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22/10/2015 | FRANCE | N°15/06890

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 22 octobre 2015, 15/06890


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 22 OCTOBRE 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/06890



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 15/51004





APPELANTE



SA HEDIOS PATRIMOINE

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 482 647 096



Repré

sentée et Assistée de Me Philippe MEYLAN de la SCP SCP TUFFAL- NERSON DOUARRE et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0505









INTIMES



Monsieur [R] [N]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 22 OCTOBRE 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/06890

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 15/51004

APPELANTE

SA HEDIOS PATRIMOINE

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 482 647 096

Représentée et Assistée de Me Philippe MEYLAN de la SCP SCP TUFFAL- NERSON DOUARRE et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0505

INTIMES

Monsieur [R] [N]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 2] 1934 à [Localité 1]

Madame [J] [N]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 3]

Représentés et Assistés de Me Solène DELAFOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0341

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Frédéric CHARLON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Frédéric CHARLON, président

Madame Evelyne LOUYS, conseillère

Madame Mireille DE GROMARD, conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Frédéric CHARLON, président et par Mme Sonia DAIRAIN, greffier.

La société Hedios Patrimoine est une société de conseil en investissement financier (CIF) qui commercialise notamment des produits d'investissement dans le secteur de la production d'énergies renouvelables.

Par contrat signé le 6 juin 2010, Monsieur [R] [N] a souscrit auprès de la société Hedios Patrimoine des parts de la société en participation SEP SUN Hedios 123, à hauteur de 13.000 euros. L'opération s'inscrivait dans le cadre de la loi Girardin qui permet aux personnes physiques ayant leur résidence fiscale en France de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements réalisés en outre-mer ayant notamment pour objet de soutenir des projets de construction de centrales photovoltaïques.

Par lettre en date du 9 mai 2011, la société Hedios Patrimoine a adressé à M. [N] l'attestation fiscale à joindre à sa déclaration n° 2042 Investissements Outre-Mer afin de lui permettre de bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu résultant de son investissement.

Le 11 avril 2013, les époux [N] ont reçu une proposition de rectification

de l'impôt au titre des revenus 2010 à hauteur de 24.085 euros.

Afin de contester cette proposition de rectification ou en cas d'impossibilité afin d'engager la responsabilité d'Hedios Patrimoine, les époux [N] ont sollicité de la société Hedios Patrimoine': la demande de raccordement des installations photovoltaïques de la société Hedios Rendement 123 auprès d'EDF et l'accusé de réception y afférant, antérieurs au 31 décembre 2010 ainsi que l'attestation de conformité du Consuel, antérieure au 31 décembre 2010.

Compte tenu de leurs réclamations répétées auprès de la société Hédios Patrimoine non satisfaites, les époux [N] ont assigné par acte du 14 novembre 2014 la Sa Hedios Patrimoine, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, afin d'obtenir communication des documents nécessaires pour finaliser leur réclamation auprès de l'administration fiscale et/ou pour apprécier l'opportunité d'engager une action en responsabilité contre Hedios Patrimoine.

Par ordonnance de référé rendue contradictoirement en date du 2 mars 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :

1) ordonné à la Sas Hedios Patrimoine de communiquer aux époux [N] :

- le dossier complet de raccordement déposé auprès d'EDF relatif aux installations réalisées par la société en participation Sun Hedios 123 et qui se rattachent à l'investissement de M. [N],

- l'accusé de réception de ce dossier par EDF ou la preuve datée du dépôt de ce dossier auprès d'EDF,

- l'attestation de conformité du Consuel relative aux installations réalisées par la société en participation Sun Hedios 123 et qui se rattache à l'investissement de M. [N],

2) assorti cette condamnation d'une astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la signification de la présente ordonnance, et ce sur une période de 2 mois, renouvelable le cas échéant,

3) s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

4) condamné la Sas Hedios Patrimoine outre aux dépens, à payer aux époux [N] la somme de 3.500 euros à titre d'indemnité procédurale,

5) rappelé l'exécution provisoire de droit de cette décision.

