RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 15 Octobre 2015
(n° 449 , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/06689
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Octobre 2006 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS - Section encadrement - RG n° 04/06774
APPELANTE
SA ALLIANZ IART venant aux droits de la société AGF
[Adresse 4]
[Adresse 3]
N° SIRET : 542 110 291 00011
représentée par Me Martine RIOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053
INTIME
Monsieur [E] [S]
[Adresse 2]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1956
comparant en personne, assisté de Me Catherine KLINGLER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1078
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées ,devant Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, ainsi que Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée .
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée
qui en ont délibéré
Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente et par M. Franck TASSET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [E] [S] a été engagé en qualité d'employé le 5 février 1973 par la société AGF Vie, aux droits de laquelle est venue la société Allianz IART. Le 1er avril 1982, il a été nommé inspecteur administratif puis, le 1er janvier 1986, il a été promu cadre. Le 5 mars 1991, il a été nommé inspecteur régional sur le réseau santé des AGF, avant d'occuper à compter du 1er avril 1999 le poste de directeur du développement courtage santé.
Le 21 avril 2004, M. [E] [S] a été licencié pour faute grave.
Contestant son licenciement, le salarié a saisi le 13 mai 2004 le Conseil de prud'hommes de Paris de diverses demandes.
Par deux jugements en date des 27 octobre 2006 et 23 mars 2007, le Conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ; en retenant l'ancienneté totale du salarié au sein de l'entreprise, un taux de 5,5 % correspondant à une ancienneté en tant qu'inspecteur supérieure à 30 ans et un salaire brut fiscal de 98 340,76 euros, il a condamné la société ALLIANZ IART au paiement, notamment, d'une indemnité de licenciement d'un montant de 168 752,74 euros.
Par arrêt du 23 octobre 2008, la Cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du 23 mars 2007 sur le montant de l'indemnité de licenciement. Après avoir rappelé que toute clause ambigüe d'une convention collective devait s'interpréter en faveur de son bénéficiaire, considéré que l'article 67 de la convention collective nationale de l'inspection d'assurance ne pouvait avoir d'autre sens que de prendre en compte la totalité de l'ancienneté du salarié au sein de l'entreprise, et retenu un taux de 4,5 % correspondant à une ancienneté en tant qu'inspecteur comprise entre 10 et 20 ans, ainsi qu'un salaire brut de référence de 98 340,76 euros, elle a fixé le montant de l'indemnité légale de licenciement à la somme de 138 291,69 euros.
La société a formé un pourvoi principal en cassation et le salarié un pourvoi incident.
La chambre sociale a, par arrêt du 22 septembre 2010, rejeté le pourvoi incident du salarié contestant la cause réelle et sérieuse du licenciement. Elle a en revanche cassé et annulé l'arrêt du 23 octobre 2008 en ce qu'il condamnait la société ALLIANZ IART au paiement de 138 291,69 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, en précisant que « l'indemnité conventionnelle de licenciement due au salarié est celle prévue pour la catégorie à laquelle il appartient au moment de la rupture » et que la Cour « devait en l'absence de disposition contraire calculer l'indemnité conventionnelle de licenciement sur la base de la durée de présence du salarié en qualité d'inspecteur ».
Par arrêt du 27 mars 2012, la Cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du 23 mars 2007 en sa disposition relative à l'indemnité de licenciement ; en retenant une ancienneté en qualité d'inspecteur à partir du 1er avril 1982, un taux de 5,5 % et un salaire brut de référence de 109 339,86 euros, elle a fixé l'indemnité conventionnelle de licenciement à 129 895,92 euros, à laquelle elle a ajouté la somme de 8 838,32 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement pour la période antérieure à 1982, soit une indemnité totale de licenciement de 138 734,24 euros.
La société a formé un pourvoi principal en cassation et le salarié un pourvoi incident.
