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03/11/2015 | FRANCE | N°12/05708

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 03 novembre 2015, 12/05708


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 03 Novembre 2015



(n° 490 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05708



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mars 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/06036





APPELANT

Monsieur [OD] [NA]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 2]

comparant e

n personne,

assisté de Me Yann LE BIHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1874





INTIMEE

ASSOCIATION CHAMBRE D'APPRENTISSAGE DES INDUSTRIES DE L'AMEUBLEMENT

[Adresse 1]

[Adre...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 03 Novembre 2015

(n° 490 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05708

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mars 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/06036

APPELANT

Monsieur [OD] [NA]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 2]

comparant en personne,

assisté de Me Yann LE BIHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1874

INTIMEE

ASSOCIATION CHAMBRE D'APPRENTISSAGE DES INDUSTRIES DE L'AMEUBLEMENT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Agnès LASKAR, avocat au barreau de PARIS, toque : C0710,

En présence de M. [XF] [XX] (DG adjoint), et M. [YI] [RM] (DG)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [NA], engagé par la Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement à compter du 6 novembre 1989, en qualité de formateur en tapisserie , a été licencié pour faute grave, par lettre du 10 février 2010, énonçant les motifs suivants :

'Monsieur,

Vous êtes employé au sein de notre Centre de Formation des Apprentis depuis le 6

novembre 1989 en qualité de Professeur en Tapisserie.

Malheureusement, nous avons à déplorer des faits constitutifs d'une particulière gravité qui

nous ont conduits à vous convoquer à un entretien préalable fixé le 4 février 2010 à 10h30.

Vous vous y êtes présenté assisté de [MP] [DE] de la DDTE. Dès son arrivée,

celle-ci a sollicité de mon adjoint qu'il quitte la piéce ce qu'il a fait.

Nous avons pu vous exposer les griefs que nous avions à vous reprocher.

1 vos agissements entraînent un grave problème de sécurité pour nos élèves

Le 10 décembre demier, une élève de votre classe, [UD] [VR], a fait une crise de

tétanie.

Vous ne lui avez, à aucun moment, porté assistance et vous étes resté derrière elle, assis

sur votre chaise, pendant toute la durée de sa crise.

Vous n'avez strictement rien fait, aucun geste, malgré l'évidence de ses symptômes,

l'affolement généralisé de la classe et alors que les élèves vous informaient de ce que la

jeune [UD] faisait une crise de tétanie. Votre seule réaction a été de lui dire : arrêtez votre

cinéma! ,

C'est une amie à elle, [CK] [DY], qui l'a aidée et qui est allée lui chercher de l'eau.

Ce sont les élèves qui ont appelé les Conseillers d'Education.

Ce n'est qu'au moment où elle sortait de la classe, soutenue par les deux CE, que vous vous

êtes enfin, pour la première fois, levé en proférant des paroles totalement inacceptables : « jen'ai jamais vu ça ! Il faudrait qu'elle apprenne â se contrôler! Ça ne relève pas de la

Médecine !Des gens comme ça ne devraient pas être dehors, ils devraient être enfermés ''.

Par la suite, vous étes passé devant la jeune [UD], qui se remettait doucement au rez-de-

chaussée, ne lui avez même pas jeté un regard et ne vous êtes pas, a fortiori, enquis de sa

santé.

Il est inconcevable que vous n'ayez rien fait et n'ayez pas porté assistance à une jeune élève visiblement gravement souffrante.

Ce genre de crise non prise en main peut aller jusqu'à un arrêt cardiaque ou une rupture d'anévrisme.

Tous les élèves, et leurs parents, ont été gravement choqués par ces événements et craignent pour leur sécurité.

Cette absence totale de réaction de votre part aggravée par le mépris et les injures adressés à cette jeune fille constituent, à eux seuls, une faute grave justifiant pleinement votre licenciement à effet immédiat.

Il s'est avéré cependant que d'autres faits tout aussi répréhensibles justifient également votre éviction immédiate.

Vous avez gravement enfreint les règles élémentaires de sécurité.

En interrogeant les élèves, nous avons découvert qu'il vous est arrivé à plusieurs reprises de quitter l'atelier, ce qui est en soi déjà fautif et d'enfermer vos élèves dans la salle.

