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27/10/2015 | FRANCE | N°15/02399

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 27 octobre 2015, 15/02399


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 27 Octobre 2015

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02399 (15/2704)



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/04198







APPELANT



Monsieur [E] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 19

61 à [Localité 2] - ALGERIE

représenté par Me Agnès LASKAR, avocat au barreau de PARIS, toque : C0710





INTIME





SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK

[Adresse 1]

[Adresse 1]

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 27 Octobre 2015

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02399 (15/2704)

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/04198

APPELANT

Monsieur [E] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 2] - ALGERIE

représenté par Me Agnès LASKAR, avocat au barreau de PARIS, toque : C0710

INTIME

SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Claude BENDEL, avocat au barreau de PARIS, toque : T12

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président de chambre

Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère

Mme Roselyne GAUTHIER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour est saisie de l'appel interjeté à la fois par Monsieur [E] [K] sous le n° de RG 15/02399 et par la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK sous le n° de RG 15/ 02704 du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS, section Encadrement - chambre 2, rendu le 13 Janvier 2015 qui a révoqué le sursis à statuer, a requalifié le licenciement de Monsieur [E] [K] en licenciement sans cause réelle et sérieuse, a fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 9185 € et a condamné la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK à lui payer avec capitalisation des intérêts légaux et exécution provisoire dans les termes de l'article 515 du Code de Procédure civile les sommes suivantes :

6123.74 € au titre de la mise à pied plus congés payés afférents

55113.72 € au titre de l'indemnité de licenciement

27556.89 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus congés payés afférents

16330 € à titre d'indemnité de congés payés

les intérêts légaux de ces sommes à compter du 13mars 1997

et avec intérêts légaux à compter du prononcé du jugement les sommes de :

244340 € au titre de la perte des stocks options

900000 € à titre de préjudice moral

60000 € au titre de la perte de la rémunération variable ( 1996)

2500 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

Monsieur [E] [K] né le [Date naissance 1] 1961 a été engagé une première fois par la Banque de Financement de Trésorerie ( BFT) aux droits de laquelle vient la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK à compter du 1er Mars 1988 jusqu'au 1er Mars 1990 puis à compter du 29 octobre 1990 en qualité de gestionnaire de la position obligataire et des transformations de la banque, position cadre, niveau VII ; la relation contractuelle s'est déroulée de façon fluide et le 9 octobre 1996, le salarié a reçu une « gratification exceptionnelle » de 20704 FRF ( 3156.30 € ) en remerciement de son « concours actif au développement et au succès de la BFT » ;

La SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENTBANK venant aux droits de la Banque de Financement et de Trésorerie (BFT) expose que courant 1996, les services d'inspection interne de trois établissements bancaires ( la CPRI, la BFT et la Financière Kléber) qui traitaient directement entre eux des opérations de ventes et d'achats de titres obligataires non cotés, ont constaté que de manière « inhabituelle » des courtiers anglais dont elle cite les noms, leur achetaient et leur vendaient « concomitamment » des titres obligataires et que par recoupement il avait été constaté que ces opérations étaient traitées par trois de leurs salariés dont Monsieur [E] [K] pour BFT ;

Selon la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENTBANK venant aux droits de la Banque de Financement et de Trésorerie ( BFT) les opérations portaient sur des titres peu liquides faisant l'objet de peu de transactions et non cotés ce qui rendait difficile et aléatoire une vérification ou une comparaison des valorisations à l'occasion des transactions qui étaient nécessairement effectuées de gré à gré et enregistraient l'intervention systématique des mêmes opérateurs dont Monsieur [E] [K] avec les mêmes courtiers anglais ;

Une enquête de la COB sur ces opérations a révélé que l'initiateur des ces opérations triangulaires était [F] [S], financier genevois qui agissait pour le compte de sociétés panaméennes dénommées HEREFORD et THALASSA .

