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15/10/2015 | FRANCE | N°11/09237

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 15 octobre 2015, 11/09237


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 15 Octobre 2015

(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09237



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Juillet 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY RG n° 10-01810/B



APPELANT

Monsieur [N] [F],

venant aux droits de Mme [F] [P], décédée le [Date décès 1] 2014

[Adresse 4]

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né le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 7]

représenté par Me Michel LEDOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503 substitué par Me Vincent DESRIAUX, avocat au barreau de PA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 15 Octobre 2015

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09237

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Juillet 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY RG n° 10-01810/B

APPELANT

Monsieur [N] [F],

venant aux droits de Mme [F] [P], décédée le [Date décès 1] 2014

[Adresse 4]

[Localité 5]

né le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 7]

représenté par Me Michel LEDOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503 substitué par Me Vincent DESRIAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503

INTIMEES

SA ALSTOM POWER SYSTEM

[Adresse 3]

[Localité 2]

N° DE SIRET :389 192 030 00143

représentée par Me Camille-Frédéric PRADEL, avocat au barreau d'ANGERS substitué par Me Carine BAILLY-LACRESSE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1441

CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS (BOBIGNY)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Pascale LAPORTE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 332

F.I.V.A. (FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE)

[Adresse 5]

[Adresse 6]

[Localité 4]

défaillante

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 1]

[Localité 1],

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laïla NOUBEL, lors des débats

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Laïla NOUBEL, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La Cour statue sur l'appel principal régulièrement interjeté par Madame [P] [F], à l'encontre du jugement prononcé le 27 juillet 2011, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY et sur l'appel incident régulièrement interjeté par la SA ALSTOM POWER SYSTEM dans le litige les opposant à la Caisse Primaire d'assurance Maladie de SEINE SAINT-DENIS et au Fonds d' Indemnisation des Victimes de l'Amiante.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES:

Madame [P] [F] a travaillé pour le compte de la société ALSTOM POWER SYSTEM sur le site du Bourget, du 1er octobre 1971 au mois d'avril 1993 puis sur le site de la Courneuve, du mois d'avril 1993 au 13 août 1999 en qualité d'employée.

Madame [F] a établi une déclaration de maladie professionnelle le 6 juillet 2009, complétée par un certificat médical initial du 30 juin 2009, portant diagnostic de mésothéliome.

Le caractère professionnel de la maladie a été reconnu et un taux d'incapacité de 100 % attribué le 15 avril 2010. Madame [F] a invoqué la faute inexcusable de son employeur le 12 février 2010.

Par un jugement du 27 juillet 2011 le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY a :

- Déclaré recevable et bine fondée l'action de Madame [F]

- Dit que la maladie professionnelle déclarée le 6 juillet 2009 résulte de la faute inexcusable commise par la société ALSTHOM POWER SYSTEM venant aux droits de la société ALSTOM POWER TURBO MACHINES

- [Localité 6] à Madame [F] l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article

L 452-3 du code de la sécurité sociale

- Fixé l'indemnisation des préjudices ainsi :

- souffrances physiques : 50 000 euros

- souffrances morales : 25 000 euros

- préjudice d'agrément : 8 000 euros

- préjudice esthétique : 2 000 euros

- Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jugement

- Déclaré inopposable à l'employeur la décision de la CPAM de SEINE SAINT-DENIS du 16 décembre 2009 ayant reconnu le caractère professionnel de la maladie déclarée par Madame [F], privée de la faculté de récupération prévue par l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale

-Condamné la société ALSTOM POWER SYSTEM SA à régler à Madame [F] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

-Ordonné l'exécution provisoire à l'exception de la somme accordée au titre des frais irrépétibles.

Monsieur [N] [F], venant aux droits de Madame [P] [H] son épouse, décédée le [Date décès 2] 2014, fait plaider par son conseil les conclusions visées par le greffe le 18 juin 2015 tendant :

- au rejet de toutes les fins de non recevoir invoquées par la société ALSTOM ENERGY et par la CPAM de SEINE SAINT-DENIS

- à voir juger que la maladie professionnelle dont a souffert et est décédée Madame [F] est due à la faute inexcusable de son employeur la société ALSTOM ENERGY

- à la fixation au maximum du montant de la majoration de la rente due aux ayant droits de la victime

- à l'allocation au titre de l'action successorale aux consorts [F] de l'indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation à laquelle Madame [F] aurait pu prétendre avant son décès conformément aux dispositions de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale

- à la fixation de la réparation du préjudice des ayant droits de Madame [F] au titre de l'action successorale comme suit :

- souffrances physiques : 80 000 euros

- souffrances morales : 90 000 euros

- préjudice d'agrément : 60 000 euros

- préjudice esthétique : 2 000 euros

- préjudice sexuel : 10 000 euros

soit un total de 260 000 euros

- à la fixation de l'indemnisation du préjudice moral de Monsieur [N] [F], veuf de Madame [P] [F] à 76 000 euros

- à voir juger qu'en vertu de l'article L 1153-1 du code civil l'ensemble des sommes dues portera intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir

- à la condamnation de la société ALSTOM ENERGY à verser en cause d'appel à Monsieur [N] [F] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Monsieur [N] [F] fait valoir l'importance du préjudice causé par les souffrances physiques lié à la sensation d'étouffement, à d'intenses douleurs thoraciques, à l'épuisement et la lente et inexorable dégradation de l'état de santé de son épouse.

