La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/10/2015 | FRANCE | N°15/02834

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 29 octobre 2015, 15/02834


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 29 Octobre 2015

(n° 508 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02834



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° F14/06805







APPELANT

Monsieur [Z] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Locali

té 1]

comparant en personne, assisté de Me Lilia MHISSEN, avocat au barreau de PARIS,

toque : G0445







INTIMEE

SAS AMARANTE INTERNATIONAL Prise en la personne de son représ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 29 Octobre 2015

(n° 508 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02834

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° F14/06805

APPELANT

Monsieur [Z] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Lilia MHISSEN, avocat au barreau de PARIS,

toque : G0445

INTIMEE

SAS AMARANTE INTERNATIONAL Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 499 655 967

représentée par Me Véronica DE SOETE, avocat au barreau de PARIS, toque : R193

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie BRETON, Présidente de chambre

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Mme Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Mme Marie- Bernard BRETON, président et par M. Franck TASSET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 5 juillet 2008, la société AMARANTE INTERNATIONAL a signé une promesse d'embauche, ainsi libellée : « Monsieur [Z] [N], qui n'est pas disponible sera engagé en contrat à durée indéterminée par la société AMARANTE ALGERIE, filiale de la société AMARANTE INTERNATIONAL, au plus tard à compter du 1er octobre 2008, en qualité de manager statut cadre ».

Le 30 septembre 2008, Monsieur [Z] [N] a été engagé par la société Technical Field Service International Limited (TFSI), en qualité d'advisor (consultant), suivant un contrat à durée déterminée d'un an qui sera renouvelé, puis prendra fin le 1er juin 2011 avec la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée avec la société TAES Limited, pour des fonctions de manager. Enfin, à compter du 1er janvier 2013, il sera engagé en qualité de manager par la société AMARANTE UK, toujours selon un contrat de travail à durée déterminée.

Parallèlement, le 13 mai 2009, M. [Z] [N] a été engagé, par la société AMARANTE ALGERIE, en tant que directeur général adjoint de ladite société, dont il est devenu également gérant statutaire.

Le 28 février 2014, il a été mis fin aux relations contractuelles entre M. [Z] [N], d'une part, et les sociétés AMARANTE UK et AMARANTE ALGERIE, d'autre part.

M. [Z] [N] a saisi le Conseil de prud'hommes le 15 mai 2014 de diverses demandes dirigées contre la société AMARANTE INTERNATIONAL et liées à l'exécution et la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée qui résulterait d'une situation de co-emploi et de la requalification des contrats de travail à durée déterminée conclus avec les sociétés de droit britannique.

Par jugement avant dire droit en date du 11 février 2015, le Conseil de prud'hommes de Paris a considéré que les juridictions françaises étaient compétentes, que la loi française ne gouvernait pas la relation de travail et que les demandes de M. [Z] [N] ne pouvaient être examinées au fond qu'au « regard de la loi algérienne et éventuellement au regard des lois britanniques ».

Le 11 mars 2015, M. [Z] [N] a interjeté appel ; la société AMARANTE INTERNATIONAL a formé appel incident.

Vu les conclusions déposées le 24 septembre 2015, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions et moyens, reprises oralement à l'audience, sans ajouts ni retraits, par M. [Z] [N], qui demande à la Cour de :

- rejeter les exceptions de connexité et de litispendance internationales,

- se déclarer compétent pour statuer sur le présent litige,

- réformer le jugement entrepris mais seulement en ce qu'il a déclaré que le droit français n'était pas applicable au litige et que « les demandes de M. [Z] [N] ne pourront être examinées au fond qu'au regard de la loi algérienne et éventuellement au regard des lois britanniques » ;

- dire et juger que les lois britanniques ne sauraient s'appliquer à la relation de travail puisqu'elles n'offrent pas de protection équivalente aux lois dites impératives du droit français,

- dire et juger que le droit algérien ne saurait s'appliquer au litige né de la relation de travail entre M. [Z] [N] et la SAS AMARANTE INTERNATIONAL sur le poste de manager puisqu'il n'offre pas de protection équivalente aux lois dites impératives du droit français ;

- dire et juger que le droit français est intégralement et exclusivement applicable à toutes les demandes découlant de la relation de travail ;

- dire et juger que l'application du droit français emporte, par voie de conséquence, celle des dispositions conventionnelles dont bénéficient, en France, les employés de la maison mère, à savoir la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil (dite « Syntec »),

- condamner la SAS AMARANTE INTERNATIONAL au versement de 3 500,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

Vu les conclusions déposées le 24septembre 2015, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions et moyens, reprises oralement à l'audience, sans ajouts ni retraits, par la société AMARANTE INTERNATIONAL, qui demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer dans le cadre du présent litige et a rejeté l'exception d'incompétence territoriale, ainsi que l'exception de litispendance,

- de se déclarer incompétent, en faisant droit à l'exception de litispendance et, à tout le moins, à l'exception de connexité,

- en cas de confirmation du jugement sur la compétence, de juger que les lois algérienne et anglaise sont applicables au présent litige et inviter les parties à conclure au regard de ces lois,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la loi algérienne et la loi anglaise comme applicables au présent litige et inviter les parties à conclure au regard de ces lois,

- en tout état de cause, de condamner M. [Z] [N] à lui payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

SUR QUOI, LA COUR

Sur la compétence des juridictions françaises

Attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 2, § 1, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, que les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre peuvent être attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre ;

Attendu que la présente instance a été engagée par M. [Z] [N] à l'encontre de la société AMARANTE INTERNATIONAL, laquelle a son siège social en France ; que les juridictions françaises sont dès lors compétentes ;

Attendu , en second lieu, que la société AMARANTE INTERNATIONAL n'établissant nullement, par les pièces qu'elle produit, l'existence d'une instance en cours en Algérie concernant sa relation contractuelle avec M. [Z] [N], les exceptions de litispendance et de connexité prévues par les articles 27 et 28 du règlement susmentionné, lesquels supposent l'existence d'une instance pendante devant des juridictions d'États membres différents, ne peuvent être que rejetées ;

Sur la loi applicable

Attendu qu'il résulte de l'article 3 de la convention de Rome du 18 juin 1980, laquelle est applicable au litige dès lors que le premier contrat de travail dont il est demandé la requalification en contrat à durée indéterminée, englobant ainsi les autres contrats, est daté du 30 septembre 2008, que le contrat est régi par la loi choisie par les parties ; que celles-ci peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat ; qu'elles peuvent convenir, à tout moment, de faire régir le contrat par une loi autre que celle qui le régissait auparavant soit en vertu d'un choix antérieur selon le présent article, soit en vertu d'autres dispositions de la convention ;

Attendu que, selon l'article 6 de la même convention, le choix de la loi applicable par les parties à un contrat de travail ne peut avoir pour effet de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions de la loi qui lui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article ; que selon ce paragraphe, le contrat est régi, à défaut de choix des parties : a) par la loi du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail, ou b) si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable ;

Attendu que M. [Z] [N] sollicite la requalification des contrats à durée déterminée qu'il a conclus avec des sociétés de droit britannique, en invoquant à l'égard de la société AMARANTE INTERNATIONAL une situation de co-emploi, en un contrat à durée indéterminée ; qu'il précise que « c'est uniquement sur ce[s] contrat[s] britannique[s] - tout à fait séparé[s] du contrat algérien - que porte le présent litige » ;

Attendu qu'il ressort de l'analyse des contrats conclus entre M. [Z] [N] et les sociétés britanniques que les parties ont choisi de soumettre leur relation contractuelle au droit anglais ;

Attendu cependant qu'en application de l'article 6 de la convention du 18 juin 1980 susmentionné, ce choix ne peut avoir pour effet de priver le salarié de la protection des dispositions de la loi qui lui serait normalement applicable en l'absence de clause ; qu'il convient par conséquent de déterminer ladite loi ; qu'il résulte des pièces du dossier que le travail de M. [Z] [N] s'exerçait habituellement en Algérie, où l'intéressé avait transféré son domicile, y compris fiscal ; qu'ainsi, en application du a) du paragraphe 2 de l'article 6 de la convention susmentionnée, la loi qui serait applicable au litige à défaut de stipulation contractuelle serait la loi algérienne ;

Attendu, enfin, que M. [Z] [N] fait valoir que les lois pénales sont des lois de police ; qu'il en déduit la loi du for doit s'appliquer au présent litige ; que, toutefois, outre que la présente juridiction n'est saisie d'aucun contentieux de nature pénale, l'existence de lois de police ne saurait impliquer de manière générale l'application de la loi française, mais uniquement de certaines de ses dispositions, dont l'observation est nécessaire pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale et économique du pays au point de régir impérativement la situation, quelle que soit la loi applicable, et qui constituent ainsi des lois de police ;

Attendu que les parties n'ayant pas déterminé leurs prétentions, dans le cadre du présent litige, au regard du droit anglais, ainsi que des dispositions algériennes qui assureraient une meilleure protection au salarié, c'est à bon droit que le Conseil de prud'hommes les a invitées à conclure sur l'application des lois britannique et algérienne, la première ne s'appliquant qu'à défaut de meilleure protection par la loi algérienne ; qu'il convient d'inviter en outre les parties à conclure, dans le respect du principe de la contradiction prévu par l'article 16 du code de procédure civile, sur les dispositions françaises qui constitueraient des lois de police et seraient dès lors applicables au présent litige ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire et mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a jugé que la loi française ne gouvernait pas la relation de travail et que les demandes de M. [Z] [N] ne pourront être examinées qu'au regard de la loi algérienne et éventuellement au regard des lois britanniques ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que les demandes de M. [Z] [N] seront examinées au regard de la loi anglaise, sauf si des dispositions de la loi algérienne lui auraient permis de bénéficier d'une meilleure protection, et sous réserve des lois de police françaises susceptibles de s'appliquer ;

INVITE les parties à conclure sur les dispositions applicables au regard de chaque demande ;

RESERVE les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/02834
Date de la décision : 29/10/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/02834 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-29;15.02834 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award