La BFT considérant que ces opérations inusuelles qui généraient d'importantes pertes pour son établissement et des gains substantiels en plus values et en commissions pour le tiers initiateur des opérations et les courtiers anglais « désignait une organisation frauduleuse effectuée au détriment des trois établissements bancaires » , le 14 octobre 1996 Monsieur [E] [K] a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire ;

La lettre brève de mise à pied indique qu'il apparaît que des faits d'une particulière gravité sont susceptibles d' être reprochés au salarié, qu'une décision interviendra à la fin des recherches en cours « sur les opérations concernées » ( lesquelles ne sont pas visées dans la lettre) et précise que si les faits ( lesquels ne sont pas cités) étaient confirmés par les vérifications il serait procédé à son licenciement pour faute grave ;

Le 17 octobre 1996 Monsieur [E] [K] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 24 octobre 1996 en vue d' un licenciement envisagé pour faute lourde avec confirmation de la mise à pied ;

Monsieur [E] [K] a été licencié le 28 octobre 1996 pour faute lourde pour le motif suivant « graves irrégularités sur plusieurs opérations de marché ayant entraîné des pertes pour la BFT. A la suite d'une enquête portant sur les transactions obligataires entre 1994 et ce jour, nous avons découvert que plusieurs opérations ont été effectuées avec le même intermédiaire en dehors des conditions normales de marché et ont eu pour conséquence l'enregistrement de pertes financières » ;

Monsieur [E] [K] a contesté son licenciement par courrier du 26 novembre 1996 et a saisi le Conseil des Prud'hommes le 9 avril 1997 ;

La BFT a déposé plainte le 30 juillet 1997 avec constitution de partie civile et une information a été ouverte le 10 octobre 1997 des chefs d'escroquerie, abus de confiance, recel ; une longue procédure pénale s'en est suivie au cours de laquelle Monsieur [E] [K] avec les deux autres prévenus salariés des deux autres établissements bancaires, a été traduit devant le tribunal correctionnel de PARIS sous la prévention suivante :

« avoir courant 1996 (...) Détourné au préjudice de son employeur la BFT des fonds ou valeurs qui lui avaient été remis et qu'il avait acceptés, à charge d'en faire un usage déterminé, en l'espèce en détournant le mandat que lui avait donné son employeur en se mettant d'accord avec [C] [J], salarié de CPR INTERMEDIATION pour déterminer à l'avance les conditions d'opérations sur le marché obligataire, faussant le jeu normal du marché, au détriment de leur employeur respectif et au profit des comptes HEREFORD et THALASSA, ouverts chez les courtiers THEATER & GREENWOOD et LUCKY SECURITES » ;

Au cours de l'instruction, Monsieur [E] [K] a été simple témoin jusqu'au 1er Décembre 2006 puis témoin assisté jusqu'au 5 Mai 2008 ;

Par jugement en date du 9 Mars 2011, la 11ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris a relevé que sur les faits reprochés, Monsieur [E] [K] a agi en toute transparence et il a été relaxé des fins de la poursuite et la BFT reçue en sa constitution de partie civile a été déboutée ;

Par arrêt de la chambre 13 du Pôle 5 de la Cour d'Appel de PARIS en date du 6 Mars 2014, le jugement a été confirmé.

La SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENTBANK venant aux droits de la Banque de Financement et de Trésorerie a formé un pourvoi en cassation le 10 Mars 2014 ;

Convoquées pour l'audience de plaidoiries du 22 Septembre 2015, les parties ont comparu volontairement pour plaider à l'audience du 15 Septembre 2015, date à laquelle l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 27 octobre 2015 ;

Monsieur [E] [K] demande la révocation du sursis à statuer, la fixation de son salaire moyen à la somme de 9185.62 € et la condamnation de la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK à lui payer avec intérêts légaux capitalisés à compter de la saisine du Conseil des Prud'hommes les sommes de :

27556,86 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus les congés payés afférents

55113,72 € à titre d'indemnité de licenciement

16330 € à titre de congés payés

6123,74 € au titre de la mise à pied plus congés payés afférents

7.670.913 € (sic) et subsidiairement 5040969 € au titre du préjudice financier lié à la perte de revenus et à titre subsidiaire en raison du préjudice financier lié à la perte de revenus

244 340 € au titre des stocks options 'perdues' en raison de son licenciement

113 490 € à titre de dommages intérêts pour perte de chance d'obtenir les stocks options 1996

