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05/11/2015 | FRANCE | N°13/03557

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6- chambre 12, 05 novembre 2015, 13/03557


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6- Chambre 12

ARRÊT DU 5 novembre 2015

(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/ 03557

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Février 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL-RG no 11-00977

APPELANTE
CPAM 94- VAL DE MARNE
1-9 Avenue du Général de Gaulle
94031 CRETEIL CEDEX
représenté par Mme Z... en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE
SAS JTEKT HPI
ZI-26 rue

Condorcet
BP 87
94432 CHENNEVIERES SUR MARNE
représentée par Me Géraud GELLEE, avocat au barreau de LYON

Monsieur le Ministre char...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6- Chambre 12

ARRÊT DU 5 novembre 2015

(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/ 03557

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Février 2013 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL-RG no 11-00977

APPELANTE
CPAM 94- VAL DE MARNE
1-9 Avenue du Général de Gaulle
94031 CRETEIL CEDEX
représenté par Mme Z... en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE
SAS JTEKT HPI
ZI-26 rue Condorcet
BP 87
94432 CHENNEVIERES SUR MARNE
représentée par Me Géraud GELLEE, avocat au barreau de LYON

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
14, avenue Duquesne
75350 PARIS CEDEX 07
avisé-non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 juillet 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
qui en ont délibéré

Greffier : Mme Fatima BA, lors des débats

ARRÊT :
- contradictoire
-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Céline BRUN, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne d'un jugement rendu le 6 février 2013 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige l'opposant à la société JTEKT-HPI ;

LES FAITS, LA PROCÉDURE, LES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;

Il suffit de rappeler que M. X..., employé par la société JTEKT-HPI en qualité d'agent technique, a déclaré avoir été victime d'un accident du travail le 3 juin 2004 ; que, selon la déclaration, il a ressenti des douleurs à son bras droit jusqu'à la nuque alors qu'il manipulait des pompes et resserrait des raccords depuis la veille ; que cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne au titre de la législation sur les risques professionnels et le salarié a été indemnisé de son incapacité temporaire de travail jusqu'au 28 mars 2006, date de la consolidation de ses séquelles ; que l'employeur a contesté l'opposabilité de cette prise en charge devant la commission de recours amiable qui a rejeté sa réclamation ; qu'il a alors saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale.

Par jugement du 6 février 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil a déclaré inopposable à la société JTEKT-HPI la reconnaissance de l'accident du travail de M. X...en date du 3 juin 2004.

La caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne fait déposer et soutenir oralement des conclusions tendant à infirmer cette décision, juger que la matérialité de l'accident dont a été victime M. X...est établie, que la société JTEKT-HPI ne renverse pas la présomption d'imputabilité au travail, rejeter la demande d'expertise et en conséquence déclarer opposable à la société la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident et la prise en charge de l'ensemble des soins et arrêts de travail y afférents.

Au soutien de son appel, elle fait d'abord grief au jugement de considérer que la matérialité de l'accident n'est pas établie alors qu'il existe un témoin des faits et que la victime a été immédiatement transportée aux services d'urgence de l'hôpital où les médecins ont constaté les lésions décrites dans la déclaration d'accident. Elle fait observer qu'un événement précis survenu à l'occasion du travail et dont il résulte une lésion corporelle constitue un accident, quand bien même cette lésion se manifeste par une simple douleur. Elle relève que l'événement accidentel a une date certaine et a été connu aussitôt par l'employeur qui l'a déclaré sans aucune réserve. Elle se prévaut ensuite de la présomption d'imputabilité qui s'étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la victime à la suite de l'accident jusqu'à la consolidation de ses séquelles et considère que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'une cause totalement étrangère au travail. Selon elle, contrairement aux allégations de la société, la consolidation fixée au 18 mars 2006 n'est aucunement tardive et il n'existe aucun état pathologique antérieur. Elle fait en effet remarquer que l'évolution de l'état de santé du salarié après l'accident a nécessité un traitement par infiltrations ainsi qu'une physiothérapie, puis une opération chirurgicale suivie d'une cure et d'une rééducation avant une stabilisation. Elle indique également que les cervicalgies et l'épicondylite ne sont pas préexistantes à l'accident et justifient à elles seules l'intégralité des soins et arrêts de travail pris en charge, même si un certificat relève aussi chez le patient la présence d'une Pelvi Spondylite Rhumatismale sans rapport avec les lésions provoquées par l'accident. Enfin, elle conteste les conclusions du médecin-conseil de la société qui affirme que l'accident initial ne justifierait qu'un arrêt de travail de 3 semaines et invoque l'existence d'un état antérieur au terme de considérations d'ordre général ne résultant d'aucun examen clinique.