La Sa Hedios Patrimoine a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions signifiées en date du 2 septembre 2015, auxquelles il convient de se reporter, elle demande à la Cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau :

A titre principal,

- se déclarer incompétente à ordonner la mesure d'instruction sollicitée par les époux [N],

A titre subsidiaire :

- débouter les époux [N] de leur demande de communication de pièces,

- les débouter de leur demande de condamnation de la société Hedios Patrimoine au titre d'une prétendue procédure abusive,

En tout état de cause :

- débouter les époux [N] de l'ensemble de leurs fins, droits et conclusions,

- condamner solidairement les époux [N] à verser à la société Hedios Patrimoine la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions signifiées en date du 26 juin 2015, auxquelles il convient de se reporter, les époux [N] demandent à la Cour de :

- se déclarer compétente pour statuer sur la présente procédure,

- juger que les demandes de communication formées par Monsieur et Madame [N] en première instance sont légitimes et justifiées,

- constater que la société Hedios Patrimoine ne dispose pas de l'attestation de conformité du Consuel relative aux installations réalisées par la société en participation Sun Hedios 123 et exploitées par Hedios Rendement 123, qui se rattache à l'investissement de M. [N] ;

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de grande instance de Paris le 2 mars 2015 en toutes ses dispositions, sauf en celle ayant ordonné à la société Hedios Patrimoine de communiquer aux époux [N], sous astreinte, l'attestation de conformité du Consuel relative aux installations réalisées par la société en participation Sun Hedios 123 et qui se rattache à l'investissement de M. [N],

Statuant à nouveau,

- débouter la société Hedios Patrimoine de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Hedios Patrimoine à verser aux époux [N] la somme de 10.000 euros sur le fondement de la procédure abusive ;

- condamner la société Hedios Patrimoine à verser à Monsieur et Madame [N] la somme de 5.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2015.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que la société Hédios Patrimoine fait valoir que la mesure d'instruction sollicitée par les époux [N] a pour objet de réunir les éléments de preuve qu'ils prétendent nécessaires à leur défense face à l'administration fiscale'devant les juridictions administratives ; que le débat relève donc du juge des référés administratif de sorte qu'elle est bien fondée à soulever l'incompétence de la cour au profit desdites juridictions'; que la demande des époux [N] ne porte pas sur des éléments suffisamment identifiés et/ou qu'il n'est pas suffisamment justifié du motif de leur production'; qu'elle ne vise, à travers une mesure générale, de suppléer à leur carence dans l'administration de la preuve'; qu'elle n'est en l'état ni légitime ni nécessaire'; qu'en effet, la copie des demandes de raccordement n'était pas nécessaire pour engager un recours contentieux fiscal'ni mettre en 'uvre une action en responsabilité civile'; qu'elle s'est tenue à la disposition de M. [N] et a répondu à toutes ses interrogations sur la procédure à suivre pour faire valoir ses droits'; qu'il n'y a donc pas de résistance abusive de sa part';

Considérant que M. et Mme [N] répliquent que leur action avait un double objet : organiser leur défense face à l'administration fiscale et leur permettre d'apprécier l'opportunité d'engager la responsabilité de la société Hedios Patrimoine'; que la compétence matérielle du juge civil est d'autant plus légitime qu'elle a pour objet, non plus seulement d'apprécier l'opportunité d'engager la responsabilité d'Hedios Patrimoine, mais d'apprécier le périmètre de cette action qui sera nécessairement engagée par les époux [N] contre la société Hedios Patrimoine'; que leurs demandes de communication sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile sont légitimes et nécessaires'; que la communication des documents cités est un préalable nécessaire pour leur permettre de vérifier si Hedios Patrimoine a rempli ses obligations et déposé la demande de raccordement avant le 31 décembre 2010, et partant, si une contestation fiscale pourrait prospérer ou au contraire, si la responsabilité d'Hedios Patrimoine est engagée'; que la présente procédure d'appel diligentée par la société Hedios Patrimoine est abusive';

Sur la compétence

Considérant qu'il est constant que le juge judiciaire des référés peut ordonner une mesure d'instruction avant tout procès fondée sur l'article 145 du code de procédure civile dès lors que le fond du litige est de nature à relever, ne serait-ce que pour partie, de la compétence des juridiction de l'ordre auquel il appartient';

Considérant qu'il résulte du dossier que la demande faite par M. et Mme [N] au juge judiciaire des référés n'a pas seulement pour objet d'organiser leur défense face à l'administration fiscale mais également celui de leur permettre d'apprécier l'opportunité d'engager la responsabilité de la société Hédios Patrimoine devant une juridiction civile s'il apparaissait au vu des documents sollicités que cette dernière a failli à ses obligations en ne demandant pas le raccordement des installations de la société Hédios Patrimoine Rendement 123 avant le 31 décembre 2010, condition nécessaire pour bénéficier de la réduction fiscale ainsi qu'à ses obligations d'information et de conseil en sa qualité de conseiller en investissement financier';

Considérant qu'il suit de ce qui précède que l'exception d'incompétence soulevée par la société Hédios Patrimoine n'est pas fondée'et le moyen tiré de la compétence du juge des référés administratif sera rejeté';

Sur la demande de communication de pièces présentée par M. et Mme [N]