Par un arrêt en date du 19 juin 2013, la Cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 27 mars 2012, en précisant le mode de calcul de l'indemnité due au salarié. D'une part, l'indemnité conventionnelle de licenciement ne peut se cumuler avec l'indemnité légale de licenciement au titre d'une autre période, l'intéressé ayant la faculté de préférer à l'indemnité conventionnelle de licenciement ainsi calculée l'indemnité légale de licenciement prenant en compte la totalité des années de service dans l'entreprise. D'autre part, la convention collective de l'inspection d'assurance du 27 juillet 1992 s'est substituée à la convention collective du 5 juin 1967 pour les salariés considérés comme inspecteurs en fonction, exerçant des fonctions de cadre ; dès lors, pour déterminer le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement, la Cour d'appel ne pouvait pas constater que le salarié était devenu cadre le 1er janvier 1986, ce dont il résultait que l'indemnité conventionnelle de licenciement devait être calculée exclusivement sur la période postérieure à cette date, et considérer que la période à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité conventionnelle avait débuté le 1er avril 1982, date à partir de laquelle M. [E] [S] avait eu une activité d'inspecteur. La Cour de cassation a en revanche rejeté le pourvoi incident du salarié selon la procédure de non-admission.
Par déclaration de saisine après renvoi de cassation enregistrée le 25 juin 2013, la société ALLIANZ IART a saisi la présente juridiction.
A l'audience du 17 septembre 2015, une médiation a été proposée aux parties, qui a été refusée par la société ALLIANZ IART par courrier en date du 23 septembre 2015.
Vu l'article 455 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions et moyens, reprises oralement à l'audience, déposées le 17 septembre 2015 par M. [E] [S] qui demande à la Cour :
' d'infirmer le jugement entrepris sur le montant du salaire de base retenu pour le calcul de l'indemnité de licenciement et de fixer la rémunération annuelle moyenne à 109 339,86 euros,
' dire que les AGF ont consenti à M. [E] [S] un avantage personnel contractuel, dérogatoire à la convention collective, consistant à tenir compte de son ancienneté totale et de tous ses avantages y compris ceux non acquis à cette date comme la prise en compte de son ancienneté totale pour le calcul de l'indemnité de licenciement,
' à titre principal, condamner la société ALLIANZ IART au paiement, avec intérêts au taux légal depuis la date de convocation devant le bureau de conciliation, soit le 18 mai 2004, d'une indemnité de licenciement calculée sur la base de 5,5% de la dernière année de salaire brut multiplié par 31,3 années d'ancienneté, soit 188 228,60 euros (ou à titre subsidiaire169 293,62 euros si par extraordinaire la Cour reprenait l'assiette hors commissions retenue par le tribunal) ;
' à titre subsidiaire :
- dire, au visa de la directive de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, que les dispositions de la convention collective de l'inspection d'assurances créent une inégalité de traitement au détriment d'une catégorie de salariés de la même entreprise, dire qu'aucun motif objectif ne justifie cette inégalité, rétablir l'égalité de traitement entre toutes les catégories de salariés de l'assurance, calculer I'indemnité de licenciement suivant le mode de calcul utilisé pour les cadres et les cadres de direction, explicité par le tableau de l'accord du 13 mars 1993 des cadres de direction pour ses périodes d'emploi comme inspecteur et comme employé, en utilisant les taux prévus pour un salarié ayant une ancienneté totale supérieure à 30 ans,
- en conséquence, condamner la société ALLIANZ IART, avec intérêts au taux légal depuis la date à laquelle cette indemnité était due soit depuis le 23 avril 2004, au paiement de la somme de 173 078,99 (ou très subsidiairement celle de 142 042,41 euros si calculée sur l'assiette de 98 340,76 euros) ;