1 699 830 € au titre du manque à gagner sur les stocks options et à titre subsidiaire 1 384 599€

60000 € à titre de dommages intérêts pour perte de chance d'obtenir la rémunération variable en 1996

1312651 € à titre de dommages intérêts de perte sur cotisation de retraite

280327 au titre de la perte de participation

900000 € au titre du préjudice moral

15000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

La SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENTBANK venant aux droits de la Banque de Financement et de Trésorerie (BFT) demande de surseoir à statuer en raison du pourvoi ; subsidiairement d'infirmer le jugement, de dire que le licenciement est bien fondé sur une faute grave et à tout le moins pour cause réelle et sérieuse et en conséquence de rejeter les prétentions de Monsieur [E] [K] ; subsidiairement elle conclut à la réduction à de plus justes proportions des demandes adverses s'agissant du préjudice moral et des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au rejet des autres demandes de Monsieur [E] [K].

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre .

Dans le souci d' une bonne administration de la justice en application de l'article 367 du Code de Procédure civile, il convient d' ordonner la jonction des deux procédures d' appel et de statuer par un seul et même arrêt ;

Sur la demande de sursis à statuer

La demande de sursis à statuer doit être rejetée dès lors qu'il est acquis aux débats que la Cour d' Appel dans son arrêt du 6 mars 2014 a confirmé la relaxe de Monsieur [E] [K] prononcée par le tribunal correctionnel le 9 Mars 2011 et qu'aucun pourvoi n'a été enregistré au nom du Parquet à l'encontre de l'arrêt de la Cour d' Appel de sorte qu'il apparaît que quelle que soit l'issue du pourvoi elle est sans conséquence sur la relaxe prononcée et les faits reprochés à Monsieur [E] [K] pour lesquels elle a été prononcée ;

Sur le licenciement

Au cours de l'enquête effectuée par la COB à la demande des établissements bancaires concernés, entendu en audition Monsieur [E] [K] n'a pas contesté avoir traité les opérations litigieuses, tout en faisant remarquer que les courtiers anglais THEATHER and GREENWOOD et LUCKY SECURITES étaient des intermédiaires autorisés par son employeur au moment des faits et que c'était l'un ou l'autre de [T] ou [B] [G] de TEATHER and GREENWOOD qui pour chaque transaction le démarchait pour lui proposer ou savoir s'il avait une opération à proposer et qu'il en était de même avec LUCKY SECURITES ; il a déclaré au cours de cette enquête n'avoir jamais avant l'enquête, entendu parler de Monsieur [S] et n'avoir bénéficié d'aucune rétrocession à titre personnel ;

Entendu, Monsieur [S], gestionnaire de fortune qui se présente comme un intervenant habituel sur les marchés internationaux et au moins depuis 1991 sur le marché obligataire français a indiqué qu'il n'avait jamais eu affaire avec Monsieur [K] alors qu'il reconnaissait connaître Monsieur [J] (responsable marketing de CPRI également licencié par son employeur ) depuis plusieurs années ; il indiquait alors que le nom de Monsieur [K] lui avait été mentionné comme étant celui d'un très bon opérateur pour les obligations peu liquides, information qu'il avait répercutée aux courtiers anglais ;

En audition, Messieurs [J] et [K] n'avaient pas contesté avoir traité les opérations incriminées mais s'étaient défendus de s'être concertés en vue de leur réalisation et avaient indiqué ignorer que CPRI et BFT étaient systématiquement les contreparties ;

L'enquête de la COB relève que les investigations avaient permis d'identifier 34 opérations suspectes réalisées entre janvier 1994 et octobre 1996 par Messieurs [J] et Monsieur [K] ; dans la majorité des cas, les opérations avaient pris la forme d'une vente de titres obligataires faite par CPRI aux deux courtiers britanniques, vente suivie systématiquement, dans la même journée, par un achat de la BFT ;

Par ces opérations, les sociétés panaméennes enregistraient à leur profit des écarts de cours importants et les sommes provenant de ces écarts étaient portées au fur et à mesure sur instruction de Monsieur [S] au crédit des comptes ouverts par ces sociétés à [Localité 1] ;

