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04/11/2015 | FRANCE | N°15/04315

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 04 novembre 2015, 15/04315


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 04 Novembre 2015

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04315



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS -Section- Encadrement- RG n° 13/15643





APPELANTE

Madame [K] [T]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité

3]

représentée par M. [M] [D] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général







INTIMEE

LCL CREDIT LYONNAIS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Nicolas DURAND...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 04 Novembre 2015

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04315

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS -Section- Encadrement- RG n° 13/15643

APPELANTE

Madame [K] [T]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 3]

représentée par M. [M] [D] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

LCL CREDIT LYONNAIS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Nicolas DURAND GASSELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0505

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, faisant fonction de Présidente

Madame Françoise AYNES -BELLADIRA, Conseillere

Madame Stéphanie ARNAUD, Conseillere

Greffier : Madame Nicole BEAUSSEAUX, lors des débats

ARRET :

-Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisé dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Présidente

et par Madame Nicole BEAUSSEAUX, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

Mme [T] a été engagée par le Crédit Lyonnais suivant un contrat de travail à durée indéterminée en date du 9 septembre 1968.

Le 28 octobre 2013, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir la prime liée à l'obtention de la médaille du travail échelon « or » en mai 2011.

Elle a par ailleurs réclamé la monétarisation des avoirs détenus dans le compte épargne temps, des dommages-intérêts et une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par un jugement du 13 janvier 2015, le conseil de prud'hommes de Paris a condamné la SA LCL à verser à Mme [T] les sommes suivantes :

- 1640,07 euros au titre de la valorisation des avoirs détenus sur le compte CET versés au Perco, en 2011, 2012, 2013 et 2014, selon le calcul RBA/1607,

- 414,96 euros au titre de l'abondement prévu par l'accord Perco du 28 septembre 2011,

avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation.

Il a aussi ordonné la remise des bulletins de paie conformes à la décision, condamné la SA LCL à verser à Mme [T] une indemnité de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la SA LCL de sa demande sur ce fondement.

Appelante de ce jugement, Mme [T] demande à la cour de l'infirmer partiellement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de la gratification liée à l'obtention de la médaille du travail « or »pour ses 35 ans d'activité professionnelle ainsi que de celle relative au versement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice lié à la résistance abusive de l'employeur.

Elle réclame en effet :

- 3310,47 euros au titre de la gratification liée à l'obtention de la médaille d'honneur du travail échelon « or »,

- 5000 € en réparation du préjudice lié à la résistance abusive de l'employeur,

- 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite en outre la publication de l'arrêt à intervenir dans un quotidien local et national subsidiairement, l'affichage de l'arrêt pendant 30 jours dans l'ensemble des unités du ressort du comité d'établissement du Crédit Lyonnais Île-de-France Sud, le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard.

Le Crédit Lyonnais conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes relatives au paiement de la gratification liée à l'obtention de la médaille des 35 ans et de dommages-intérêts. Après avoir soulevé deux moyens d'irrecevabilité, il s'oppose en tant que de besoin, aux demandes de la salariée à ces titres et réclame à son tour une indemnité de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

Motifs:

Sur les moyens de l'irrecevabilité des demandes:

Sur la prescription:

S'appuyant sur les dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail issu dans sa rédaction des dispositions de la loi du 14 juin 2013, selon lesquelles toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l' exerce a connu ou aurait connu les faits lui permettant d'exercer son droit, le Crédit Lyonnais soutient que Mme [T] qui estime qu'elle aurait dû percevoir à la date du 1er mai 2011, paiement de la somme de 3310,47 euros correspondant à la gratification liée à l'obtention la médaille d'honneur du travail, échelon «or », est forclose en sa demande puisqu'elle n'a saisi le conseil de prud'hommes que le 28 octobre 2013.

La cour relève que les dispositions résultant de la loi du 14 juin 2013 s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la promulgation de la loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée totale prévue par la loi intérieure, laquelle était pour l'action en paiement de la gratification litigieuse de 5 années.