La société JTEKT-HPI fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions de confirmation du jugement attaqué. A titre subsidiaire, elle élève une contestation sur la durée des arrêts de travail et soins pris en charge par la caisse et demande la transmission à son médecin-conseil de l'ensemble des documents administratifs et médicaux expliquant une telle prise en charge. Elle conclut aussi à la désignation d'un expert judiciaire pour vérifier l'imputabilité des lésions constatées le 4 juin 2004 à l'accident, la relation des soins et arrêts pris en charge avec l'accident et la date de consolidation.

La société soutient en effet que l'existence d'un fait accidentel n'est pas justifiée dans la mesure où son salarié a ressenti l'apparition progressive de douleurs sans que leur origine puisse être déterminée dans le temps et se rattacher à un geste précis accompli au moment du travail. Selon elle, la lésion n'est pas survenue de manière brusque et soudaine comme ce serait le cas s'il s'était agi d'un accident.

A tout le moins, elle estime que les soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse ne sont pas en lien direct, certain et exclusif avec l'événement déclaré et qu'il doit être tenu compte de la pathologie antérieure dont souffrait la salarié et de l'évolution de celle-ci pour son propre compte. Elle considère qu'il existe en l'espèce un différend d'ordre médical justifiant le recours à une mesure d'expertise et estime qu'on ne peut lui interdire de faire la preuve d'un élément de fait essentiel au succès de ses prétentions sans porter atteinte au principe de l'égalité des armes garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle relève qu'ici, la caisse a pris en charge 559 jours d'incapacité de travail alors que le certificat initial prescrivait un arrêt de 3 jours et que son médecin-conseil évalue à 3 semaines la durée d'incapacité pouvant résulter des lésions constatées. Elle souligne aussi que la consultation d'un rhumatologue spécialiste des affections ostéo-articulaires chroniques et le certificat du 28 février 2005 laissent supposer l'existence d'une pathologie antérieure à l'accident qui serait à l'origine de la durée des arrêts de travail.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;

MOTIFS :

Sur la contestation de l'existence d'un fait accidentel :

Considérant qu'il résulte de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale que, pour bénéficier de la présomption d'imputabilité, il appartient à celui qui prétend avoir été victime d'un accident du travail de rapporter la preuve d'un fait accidentel survenu au temps et sur le lieu du travail ; que cette preuve ne peut résulter des seules allégations de la victime non corroborées par des éléments objectifs matériellement vérifiables ;

Considérant qu'en cas de contestation sur ce point dans les rapports entre l'employeur et la caisse, il incombe à cet organisme d'établir la réalité du fait accidentel ;

Considérant qu'en l'espèce, la déclaration d'accident précise que cet événement est survenu le 3 juin 2004 à 13h30 au sein du service technique aux bancs d'essai et que M. Y...en a été témoin ;

Considérant qu'il ressort également de la déclaration d'accident que la victime a été aussitôt transportée au service des urgences de l'Hôpital Paul d'Egine ; qu'un médecin de ce service hospitalier est d'ailleurs l'auteur du certificat médical initial du 4 juin 2004 constatant l'existence de " cervicalgies + douleurs... et douleurs au coude droit " avec la précision qu'il s'agit d'un accident du travail et non d'une maladie professionnelle ;

Constatant qu'au vu de tous ces éléments, la preuve d'un fait accidentel survenu à une date certaine au temps et sur le lieu du travail est rapportée ;

Considérant que, contrairement aux allégations de l'employeur, la date d'apparition des douleurs peut être déterminée avec certitude et les personnes présentes ont aussitôt fait le lien avec les gestes spécifiques accomplis à ce moment par le salarié pour manipuler des pompes et resserrer des raccords ;

Considérant ensuite que la nature des lésions consistant en des douleurs corporelles n'exclut nullement la qualification d'accident du travail ; que les douleurs n'apparaissant pas nécessairement de manière lente et progressive et peuvent survenir à une date précise ;

Considérant qu'enfin, il n'est pas nécessaire que la lésion ait été provoquée par un choc ou une maladresse du salarié ;

Considérant que c'est donc à tort que les premiers juges ont estimé que la matérialité de l'accident était insuffisamment établie alors qu'il était justifié d'une douleur subitement ressentie à l'occasion d'un travail précis ;

Que le jugement sera donc infirmé de ce chef et la reconnaissance du caractère professionnel de cet accident sera déclarée opposable à l'employeur ;

Sur la contestation de la prise en charge des arrêts de travail et soins consécutifs à l'accident :

Considérant qu'en application de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité au travail s'attachant aux lésions survenues au temps et sur le lieu du travail s'étend aux soins et arrêts de travail prescrits ensuite à la victime jusqu'à la date de la consolidation de son état de santé ou de sa guérison ;

Considérant qu'il appartient à l'employeur de détruire la présomption d'imputabilité en démontrant qu'une cause totalement étrangère au travail est à l'origine des soins et arrêts de travail contestés ;

