'intérêt exclusif du client en choisissant des produits Rothschild à plus de 80 % même sur les PEA pour percevoir des commissions plus élevées ; que la crise a fait ressentir ses effet dès le premier semestre 2008 et que l'évolution négative n'était pas imprévisible ; que la LCFR a manqué aux règles de bonne conduite et n'a pas agi en bon professionnel diligent et compétent ;

Qu'ils prétendent que la banque a ainsi largement manqué à ses obligations et doit réparer les préjudices subis correspondant aux moins-values constituées par les pertes subies et le manque à gagner du fait de l'absence de sécurisation des fonds placés par comparaison à un placement monétaire de référence, à savoir le fonds Saint Honoré Monecourt dont la performance a été de 3,71 % en 2008, outre un préjudice moral pour Monsieur et Madame [I] qui ont subi une atteinte à leur réputation n'ayant pas pu mener à bien des projets industriels ;

Considérant que la LCFR réplique qu'elle est spécialisée dans le domaine de la banque privée et de la gestion d'actifs et qu'elle propose une gestion de portefeuille sous mandat selon l'orientation choisie par l'investisseur parmi les profils proposés comprenant la gestion prudente avec une exposition en actions limitée à 30 %, une gestion équilibrée avec un risque en capital et une exposition en actions jusqu'à 65 %, une gestion dynamique avec une forte exposition au risque avec un investissement total en actions et une gestion offensive comportant un risque important en contrepartie de plus-values à long terme ; que, pour les PEA, il n'y a pas d'orientation de gestion s'agissant d'un produit encadré réglementairement ; que Monsieur [I] est son client depuis l'année 2000 et qu'en 2005, il lui a demandé de gérer un patrimoine de 3 millions d'euros à répartir de manière diversifiée pour obtenir un revenu de 4 % l'an ; qu'elle soutient qu'aucun des mandats signés par les appelants ne lui a donné instruction de placer en sécurité l'intégralité de leurs actifs et que même une gestion prudente comporte des risques de performance négative ; que les mails et courriers échangés entre les parties en 2008 ne comportent aucun ordre de placer tous les avoirs en produits de trésorerie ; qu'en 2008, l'ensemble des comptes concernés étaient gérés selon un profil équilibré à l'exception des PEA gérés sans profil de gestion et du compte de titre n° 44925090 de la société civile Les Orgues géré selon un profil prudent, de sorte que les investissements en actions s'intégraient dans une fourchette entre 30 % et 65 % et que les PEA ont été gérés selon la réglementation avec des valeurs éligibles ; que le mandant ne pouvait pas intervenir dans la gestion, sauf à émettre par écrit des réserves ou des restrictions ponctuelles et spécifiques en application de l'article 5 de la convention ; qu'il n'y a eu aucun écrit lui donnant instruction d'un changement de profil de gestion ; que les pièces produites par les appelants contiennent des interrogations et des inquiétudes sans aucune portée contractuelle ; que les relevés trimestriels adressés aux clients leur permettaient de connaître leurs positions et de vérifier que la gestion de leurs actifs était conforme aux objectifs ; que Monsieur [I] a signé plus de huit mandats de gestion tant en son nom personnel qu'au nom des sociétés qu'il dirige et que son souhait de devenir aussi liquide que possible n'est pas une instruction de changement de profil de gestion, ce qu'il savait ayant déjà modifié des orientations de gestion par des écrits ; qu'il est un professionnel ayant pour activité le conseil en investissement d'entreprises réalisant des opérations de LBO et qu'il a déclaré avoir une connaissance financière confirmée, avoir déjà investi sur les produits actions ou OPCVM'; que l'investissement revendiqué sur des supports de trésorerie sans risque exclut tout mandat de gestion ; que les fonds inscrits en compte titre n° 44925140 de la société civile LES ORGUES ont été virés à la fin du mois de janvier 2009 sur le compte n° 44925090, sous gestion prudente, et qu'aucun des mails ne portent sur les PEA constitués d'actions ou d'OPCVM dont l'actif est constitué d'au moins de 75 % d'actions et qu'en principe les Sicav monétaires n'y sont pas éligibles ;