Vous leur avez présenté ces agissements comme une punition.

Que se serait-il passé si, au cours de ces épisodes d'enfermement, des élèves avaient eu une crise de tétanie comme celle de la jeune [UD], qu'un élève se soit blessé, ou qu'un incendie se soit déclaré '

Votre comportement entraîne un grave problème de sécurité pour les élèves qui nous sont confiés.

2 votre comportement colérique, humiliant et injurieux envers vos jeunes apprentis est inacceptable de la part d'un professeur surtout ayant votre expérience

-vous avez eu un comportement injurieux, employant des termes humiliants, racistes et sexistes.

Le 10 décembre, en plus de ne pas avoir porté assistance à la jeune [UD], vous avez cru devoir user de propos injurieux et blessants, lui disant en substance qu'elle devrait être enfermée dans un asile psychiatrique.

Malheureusement, ce genre de comportement est loin d'être isolé car il ressort des entretiens que nous avons eus avec les élèves que ceux-ci ont à souffrir, de façon systématique et quasi quotidienne, de propos totalement déplacés, insupportables et inacceptables a fortiori dans une salle de classe.

Vous proférez des insultes à caractère raciste, par exemple :

vous faites des jeux de mots sur les noms de famille comme [UO] qui serait 'à coucher dehors';

vous faites des remarques à une jeune fille d'origine africaine:' si on fait une bataille de neige tu seras facile à viser car tu fais tâche dans la neige',

vous proférez des injures à caractère sexiste: par exemple, si une jeune femme ne vous donne pas entière satisfaction dans son travail, elle n'a qu'à 'retourner à ses casseroles'

vous faites des jeux de mots avec les noms de famille des élèves. Par exemple, le jeune [BQ] [AN] a eu à supporter, pendant toute une année, des jeux de mots avec son nom de famille tels que '[AN] à patates', '[AN] à dos', '[AN] à merde'....

D'une façon générale, vous proférez de multiples insultes envers vos élèves. Parmi tant d'autres exemples, on peut citer 'tête à claques, espèce de débile, personne stupide, grosse idiote, chieuse, bon à rien, idiot, bande de débiles, si vous ne comprenez rien c'est que vous branlez rien, Brelles, nuls, petite merde de tapissier, jeune homme débile, boulets, enfants gâtés, que le cerveau ne va pas bien et qu'ils aillent se faire soigner etc....'

3 vous sélectionnez des souffre-douleurs

selon les propres termes de vos élèves, vous choisissez l'un d'entre eux, parfois en début d'année pour toute l'année, ou à la suite d'un événement qui vous aurait contrarié, pour :

-passer vos nerfs

-le harceler, l'insulter, l' isoler du cours

vous ne répondez plus à ses questions, l' ignorez totalement pendant une durée qui peut durer des semaines, des mois, voire toute une année scolaire.

Comme exemple très récent, vous avez exclu le jeune [UO] de votre cours, et, depuis qu'il est revenu, vous l'ignorez totalement.

Lors de l'entretien préalable, vous avez répondu, pour ce dernier point, qu'après un conflit la mise à l'écart est le mieux pour arranger les choses.

La mise à l'écart d'un élève n'est en aucun cas acceptable.

4 votre comportement exclut la plus élémentaire pédagogie

Les élèves, dans leur ensemble, y compris des adultes, ressentent que vous n'avez plus aucune pédagogie.

-Vous refusez de répéter les explications.

-Vous refusez de répondre aux questions que les élèves vous posent et leur répliquez :

qu'il s'agit d'une question' idiote' ou 'débile',

par des formules telles que : « quand vous serez dans la merde je vous enfoncerai la tête dedans ».

Vous dénigrez de façon humiliante les travaux des élèves, leur assénez que leur travail est « de la merde » et expliquez apparemment longuement aux apprentis qu'ils n'arriveront jamais à rien.

Répéter, avoir du respect pour les élèves et leurs efforts, quels que soient leurs résultats, est la base de votre métier

5 nous avons déjà eu l'occasion, dans le passé, de sanctionner la virulence de votre comportement notamment par un avertissement en date du 23 juin 2003

Nous avions déjà constaté à l'époque que votre comportement vis-à-vis des jeunes s'était dégradé.