Considérant qu'en l'espèce, la société JTEKT-HPI se borne à invoquer le caractère disproportionné de la durée des arrêts de travail pour de simples douleurs mais ne rapporte pas la preuve d'une cause totalement étrangère au travail permettant d'exclure tout lien de causalité entre l'accident du 3 juin 2004 et les arrêts de travail prescrits ensuite à l'intéressé jusqu'à la consolidation intervenue le 28 mars 2006 ;

Considérant que l'ensemble des arrêts de travail délivrés au salarié a été soumis au service médical de la caisse qui en a reconnu la justification médicale et approuvé le rattachement au traumatisme initial ;

Considérant que l'employeur considère que l'imputabilité des arrêts de travail observés au-delà du 30 juin 2004 n'est pas démontrée mais n'apporte aucun élément probant permettant de les rattacher à un autre accident ou à une pathologie préexistante évoluant pour son propre compte qui serait exclusivement à l'origine des soins et arrêts de travail contestés ;

Considérant qu'il s'appuie essentiellement sur l'avis donné par son propre médecin conseil sans examen clinique de la victime ;

Considérant toutefois que cet avis ne contient que des considérations générales tenant à la durée limitée à 3 jours de la prescription initiale d'arrêt de travail et au présupposé résultant de la consultation d'un spécialiste des maladies chroniques pour en déduire le caractère bénin des lésions accidentelles et l'existence possible d'une pathologie antérieure sans autre précision ;

Considérant d'abord que la disproportion prétendue entre la lésion initiale et la durée de l'incapacité n'est étayée par aucun élément précis ; que notamment, le seul fait que l'arrêt de travail initial de l'intéressé ait été prescrit par le service médical des urgences pour seulement 3 jours ne signifie pas que sa prolongation postérieure soit injustifiée ;

Considérant ensuite qu'en dehors de la supposition tirée de la consultation d'un spécialiste, la société invoque l'existence d'un état antérieur en raison d'une mention figurant sur un certificat médical du 28 février 2005 décrivant des " cervicalgies/ épicondylites/ Sur PSR préexistante " ;

Considérant cependant que, selon l'expression même du médecin-conseil de la société, cette simple mention n'apporte aucun renseignement sur la nature de l'antériorité ou sur ses effets ; qu'aucun autre certificat n'en fait état, ni n'évoque une interaction des cervicalgies et de l'épicondylite résultant de l'accident avec une affection préexistante ;

Considérant qu'en réalité, il existe depuis l'accident une continuité de soins et d'arrêts de travail justifiée par le traitement des cervicalgies et de l'épicondylite médicalement constatées au lendemain de l'accident ; que l'évolution de l'état de santé du salarié depuis cette date a nécessité un traitement par infiltrations ainsi qu'une physiothérapie, puis une opération chirurgicale suivie d'une longue rééducation ;

Considérant que la difficulté à soigner l'épicondylite résultant de l'accident et qualifiée de rebelle par le certificat médical du 31 janvier 2005 explique la durée des soins et arrêts de travail contestés ;

Considérant qu'en l'absence de tout indice permettant de rattacher les soins et arrêts de travail contestés à une cause totalement étrangère au travail, il n'y a pas de raison d'ordonner une mesure d'expertise, laquelle ne peut suppléer la défaillance d'une partie dans l'administration de la preuve ;

Considérant que la seule contestation de la durée de l'incapacité de travail prise en charge, pour des motifs purement hypothétiques, ne constitue pas en soi un différend d'ordre médical justifiant de recourir à une expertise ;

Considérant que de même, le principe de l'égalité des armes ne doit pas conduire à accueillir systématiquement les demandes d'expertise judiciaire alors que les éléments de fait soumis aux débats n'en font pas apparaître la nécessité ;

Considérant que la demande de transmission des documents médicaux au médecin désigné par l'employeur et donc non indépendant est encore moins justifiée ;

Considérant que, dans ces conditions, il y a lieu de refuser la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction ou la transmission des documents au médecin désigné par l'employeur et de déclarer opposable à la société JTEKT-HPI la prise en charge de l'ensemble des soins et arrêts de travail afférents à l'accident

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne recevable et bien fondée en son appel ;

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

Déclare opposable à la société JTEKT-HPI la décision de la caisse de reconnaître l'origine professionnelle de l'accident survenu le 3 juin 2004 ;

Rejette la demande d'expertise judiciaire ou de transmission des documents médicaux au médecin désigné par l'employeur ;

Déclare opposable à la société JTEKT-HPI la prise en charge de l'ensemble des soins et arrêts de travail afférents à l'accident ;

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6- chambre 12
Numéro d'arrêt : 13/03557
Date de la décision : 05/11/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2015-11-05;13.03557 ?
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