Qu'elle estime qu'au plus les mails et courriers de Monsieur [I] pouvaient s'analyser comme un souhait de se rapprocher de la fourchette basse des investissements en actions prévue pour une gestion équilibrée, ce qu'elle a fait réduisant l'exposition actions entre 33 % et 41 % selon les comptes gérés hors PEA'; qu'elle fait valoir que le seul fait que 80 % des instruments financiers soient émis par le Groupe LCF Rothschild ne suffit pas à démontrer que le gestionnaire n'a pas agi dans l'intérêt exclusif de ses clients et qu'elle a géré le portefeuille de ses clients de manière à percevoir des commissions alors que sa rémunération est fixée par le mandat et qu'elle ne perçoit pas de commissions de superformance dès lors qu'elle n'est pas le gestionnaire des fonds, mais celui du portefeuille de ses clients ; qu'elle prétend qu'il ne peut pas lui être fait grief de ne pas avoir sécurisé les avoirs dès le mois de janvier 2008 alors qu'il n'y a qu'un mail du 24'janvier 2008 sans instruction en ce sens et que le suivant est du 23 septembre 2008 seulement ; qu'elle n'est pas responsable des aléas boursiers imprévisibles même pour un professionnel normalement compétent et avisé ; qu'elle n'a pas commis de faute en ne vendant pas les actions quand leur cours était au plus bas dans l'attente de la remontée des cours ; qu'aucune perte réelle n'est au demeurant établie ; qu'elle estime avoir respecté les orientations de gestion convenues ; qu'elle souligne que les appelants ajoutent les produits actions et les produits alternatifs pour tenter de prouver qu'elle a dépassé les seuils convenus au mépris de la répartition des actifs en trois catégories comprenant les placements de taux, les actions et les produits alternatifs ; que sa gestion est conforme au profil défini et aux bornes d'investissement fixées par le mandat ; que les appelants incriminent des instruments financiers sans démontrer qu'ils ne sont pas conformes aux orientations de gestion sélectionnées dans les mandats, ni préciser les portefeuilles concernés, ni quand ils auraient été réalisés, ni justifier des pertes subies pour chacun d'eux'; qu'elle fait valoir que la gestion prudente comme la gestion équilibrée définit les fourchettes de produits à risque et ne les interdit pas ; que c'est la partie actions qui permet la valorisation des actifs et que les appelants l'ont autorisée à investir dans les opérations incluses dans les trois options proposées en étant avertis sur le risque aggravé encouru avec ces produits ; qu'ils ont donné leur accord express pour qu'elle investisse de manière discrétionnaire dans toutes sortes de produits, y compris les produits alternatifs ; qu'il n'est pas démontré que les comptes gérés ont été anormalement exposés aux risques au regard des profils de gestion définis ; que, sur l'obligation de s'enquérir de la situation financière des clients, de leur expérience en matière d'investissement boursier et de leurs objectifs, elle fait observer que les mandats litigieux ont été conclus en mars et juin 2005 avant la transposition de la directive MIF et qu'elle a satisfait à son obligation conformément à l'article L.533- 4 du code monétaire et financier dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2007-6544 du 12 avril 2007 entrée en vigueur le 1er novembre 2007 moins formaliste ; que c'est en parfaite connaissance du patrimoine, des objectifs d'investissement de ses clients et de leur connaissance en matière financière qu'elle leur a proposé les trois options dans un but de valorisation du patrimoine au moyen d'investissements équilibrés avec des risques modérés ; qu'il y a eu une ratification de sa gestion par les appelants en l'absence de toutes protestations ou réserves à la réception des relevés de portefeuille, des avis d'opérés, ce qui vaut acceptation selon la convention des parties ; qu'elle ajoute qu'il n'y a pas de préjudice prouvé ; que la demande d'indemnisation des pertes subies correspond à des moins-values latentes arrêtées au 31 décembre 2008 alors que les comptes ont été transférés à la banque KBL Richelieu à la fin de l'année 2009 et qu'elles sont dues aux aléas du marché dont elle n'est pas responsable ; que le manque à gagner est lui aussi injustifié même pour un profil prudent acceptant un investissement en actions de 30 % et qu'il ne peut être calculé sur la base d'un placement monétaire excluant tout mandat de gestion ; que le défaut de performance des PEA n'est pas davantage démontré tout comme le préjudice moral allégué ;