Vous aviez également menacé un professionnel lors d'un jury d'examen en le menaçant de le gifler.

Vous aviez insulté une de vos collègues, formatrice en langue nouvellement recrutée, lui indiquant quand qu'elle avait 'une langue de pute' et en épelant le dernier mot pour qu'elle comprenne bien.

Vous vous étiez adressé à deux professeurs de l'éducation nationale lors de la correction d'une épreuve de tapisserie en indiquant « barrez-vous vous êtes des nazes, allez apprendre à travailler ailleurs ».

Vous vous étiez enfin adressé au bureau de notre établissement en vociférant et en indiquant que nous étions tous des 'charlots et des hypocrites'.

Il résulte de votre comportement que vos élèves arrivent à vos cours la plupart du temps avec la 'peur au ventre', stressés, au bord des larmes. Certains prennent des médicaments pour atténuer leur souffrance, avec l'envie de vomir, mal à l'estomac, de peur d'être victime de votre harcèlement.

Les élèves ont peur de vous poser des questions, de présenter leurs travaux...

Vous vous devez, en tant que professeur, de donner l'exemple, de leur transmettre votre savoir de les mettre en confiance et de les aider dans leur apprentissage.

Au lieu de cela, vous tenez des propos injurieux, vous les humiliez, les rabaissez.

Vous leur causez un tel stress qu'ils n'ont, pour la plupart, plus envie de poursuivre leur apprentissage.

Votre attitude nous cause également un grave préjudice car nous avons des comptes à rendre auprès des élèves, de leurs parents et des organismes qui nous subventionnent.

6 vous nous dénigrez auprès de nos partenaires

-lorsque les élèves vous disent dans quelle entreprise ils travaillent, vous dénigrez très souvent leurs maîtres d'apprentissage indiquant qu'ils sont nuls, qu'ils n'ont pas de chance et qu'ils n'apprendront rien.

Nous devons cultiver des liens privilégiés avec les maîtres d'apprentissage chez qui nos élèves complètent leur formation.

Un tel comportement ne peut que nous nuire tant vis-à-vis des élèves, en les démotivant davantage, qu'auprès de nos partenaires.

-Vous dénigrez votre direction auprès des organismes qui nous subventionnent.

Vous avez adressé une lettre recommandée avec accusé de réception au président du CFA reçue le 9 février dans laquelle vous précisez en avoir adressé copie au président du conseil régional [Localité 1] et au président du bureau des associations.

Vous y tenez des propos diffamatoires sur le directeur général et portez de graves accusations à son encontre.

Vous portez également des accusations sur des prétendues irrégularités affectant le fonctionnement du CFA.

Ce dénigrement est inacceptable.

Notre image et notre intégrité sont ébranlées par votre comportement.

7 enfin, vous n'avez pas respecté votre mise à pied à titre conservatoire

Vous avez été mis à pied par courrier recommandé avec accusé de réception que vous êtes allé chercher le lundi 25 janvier, date à laquelle nous vous avons confirmé de vive voix cette mise à pied conservatoire.

Pourtant, le mardi 26, vous vous êtes représenté dans nos locaux et avez disparu pendant plusieurs heures.

Lorsque nous vous avons retrouvé, nous vous avons demandé de quitter immédiatement les lieux et de nous restituer le trousseau de clefs ce que vous avez refusé.

Nous avons été contraints de vous mettre en demeure de nous restituer les clefs et êtes alors passé à nouveau dans la société pour venir les déposer.

Votre refus de vous soumettre à une mise à pied conservatoire qui vous a été dûment notifiée et votre insubordination constitue en soi une faute grave.

Votre insubordination et votre comportement indigne et inacceptable interdisent votre maintien au sein du CFA même pendant la période de préavis.

Nous vous notifions par la présente votre votre licenciement pour faute grave qui prendra effet à la date d'envoi du présent courrier.'