Monsieur [S] avait indiqué donner ses instructions par fax aux courtiers anglais en indiquant le nom du vendeur et de l'acheteur, le détail des ordres ( valeur, quantité, cours ...), le nom des contreparties (CPRI, BFT) et le nom des personnes à contacter ( Monsieur [J] pour CPRI, Monsieur [K] pour BFT) en mentionnant leur numéro de téléphone ; la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK verse aux débats plusieurs exemples de ces fax (4) ;

La cour d'appel de PARIS dans son arrêt du 6 Mars 2014, a aux termes d'un arrêt de 48 pages, longuement analysé les faits pour lesquels était poursuivi Monsieur [E] [K] à savoir en résumé, s'être mis d'accord avec Monsieur [J] pour déterminer à l'avance les conditions du marché obligataire en faussant le jeu normal du marché au détriment de son employeur et a confirmé la relaxe de Monsieur [E] [K] considérant que les éléments qui lui étaient communiqués ne permettaient pas d'entrer en voie de condamnation après avoir relevé que « les bandes de retranscription d'ordres passés pendant la période de prévention par les deux prévenus » n'avaient été communiquées ni à la COB ni au magistrat instructeur par les parties civiles appelantes « alors que celles-ci doivent les conserver 6 mois et qu'en l'espèce elles savaient dès fin 1996, date du licenciement de Monsieur [J] qu'un conflit allait les opposer à leurs salariés et que ces enregistrements qu'elles peuvent conserver 5 ans, étaient de nature à leur permettre d'établir sans discussion que leurs salariés respectifs s'étaient mis d'accord pour déterminer à l'avance les conditions des opérations sur le marché obligataire au détriment de leur employeur » la cour en tirant pour conséquence que « par leur négligence coupable elles ont privé la cour d'un élément d'appréciation déterminant » ;

Il s'ensuit qu'aucun élément nouveau n'étant communiqué par la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK, il y a lieu de juger que les faits invoqués à l'appui de la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige à savoir de graves irrégularités, des opérations avec le même intermédiaire en dehors des conditions normales du marché avec pour conséquence des pertes financières pour l'employeur, ne sont pas sérieusement établis ;

En effet, la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK ne fait pas état des pertes financières qu'elle aurait subies et la cour relève qu'entendu dans le cadre de l'instruction par les enquêteurs le 22 juin 1998, Monsieur [U] [R], représentant de la BFT a déclaré que « la gestion du portefeuille des obligations compte propre était assurée par deux salariés dont Monsieur [E] [K] responsable obligataire et son adjoint et (....) Que les opérations sur les obligations ont été globalement rentables pour BFT pour les années visées soit : 94,95 et 96 » ;

La SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENTBANK venant aux droits de la Banque de Financement et de Trésorerie demande l'infirmation du jugement en faisant valoir que Monsieur [E] [K] a commis une faute grave et à tout le moins réelle et sérieuse en lui dissimulant à l'occasion de ces opérations trianglaires, l'identité qu'il connaissait de sa contrepartie, l'empêchant ainsi de procéder au contrôle de ces opérations portant sur des valeurs non cotées et dont le prix ne résultait que d'une négociation effectuée de gré à gré et en conséquence l'a privée de la possibilité d'y mettre un terme ;

Outre que ce motif n'est pas expressément visé dans la lettre de licenciement dont les termes ainsi que déjà rappelé, fixe l'objet du litige, la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK ne justifie pas avoir subi un refus de révélation de la part de Monsieur [E] [K] sur les opérations qu'il menait pendant la période visée par la lettre de licenciement, alors même que la cour relève que le jugement correctionnel, confirmé par la cour indiquait page 121 que « (...) Et [V] [K] ont agi en toute transparence » ;

Il s'ensuit que la Cour considère que les faits invoqués par la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK sont non fondés, ni réel ni sérieux et que le licenciement de Monsieur [E] [K] est sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences financières

Eu égard au salaire mensuel à retenir fixé à 9185.62 €, il y a lieu de confirmer le jugement comme ayant fait une juste appréciation des droits du salarié en ce qui concerne les sommes allouées à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et congés payés afférents, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents , indemnité de licenciement et congés payés ;