Considérant qu'il ressort des pièces produites qu'en dehors des mandats de gestion concernant la société LMO exclus du débat à la suite de son désistement, les parties ont conclu les mandats suivants :

- sur le compte de titre n° 44 925 140, nanti au profit de la banque en contrepartie d'une garantie de passif, souscrit par la société civile LES ORGUES avec un objectif de gestion prudente selon une convention signée le 10 février 2000 par Monsieur et Madame [I] en leur qualité de co-gérants, modifiée par un nouveau mandat de gestion souscrit le 17 juin 2005 avec un objectif de gestion équilibrée comportant les opérations autorisées aux options 1, 2 et 3, jusqu'à ce qu'il soit absorbé par le compte n° 44 925 090 sous gestion prudente à la suite de la mainlevée du nantissement le 31 décembre 2008,

- sur le compte de titres n ° 20 066 090 de Madame [I] avec un objectif de gestion équilibrée comportant les opérations autorisées par les trois options de la convention conclue le 18 mars 2005, outre un mandat de gestion sur son PEA n° 20 066 550 du 8 juin 2004,

- sur le compte de titres n° 23 624 090 de Monsieur [I] avec un objectif de gestion prudente comportant les opérations prévues par les trois options de la convention conclue le 1er février 2005, modifié par un nouveau mandat signé le 17 juin 2005 ayant un objectif de gestion équilibrée avec les trois options, outre un mandat de gestion sur son PEA n° 23 624 560 signé le 9 septembre 2005 ;

Considérant qu'aux termes des mandats souscrits, le mandant donne mandat au mandataire de gérer le portefeuille d'instruments financiers inscrits au crédit du compte géré selon l'objectif défini par le mandant, en spécifiant pour les PEA que le seul objectif de gestion est d'assurer, dans l'intérêt du mandant, la gestion des avoirs et espèces dans le respect des dispositions réglementaires relatives au PEA et de réaliser des investissements uniquement sur des valeurs éligibles au PEA ; que, pour les autres comptes, le mandataire est autorisé à réaliser les opérations prévues à l'article 3 de la convention qui prévoit que le mandataire peut réaliser toutes les opérations d'emploi ou de réemploi du dépôt qui lui est fait en valeurs mobilières ou titres de créances négociables, français ou étrangers, au nominatif ou au porteur, négociés sur les divers marchés réglementés ou organisés, au comptant, en fonctionnement régulier et ouvert au public en France ou à l'étranger, ou encore en parts ou actions d'organismes de placement collectif de droit français, d'OPCVM conformes à la directive 85/611/CEE ou d'organismes de placement collectif bénéficiant d'une autorisation de commercialisation sur le territoire français ; qu'il est, en outre, précisé que le portefeuille pourra notamment être investi dans des OPCVM gérés par le mandataire ou des sociétés liées au sens de l'article 10 du décret n° 89-623 du 6 septembre 1989 et qu'il pourra, dans le respect de l'orientation de gestion définie, être investie à 100 % en OPCVM ; que la convention prévoit qu'il peut y être ajoutée d'autres opérations selon les options facultatives retenues par le mandant :

' Option 1 : le mandant autorise le mandataire à exécuter toutes opérations d'emploi ou de réemploi du dépôt qui lui est fait en obligations ou titre assimilés de droit étranger, certificats, assortis d'une garantie de capital à l'échéance supérieure ou égale à 80 % pouvant ne pas être admis à la négociation sur un marché réglementé, en précisant que l'autorisation vise les obligations ou titre assimilés de droit étranger, certificats émis en France ou l'étranger bénéficiant d'une notation ou non et pouvant présenter des modalités particulières de remboursement ou de calcul d'intérêts et, en particulier, une indexation sur des indices financiers, des paniers de valeurs mobilières ou des parts ou actions d'OPC à l'exclusion des indexations sur risque de crédit, qu'il est, en outre, stipulé que le mandant est averti sur le fait que ces valeurs mobilières peuvent comporter des risques de liquidité et de volatilité ainsi que des risques en capital et que son attention est attirée sur le fait que ces produits sont susceptibles de comporter une échéance à long terme, soit plus de cinq ans, et qu'il autorise expressément le mandataire à réaliser des opérations sur ses catégories d'instruments à hauteur de 30 % du portefeuille, quelle que soit l'orientation de gestion retenue,

