RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 04 Novembre 2015
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10100
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 mai 2014 par le conseil de prud'hommes de PARIS -section commerce- RG n° 13/11395
APPELANTE
Madame [U] [S]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 2]
comparant en personne, assistée de Me Blandine SIBENALER, avocat au barreau de PARIS, R286
INTIMEES
Me [X] [U] - Commissaire à l'exécution du plan de la SAS CENTRAL DUPON IMAGES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Eloise PHILIPPOT-REGNIER, avocat au barreau de PARIS, P 148
SAS CENTRAL DUPON IMAGES
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Siret n° 337, 825 574
représentée par Me Eloise PHILIPPOT-REGNIER, avocat au barreau de PARIS,P 148
Association AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, T10 substitué par Me Myriam DUMONTANT, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 septembre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Christine ROSTAND, président de la chambre
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Christine LETHIEC, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laura DESINGLY, greffier en stage de préaffectation, assistée de Madame Marion AUGER, greffier, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, pour Madame Christine ROSTAND, président empêché et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 16 mai 2014 ayant débouté Mme [U] [S] de l'ensemble de ses demandes';
Vu la déclaration d'appel de Mme [U] [S] reçue au greffe de la cour le 23 septembre 2014';
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 23 septembre 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de Mme [U] [S] qui demande à la cour':
- d'infirmer le jugement entrepris
- statuant à nouveau, de condamner la SAS Central Dupon Images à lui payer la somme indemnitaire de 80'000 € à titre principal pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, subsidiairement, inobservation des critères d'ordre des licenciements, ainsi que celle de 3'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 23 septembre 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SAS Central Dupon Images et de Me [U] [X], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de ladite société (jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 février 2012), qui demandent à la cour':
- à titre principal, de confirmer le jugement critiqué
- subsidiairement, de limiter la demande indemnitaire de Mme [U] [S] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (article L.1235-3 du code du travail) à une somme équivalente à six mois de salaires
- très subsidiairement, de rejeter sa réclamation indemnitaire pour inobservation des critères d'ordre des licenciements
- en tout état de cause, de la condamner au paiement de la somme de 2'000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et de dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à l'AGS CGEA Ile de France Ouest en cas de condamnation';
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 23 septembre 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de l'AGS CGEA Ile de France Ouest, unité déconcentrée de l'UNEDIC, qui demande à la cour de confirmer la décision déférée, de dire qu'en vertu de l'adoption d'un plan de redressement par continuation l'arrêt à intervenir ne lui sera opposable qu'à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par l'employeur et, très subsidiairement, s'il y a lieu à fixation, de dire que sa garantie ne s'exerce que dans les limites et conditions de plafond légalement prévues.
MOTIFS
La SAS Central Dupon Images a engagé Mme [U] [S] dans le cadre d'une relation contractuelle de travail à durée indéterminée à temps plein, sans contrat écrit, à compter du 1er octobre 1994 en tant que responsable comptable, catégorie employé de la convention collective nationale de la photographie professionnelle.
Par une lettre du 29 septembre 2010, l'intimée a convoqué Mme [U] [S] à un entretien préalable prévu le 6 octobre, et le 10 mars 2011, Me [X], en sa qualité d'administrateur judiciaire (jugement du tribunal de commerce de Paris du 29 décembre 2010), lui a notifié son licenciement pour motif économique.
La lettre de licenciement rappelle qu'un jugement du tribunal de commerce de Paris du 29 décembre 2010 a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Central Dupon Images qui sur l'exercice 2009 a enregistré une baisse de son chiffre d'affaires de 454'234 €, à sa déclaration de cessation des paiements fin 2010, a accusé un passif s'élevant à 1'129'704 €, et que ces difficultés financières, qui lui imposent d'adapter ses charges de structure, conduisent à la suppression de l'emploi de Mme [U] [S] après que le juge-commissaire a rendu le 10 février 2011 une ordonnance autorisant des licenciements économiques en application de l'article L.631-17 du code de commerce.
Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, Mme [U] [S] percevait une rémunération en moyenne de 3'192 € bruts mensuels correspondant au coefficient conventionnel 275.
Elle a adhéré courant mars 2011 au dispositif sur la convention de reclassement personnalisé.
*
Une ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce de Paris du 10 février 2011 a autorisé Me [X], en sa qualité d'administrateur judiciaire, à procéder au licenciement pour motif économique de sept salariés (six de la catégorie employé et un de l'encadrement).
Dès lors que l'ordonnance du juge-commissaire du 10 février 2010 est devenue définitive, Mme [U] [S], qui n'a pas exercé un recours contre cette décision, ne peut plus valablement contester la cause économique de son licenciement, sauf à démontrer, ce qu'elle n'offre pas, que celui-ci aurait été obtenu par fraude.
C'est donc à tort, comme le rappelle à juste titre la partie intimée, que Mme [U] [S] persiste dans ses dernières écritures à contester la réalité et le sérieux de la cause économique de son licenciement.
*
Sur sa contestation pour «non-respect de l'obligation de reclassement», toujours possible puisque l'autorité attachée à l'ordonnance précitée du juge-commissaire ne s'étend pas à la question de la situation individuelle de Mme [U] [S] au regard notamment de cette même obligation pesant sur l'employeur, si cette dernière considère que la SAS Central Dupon Images n'a entrepris aucune recherche «loyale, effective et sérieuse», la partie intimée répond que seul un emploi de tireur numérique sur son agence de [Localité 1] était disponible, que ce poste a été proposé à un autre salarié en la personne de M. [Q] «qui l'a décliné», et qu'en conséquence «il est parfaitement inexact d'affirmer qu'aucune recherche de reclassement n'a été entreprise».
L'article L.1233-4, dernier alinéa, du code du travail dispose que': «Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ' A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises».
Nonobstant l'affirmation de la partie intimée selon laquelle il n'aurait existé par principe qu'un seul emploi disponible de tireur numérique pour un reclassement en interne à [Localité 1], ce que conteste Mme [U] [S], force est de relever que l'employeur ne démontre pas avoir réellement entrepris des recherches loyales, sérieuses, effectives et personnalisées dans le cas de cette dernière, puisque s'étant contenté de contacter le même jour - 2 février 2011 - sous la forme de lettres circulaires certaines «instances de la branche professionnelle» et quelques «entreprises du secteur».
Le manquement de l'employeur à son obligation de recherche d'un emploi en reclassement, s'entendant en priorité d'un reclassement interne, rend le licenciement de l'appelante sans cause réelle et sérieuse.
*
Infirmant le jugement querellé, il sera alloué à Mme [U] [S] la somme de 67'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, somme équivalente à 21 mois de salaires compte tenu de son âge (49 ans) et de son ancienneté dans l'entreprise (17 années), avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.
Cette créance sera fixée ai passif de la société Central Dupon Images en redressement judiciaire.
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La partie intimée sera condamnée en équité à régler à l'appelante la somme de 3'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME le jugement entrepris';
Statuant à nouveau,
FIXE au passif de la société Central Dupon Images, la créance de Mme [U] [S] à la somme de 67'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt';
DIT que le présent arrêt est opposable à l'AGS CGEA Ile de France Ouest qui doit sa garantie à défaut de fonds disponibles dans les limites et conditions de plafond légalement prévues;
CONDAMNE la SAS Central Dupon Images à régler à Mme [U] [S] la somme de 3'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE la SAS Central Dupon Images aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT
EMPECHE