En conséquence, le moyen tiré de la prescription est tout à fait inopérant.

Sur le moyen tiré du fait de l'incompétence de la juridiction prud'homale pour se prononcer sur la légalité d'un accord d' entreprise :

Lorsque la question de l'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif est soulevée à l'occasion d'un litige d'ordre individuel, le conseil de prud'hommes est compétent, peu importe que la solution donnée intéresse la collectivité des salariés, dès lors que la question est soulevée par la salariée à son profit et qu'elle sera examinée au regard de sa seule demande.

Ce moyen est donc également inopérant.

Sur la gratification liée à la médaille « or » du travail :

Une médaille du travail a été instituée par un décret du 15 mai 1948 pour récompenser les salariés pour l'ancienneté de leurs services. Ont alors été institués quatre échelons, « argent », « vermeil », « or » et « grand or ».

Depuis le décret du 17 octobre 2000, le nombre d'années de service pour obtenir la médaille d'honneur du travail est fixé à 20 ans pour la médaille « argent », à 30 ans pour la médaille « vermeil », à 35 ans pour la médaille « or » et à 40 ans pour la médaille « grand or ».

Au sein de la SA LCL, l'obtention d'une médaille d'honneur du travail est assortie d'une gratification. Avant l' accord collectif du 24 janvier 2011, la gratification était attribuée au salarié après 25, 35, 43, 48 années de service. L'accord collectif du 24 janvier 2011a instauré un nouveau dispositif .

L'article 6.1 de cet accord prévoit en effet que « les dispositions du présent article se substituent de plein droit à compter de leur date d'entrée en vigueur, soit le 1er mai 2011 à toutes les dispositions résultant d'accords collectifs ou tous autres type d'accords, de décisions unilatérales, de pratiques ou d'usages applicables aux collaborateurs de LCL, en matière de gratification liée à l'obtention de la médaille du travail. »

L'employeur considère que l'accord collectif du 24 janvier 2011 se substitue aux règles précédemment applicables, que les notes de service, qui jusqu'alors, précisaient les modalités du versement de la gratification liée à l'obtention pour le salarié de la médaille d'honneur du travail, sont devenues caduques, et revendique l'application des nouvelles règles d'obtention de la gratification liée à la médaille d'honneur. Il renvoie plus spécialement aux mesures transitoires prévues par l'accord lesquelles subordonnent le versement de la gratification à la réalisation de deux conditions cumulatives.

En effet, selon l'article 6.2 de cet accord, « sous réserve de la transmission du diplôme de la médaille d'honneur du travail d'État correspondant, les salariés qui en application du nouveau dispositif et à la date d'entrée en vigueur de ce dernier auraient dû percevoir une gratification au cours des cinq années précédentes et ne percevront aucune gratification au cours des cinq prochaines années bénéficieront du versement d'une gratification liée à la médaille d'honneur du travail sur la base du montant prévu conformément au présent accord, sous réserve qu'ils ne perçoivent pas une gratification en application du nouveau dispositif au titre de la même médaille d'honneur du travail d'État. »

Il relève que seuls les salariés qui atteignent les 20, 30 , 35 et 40 années de service à compter du 1er janvier 2011 bénéficient de la gratification dans le cadre du nouveau dispositif, que tel n'est pas le cas de la salariée qui avait atteint ses 35 ans de service en 2003, qu'elle ne remplissait donc pas la première condition du régime transitoire pour pouvoir en bénéficier.

Il fait observer en revanche, que Mme [T] était éligible au dispositif transitoire pour l'ancienneté de 40 années et qu'elle a d'ailleurs obtenu dès le mois de mai 2011, la gratification pour la médaille du « grand or », soit la somme de 3310,47 euros.

La salariée soutient que ce dispositif contrevient aux dispositions légales puisque l'accord comporte des dispositions moins favorables que la convention collective en vigueur depuis le 4 janvier 2000, et qu'il pénalise tous les salariés ayant plus de 30 ans d'ancienneté ce qui est de nature à caractériser une discrimination du fait de l'âge.