' Option 2 : le mandant autorise le mandataire à exécuter toutes opérations d'emploi ou de réemploi du dépôt qui lui est fait en obligations ou titre assimilés de droit étranger, certificats assortis ou non d'une garantie de capital, bons et warrants pouvant ne pas être admis à la négociation sur un marché réglementé, en précisant que l'autorisation vise les obligations ou titres assimilés de droit étranger, certificats assortis ou non d'une garantie en capital, bons warrants émis en France ou l'étranger bénéficiant d'une notation ou non et pouvant présenter des modalités particulières de remboursement ou de calcul d'intérêts et, en particulier, une indexation sur des indices financiers, des paniers de valeurs mobilières ou des parts ou actions d'OPC à l'exclusion des indexations sur risque de crédit, qu'il est, à nouveau, stipulé que le mandant est averti sur le fait que ces valeurs mobilières peuvent comporter des risques de liquidité et de volatilité ainsi que des risques en capital et que son attention est attirée sur le fait que ces produits sont susceptibles de comporter une échéance à long terme, soit plus de cinq ans, et qu'il autorise expressément le mandataire à réaliser des opérations sur ses catégories d'instruments à hauteur de 30'% du portefeuille, quelle que soit l'orientation de gestion retenue'; qu'il y est ajouté que le mandant autorise également les opérations sur des parts ou actions d'OPCVM alternatifs de droit français, y compris ceux pouvant investir dans des organismes de placement collectif de pays membres ou de l'OCDE et que le mandant reconnaît que la gestion de la partie alternative du portefeuille est diversifiée et discrétionnaire selon les anticipations du gérant, qu'il est alerté sur les risques de liquidité et de volatilité ainsi que sur les risques de perte en capital des OPCVM alternatifs investis dans des parts ou actions d'organismes de placement étranger qui ne présentent pas le même degré de sécurité de liquidité ou de transparence que les OPCVM français ou conformes à la directive européenne 85/611/CEE et autorise ces opérations, avec une fois encore, le rappel du risque de liquidité, volatilité et de perte en capital et qu'il autorise le mandataire à réaliser des opérations sur ces catégories d'instruments à hauteur de 35 % du portefeuille, quelle que soit l'orientation de gestion choisie, en précisant que le seuil applicable aux actions (et/ou produits actions) mentionné à l'article 2 du mandat n'entre pas dans le calcul du seuil de l'ordre de 35 %,

' Option 3 : le mandant autorise le mandataire à exécuter des opérations de change, au comptant ou à terme sur des marchés réglementés ou de gré à gré à hauteur d'un montant total qui pourra atteindre 100 % du portefeuille,

Qu'il est, par ailleurs stipulé que le mandataire agit au mieux des intérêts du mandant aux seuls risques de ce dernier conformément à l'objectif de gestion convenu et que les orientations de gestion comportent des risques de performances négatives, qu'il n'y a pas de garantie de capital ou de performance et que le mandataire n'a qu'une obligation de moyens ; que le mandant s'interdit expressément d'intervenir dans la gestion du mandataire et peut émettre par écrit des réserves ou restrictions ponctuelles et spécifiques';

