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22/10/2015 | FRANCE | N°11/09187

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 22 octobre 2015, 11/09187


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 22 Octobre 2015



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09187



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG n° 08/03011





APPELANTE

SA SOCIETE SANOFI AVENTIS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Roland SCHNEIDER, avocat au barre

au de PARIS, toque : P0582 substitué par Me Patrice CORBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R280





INTIMEE

URSSAF PARIS/REGION PARISIENNE aux droits de laquelle vient l'URSSAF D'IL...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 22 Octobre 2015

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09187

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG n° 08/03011

APPELANTE

SA SOCIETE SANOFI AVENTIS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Roland SCHNEIDER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0582 substitué par Me Patrice CORBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R280

INTIMEE

URSSAF PARIS/REGION PARISIENNE aux droits de laquelle vient l'URSSAF D'ILE DE FRANCE

Service 6012 - Recours Judiciaires

[Adresse 3]

[Localité 3]

représenté par Me Ning-Ly SENG, avocat au barreau de PARIS, M. [B] en vertu d'un pouvoir général

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 2]

[Localité 2]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laïla NOUBEL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Franck TASSET , Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société Sanofi Aventis France d'un jugement rendu le 30 juin 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à l'URSSAF de Paris-région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile de France ;

LES FAITS, LA PROCÉDURE, LES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;

Il suffit de rappeler que la société Sanofi Aventis France est assujettie à la contribution sociale assise sur les dépenses de promotion de spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement ou de médicaments agréés à l'usage des collectivités, prévue aux articles L 245-1 à L 245-5-1 A du code de la sécurité sociale ; qu'estimant avoir acquitté à ce titre des contributions indues au titre des exercices 2004 à 2007, la société a demandé à l'URSSAF la restitution des sommes respectives de 9 698 613 €, 23 712 228 €, 22 211 626€ et 19 913 617 € ; qu'en l'absence de remboursement, elle a saisi la commission de recours amiable, puis la juridiction des affaires de sécurité sociale ;

Par jugement du 30 juin 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a débouté la société Sanofi Aventis France de ses demandes de remboursement.

La société Sanofi Aventis France fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles il est demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de déclarer la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments remboursables visée à l'article L 245-1 contraire à l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de condamner en conséquence l'URSSAF la somme totale de 75 536 084 € représentant la fraction de contribution calculée sur les salaires et remboursement de frais versés aux personnes mentionnées à l'article L 5122-12 du code de la sécurité sociale et ce avec intérêts au taux légal capitalisés en application des articles 1153 et 1154 du code civil. Elle demande en outre la condamnation de l'URSSAF à lui payer la somme de 12 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

A titre subsidiaire, la société demande à la cour de constater que la contribution contestée constitue une aide d'Etat dont l'instauration aurait dû être notifiée à la Commission européenne et qu'à défaut elle est inégale avec les mêmes conséquences en matière de restitution. Encore plus subsidiairement, la restitution de la contribution sur les fiches de posologie d'un montant de 429 563€ est requise.

A l'appui de son recours, la société Sanofi Aventis France considère que la contribution contestée porte atteinte au droit de propriété protégé par l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle estime en effet que cette contribution présente un caractère confiscatoire en raison du déséquilibre majeur existant entre les exigences d'intérêt général et la protection du droit de propriété. Selon elle, en raison de son assiette et de ses modalités de calcul, cette contribution représente une charge excessive et porte atteinte à sa situation financière. Elle dénonce l'absence de plafonnement de la contribution ainsi que l'insuffisance des abattements et du rapport entre cette contribution et le chiffre d'affaires. De même, elle soutient que la contribution n'est pas proportionnée aux exigences d'intérêt général car il est erroné de penser que les visiteurs médicaux sont de simples commerciaux alors qu'ils sont en réalité chargés de délivrer aux médecins une information claire et rigoureuse sur le bon usage des médicaments ainsi que de la pharmacovigilance. Elle prétend que cette contribution nuit aux exigences d'intérêt général en matière de service public de la santé.

A titre subsidiaire, elle invoque l'existence d'une aide d'Etat illégale dans la mesure où, selon l'article L 245-2, 3° du code de la sécurité sociale, les frais de publication et d'achat d'espaces publicitaires dans la presse médicale bénéficiant d'un numéro de commission paritaire sont exonérés de contribution alors qu'ils ne le sont pas dans le cas contraire. Elle dénonce cette inégalité de traitement au détriment de la presse en ligne et des sites internet qui n'ont pas de numéro de commission paritaire. Selon elle, une telle asymétrie d'assujettissement à une taxe d'opérateurs en situation directe de concurrence est condamnée par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et elle estime être en droit de se prévaloir de cette distorsion de concurrence en tant que cotisant.