' de manière infiniment subsidiaire, dans le cas où par extraordinaire la Cour estimerait ne pas pouvoir juger directement que les dispositions des art.67 et suivants de la Convention collective de l'inspection d'assurance, au vu des dispositions de la Convention collective de l'assurance et de l'accord du 13 mars 1993 concernant les "cadres de direction" de l'assurance, sont contraires à la directive CE / 2000 / 78 du conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi, dire qu'il existe une difficulté sérieuse et saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle afin de trancher la question suivante : la rédaction des articles 67et suivants de la Convention collective de l'inspection d'assurance, tels qu'interprétés par la Cour de Cassation dans son arrêt du 22 septembre 2010, crée-t-elle une inégalité de traitement au sein du personnel d'une même entreprise, au détriment des inspecteurs d'assurances par rapport aux employés, cadres et cadres supérieurs de l'assurance, en ce que ces dispositions imposent (pour la seule catégorie des inspecteurs) le calcul de leur indemnité de licenciement uniquement sur leur ancienneté dans les fonctions d'inspecteur, alors que pour toutes les autres catégories (employés, cadres et cadres de direction dépendant de la convention collective des entreprises d'assurance et/ou de l'accord du 13 mars 1993 concernant les "cadres de direction ") l'indemnité de licenciement est calculée sur la totalité de l'ancienneté en cumulant les années passées dans différentes catégories d'emploi (employé, cadre, inspecteur, cadre de direction) ;
' Dans tous les cas :
- condamner la société ALLIANZ IART au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société ALLIANZ IART aux entiers dépens et aux frais d'exécution forcée en précisant qu'ils comprendront les honoraires de l'huissier ;
Vu les conclusions, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions et moyens, reprises oralement à l'audience, déposées le 17 septembre 2015 par la société ALLIANZ IART qui demande à la Cour :
' d'infirmer le jugement en date du 23 mars 2007 en ce qu'il a condamné la société ALLIANZ IART au paiement de la somme de 168 752,74 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
' de fixer l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 81 131,13 euros ou, à titre subsidiaire, à la somme de 90 205,38 euros,
' de condamner M. [E] [S] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
SUR CE, LA COUR
- Sur le maintien des avantages liés à l'ancienneté
Attendu que, par courrier en date du 5 mars 1991, l'employeur de M. [E] [S] lui a indiqué, à l'occasion de sa nomination en qualité d'inspecteur du cadre que, malgré son changement de statut, il conserverait la totalité des avantages liés à son ancienneté calculée sur la date d'engagement du salarié, le 5 février 1973 ; que, toutefois, l'absence de prise en compte de l'ancienneté du salarié au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ne résulte pas du changement de statut du salarié intervenue en 1991, mais de la convention collective en date du 27 juillet 1992 ; que, dès lors, le salarié n'est pas fondé à soutenir que, du fait de ce courrier, l'indemnité de licenciement devrait être calculée sur l'ensemble de sa présence au sein de l'entreprise ;
Sur les dispositions applicables
Attendu que la convention collective applicable est celle dont dépend le salarié au moment de la rupture du contrat de travail , qu'en l'espèce il s'agit de la convention collective nationale de l'inspection d'assurance du 27 juillet 1992 ;
Attendu que M. [E] [S] sollicite que soit écartée ladite convention en soutenant que les dispositions relatives à l'indemnité conventionnelle de licenciement, en ce qu'elles instaurent une inégalité de traitement entre salariés, sont contraires à la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 et aux principes généraux du droit, en particulier au principe d'égalité de traitement ;
- Sur le moyen tiré du caractère discriminatoire de la convention collective de l'inspection d'assurance au regard de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000
Attendu qu'aux termes de l'article 1er de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, que celle-ci « a pour objet d'établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l'handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, en ce qui concerne l'emploi et le travail, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe de l'égalité de traitement » ; et qu'aux termes de l'article 2 du même texte : « Aux fins de la présente directive, on entend par "principe de l'égalité de traitement" l'absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l'article 1er » ;
Attendu que M. [E] [S] n'invoque aucun des motifs de discrimination visés par ladite directive, à savoir la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ; que, dès lors, ce moyen doit être rejeté ;
- Sur le moyen tiré de la rupture d'égalité de traitement
Sur l'existence d'une différence de traitement