Considérant que chacun des mandats relatifs aux comptes de titres définit à l'article'2 chacun des objectifs de gestion allant de prudente à équilibrée, puis dynamique et offensive ; que la gestion prudente répond à un objectif de recherche de valorisation régulière des actifs avec une faible exposition aux fluctuations des marchés financiers et qu'elle est réservée aux investisseurs qui recherchent en priorité une préservation de leur capital avec un portefeuille composé de produits de taux, actifs monétaires et/ou autres produits peu exposés aux fluctuations des marchés financiers et un seuil d'investissement en actions limités à 30 % sur un horizon à court terme de l'ordre de deux ans, sauf autorisation expresse donnée par le mandant d'investir dans des produits mentionnés à l'article 3 qui sont susceptibles de comporter une autre échéance; que la gestion équilibrée répond à un objectif de recherche d'une valorisation du capital avec une exposition modérée aux fluctuations des marchés financiers et qu'elle est réservée aux investisseurs qui recherchent un accroissement de leur capital en acceptant en contrepartie des risques en capital avec un portefeuille composé de produits largement diversifiés comportant un investissement en actions et/ou produits actions dans une fourchette de l'ordre de 30 à 65'% sur un horizon à moyen terme de 3 à 5 ans, sauf autorisation expresse donnée par le mandant d'investir dans des produits mentionnés à l'article 3 susceptibles de comporter une autre échéance ;

Considérant que, sur chacun des mandats de gestion de compte de titres, les appelants ont apposé la mention manuscrite 'bon pour mandant avec une orientation de gestion équilibrée' et déclaré avoir retenu les options n° 1, 2 et 3 figurant à l'article 3 de la convention et avoir 'pris connaissance des avertissements spécifiques relatifs à ces options' ;

Considérant que les clauses des mandats sont rédigées en termes clairs sur les objectifs de gestion, les risques, les opérations autorisées et la volatilité des produits sur lesquels le mandataire est autorisé à investir ; que le mandant a été expressément informé et alerté sur les risques de perte en capital, de liquidité et de volatilité des produits d'investissement qui peuvent être utilisés par le mandataire avec son autorisation, comprenant les produits alternatifs faisant l'objet d'une stipulation particulière et les produits du groupe Rothschild également expressément acceptés ; que l'apposition d'une mention manuscrite relative aux avertissements spécifiques sur les options proposées par le contrat de mandat, portant elle-même sur les risques particuliers de volatilité et de perte en capital, suffit à démontrer que l'attention des investisseurs a été particulièrement alertée sur les risques encourus par l'utilisation des produits d'investissement spécialement autorisés et que l'information nécessaire leur a été délivrée et qu'ils ont accepté les risques';

Considérant que, concomitamment à la signature des mandats, Madame [I] a rempli, le 18 mars 2005, un questionnaire sur son expérience en matière d'investissements boursiers et ses objectifs dans lequel elle a indiqué n'avoir aucune connaissance financière, avoir un horizon de placement entre 3 et 5 ans, vouloir valoriser son patrimoine et accepter des risques modérés sur le capital investi (2/4) ;

Considérant que Monsieur [I] a rempli le même questionnaire, le 9 septembre 2005, dans lequel il a indiqué avoir une connaissance financière confirmée (3/4), avoir un horizon de placement entre 5 et 8 ans, vouloir valoriser son patrimoine et accepter des risques modérés sur le capital investi (2/4), avoir déjà investi sur des supports d'OPCVM monétaires ou d'autres placements de trésorerie, des obligations ou OPCVM obligataires et être intervenu sur le premier et second marché de la bourse de [Localité 2] ; que, contrairement à ce que soutient Monsieur [I], la question sur sa connaissance des marchés financiers est claire ; qu'il a d'ailleurs répondu précisément sur les supports qu'il connaissait ;

Considérant ainsi que la LCFR s'est bien enquis des connaissances et de l'expérience des appelants dans le domaine de la bourse ainsi que de leurs objectifs au regard de la réglementation applicable ; que la société civile LES ORGUES n'avait pas à remplir un questionnaire qui lui soit propre puisque Monsieur et Madame [I] en sont les co-gérants associés ;