En tout état de cause, elle demande la restitution de la fraction de la contribution assise sur les frais afférents à l'édition des fiches posologiques remises aux praticiens soit la somme de 429 563 €, pour les quatre années en cause, et estime qu'une telle demande n'est pas nouvelle puisqu'elle était incluse dans sa demande originaire de restitution.

L'URSSAF d'Ile de France fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions de confirmation du jugement attaqué et oppose une fin de non-recevoir à la demande concernant la contribution sur les frais de notices posologiques évaluée à

429 563 €. Elle conclut à la condamnation de la société Sanofi Aventis France à lui verser la somme de 15 00à € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle s'oppose d'abord à la recevabilité de la demande de remboursement de la contribution correspondant aux frais afférents aux notices posologiques en raison de sa nouveauté en cause d'appel puisque la demande initiale de restitution était limitée à la contribution assise sur les rémunérations versées aux visiteurs médicaux non diplômés visés à l'article L 5122-12 du code de la santé publique. En second lieu elle invoque la prescription triennale de l'article L 243-6 du code de la sécurité qui fait obstacle à la recevabilité d'une telle demande formulée pour la première fois en juin 2015.

Sur la prétendue atteinte au droit de propriété, elle rappelle que l'article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention prévoit expressément le droit pour tout Etat membre de mette en application les lois destinées à assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions. Elle fait observer que le caractère confiscatoire invoqué par la société n'est pas établi et que la contribution est justifiée par sa finalité de santé publique et l'intérêt public de maîtriser les dépenses de l'assurance maladie. De même, elle considère que cette contribution n'est pas disproportionnée et maintient au contraire l'équilibre entre les exigences d'intérêt général et la protection des droits individuels.

Sur l'argumentation tirée de l'existence d'une aide d'Etat illégale, l'URSSAF considère que la société Sanofi Aventis France qui n'est pas victime de la distorsion de concurrence invoquée, n'a pas qualité à agir et relève le caractère inopérant d'un tel moyen qui concerne une autre assiette que celle sur laquelle est calculée la contribution contestée. En tout état de cause, elle prétend que l'exonération dénoncée ne constitue pas une aide d'Etat au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et est inhérente à l'économie du système de maîtrise des dépenses de santé. En effet, selon elle, cette mesure de dimension nationale ne fausse pas la concurrence dans le marché européen et n'entraîne aucun transfert direct de ressources d'Etat aux entreprises bénéficiant de l'exonération.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;

MOTIFS :

- Sur la compatibilité de la contribution sur la promotion des médicaments avec le droit au respect aux biens garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales :

Considérant que si l'article 1er du 1er Protocole additionnel à la Convention garantit à toute personne physique ou morale le droit au respect de ses biens, cette disposition ne fait pas obstacle à l'application des lois nécessaires à la perception des impôts ou autres contributions ;

Considérant que seule l'imposition d'une charge spéciale et exorbitante ou de nature confiscatoire est prohibée ; que, de même, il est nécessaire de respecter en matière d'imposition un juste équilibre entre les exigences d'intérêt général et le droit de propriété;

Considérant qu'en l'espèce, la contribution assise sur les dépenses de promotion des médicaments remboursables ne dépasse pas les facultés financières des laboratoires pharmaceutiques assujettis ;

Considérant qu'il ressort en effet d'un rapport de l'IGAS que cette taxation représente un taux moyen de 1,04 % du chiffre d'affaires des spécialités remboursables ;

Considérant que l'absence de plafonnement ou l'insuffisance prétendue des abattements mis en place ne suffisent pas à établir le caractère confiscatoire allégué ;

Considérant que de même, l'argumentation selon laquelle la contribution serait d'autant moins lourde que le chiffre d'affaires est élevé est démentie par l'existence d'un taux progressif par tranches de chiffre d'affaires ;

Considérant qu'enfin, l'équilibre entre les exigences d'intérêt général et le droit de propriété est respecté puisque la contribution est justifiée par des objectifs de santé publique visant à privilégier la promotion de médicaments présentant un intérêt thérapeutique avéré et par la volonté de réduire les dépenses de promotion des médicaments dans le cadre d'une politique plus générale de maîtrise du budget de l'assurance maladie ;