Attendu qu'aux termes de l'article 67 b de la convention collective de l'inspection d'assurance du 27 juillet 1992, « l'inspecteur licencié pour un motif autre que la faute grave ou lourde, alors qu'il compte plus de deux ans de présence dans l'entreprise, reçoit une indemnité calculée sur la base du traitement annuel brut correspondant à ses douze derniers mois d'activité. Pour l'application du présent article, les années de présence dans l'entreprise s'entendent comme indiqué à l'article 66 b2 (...). Pour la période d'activité en tant qu'inspecteur, cette indemnité est calculée comme suit :
- inspecteur ayant plus de deux ans mais moins de trois ans de présence dans l'entreprise : conformément aux dispositions légales
- inspecteur ayant plus de trois ans de présence dans l'entreprise :
- 4 % du traitement annuel défini ci-dessus par année de présence en tant qu'inspecteur si le nombre de ces années est inférieur à 10
- 4,5 % par année si leur nombre est égal ou supérieur à 10 mais inférieur à 20
- 5 % par année si leur nombre est égal ou supérieur à 20 mais inférieur à 30,
- 5,5 % au-delà (...) » ;
Attendu qu'aux termes des dispositions spécifiques aux cadres de la convention collective nationale des sociétés d'assurances du 27 mai 1992 : « L'indemnité de licenciement prévue à l'article 92 de la convention collective nationale est fixée comme suit pour les cadres :
- pour la durée de présence dans l'entreprise en tant que cadre :
- 4 % de la rémunération annuelle, définie à l'article 92, par année de présence dans l'entreprise si le nombre de ces années est inférieur à 10 ;
- 4,5 % par année si leur nombre est égal ou supérieur à 10, mais inférieur à 20 ;
- 5 % par année si leur nombre est égal ou supérieur à 20, mais inférieur à 30 ;
- 5,5 % au-delà ;
- pour la durée de présence dans l'entreprise en tant que non cadre : les taux sont ceux fixés à l'article 92 de la convention collective » ;
Attendu qu'il résulte de l'article 92 susmentionné que l'indemnité conventionnelle légale s'élève à :
« - 2,5 % de la rémunération annuelle, définie à l'alinéa ci-dessus, par année de présence dans l'entreprise si le nombre de ces années est inférieur à 10 ;
- 3 % par année si leur nombre est égal ou supérieur à 10 mais inférieur à 20 ;
- 3,5 % pour un nombre d'années égal ou supérieur à 20 mais inférieur à 30 ;
- 4 % au-delà » ;
Attendu qu'il ressort du rapprochement de ces deux textes conventionnels, dont le premier vise la durée à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement sous trois formules différentes : année de présence dans l'entreprise - période d'activité en tant qu'inspecteur - année de présence en tant qu'inspecteur, que la période de référence pour un inspecteur est sa période d'activité en tant qu'inspecteur alors que pour le cadre le calcul se fait sur la base de la durée de sa présence dans l'entreprise ;
Attendu qu'il en résulte qu'un cadre, n'exerçant pas les fonctions spécialisées d'inspecteur, bénéficie d'une indemnité conventionnelle de licenciement calculée sur l'ensemble de son ancienneté au sein de l'entreprise, alors qu'un cadre, exerçant les fonctions spécialisées d'inspecteur, perçoit une indemnité calculée sur les seules années au cours desquelles il a travaillé en qualité d'inspecteur, quand bien même il aurait travaillé au sein de la même entreprise pendant de nombreuses autres années ;
Attendu que les deux conventions créent donc, au sein d'une même catégorie professionnelle, celle des cadres, une différence significative dans le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement, liée aux fonctions exercées au sein de cette catégorie ;
- Sur la justification de la différence de traitement
Attendu que si les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle, il incombe en revanche à l'employeur de justifier la différence de traitement opérée au sein d'une même catégorie professionnelle ;
Attendu qu'alors que M. [E] [S] démontre l'inégalité de traitement entre les cadres non spécialisés et les cadres inspecteurs des sociétés d'assurance s'agissant de la détermination de l'indemnité légale de licenciement, la société ALLIANZ IART se borne à indiquer que la Cour de cassation a rejeté, selon la procédure de non-admission, le pourvoi incident formé par le salarié fondé précisément sur le défaut d'égalité de traitement ; qu'ainsi, la société ALLIANZ IART n'est pas en mesure d'apporter le moindre élément objectif qui pourrait justifier cette différence de traitement au sein d'une même catégorie professionnelle, alors surtout que la convention collective nationale de l'inspection d'assurance est la seule convention collective applicable aux sociétés d'assurance qui ne tient pas compte de l'ancienneté totale au sein de l'entreprise, l'accord du 3 mars 1993 relatif aux cadres de direction reprenant également l'ancienneté dans l'entreprise, en assimilant du reste en son article 7 les cadres et les inspecteurs pour le calcul de l'ancienneté ;