Considérant qu'il est, par ailleurs, établi que les mandats de gestion ont été signés à la suite d'une relation commerciale initiée depuis l'année 2000 entre Monsieur [I] et les deux sociétés LMO et LES ORGUES, dont il est le dirigeant, avec la LCFR à la suite de sa volonté de changer d'établissement financier pour passer de la banque Hottinger à la COMPAGNIE FINANCIÈRE EDMOND DE ROTHSCHILD qui devait se substituer à sa précédente banque pour accorder les garanties de passif exigées à l'occasion de la cession de participations dans diverses sociétés et de son attrait pour les produits Rothschild dont les EMTN critiqués; que, par un mail du 2 mars 2005, Monsieur [I] a écrit à son interlocuteur de la LCFR que les actifs à répartir sont un compte ouvert à son nom et à celui de son épouse, un PEA au nom de chacun d'eux, un compte pour la société LMO et un pour la société civile LES ORGUES, le tout devant représenter autour de 3ME après la vente des Librairies du Savoir, outre d'autres cessions de biens immobiliers à venir et d'autres plus-values sur des affaires reprises par la société LMO, qu'il compte prélever annuellement environ 4 % de ce montant de façon à minimiser la fiscalité et à satisfaire à leurs besoins, qu'il interroge la banque sur la fiscalité applicable et les droits de succession en cas de disparition du couple et achève son propos ainsi qu'il suit 'En fonction des réponses à ces questions, nous saurons comment répartir nos actifs selon le degré de risques et d'espérances de plus-values et comment prélever nos 4 % annuels' ; que, par un autre mail du 4 mai 2005, il annonce le 'closing' de l'opération concernant les Librairies du savoir et interroge la LCFR sur les produits financiers maison ou autre, leurs coûts et les démarches administratives à faire, pour assurer un revenu de 4'% annuel ; que, par deux mails des 26 mai et 15 juin 2005, il adresse à la LCFR un tableau reprenant les flux de leur trésorerie mensuelle, hors revenus de valeurs mobilières, et le besoin de flux de recettes pour couvrir les dépenses, outre la couverture des découverts en compte tous les deux mois ; que, par un mail du 9 septembre 2005, il indique qu'il n'ouvre pas toutes les lettres que la LCFR lui envoie et qu'il a besoin d'une répartition sommaire des actifs gérés';

Considérant qu'aucun des documents contractuels, des mails ou courriers, ne fait référence à une utilisation professionnelle des fonds provenant des comptes gérés et de l'impérative nécessité de les sécuriser en totalité, ce qui n'était pas inclus dans le champ contractuel';

Considérant que ces éléments suffisent à établir que la LCFR a satisfait à son obligation de se renseigner sur la situation de ses clients, leur expérience et leurs objectifs ainsi qu'à ses obligations d'information et de conseil au regard de la législation applicable en 2005 avant la transposition de la MIF, entrée en vigueur le 1er novembre 2007, lors de la souscription des mandats ; qu'au regard de la situation financière des appelants et de leurs objectifs en 2005, les mandats de gestion avec leurs options n'étaient pas inadaptées compte tenu d'un objectif de rendement de 4 % l'an pour satisfaire aux besoins courants des appelants dans un contexte boursier favorable dans le cadre d'une gestion réalisée par un professionnel pouvant utiliser des produits qu'un particulier ne pourrait ou ne saurait pas utiliser en vue d'une optimisation des portefeuilles avec un risque mesuré';

Considérant que les opérations autorisées par les options 1, 2 et 3 des mandats ne sont pas contraires à l'objectif de gestion dès lors que le mandataire respecte la proportion de risque accepté par le mandant selon le profil convenu et que ce sont les supports à risque qui sont la contrepartie des gains espérés et sont de nature à assurer la performance recherchée sans garantie de résultat ;

Considérant que si les appelants incriminent la gestion de la LCFR, c'est à partir de l'année 2008 et qu'ils ne la remettent pas en cause pour les années antérieures lorsqu'elle leur a été favorable dans un contexte boursier à la hausse ; qu'ils n'apportent aucun élément de preuve sur la gestion antérieure du mandataire et les valeurs constituant leurs portefeuilles depuis la signature des mandats ;