Considérant que les modalités de calcul de cette contribution répondent aux objectifs précités puisqu'il suffit aux laboratoires de réduire leurs dépenses de promotion pour alléger le coût de l'imposition contestée ;

Considérant qu'en réalité, la société Sanofi Aventis France conteste l'idée selon laquelle le recours aux visites médicales entraînerait une augmentation des dépenses de santé et invoque le bénéfice d'information et la pharmacovigilance assurée par les visiteurs médicaux au service de la santé publique ;

Considérant toutefois que cette opinion ne peut évidemment pas l'autoriser à se soustraire aux obligations pesant sur les laboratoires exploitant en France des spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement ;

- Sur l'existence d'une aide d'Etat illégale :

Considérant que pour demander la restitution des contributions, la société Sanofi Aventis France invoque aussi l'illégalité dont seraient entachées les dispositions de l'article L 245-2,3° du code de la sécurité sociale en exonérant de la contribution les frais de publication et d'achat d'espaces publicitaires dans la presse médicale bénéficiant d'un numéro de commission paritaire ; que, selon elle, cette exonération constituerait une aide d'Etat en faveur des entreprises de presse concernées au détriment de leurs concurrentes qui ne bénéficient pas des mêmes avantages ;

Considérant toutefois que, comme l'ont relevé les premiers juges, cette argumentation est inopérante puisque la demande de remboursement faisant l'objet du présent litige ne comprend que les contributions calculées sur les sommes versées aux visiteurs médicaux visées à l'article L 245-2 1° et non la contribution assise sur les dépenses de publication prévue à l'article L 245-2, 3° du code de la sécurité sociale ;

Considérant qu'au demeurant, la société n'est aucunement victime de la distorsion de concurrence prétendue et elle admet elle-même que ce sont les entreprises de presse ne bénéficiant pas d'un numéro de commission paritaire qui sont affectées par l'aide d'Etat prétendue ;

Considérant qu'enfin l'URSSAF d'Ile de France souligne à juste titre que l'aide d'Etat suppose le transfert de fonds public et que son illégalité éventuelle ne peut être reconnue que si elle est susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres, ce qui n'est absolument pas le cas en l'espèce ;

Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté les demandes de remboursement fondées sur ce moyen ;

- Sur la demande subsidiaire en restitution des contributions prétendument assises sur les frais afférents aux notices posologiques d'un montant de 429 563€ :

Considérant que l'URSSAF soulève l'irrecevabilité de cette demande non soumise aux premiers juges et atteinte par la prescription de l'article L 243-6 du code de la sécurité sociale ;

Considérant que pour s'opposer à cette fin de non-recevoir, la société Sanofi Aventis France prétend que la somme en cause était incluse dans celle de 75 536 084 € dont la restitution était demandée aux premiers juges ;

Considérant cependant qu'il ressort clairement des pièces de la procédure que la société avait demandé en première instance le remboursement de la somme de 75 536 084 € acquittée au titre de la taxe sur les rémunérations et frais des visiteurs médicaux non diplômés à l'exclusion de celle due au titre des frais de publication et d'achats publicitaires;

Considérant qu'il s'agit de deux contributions prévues par deux textes différents, figurant respectivement aux articles L 245-2 1° et L 245-2 3° du code de la sécurité sociale, avec des assiettes distinctes et seul le remboursement de la première contribution était en litige devant les premiers juges amenés à se prononcer sur la seule question des visiteurs médicaux à l'exclusion de celle relative aux frais de publication et d'achat d'espaces publicitaires ;

Considérant que, dans ces conditions, c'est à juste titre que l'URSSAF soulève le moyen d'irrecevabilité en raison de la nouveauté de la demande et de la prescription applicable aux contributions versées au plus tard en 2007 ;

Considérant que la société Sanofi Aventis France, qui succombe en appel, sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles ; qu'au regard de la situation respective des parties, elle sera, au contraire, tenue de verser à l'URSSAF d'Ile de France la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; qu'elle ne donne pas lieu à dépens ;

PAR CES MOTIFS :

- Déclare la société Sanofi Aventis France recevable mais mal fondée en son appel ;

- Confirme le jugement entrepris ;

- Déclare irrecevable la demande subsidiaire en remboursement de la somme de 429 563€;

- Condamne la société Sanofi Aventis France à payer à l'URSSAF d'Ile de France la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa propre demande à ce titre ;

- Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ;

- Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L 241-3 et la condamne au paiement de ce droit s'élevant à 317 € ;

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 11/09187
Date de la décision : 22/10/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°11/09187 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-22;11.09187 ?
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