Considérant que l'article 145 du code de procédure civile dispose': «'S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé'»'

Considérant que la société Hedios Patrimoine conteste vainement la légitimité du motif et le caractère nécessaire des documents demandés par les époux [N]'; qu'il ne peut être valablement prétendu que les documents demandés ne deviendront nécessaires qu'après l'envoi d'une lettre de réclamation contentieuse ou que la communication desdits documents pourrait nuire à la défense de ses propres intérêts et de ceux de ses souscripteurs dans le cadre de l'instruction de la plainte pour faux et usage de faux qu'elle a déposée le 10 mars 2014 à l'encontre des attestations établies par EDF auprès de l'administration fiscale indiquant que le dossier de raccordement n'avait pas été déposé avant le 31 décembre 2010';

Considérant encore que dans le cadre de l'article 145 du code de procédure civile, il ne peut valablement être opposé les dispositions de l'article 146 du même code prévoyant qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée pour pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve';

Considérant qu'il est avéré d'une part, que l'administration fiscale a redressé les contribuables au motif que la demande de raccordement des installations photovoltaïques, objets de leur investissement, n'avait pas été déposée auprès d'EDF avant le 31 décembre 2010'; que dès lors, leur demande portant sur les documents sollicités constitue bien un préalable nécessaire pour leur permettre de vérifier si la société Hédios Patrimoine a rempli ses obligations en qualité de «'responsable du montage et gérant des SEP'» et légitime alors même que ladite société a certifié dès le début des échanges en 2013 être en possession de ces documents indispensables à la contestation' et que dans un courrier du 27 mars 2015', elle indique que l'attestation de conformité Consuel n'existe pas et qu'elle produit copie d'un dossier de demande de raccordement des installations d'une autre société Hédios Rendement 100 qui ne correspondant à celle dans laquelle les époux [N] ont investi';

Considérant d'autre part, que le fait de ne pas produire les documents demandés pour éviter toute critique sur une communication de pièces couvertes par une instruction ou celui invoqué d'assurer le bon déroulement de l'instruction ne sont pas pertinents dès lors que le secret de l'instruction ne s'impose pas aux parties civiles';

Considérant que c'est donc à juste titre que le premier juge a fait droit à la demande de M. et Mme [N]'; que l'ordonnance entreprise doit, en conséquence, être confirmée sauf en ce qu'elle a ordonné à la société Hedios Patrimoine de communiquer l'attestation de conformité du Consuel'compte tenu de l'inexistence de cette pièce';

Sur la demande de dommages et intérêts

Considérant que M. et Mme [N] sollicitent le paiement d'une somme de

10 000euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile en faisant état de la résistance abusive opposée par la société Hedios Patrimoine à leur demande de communication de documents, aux mensonges qu'elle a déployés pour se dérober à ses obligations et à l'appel enfin qu'elle a interjeté pour retarder l'issue de la procédure';

Considérant qu'en dépit des dénégations opposées aux griefs qui lui sont faits, il apparaît que l' attitude de la société Hedios Patrimoine, exerçant une activité réglementée par l'AMF et soumise à un devoir de conseil renforcé auprès des investisseurs particuliers comme M. et Mme [N], a manifestement failli à ses obligations en indiquant plus de deux ans après les premières réclamations faites et après une condamnation sous astreinte, que l'attestation Consuel n'existe pas' et en déclarant de manière erronée avoir exécuter l'ordonnance dont appel en produisant une copie de dossier de raccordement qui ne correspond pas à celui dont la production est ordonnée'; que ces atermoiements et retards constituent une faute délictuelle qui a indiscutablement causé préjudice à M. et Mme [N] qui ont besoin de documents sollicités pour pouvoir engager à bon escient une action devant le juge administratif ou en responsabilité contre la société Hedios Patrimoine devant le juge judiciaire qui doit être réparé par l'allocation d'une juste somme indemnitaire à titre provisionnel de 3 500 euros';

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l'ordonnance entreprise sauf en celle ordonnant à la société Hedios Patrimoine de communiquer, sous astreinte, l'attestation de conformité du Consuel relative aux installations réalisées par la société en participation Sun Hedios 123 qui se rattache à l'investissement de M. [R] [N]';

L'INFIRME de ce chef.

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Hedios Patrimoine à verser à M. et Mme [N] la somme de

3 500 euros à titre de dommages et intérêts.

CONDAMNE la société Hedios Patrimoine à verser à M. et Mme [N] ensemble une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société Hedios Patrimoine aux dépens.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/06890
Date de la décision : 22/10/2015

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°15/06890 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-22;15.06890 ?
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