Considérant que le prestataire de services d'investissement financier qui gère les comptes de titres et les PEA de ses clients n'a qu'une obligation de moyens ; qu'il ne garantit aucun rendement et aucune absence de perte en capital dans le cadre des mandants en cause ; qu'il n'est pas responsable des aléas boursiers et du retournement de la bourse à compter du second semestre 2008 à la suite de la faillite de la banque Lehman Brothers et de la fraude [T] que même un professionnel compétent et diligent ne pouvait pas prévoir ; que tous les comptes étaient gérés selon un objectif équilibré à l'exception du compte n° 4425090, et que ce profil de gestion autorisait un investissement entre 30 % et 65 % en actions indépendamment des produits alternatifs que le mandat exclut expressément de ce pourcentage par une clause acceptée par chacun des appelants ; que les PEA n'obéissaient à aucun profil de gestion et que la gestion des fonds et titres devait seulement y être opérée conformément aux dispositions de la loi n° 92-666 du 1er juillet 1992 et du décret n° 92-797 du 17 août 1993, actuellement L.221-31 du code monétaire et financier qui détaille les emplois qui peuvent être donnés aux sommes versées sur un PEA comme l'ont rappelé pertinemment les premiers juges ;

Considérant que les appelants ne peuvent pas isoler certaines valeurs pour exciper d'une prise de risque excessive au regard du profil équilibré et qui serait contraire à leur volonté alors que, d'une part, la gestion des portefeuilles ne s'apprécie pas au regard de certaines valeurs sans tenir compte des autres, mais dans sa globalité au regard de l'objectif convenu et qu'ils ont, d'autre part, autorisé leur mandataire à investir sur les types de produits critiqués et qu'enfin s'agissant de comptes gérés, ils n'avaient pas à recevoir les prospectus les concernant ; que la gestion des portefeuilles répondant à un objectif équilibré oblige le mandataire à une diversification des valeurs entre les produits de taux, les produits actions et les produits alternatifs autorisés et décorrélés des marchés afin de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires, dans l'intérêt du mandant, pour atteindre le but recherché, ce qui n'exclut pas tous risques et peut exposer les placements à des rendements négatifs, voire à des pertes en capital acceptés par les mandants dès l'origine ; qu'il n'y a d'ailleurs eu aucune critique tant que les marchés ont été favorables jusqu'en janvier et septembre 2008 ;

Considérant que les premiers juges ont fait une analyse précise et exhaustive des comptes de titres gérés par la LCFR en vérifiant la répartition des actifs pour chacun d'eux entre les produits monétaires, les produits actions et les produits alternatifs de janvier à décembre 2008, que la cour fait sienne, démontrant que les seuils contractuellement fixés ont été respectés ; que les appelants la critiquent à tort en cumulant le pourcentage des produits actions et des produits alternatifs contrairement aux mandats qu'ils ont signés excluant ce cumul dans la détermination des seuils à respecter par le mandataire ; qu'en outre, il est aussi avéré qu'à compter de septembre 2008, la LCFR a progressivement augmenté le pourcentage de produits monétaires et obligataires de façon importante de 47% à 71 % pour le compte de titres de Madame [I], que le compte de titres n° 44925090 de la société LES ORGUES est toujours resté en dessous du seuil de 30 % d'actions conformément à son profil de gestion sécuritaire et que le compte de titres n° 44925140, géré selon un profil équilibré jusqu'au 31 décembre 2008, a respecté le seuil d'actions de 65 % de même que le seuil de produits alternatifs dans tous les cas ; qu'aucune pièce n'est versée sur le compte de titres de Monsieur [I] en appel comme en première instance ; que s'agissant des PEA gérés de Monsieur et Madame [I] ne sont produits que les relevés au 31 décembre 2008 et de juin 2009 ne permettant pas d'apprécier la gestion du portefeuille durant l'année 2008 ; que le fait qu'un PEA soit majoritairement investi à 80 % en produits de type actions est conforme à sa nature ; qu'il n'est pas démontré que la LCFR les a gérés contrairement à la volonté des mandants ou à leurs intérêts qui doivent être conformes à la réglementation du PEA imposant des investissements sur des titres éligibles au PEA et n'a pas vocation à être investi sur des produits monétaires ou obligataires;

Considérant que c'est également par d'exacts motifs, que la cour adopte, que les premiers juges ont considéré que le mail isolé du 24 janvier 2008 de Monsieur [I] exprimait une simple inquiétude sur l'évolution des marchés à court terme et les placements du cash en demandant une information sur la répartition des actifs , que ceux qui ont suivi du 23 septembre, 7 et 8 octobre 2008 relatifs au fait d'être cash ne constituent pas une réserve ponctuelle et spécifique du mandant envers son mandataire qui gère et, encore moins, une demande de changement de profil de gestion supposant un avenant'; qu'en outre ces mails démontrent qu'il suivait le cours des marchés pour profiter de la hausse, comme il le dit lui-même, regrettant que le titre Campbel lui ait fait subir la baisse des marchés, que s'il s'interroge en octobre 2008 sur son intérêt à être en bons du Trésor plutôt qu'en produits compliqués avec des risques, ce n'est que le 20 novembre 2008 qu'il indique préférer 'prendre zéro risque et n'avoir que des bons du Trésor' sans cependant exprimer une quelconque volonté de modifier le profil de gestion contractuellement défini ; que le mail du 6 juillet 2009 de Monsieur [N] de la LCFR fait la synthèse des positions de Monsieur [I] et indique qu'il a été convenu de rester prudent en restant dans la fourchette basse des profils d'investissement, ce qui a été fait selon les relevés trimestriels versés aux débats au 31 mars, 30 juin, 30 septembre et 31'décembre 2008 ; qu'il n'y a jamais eu une volonté claire et ferme de sécuriser les avoirs avant le 20 novembre 2008 ni pour les comptes de titres, ni pour les PEA ; que les appelants ne peuvent pas reprocher à la LCFR d'avoir sécurisé tardivement leurs avoirs et d'avoir manqué son obligation de loyauté pour ne pas avoir attirer leur attention ou plus exactement celle de Monsieur [I] qui est le signataire de tous les mandats, sauf ceux de son épouse au nom de laquelle il parlait dans tous ses mails ou courriers intégrant ses avoirs, ceux de la société LMO et de la société LES ORGUES et ceux de son épouse ; qu'il ne peut pas être reproché à la LCFR de ne pas avoir anticiper le retournement des marchés de septembre 2008 dès le mois de janvier 2008, ce qui était imprévisible, ni de ne pas avoir liquider tous les actifs à risque des portefeuilles gérés dès le mois de janvier 2008, voire en septembre 2008 en période de baisse des marchés, ce qui avait vocation à cristalliser les pertes et à être préjudiciable aux mandants au regard des données connues du marché à ce moment ;

Considérant que les appelants ne contestent pas avoir reçu les relevés trimestriels de leur avoirs et le relevé de situation annuelle comportant la répartition des actifs avec le détail des valeurs mobilières avec, à chaque fois le pourcentage des différents type de supports (taux, actions et alternatifs) avec leur identification, le pourcentage des instruments financiers et OPCVM émis par le groupe de Rothschild, le graphique de répartition entre les types d'investissement et la courbe de valorisation des avoirs, outre les plus-values ou moins-values latentes leur donnant une information complète et exacte sur les portefeuilles gérés ; qu'ils ne rapportent la preuve d'aucune erreur et que ces documents n'ont pu entretenir aucune illusion sur la composition transparente des comptes gérés, PEA compris, ni sur l'exécution d'instructions qui n'ont pas été données avant le 20 novembre 2008 ;

Considérant qu'il n'y a pas de fautes démontrées dans la gestion des comptes gérés par la LCFR qui n'a pas manqué à son obligation de diligence ou loyauté envers ses mandants ; qu'elle a respecté les règles de bonne conduite s'imposant à elle ;

Considérant que le jugement déféré sera confirmé et les appelants déboutés de leurs toutes leurs demandes à l'encontre de la LCFR;

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la partie intimée le montant de ses frais irrépétibles ; qu'il convient de condamner Monsieur et Madame [I] et la société civile LES ORGUES à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Considérant que Monsieur et Madame [I] et la société civile LES ORGUES, qui succombent, supporteront les dépens d'appel;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [F] [I], Madame [M] [Y] épouse [I] et la société civile LES ORGUES à payer à la société EDMOND DE ROTHSCHILD la somme globale de 6.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne solidairement Monsieur [F] [I], Madame [M] [Y] épouse [I] et la société civile LES ORGUES aux dépens d'appel avec distraction au profit de l'avocat concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 14/23439
Date de la décision : 05/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°14/23439 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-05;14.23439 ?
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