Par jugement rendu le 23 mars 2012, le conseil de prud'hommes de Paris a dit que le licenciement de Monsieur [NA] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamné La Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement à lui régler les sommes suivantes :

10'197, 03 euros à titre de préavis outre 1019, 70 euros à titre de congés payés afférents,

27'192 euros à titre d'indemnité de licenciement

700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

pris acte que l'association reconnait devoir 1098 euros pour absence de mention du droit individuel à la formation et l'a condamnée en tant que de besoin au paiement de cette somme,

débouté Monsieur [NA] du surplus de ses demandes

Monsieur [NA] a interjeté appel de ce jugement .

Par conclusions visées au greffe le 21 septembre 2015 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [NA] demande de voir constater le défaut de représentation de La Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement en première instance et en appel, la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la faute grave n'était pas constituée ainsi que s'agissant des condamnations prononcées, sa réformation pour le surplus, l'annulation de l'avertissement du 23 juin 2003 et la condamnation de la Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement à lui régler les sommes suivantes:

219'838, 55 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2686, 92 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire et 268, 69 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire au titre de cette mise à pied,

36'177, 46 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement majorée des intérêts légaux avec capitalisation à compter du 12 février 2010,

10'991, 93 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis majorée des congés payés à hauteur de 1099, 19 euros,

1095 euros au titre de l'absence de mention du droit individuel à la formation dans la lettre de licenciement,

5000 euros pour perte de chance de faire valoir ses droits en vue de suivre une formation,

15'000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

10'000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du défaut de visite médicale d'embauche et de suivi médical régulier,

10'992 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d'adaptation et de formations régulières,

5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

la capitalisation des intérêts,

la fixation de la moyenne de ses salaires à la somme de 3664 euros sur les 12 derniers mois,

la remise d'un bulletin de paie, d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail conforme à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard à compter de la notification de la décision intervenir,

voir juger que la somme de 29'832, 44 euros versée par la chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement en vertu de l'exécution de droit viendra s'imputer sur le montant total des condamnations prononcées.

Par conclusions visées au greffe le 21 septembre 2015 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, La Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement sollicite de voir dire que le licenciement de Monsieur [NA] est fondé sur une faute grave, l'infirmation du jugement sur ce point, le rejet des prétentions de Monsieur [NA], sa condamnation à lui régler la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et lui voir donner acte de ce qu'elle accepte de régler une somme de 1098 euros correspondant au droit individuel à la formation non mentionné par erreur lors du licenciement de Monsieur [NA].

MOTIFS

-Sur la représentation de La Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement en première instance et en appel

La cour observe que La Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement est représentée aux débats de première instance et d'appel par un avocat détenteur d'un mandat ad litem; que la validité de la représentation de l'intimée en justice n'a donc pas lieu d'être remise en cause;

-Sur le fond

- Sur les pouvoirs du directeur général en matière de licenciement

La chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement est une association de type loi de 1901 reconnue d'utilité publique en 1928 ayant pour but l'organisation et le développement de l'apprentissage dans l'industrie de l'ameublement ;

Il est au produit aux débats par cette association le procès-verbal de l'assemblée générale du 5 juillet 1996 nommant , dans les termes de l'article 9 des statuts de l'association , Monsieur [GP] [AO] en qualité de directeur général, cette fonction incluant la direction du personnel;

Le contrat de travail de Monsieur [AO] en date du 21 octobre 1997 précise que dans le cadre de ses fonctions de direction administrative, le directeur général détient la gestion du personnel, le pouvoir d'embaucher et le pouvoir disciplinaire,

Ces éléments, qui justifient du pouvoir du directeur général en matière de licenciement, conduiront à rejeter les demandes de nullité de ce chef.

-Sur la procédure

Monsieur [NA] fait valoir qu'il n'a pas été en mesure d'apporter une contradiction utile aux arguments de la chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement lors de l'entretien préalable alors que la quasi-totalité des attestations sur lesquels l'employeur a justifié la faute grave n'était pas entre les mains de Monsieur [AO] ce jour-là comme en atteste Madame [DE], conseiller du salarié ;

Il doit cependant être observé qu'aux termes de l'article L 1332-2 du code du travail, lors de l'entretien préalable, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié, qu' il ne lui impose pas de communiquer à ce dernier les pièces susceptibles de justifier la sanction;

-Sur l'avertissement du 23 juin 2003

Monsieur [NA] fait ici valoir que nul ne peut se référer à des faits déjà sanctionnés voir prescrits, qu'en l'espèce, l'employeur ne peut lui faire grief d'altercations ou de propos d'ores et déjà sanctionnés;

Etant rappelé qu'en vertu de l'article L 1332 -5 du code du travail aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction, le moyen soulevé par Monsieur [NA] a lieu d'être accueilli, la cour se devant néanmoins d'examiner les griefs non prescrits invoqués par l'employeur à l'encontre du salarié;

Monsieur [NA] tout en opposant les dispositions susvisées sollicite l'annulation de l'avertissement en soulevant l'irrespect de la procédure y afférente et le défaut de bien fondé des griefs allégués;.

Sachant cependant que la convocation à entretien préalable ne s'imposait pas dans les termes de l'article L1332-2 du code du travail , que le courrier du 23 juin 2003 de l'employeur est particulièrement circonstancié sur les propos insultants de l'appelant à l'égard d'une collègue et sur le courriel adressé par Madame [TL] sollicitant son exclusion de la correction d'examens , que les pièces produites par le salarié sont insuffisantes pour revenir sur la réalité des faits ainsi relatés alors notamment que, dans l'attestation produite par l'appelant, Monsieur [QU] rapporte avoir entendu celui -ci tenir les propos ' langue de vipère' à l'égard de sa collègue, la demande d'annulation est ici rejetée.

-Sur le défaut de règlement intérieur

Monsieur [NA] fait ici valoir que le règlement de la chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement n'est pas conforme à la loi, que notamment il ne prévoit ni échelle des sanctions ni garantie du salarié, non plus que des dispositions relatives aux harcèlements moraux et sexuels, que cela emporte violation de ses droits alors qu'il aurait pu et dû bénéficier de droits supplémentaires le protégeant d'un licenciement humiliant et violent pour faute grave;

Il convient cependant d'observer qu'il est fait grief à Monsieur [NA] de comportements excluant la plus élémentaire pédagogie , que le règlement intérieur n'a pas d'impact dans ce domaine alors qu'un professeur ne saurait adapter ses méthodes pédagogiques et ses attitudes vis-à-vis de ses élèves compte tenu des sanctions ou garanties déclinées dans un règlement;

- sur les griefs non prescrits invoqués

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;

Par ailleurs, selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié . Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ;

En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement en date du 10 février 2010 , qui fixe les limites du litige, l'employeur reproche à Monsieur [NA] d'avoir enfreint les règles de sécurité en ne portant pas assistance à une élève faisant une crise de tétanie le 10 décembre 2009, de tenir un comportement colérique, humiliant et injurieux envers de jeunes apprentis, de sélectionner les souffre-douleurs parmi ses élèves vis-à-vis desquels il se montre virulent, de ne pas faire preuve de pédagogie, de dénigrer ses partenaires et sa direction, enfin de ne pas respecter sa mise à pied à titre conservatoire;

Afin de justifier de ces griefs, La Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement produit aux débats une attestation circonstanciée de l'élève [UD] [VR] en date du 14 janvier 2010 témoignant du défaut d'assistance de Monsieur [NA] alors qu'elle faisait une crise de tétanie en cours le 10 décembre 2009, le professeur ne venant pas vers elle, n'allant pas lui chercher de l'eau ni prévenir les conseillers d'éducation mais lui demandant 'd'arrêter son cinéma', propos confirmés par Mademoiselle [DY], Monsieur [TA], Mademoiselle [FB], Mademoiselle [KJ], Monsieur [NS], Mademoiselle [PG] , Mademoiselle [ZW], élèves apprentis, présents dans la salle de cours au moment des faits ;

L'intimée produit dans le même temps le courrier adressé par les parents de l'élève le 11 janvier 2010 faisant état de leur surprise face au défaut d'intervention de Monsieur [NA];

La Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement produit également aux débats des attestations circonstanciées de plusieurs élèves relativement au comportement particulièrement méprisant et dénigrant du professeur . Ainsi, Mademoiselle [ZL] mentionne qu'elle arrivait le lundi matin en cours d'ateliers avec la peur au ventre, dans l'attente de l'humeur du professeur et de ses réflexions désobligeantes, qu'elle réfléchissait longuement avant de lui poser une question par peur de se 'faire envoyer balader', que Monsieur [NA] a tenu des propos déplacés sur son travail en 2009 employant les termes : 'c'est quoi cette merde''. Mademoiselle [WU] rapporte s'être fait traiter 'de tête à claques' et de 'grosse idiote'. Mademoiselle [GE] énonce que Monsieur [NA] la rabaissait, répondait méchamment à ces questions, était humiliant, qu'elle se sentait rabaissée systématiquement et perdait confiance en elle en sa présence, Mademoiselle [HS] mentionne que Monsieur [NA] ignorait systématiquement certains élèves en ne répondant pas à leurs questions. Mademoiselle [LM] fait état d'humiliations et de vexations particulièrement les 16 et 17 novembre 2009 à l'occasion d'un tracé à la craie sur un tissu, l'élève rapportant avoir été l'objet de quelques réflexions à la même époque dans les termes suivants : 'vous êtes laide ! Aussi laide que votre siège !'. Mademoiselle [EH] énonce dans une attestation du 1er février 2010 que plus les semaines passent et plus elle va au cours à reculons, qu'elle a le sentiment d'être une incapable, tandis que Monsieur [NA] critique son travail dans des termes injurieux, que le professeur crie contre les élèves, les traite de 'petites merdes tapissiers'. Mademoiselle [T] relate également avoir préféré changer de formation compte tenu de la pression subie, évoquant la boule au ventre qu'elle ressentait lors de cours du professeur, l'énoncé par celui-ci d'injures 'bande de trous du cul', 'merde', 'vous êtes cons ou quoi'proférées sur un tel ton que les autres professeurs devaient fermer leurs portes ce dont témoigne Madame [RX], professeur de tapisserie, dans une attestation du 29 janvier 2010;

Le centre d'apprentissage communique également les courriers des parents de Monsieur [CB] [UO] ainsi que de l'entreprise Phelippeau tapissier auprès duquel l'élève faisait son apprentissage s'étonnant de son exclusion du cours de Monsieur [NA] ainsi que d'un dérapage verbal à caractère xénophobe dont il aurait fait l'objet , Monsieur [AN] rapportant pour sa part avoir subi des jeux de mots avec son nom de famille tels que 'issak a patate', 'issak à dos', issak à merde' le professeur restant généralement indifférent à son travail, lui disant de se débrouiller dans des termes particulièrement vifs;

Mademoiselle [IV] rapporte enfin les propos racistes tenus à son égard par le professeur : « si on fait une bataille de neige, tu seras facile à viser car tu fais tâche dans la neige';

La cour observe que les attestations ainsi communiquées justifient dans les termes circonstanciés et concordants de la tenue par Monsieur [NA] de propos dénigrants et injurieux à l'égard d'élèves, de débordements réguliers de langage devant des apprentis en formation, d'un sévère manque de patience et de pédagogie,

Ces éléments suffisent à justifier le caractère réel et sérieux du licenciement ;

Etant cependant observé par la cour que la chambre d'apprentissage n'apparaît avoir réagi que tardivement aux agissements susvisés du professeur , ne convoquant notamment Monsieur [NA] à un entretien préalable à licenciement que le 4 février 2010 à la suite de l'incident intervenu le 10 décembre 2009 , que le courrier du 6 février 2010 ne comprend pas de propos diffamatoires sur la Direction générale , que les circonstances de la venue de Monsieur [NA] dans les locaux le 26 janvier ne sont pas précisées, qu'il ne peut être évoqué des faits postérieurs au licenciement pour asseoir celui-ci et étant également observé, dans les termes soulevés par le salarié, que l'élection d'un délégué du personnel aurait pu permettre un dialogue et une prévention des tensions, le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a re-qualifié le licenciement sans retenir une faute grave à l'encontre de Monsieur [NA];

Compte tenu d'un salaire brut mensuel moyen de 3399,01 euros tel qu'il résulte des pièces produites, il est du à Monsieur [NA] les salaires qu'il aurait perçus durant la période de mise à pied à titre conservatoire du 22 janvier 2010 au soir au 12 février 2010 soit 2492,60 euros outre 249,26 euros au titre des congés payés afférents;

Le montant de l'indemnité compensatrice de préavis est ici confirmée dans les termes retenus par le conseil de Prud'hommes soit la somme de10 197,03 euros outre 1019,70 euros au titre des congés payés afférents ce sur la base des salaires et avantages qu'aurait perçu le salarié s'il avait travaillé durant cette période ;

Sur la base de l'article 10 de l'annexe cadres de la convention collective de la fabrication de l'ameublement lequel énonce que le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité est 1/12 de la rémunération des 12 derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour l'intéressé, 1/3 des 3 derniers mois d'activité, étant entendu que, dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aurait été versée au salarié pendant cette période ne serait prise en compte que pro rata temporis., l'indemnité conventionnelle de licenciement est retenue à la somme de 27 192 euros dans les termes énoncés en première instance ;

Le jugement est enfin confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [NA] de ses demandes de dommages et intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre du préjudice subi ainsi que de prime de retraite correspondant à la somme qu'il aurait perçue s'il avait continué sa carrière.

-sur le défaut de suivi médical

Le défaut de visite médicale d'embauche et de suivi médical périodique donnera lieu à l'allocation de dommages-intérêts au titre des préjudices nécessairement subis par l'intéressé à hauteur de 1000 euros;

Monsieur [NA] sollicite également de dommages-intérêts compte tenu de manquements de l'employeur à son obligation de sécurité en matière de santé. A cet égard, il fait valoir que son employeur ne l'a pas fait suivre par les services de la médecine du travail ce qui aurait sans doute détecté son surmenage;

Étant cependant observé que Monsieur [NA] faisait face à 28 heures d'enseignement hebdomadaire en tapisserie et dans un domaine technique qu'il maîtrisait , qu'il n'est pas justifié d'une surcharge de travail ni de dénonciation de conditions de travail particulièrement difficile hormis une mésentente avec la direction, que le défaut de suivi médical a d'ores et déjà été sanctionné, le défaut de justification d'un préjudice distinct aboutira à rejeter cette dernière demande de dommages-intérêts.

-Sur-le non-respect de l'obligation d'adaptation et de formation

Monsieur [NA] sollicite la condamnation de la Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement au paiement de la somme de 10'992 euros compte tenu de la défaillance de l'employeur à lui avoir proposé des formations;

L'employeur ne justifiant pas avoir en l'espèce veiller au maintien de la capacité de Monsieur [NA] à occuper son emploi et lui avoir proposé des formations, le préjudice se déduisant de la perte du bénéfice d'une telle formation pour Monsieur [NA] donnera lieu à la condamnation de l'employeur à lui régler des dommages et intérêts à hauteur de 3000 euros.

-Sur l'absence de mention du droit individuel à la formation

Le défaut de mention du droit individuel à la formation dans la lettre de licenciement sera sanctionné par l'allocation d'une somme de 250 euros à titre de dommages-intérêts, l'employeur reconnaissant par ailleurs devoir une somme de 1098 euros au titre de ces droits visée par le conseil de Prud'hommes au titre d'une condamnation en paiement,

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas d'assortir d'une astreinte l'obligation légale de l'employeur de délivrer les documents sociaux conformes ;

Dans les termes d'ores et déjà énoncés par le conseil de prud'hommes de Paris , il est rappelé que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation de ce conseil soit en l'espèce le 7 mai 2010 et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation des intérêts sera appliquées suivant les modalités prévues à l'article 1154 du code civil.

L'association, partiellement succombante, sera condamnée aux dépens et à régler à Monsieur [NA] une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour défaut d'information sur le DIF,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement à payer à Monsieur [NA] les sommes suivantes :

2492, 60 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire et 249, 26 euros au titre des congés payés afférents

1000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du défaut de visite médicale d'embauche et de suivi médical périodique,

3000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du défaut de respect de l'obligation d'adaptation et de formation,

250 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de mention du DIF dans la lettre de licenciement

Ordonne la capitalisation des intérêts,

Rejette les autres demandes de Monsieur [NA],

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement à payer à Monsieur [NA] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne La Chambre d'apprentissage des industries de l'ameublement aux dépens

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/05708
Date de la décision : 03/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°12/05708 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-03;12.05708 ?
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