Attendu qu'il convient par conséquent d'écarter les dispositions de la convention collective nationale de l'inspection d'assurance pour appliquer celles de la convention collective nationale des sociétés d'assurances du 27 mai 1992, dans ses dispositions particulières relatives aux cadres, convention qui s'applique à M. [E] [S] à défaut de convention particulière telle que celle susmentionnée du 27 juillet 1992 ;
- Sur le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement
- Sur la date à laquelle le salarié est devenu cadre
Attendu que M. [E] [S] soutient avoir été cadre de fait à partir de sa nomination en qualité d'inspecteur, le 1er avril 1982 ; que, toutefois, alors que le salarié indique lui-même que tous les inspecteurs n'exercent pas des fonctions de cadre, ce qui est corroboré par la convention collective du 27 juillet 1992, et qu'il est constant qu'il a été promu cadre à compter du 1er janvier 1986, les pièces que le salarié produit visant à démontrer qu'il était inspecteur depuis 1982 ne permettent pas de déterminer avec précision les fonctions qu'il exerçait et d'établir par conséquent qu'il aurait eu la qualité de cadre avant cette date ; que, par suite, il convient de retenir comme date à partir de laquelle M. [E] [S] est devenu cadre celle du 1er janvier 1986 ;
Sur le montant du salaire annuel brut de référence
Attendu qu'il résulte de l'article 92 de la convention collective nationale des sociétés d'assurance en date du 27 mai 1992 que l'indemnité de licenciement est calculée, comme pour les inspecteurs, sur la base du total des salaires bruts correspondant à ses douze derniers mois d'activité ; que dans le cas où des éléments de salaire perçus au cours des douze derniers mois sont afférents à d'autres périodes d'activité, ils ne sont pas pris en compte dans le calcul ;
Attendu qu'en application de ces dispositions il convient de prendre en compte les sommes versées à M. [E] [S] en 2003, en y ajoutant les sommes perçues en 2004 au titre de l'activité 2003 et en y retranchant la somme de 62,83 euros perçue en 2003 au titre de l'activité 2002 ; que le salaire de référence s'élève ainsi à 109 277,03 euros (109 339,86 - 62,83) ;
Sur le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement
Attendu que l'ancienneté de M. [E] [S] était, à la date de son licenciement, de 12,90 années (du 5 février 1973 au 1er janvier 1986 : [12*365 +329] / 365) comme employé et 18,30 années (du 1er janvier 1986 au 21 avril 2004 : [18*365 + 111] / 365) comme cadre exerçant des fonctions d'inspecteur ;
Attendu que l'indemnité conventionnelle de licenciement s'élève ainsi à 132 279,84 euros, se décomposant comme suit :
- pour la période non cadre : 12,90 * 3/100 * 109 277,03 euros = 42 290,21 euros ;
- pour la période en tant que cadre : 18,30 * 4,5/100 * 109 277,03 = 89 989,63 euros ;
- Sur les dépens et frais irrépétibles
Attendu qu'il convient de condamner la société ALLIANZ IART aux dépens d'appel ; qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de M. [E] [S] les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
STATUANT par arrêt contradictoire et mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement rendu le 23 mars 2007 par le Conseil de Prud'hommes de Paris en sa disposition relative au montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement seule restant en litige ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
CONDAMNE la société ALLIANZ IART à payer à M. [E] [S] la somme de 132 279,84 euros (cent trente-deux mille deux cent soixante-dix-neuf euros et quatre-vingt-quatre centimes) à titre d'indemnité de licenciement, cette somme portant intérêts légaux à compter de la date de réception par la société défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation ;
CONDAMNE la société ALLIANZ IART à payer à M. [E] [S] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de l'instance d'appel ;
CONDAMNE la société ALLIANZ IART aux dépens d'appel ;
REJETTE toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT