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29/10/2015 | FRANCE | N°13/01911

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 29 octobre 2015, 13/01911


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 29 Octobre 2015

(n° 498 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/01911



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° 10/09941





APPELANTE

Madame [S] [Q] épouse [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Loca

lité 1]92

comparante en personne, assistée de Me Jean-paul RICHON, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC341





INTIMEE

SAS [K] - [R] - [P] - [Y].[M]

[Adresse 2]
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 29 Octobre 2015

(n° 498 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/01911

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° 10/09941

APPELANTE

Madame [S] [Q] épouse [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]92

comparante en personne, assistée de Me Jean-paul RICHON, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC341

INTIMEE

SAS [K] - [R] - [P] - [Y].[M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Sandrine GENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : J100

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le , en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Murielle VOLTE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère pour le Président empêché et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [S] [Q] épouse [I], qui avait été engagée par la SAS [K]-[R] en qualité de responsable du département 'tableaux modernes' suivant contrat du 28 juin 2002, avec reprise d'ancienneté au 1er septembre 1985 correspondant à son embauche par l'étude de commissaire-priseur [W] [R], a saisi la juridiction prud'homale le 27 juillet 2010 d'une demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein et de paiement d'un rappel de salaire et de diverses sommes au titre du non-respect du principe 'à travail égal, salaire égal' et pour discrimination salariale.

Ayant été licenciée le 12 septembre 2011 pour faute grave en raison de son absence injustifiée, elle a alors également contesté la validité de son licenciement.

Par jugement du 2 octobre 2012 notifié le 19 février 2013, le conseil de prud'hommes de Paris l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens.

Mme [Q]-[I] a interjeté appel de cette décision le 22 février 2013.

A l'audience du 23 juin 2015, elle demande à la Cour d'infirmer le jugement et de prononcer la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de constater une discrimination salariale et de prononcer la nullité de son licenciement en application des articles L.1144-3 et L.1132-1 du code du travail et en tout cas de le dire sans cause réelle et sérieuse et de condamner en conséquence la société [K] à lui payer les sommes de :

- 151 830 € à titre de rappel de salaire, congés payés et prime d'ancienneté pour la période du 1er août 2005 au 12 septembre 2011,

- 316 233 € à titre de dommages-intérêts pour ne pas avoir été affiliée au régime de retraite complémentaire des cadres AGIRC,

- 100 000 € de dommages-intérêts pour discrimination salariale,

- 9 084 € au titre du salaire de la mise à pied conservatoire

- 27 955 € au titre du préavis

- 3708 € au titre des congés payés sur mise à pied et préavis

- 98 246 € au titre de l'indemnité de licenciement conventionnelle

- 450 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 24 122 € au titre de l'intéressement,

- et 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

en ordonnant à la société la remise des documents sociaux conformes sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter d'un délai de 15 jours suivant le prononcé de l'arrêt.

Elle fait valoir en premier lieu que son contrat du 28 juin 2002 fait état d'un temps partiel de 135 heures depuis le 1er avril 2001, que ses bulletins de paie sont passés à un horaire de 120 heures au 1er janvier 2003 sans qu'un avenant ne soit signé, mais qu'aucune répartition de la durée du travail n'ayant été précisée conformément à l'article L.3123-14 du code du travail, le contrat est présumé à temps complet et que la nature même de ses fonctions et de son niveau de responsabilité excluant toute possibilité de matérialiser une durée exacte hebdomadaire, elle est en droit de prétendre à un rappel de salaire pour la période non prescrite depuis le 1er août 2005.

Elle revendique par ailleurs la qualification de cadre et le coefficient 365 correspondant à l'emploi de directeur de département dans la grille de classification de la convention collective des commissaires-priseurs et sociétés de ventes volontaires, ce qui impliquait son affiliation à la Caisse de retraite complémentaire des cadres par application des arrêtés 'Parodi', ce que l'employeur a d'ailleurs reconnu en l'affiliant à l'Agirc à compter du 1er juillet 2010, ce qui ne règle pas la question du passé, sa non-affiliation depuis l'origine de la collaboration lui causant un préjudice né et actuel résultant de la perte de droits à la retraite dont elle demande réparation. Elle fait état également de ce que son collègue en charge du département 'design' percevait en 2009 une rémunération, en fixe et en intéressement, supérieure à la sienne, alors que la part du chiffre d'affaires résultant des ventes de son département était très sensiblement inférieure à celle du département 'arts modernes', si bien que rien ne permet de justifier cette discrimination salariale fondée sur le sexe, et en tout cas cette atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal'. Elle soutient enfin que son licenciement trouve son réel fondement dans ses revendications, puisqu'il a été prétexté son absence injustifiée sans chercher à prendre contact avec elle alors qu'elle se trouvait en congé comme tous ses collaborateurs en attestent, et qu'il lui est reproché une attitude désinvolte témoignant d'un total désintérêt pour son département quand elle a oeuvré pendant un arrêt pour maladie pour que soit confiée à [K] la vente d'un tableau de [B] [L] qui a rapporté fin 2011 plus de 7 M€. Elle considère donc que le licenciement est nul sur le fondement de l'article L.1144-3 du code du travail puisque dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle fait valoir l'importance de son préjudice tant moral que financier, sa spécialisation s'exerçant dans le milieu très étroit de l'art, pour réclamer une indemnité équivalente à 34 mois de salaire, et réclame en outre un complément de salaire au titre de son intéressement pour l'année 2011.

La société [K] demande pour sa part la confirmation du jugement et la condamnation de Mme [Q]-[I] à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose qu'ayant été créée pour organiser et réaliser des ventes volontaires de meubles par suite du rachat d'études de commissaires-priseurs, dont en 2002 l'étude [R], elle a engagé Mme [Q]-[I] en reprenant son ancienneté au sein de celle-ci et son temps partiel ; que l'intéressée, qui participait, en sa qualité de directrice associée et actionnaire, à tous les organes de direction de l'entreprise, n'a jamais contesté les conditions d'exécution de son contrat de travail jusqu'en avril 2010 où, alors qu'elle avait cédé la totalité de ses actions, elle s'est plainte brutalement d'un traitement discriminatoire et d'une dégradation de ses conditions de travail, et s'est trouvée en arrêt de travail de façon continue du 28 février au 6 juin 2011, et de nouveau du 27 juin au 20 juillet, date à laquelle elle n'a pas repris ses fonctions. Elle considère en premier lieu qu'elle justifie que la salariée bénéficiait bien d'un 4/5ème de temps en ayant le mercredi de libre pour pouvoir s'occuper de son enfant et qu'elle avait d'ailleurs, comme elle le revendique, la plus grande autonomie pour organiser son temps de travail si bien qu'elle ne peut prétendre s'être tenue à la disposition de son employeur ni même être soumise à un temps de travail en qualité de cadre dirigeant, soulignant qu'elle percevait un salaire de plus du double du salaire conventionnel. Elle

fait valoir en deuxième lieu que la salariée est entrée au sein de l'Etude [R] en qualité de secrétaire, et qu'elle-même l'a engagée en qualité de responsable de département-1er clerc, correspondant au coefficient 290 de la convention collective des études et organismes professionnels des commissaires-priseurs en vigueur à l'époque, qui ne relevait pas du régime de cadre, auquel elle ne voulait expressément pas être affiliée car cela impliquait des cotisations supplémentaires et donc une perte de rémunération. Elle considère en tout état de cause qu'elle ne pouvait revendiquer ce statut qu'à compter du 1er janvier 2009, date de la nouvelle convention collective, et subsidiairement de son embauche en juin 2002, et que l'indemnisation de son préjudice doit être diminuée de l'année de congé sabbatique qu'elle a prise en 2004 et des cotisations supplémentaires qu'elle aurait supportées. Elle soutient en troisième lieu que la rémunération globale du directeur du département Design auquel Mme [Q]-[I] se compare fait apparaître, contrairement à ses affirmations, qu'elle a perçu sur la période 2005 à 2010 173 661 € de plus que lui, soit un salaire moyen supérieur de 22%. Elle ajoute que si le salaire fixe de celui-ci a été porté à 8000 € en 2009, en accord avec cette dernière qui faisait partie du comité de direction, c'est parce qu'il a vu son périmètre d'intervention et de responsabilité étendu, alors même qu'il avait créé son département, à l'inverse de celui de peinture moderne qui était l'oeuvre de Me [R]. Elle estime donc que la situation des deux salariés n'est pas comparable.

Enfin, elle allègue que Mme [Q]-[I], en ne reprenant pas son poste alors qu'elle devait participer à l'événement majeur qu'était la vente de [Localité 2], a commis une faute grave justifiant la rupture immédiate de son contrat de travail.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

Une médiation a été ordonnée à l'audience du 23 juin 2015 avec l'accord des parties qui n'a pu aboutir. Le délibéré a donc été prorogé au 29 octobre 2015.

MOTIFS

I. Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel

Attendu que l'absence de mention dans le contrat de travail à temps partiel de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, exigée par l'article L.3123-14 du code du travail, fait présumer que l'emploi est à temps complet, et que l'employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition ;

Qu'en l'espèce, le seul contrat de travail en date du 28 juin 2002 se contente de mentionner : 'A compter du 1er avril 2001, Mme [Q]-[I] a bénéficié d'un contrat à temps partiel à raison de 135 heures mensuelles' et "En contrepartie de ses services et pour un horaire mensuel de 135 heures de travail effectif, la salariée percevra une rémunération brute annuelle de 64.030 €..', sans préciser la répartition de la durée du travail ; que le contrat est donc présumé à temps complet ; que pour autant, l'employeur justifie que les parties avaient convenu d'un temps partiel de 4/5 par l'attribution de la journée du mercredi, que Mme [Q]-[I] récupérait lorsqu'elle ne pouvait pas la prendre, ainsi qu'il résulte par exemple de ses courriels des 17 avril 2008 ou 27 octobre 2008 ; qu'elle ne se trouvait donc pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler, d'autant qu'il résulte de ses courriels (par ex. du 19 mai, 11 juin, 18 novembre 2009 ou 21 mai 2010) qu'elle organisait son temps comme elle l'entendait ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, en se contentant de prévenir de ses absences et de leur motif; que le jugement sera donc confirmé qui l'a déboutée de cette demande de requalification et de rappel de salaire subséquent ;

II. Sur le non affiliation au régime de retraite complémentaire des cadres

Attendu que la convention collective nationale des commissaires-priseurs ne définissait pas la catégorie de cadre et que Mme [Q]-[I] fonde sa demande sur les dispositions de la convention collective nationale Agirc du 14 mars 1947 qui prévoit dans son article 4bis que sont assimilés aux cadres les salariés ayant un coefficient hiérarchique au moins égal à 300 selon la classification des arrêtés Parodi- Croizat ; que Mme [Q]-[I] revendique la qualification de cadre à compter du 1er septembre 1990, date à laquelle elle serait passée 'clerc assistante' auprès de M. [R] ; que pour autant, la convention collective nationale des études et organismes professionnels des commissaires-priseurs, dans sa version applicable à l'époque et jusqu'au 31 décembre 2008, ne connaissait pas cette qualification de 'clerc assistante', qui ne figure au demeurant pas sur le seul bulletin de paie de 2002 produit par l'appelante émis par '[W] [R] Maison de ventes', sur lequel il est mentionné 'clerc tableaux modernes, coefficient 290, qualification employé', ce qui correspond à un emploi de clerc 1ère catégorie dit premier clerc dans la convention collective, qualification reprise dans son contrat de travail signé le 28 juin 2002 avec [K] ; que l'emploi de 'principal clerc' qui avait le coefficient 365 qui lui aurait seul permis de revendiquer la qualification de cadre correspondait à la définition suivante : 'clerc doté d'une instruction juridique et technique lui permettant d'assurer la direction d'une étude. Il est susceptible de remplacer le commissaire-priseur dans la conduite de toutes les affaires. Il exerce une autorité sur le personnel de l'étude et a le pouvoir d'embauche et de licenciement sous la responsabilité de l'employeur. Il doit justifier d'une activité d'au moins trois ans en qualité de clerc 1ère catégorie' ; que l'appelante ne justifie ni même ne prétend avoir répondu à ces critères, si bien qu'elle ne saurait revendiquer la qualité de clerc pour la période antérieure à son embauche par la société [K] ni avant le 1er janvier 2009, date de l'entrée en vigueur de la nouvelle convention collective nationale des sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et des offices de commissaires-priseurs du 17 décembre 2008 ; que celle-ci définit le directeur de département, au coefficient 365, comme 's'appliquant aux départements d'expertise (tableaux anciens, modernes, mobilier et objets d'art...).Responsabilités de management et d'équipe. Expertise reconnue, compétences managériales.' ; que l'employeur a reconnu que la salariée répondait à cette définition puisqu'il l'a fait passer au coefficient 365 en février 2010 et a mentionné la qualification de cadre sur les bulletins de paie à compter du mois de juillet 2010 en versant les cotisations à compter de cette date au régime des cadres ; que rien ne justifie, et notamment pas la position que la salariée a pu avoir sur la question précédemment, qu'il ne l'ait pas fait rétroactivement à compter du 1er janvier 2009, les fonctions de la salariée n'ayant pas changé entre-temps puisqu'elle était depuis son engagement par [K] responsable du département 'Tableaux modernes' et comme telle en charge par délégation des responsabilités de l'employeur ; que la perte de droits aux prestations correspondant aux cotisations non versées par la non affiliation au régime des cadres pour la seule période du 1er janvier 2009 au 30 juin 2010 cause, avant même la liquidation de sa retraite, un préjudice à Mme [Q]-[I] qui a été justement calculé par [K] selon la table de survie, pour un départ à la retraite à 67 ans comme le prévoit l'intéressée dans ses derniers calculs, compte tenu de son âge, et sur la base du salaire qui lui a été versé sur lequel elle aurait cotisé, à un montant de 12 308 €, duquel il convient de déduire pour évaluer le préjudice subi les cotisations qui auraient été payées par la salariée, soit 3925 €; que c'est donc la somme de 8 383 € qui lui sera allouée à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, portant intérêts au taux légal à compter de ce jour en application de l'article 1153-1 du code civil ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

III. Sur le non-respect du principe 'à travail égal, salaire égal'

Attendu qu'il résulte par ailleurs du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9, L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ; que sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du même code les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ;

qu'en application de l'article 1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites au dossier que M. [F], responsable du département 'design' auquel se compare Mme [Q]-[I], a eu jusqu'au mois de juin 2009 un salaire brut fixe mensuel inférieur de 2000 € à celui de sa collègue, et une rémunération globale sensiblement inférieure à la sienne pour les années 2007 et 2008 ; qu'à compter de juin 2009, M. [F] a vu son salaire fixe passer à 8000 € alors que celui de Mme [Q]-[I] était de 7000 €, et que son intéressement s'est élevé 63 487€ sur l'année alors que celui de cette dernière s'élevait à 58 687 € ; que cependant, pour s'estimer ainsi victime d'une discrimination salariale, Mme [Q]-[I] oublie en premier lieu que sa rémunération est calculée sur un temps partiel de 80%, ce qui, ramené à 100%, établit sa rémunération globale à 270 297 €, au-delà donc des 238 598 € versés à son collègue ; qu'en second lieu, l'employeur justifie par le compte rendu du comité de direction du 6 juillet 2009 dont faisait partie Mme [Q]-[I] qu'il a été décidé à cette date que les champs d'action de M. [F] seraient élargis aux ventes Hermès, Histoires d'Hommes, ventes thématiques, vintage et memorabilia européen, ce qui a justifié l'augmentation de son salaire fixe ; qu'enfin, l'employeur fait état à juste titre que l'intéressement n'avait pas à être identique dans les différents secteurs de ventes, l'investissement des deux directeurs n'étant pas le même puisque le département 'tableaux modernes' avait été créé par Me [R] et que Mme [Q]-[I] n'avait donc pour mission que de le développer alors que M. [F] s'était vu confier un département 'design' qu'il a créé ex nihilo, ce qui justifiait que son intéressement soit calculé dès le premier euro de chiffre d'affaires réalisé ; qu'il résulte de tous ces éléments que la demande indemnitaire au titre d'une prétendue discrimination salariale n'est pas fondée et que le jugement sera confirmé qui l'a rejetée ;

IV. Sur le bien-fondé du licenciement

Attendu que les termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il convient de rappeler que Mme [Q]-[I] a été licenciée pour faute grave par lettre de la société [K] du 12 septembre 2011 aux motifs suivants :

'(...) Nous sommes au regret de constater que vous avez fait preuve à plusieurs reprises d'un comportement inadmissible et totalement incompatible avec vos fonctions et responsabilités.

Ainsi, la Maison de vente [K] organisait comme chaque année une saison de vente à [Localité 2] pour la période du 23 au 28 juillet 2011. Le département 'art moderne' dont vous êtes la directrice y participait et vous savez que cette saison de vente est un événement majeur pour l'entreprise. A l'issue d'un arrêt maladie ayant débuté le 27 juin 2011, vous deviez reprendre votre poste le 21 juillet 2011. Or à cette date, vous ne vous êtes pas présentée à l'entreprise et n'avez adressé aucun justificatif d'absence. Nous vous avons donc demandé, par lettre RAR en date du 28 juillet 2011, de justifier de votre absence ce que vous n'avez pas fait. Le 5 août 2011, sans réponse de votre part, nous avons été contraints de vous convoquer à un entretien préalable. Jusqu'à cet entretien du 25 août 2011 nous sommes restés sans aucune nouvelle, sauf à constater que dans l'intervalle, vous aviez fait disparaître un grand nombre d'éléments de votre messagerie professionnelle ce qui nous a conduit à suspendre votre accès. Lors de l'entretien préalable, vous n'avez pas contesté la réalité de votre absence. Vous avez expliqué qu'elle était cependant légitime comme correspondant à une période de congés payés du 21 juillet au 21 août 2011. Nous avons souligné que nous n'avions connaissance d'aucun congé payé validé sur ces dates alors qu'il existe un formalisme applicable dans l'entreprise. Vous avez prétendu que vos fonctions de directrice associée vous exonéraient des règles applicables aux autres salariés concernant la validation de vos absences, l'organisation de celles-ci ne relevant selon vous, que de votre seule appréciation, ce que rien ne justifie. Vous avez cependant tenté de tempérer votre affirmation en indiquant que vous auriez fait remettre à Mme [O] du service du personnel par votre collaborateur un 'document formalisé portant vos dates d'absences'. Or, Mme [O] a précisé qu'elle n'avait pas réceptionné de votre collaborateur de feuille de congés vous concernant pour la période à compter du 21 juillet 2011 et qu'elle n'avait, au demeurant pas plus que la direction, reçu aucun document ou courriel concernant des congés payés à partir de cette date. Je vous ai fait remarquer lors de notre entretien qu'au surplus, vous ne pouviez prétendre à de tels congés ne bénéficiant pas de suffisamment de droits acquis. Vous avez affirmé que vous l'ignoriez. Bien au contraire, vous le saviez pertinemment pour avoir interrogé vous-même directement le service du personnel en juin dernier, lequel vous avait répondu qu'il ne vous restait qu'une demi-journée à prendre, information figurant au demeurant sur votre bulletin de paie de mai 2011. Telles sont les raisons pour lesquelles votre absence à compter du 21 juillet 2011 est injustifiée et ne peut être considérée comme une période de congés payés.

Au regard de l'exemplarité attendue à votre niveau de responsabilité, un tel manque de respect des règles applicables au sein de l'entreprise n'est déjà pas en soi acceptable, mais de surcroît, la date à laquelle vous avez choisi de ne pas reprendre votre poste et de vous absenter sans explication accentue la gravité de votre comportement et témoigne de votre défiance à l'égard de l'entreprise et d'un manque total de prise en considération des intérêts de celle-ci. En effet, vous n'avez pas repris votre poste et assuré vos fonctions, alors même que s'organisait puis se déroulait du 23 au 28 juillet 2011 la saison de vente de [Localité 2]. Vous savez que celle-ci constitue un événement majeur pour l'activité de notre maison de vente puisqu'y participent de nombreux clients d'[K], lesquels animent habituellement nos ventes tout au long de l'année, sont également présents de nombreux prescripteurs. S'y déroule également comme vous le savez une importante réception le 23 juillet 2011, particulièrement cruciale pour les relations commerciales de l'entreprise et de votre département. Vos fonctions de directrice de département impliquent que vous participiez à un tel événement. Il vous appartient en effet de diriger votre équipe, d'administrer et organiser cette vente, de mobiliser nos clients importants et d'être présente auprès d'eux et ce, tant dans le but d'assurer le succès de cette vente mais également d'assurer la représentation du département 'art moderne' pour en permettre le développement auprès de cette clientèle.(...) Or, délaissant toute responsabilité à ce titre, vous avez choisi de vous absenter précisément à ce moment, laissant ainsi la gestion de cet événement important à d'autres, ce manque d'implication et cette désinvolture témoignant d'un total désintérêt pour votre département et vos équipes et plus généralement pour l'entreprise, ce qui s'est d'ailleurs ressenti sur les résultats de cette vente qui ont été très en deçà des objectifs. (...) Il apparaît de vos explications que vous ne réalisez manifestement pas qu'un tel comportement est radicalement incompatible avec les exigences découlant de vos fonctions et responsabilités et de l'implication qui y est attendue.

D'autres faits graves nous conduisent à la même conclusion. En effet, vous entretenez depuis plusieurs mois une attitude suspicieuse à l'égard de la direction de l'entreprise, refusant un dialogue nécessaire, adoptant une attitude d'évitement, choisissant de ne communiquer avec la direction que selon des échanges contrôlés et manifestement dictés par d'autres intérêts que ceux liés au bon fonctionnement de l'activité. A diverses reprises vous avez cherché à générer un conflit en faisant preuve d'un ton agressif totalement inapproprié à l'égard de votre hiérarchie. Vous avez sciemment émis des critiques injustifiées et orientées dans le seul but de vous présenter comme victime d'une mise à l'écart qui n'a jamais existé. (...)

De plus vous avez récemment 'nettoyé' votre messagerie professionnelle, faisant disparaître certains éléments de votre boîte. Nous nous interrogeons sur cette démarche visant à faire disparaître des éléments de communication professionnels appartenant à l'entreprise (...)' ;

Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle justifie la rupture immédiate du contrat de travail ; que la preuve de la faute grave incombe à l'employeur qui l'invoque ;

Attendu qu'il ressort des pièces produites au dossier qu'à l'issue d'un nouvel arrêt de travail pour la période du 27 juin au 20 juillet 2011, Mme [Q]-[I] n'a pas repris son travail et n'a adressé à son employeur aucun justificatif de son absence, malgré la lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juillet que lui

a envoyée celui-ci ; que la salariée soutient qu'elle était en congés payés et trois de ses collaborateurs viennent attester qu'ils avaient connaissance dès le mois de juin de ses dates de congés du 21 juillet au 22 août 2011 et qu'une 'stagiaire' aurait descendu sa demande au bureau du personnel ; que cependant, il résulte d'une part de l'attestation de Mme [O], responsable du personnel, à laquelle Mme [Q]-[I] adressait habituellement ses demandes de congés, qu'elle n'a réceptionné de sa part aucune demande de congés à partir du 21 juillet et qu'en revanche, en réponse à sa demande, elle lui a confirmé le 30 juin qu'il ne lui restait qu'une demi-journée de congé à prendre, d'autre part de son bulletin de paie du mois de mai 2011 qu'elle avait déjà pris 29,50 jours sur les 30 jours acquis, ses précédents congés remontant à février 2011 où elle avait pris six jours, si bien qu'il ne lui restait plus qu'une demi-journée à prendre ; que la salariée ne peut donc prétendre ni l'avoir ignoré, ni avoir été absente régulièrement pendant la période litigieuse; que la Cour relève par ailleurs que ces 'congés', pris opportunément à l'issue d'un arrêt pour maladie, tombaient pendant la période de la vente annuelle de [Localité 2] dont la salariée ne pouvait ignorer l'existence et l'importance, si bien que si elle avait régulièrement tenu informé son employeur de sa demande de congé, celui-ci aurait eu là un motif supplémentaire pour s'opposer à son absence ; que le comportement de la salariée constitue donc une absence injustifiée volontaire, à une période mettant en difficulté l'employeur, ce qui, compte tenu de l'importance de ses fonctions de directrice associée et de son ancienneté dans l'entreprise qui en l'espèce doit être retenue comme une circonstance aggravante, caractérise à lui seul une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail sans indemnité ; qu'aucune circonstance vexatoire et préjudiciable distincte du licenciement lui-même n'est par ailleurs établie, la petite annonce publiée dans le Journal des Arts du 21 octobre 2011 annonçant son licenciement ne présentant pas ce caractère, pas plus que le maintien de son répondeur téléphonique pendant quelques temps, Mme [Q]-[I] n'ayant aucun droit sur une 'clientèle' qui ne lui appartient pas ; que le jugement sera donc confirmé qui a rejeté l'ensemble des demandes afférentes au licenciement ;

V. Sur la demande au titre de l'intéressement de l'année 2011

Attendu qu'aux termes de l'article 2 du contrat de travail, il était prévu un intéressement 'si le salarié remplit les objectifs fixés dans le cadre de sa mission, intéressement calculé sur la rentabilité nette des ventes du département concerné, cet intéressement ne pouvant être inférieur à la somme de 12.200 € (...)' ; que les objectifs sont par ailleurs ainsi définis à l'article 1 : 'Dans le cadre de sa mission, Mme [Q]-[I] devra, sous l'autorité du Président :

- Participer à la définition de la politique commerciale et de développement, avec un objectif minimum annuel de 6 millions d'euros de ventes pour le département concerné.

- Réaliser les plans d'action commerciale du département concerné,

- Administrer et développer les ventes du département concerné.' ;

que l'employeur ne peut s'exonérer de cette clause au motif que la salariée se trouvait en arrêt pour maladie une partie du semestre, alors qu'il reconnaît que les résultats du département se sont élevés au 1er semestre 2011 à 9.083.760 € pour une marge commerciale de 12,20%, et qu'il ne conteste pas qu'elle a contribué à la signature d'un contrat pour la mise en vente d'une oeuvre exceptionnelle de [B] [L] dont la vente est intervenue en décembre, et qu'elle a donc oeuvré à la réalisation des plans d'action commerciale de son département ; que l'absence injustifiée de la salariée à la vente de [Localité 2] n'ayant pu avoir d'influence sur les résultats du premier semestre puisqu'elle se déroulait au second, elle ne peut non plus avoir pour conséquence de la priver des fruits de son travail qui se situe pour partie en amont ; que pour autant, la salariée ayant été absente du 28 février au 6 juin 2011 puis de nouveau à compter du 27 juin, n'a pas participé à l'organisation et à la réalisation des ventes pendant cette période, si bien que, si l'employeur n'est pas fondé à appliquer un prorata temporis sur l'intéressement non prévu par les dispositions contractuelles, il peut en revanche justement soutenir que la salariée n'a pas réalisé la totalité de ses objectifs ; qu'il sera donc alloué à l'intéressée le minimum contractuel égal à 12 200 €, portant intérêts au taux légal à compter du 24 août 2010, date de la réception de la convocation de la société devant le bureau de conciliation valant sommation de payer;

Et attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelante la totalité de ses frais de procédure ; qu'une somme de 1500 € lui sera allouée à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnité pour non-affiliation au régime des cadres et de rappel d'intéressement ;

Statuant de nouveau sur ces demandes,

Condamne la SAS [K]-[R]-[P]-[M] à payer à Mme [S] [Q]-[I] les sommes de :

- 8383 € de dommages-intérêts pour défaut d'affiliation au régime de retraite cadre, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- 12 200 € de rappel d'intéressement, avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2010,

- et 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/01911
Date de la décision : 29/10/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°13/01911 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-29;13.01911 ?
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