C'est avec pertinence que la SA LCL explique que l'accord d'entreprise du 24 janvier 2011 ne prévoit pas de dispositions moins favorables à la convention collective applicable puisque celle-ci n'impose pas le paiement d'une gratification pour les salariés ayant obtenu une médaille d'honneur du travail.

En revanche, la salariée est fondée à invoquer une discrimination du fait de l'âge dans la mesure où le dispositif résultant de l'accord du 24 janvier 2011 a eu pour conséquence l'impossibilité pour elle de bénéficier de la gratification afférente à ses 35 années de service alors qu'un salarié ayant moins d'années de service dans l'entreprise et ayant atteint ses 35 années de service postérieurement au 1er mai 2011 était susceptible d'obtenir non seulement sa gratification pour 35 années d'ancienneté mais encore une gratification pour les 40 années d'ancienneté quelques années plus tard.

L'employeur ne peut pas soutenir utilement que le fait que Mme [T] ait obtenu la gratification correspondant à ses 40 années de service dès le mois de mai 2011 au lieu d'en bénéficier en 2016, soit une disposition plus favorable caractérisant un élément objectif étranger à toute discrimination du fait de l'âge puisqu'il résulte de l'application de ces dispositions nouvelles que Mme [T] se trouve définitivement privée de la gratification pour ses 35 années d'ancienneté.

Le jugement déféré sera donc réformé et la cour allouera à Mme [T] la somme qu'elle réclame soit 3310, 47 euros à ce titre.

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive :

La cour relève d'abord que la résistance de la SA LCL est directement liée au différend résultant de l'interprétation de l'accord collectif du 24 janvier 2011, au regard de la situation particulière de Mme [T].

Dans ce contexte, le préjudice de Madame [T] résultant du versement tardif de cette gratification sera exactement réparé par l'allocation des intérêts moratoires à compter de la demande tels que prévus par l'article 1153 du code civil.

Sur la demande de délivrance d'un bulletin de paie pour le mois de mai 2011 :

La demande de délivrance d'un bulletin de paie conforme aux termes du présent arrêt est légitime, il y sera fait droit.

Sur la demande de publication de l'arrêt dans un journal local et national, ou à tout le moins d'affichage de l'arrêt pendant 30 jours dans l'ensemble des unités du ressort du comité d'établissement du LCL Ile de France Sud :

La cour tranche, par cet arrêt, un litige individuel. La décision rendue n'a donc pas vocation à faire l'objet d'une quelconque publication dans un journal local ou national, ni d'un affichage dans les unités du ressort du LCL Ile de France sud.

La demande de la salariée sera rejetée.

Sur la demande d'astreinte :

Aucune circonstance particulière ne justifie que soit ordonnée une astreinte, dans le cas d'espèce.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à Mme [T] une indemnité de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 1 500 euros sur le même fondement pour les frais exposés par elleen cause d'appel.

La SA LCL, qui succombe dans la présente instance, sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement

Dans les limites de l'appel interjeté par Mme [T],

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et en ce qu'il lui a alloué une indemnité de

1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirme en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande au titre de la gratification liée à l'obtention de la médaille d'honneur du travail échelon « or » ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Rejette les deux moyens d'irrecevabilité des demandes soulevées par la SA LCL,

Condamne la SA LCL à verser à Mme [T] les sommes suivantes :

3310,47 euros au titre de la gratification liée à l'obtention de la médaille d'honneur du travail, échelon « or »,

avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de sa convocation devant le conseil de prud'hommes en application de l'article 1153 du code civil,

1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne la remise par la SA LCL d'un bulletin de paie pour le mois de mai 2011 conforme aux termes du présent arrêt,

Déboute Mme [T] de ses demandes d'astreinte, de publication de l'arrêt dans un quotidien local et national et de sa demande d'affichage dudit arrêt dans l'ensemble des unités du ressort du comité d'établissement du Crédit Lyonnais Île-de-France Sud,

Condamne la SA LCL aux entiers dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/04315
Date de la décision : 04/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°15/04315 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-04;15.04315 ?
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