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, eu égard à l'ancienneté du salarié au sein la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK, à son salaire, à la perte de revenu et sans qu'il y ait lieu ni de prendre intégralement en considération l'évolution de carrière et de rémunération que Monsieur [E] [K] considère qu'il aurait normalement eu au sein de la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK, s'agissant d'un élément purement aléatoire et ayant la nature d'une simple perte de chance ni de faire un parallèle ou de prendre pour référence la rémunération perçue par un autre salarié mais en tenant compte de ce que la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK est à l'initiative de la procédure pénale qui s'est soldée par la relaxe de Monsieur [E] [K], des difficultés justifiées du salarié à retrouver un emploi dans le milieu de la finance en dépit d'une courte embauche de 6 mois chez CYRIL FINANCE ( le Président du Directoire atteste avoir dû licencier Monsieur [E] [K] sous la pression de l'instruction en cours), il est approprié de lui allouer la somme de 250000 € ;

En considération du retentissement professionnel et psychologique il convient de confirmer la somme de 900000 € allouée à Monsieur [E] [K] en réparation du préjudice moral subi résultant de son licenciement injustifié ;

Il y a lieu d'allouer la somme de 244340 € à Monsieur [E] [K] à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte du droit de lever les stocks options dont il était titulaire à la date de son licenciement ;

La demande de dommages intérêts pour perte de chance d'obtenir des stocks options en 1996 sera indemnisée par l'allocation d'une somme de 30000 € dans la mesure où les résultats de Monsieur [E] [K] était bons et qu'il est justifié de l'attribution de stocks options aux autres salariés au cours de cette année ;

Il y a lieu de rejeter la demande en paiement, principale et subsidiaire au titre de la projection d'acquisition de stocks options qu'il aurait obtenue entre 1997 et 2003, s'agissant d'un dommage purement aléatoire ;

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement de la somme de 60000 € pour perte de la rémunération variable au titre de l'année 1996 ;

Il y a lieu de rejeter la demande en paiement de la somme de 280327 € au titre de la perte de participation, s'agissant d'une projection aléatoire sur la période 1997 à 2014 ;

Il y a lieu de faire droit à la demande d'intérêts et de capitalisation dans les conditions qui seront fixées au dispositif ;

Il y a lieu d'allouer la somme de 100000 € à titre de dommages intérêts pour perte de chance de bénéficier des cotisations de retraite ;

Il y a lieu d'allouer la somme de 6000 € à Monsieur [E] [K] au titre des entiers frais irrépétibles

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction des procédures inscrites au répertoire général sous les numéros de RG 15/02399 et 15/02704

Donne acte aux parties de leur comparution volontaire à l'audience du 15 Septembre 2015

Rejette la demande de sursis à statuer présentée par la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur [E] [K] est sans cause réelle et sérieuse et a condamné la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK à lui payer les sommes suivantes :

6123.74 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied plus 612.37 € pour congés payés afférents

55113.72 € à titre d' indemnité de licenciement

27556.86 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 2755.68 €

16330 € au titre des congés payés

les intérêts légaux des sommes ci-dessus à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation

60000 € au titre de la perte de la rémunération variable sur 1996

244340 € à titre de dommages intérêts pour perte des stocks options détenues par le salarié à la date du licenciement

900000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Condamne la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK à payer à Monsieur [E] [K] les sommes de :

250000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice financier résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse

30000 € pour perte de chance d'obtenir des stocks options en 1996

100000 € à titre de dommages intérêts pour perte de chance de bénéficier du versement de cotisations de retraite

Dit que les condamnations autres que celles de nature salariale telles que précitées portent intérêts à compter du jugement du 13 janvier 2015 pour celles qui sont confirmées et à compter de ce jour pour les autres.

Ordonne la capitation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154 du Code civil

Rejette les autres demandes des parties

Condamne la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTISSEMENT BANK aux entiers dépens et à payer à Monsieur [E] [K] la somme de 6000 € au titre des entiers frais irrépétibles .

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/02399
Date de la décision : 27/10/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°15/02399 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-27;15.02399 ?
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