Il souligne la gravité de la souffrance morale en raison de la conscience de la diminution de l'espérance de vie et de la mort imminente.

Il souligne que les affres de la maladies caractérisent le préjudice sexuel de Madame [F].

Enfin il souligne l'importance de son préjudice moral en sa qualité d'époux et de témoin impuissant des terribles douleurs de son épouse.

Sur la majoration de la rente, Monsieur [F] fait valoir que le but de la rente est de contribuer à la réparation du préjudice subi par l'intéressé dans sa vie professionnelle du fait de son handicap. Sur la recevabilité de l'action, la faute inexcusable et l'indemnité forfaitaire, Monsieur [F] sollicite la confirmation du jugement par référence aux motifs adoptés.

La société ALSTOM POWER SYSTEM venant aux droits de la société ALSTOM POWER TURBO MACHINES a développé les conclusions visées par le greffe social le 18 juin 2015.

Elle sollicite à titre principal sur la faute inexcusable la réformation du jugement et le débouté de la demande.

A titre subsidiaire, sur l'indemnité forfaitaire il demande à la Cour de constater qu'une rente a été servie à Madame [F] suivant un taux d'IPP fixé à 100 % et que faute de versement d'une rente au conjoint survivant il ne peut y avoir majoration de rente pour Monsieur [F], demande dont il doit être débouté.

Sur le quantum des indemnités, la société intimée sollicite le débouté ou à tout le moins la réduction à de plus justes proportions des indemnités allouées.Elle demande que la caisse fasse l'avance de l'éventuelle indemnité forfaitaire et des éventuelles indemnités.

En tout état de cause elle rappelle l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la pathologie déclarée et du décès subséquent et rappelle que la caisse ne bénéficiera pas d'une action en remboursement de l'indemnité forfaitaire.

A titre infiniment subsidiaire elle sollicite la réduction à de plus justes proportions de la condamnation éventuellement prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société intimée fait valoir que Madame [F] n'était pas, du fait de ses fonctions au sein de la société, directement impliquée dans la manipulation de matériaux amiantés. Elle rappelle que l'amiante était jusqu'en 1996 légalement vendue en tant que composante de certains produits. Selon l'intimée les pouvoirs publics n'ont pas cru devoir imposer de règles quant à l'utilisation de l'amiante entre 1977 et 1996 et que la responsabilité de l'employeur doit être appréciée objectivement.

La CPAM de SEINE SAINT-DENIS a développé par l'intermédiaire de son conseil les conclusions visées par le greffe social le 18 juin 2015.

Elle demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en remet sur les mérites de l'appel interjeté en ce qui concerne la faute inexcusable.

Dans l'hypothèse où la Cour retiendrait la faute inexcusable de l'employeur elle rappelle qu'un taux d'IPP de 100 % ne peut donner lieu à une majoration de la rente mais uniquement à l'allocation de l'indemnité forfaitaire;

elle demande à la Cour de ramener à de plus justes proportions les sommes éventuellement allouées à Monsieur [F] en ce qui concerne son préjudice personnel et celui de Madame [F];

SUR QUOI,

LA COUR :

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE

Considérant les dispositions de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale dont il résulte qu'en matière d'accident du travail ou de maladie professionnelle, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité résultat et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Considérant qu'en l'espèce l'enquête administrative diligentée par la caisse le 18 novembre 2009 a établi que durant toute son activité professionnelle Madame [F] a été exposée de manière environnementale aux poussières d'amiante, que de 1971 à 1983 son bureau sur le site du Bourget était situé à proximité où les ouvriers assuraient la fabrication des turbines à vapeur et des arbres de turbine matériaux contenant de l'amiante ;

Qu'elle se rendait en outre régulièrement dans les ateliers pour régler des dossiers administratifs ;

Qu'à compter de 1993 elle a rejoint le site de la Courneuve en qualité de comptable, qu'elle était présente lors des travaux visant à retirer les moquettes de son bureau dont les sous face contenaient de l'amiante et dont le plafond était composé de dalles de fibrociment ;

Que de nombreuses attestations de collègues de travail reprises de manière détaillée dans le jugement confirme cette expositions permanente à l'amiante de Madame [F] ;

Que les premiers juges ont exactement relevé par une motivation que la Cour adopte que le risque de maladie lié à la poussière d'amiante était connu est référencé au tableau n°25 par l'ordonnance du 2 août 1945 relative à la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières renfermant de la silice libre ou de l'amiante ;

Que le tableau n°30 relatif à l'asbestose due à l'inhalation de la poussière d'amiante a été crée par le décret du 31 août 1950, complété par le décret du 5 janvier 1976 incluant le mésothéliome et le cancer bronchopulmonaire puis par le décret du 17 août 1977 imposant des mesures particulières d'hygiène dans les établissements où le personnel est exposé à l'action de la poussière d'amiante ;

Qu'il s'en suit qu 'ainsi que l'on exactement motivé les premiers juges la société ALSTOM POWER TURBOMACHINES, leader mondial des infrastructures de production d'énergie et de transport ferroviaire ne pouvait ignorer les connaissances techniques et scientifiques caractérisant la dangerosité de l'amiante dès 1971 date de la prise de fonction de Madame [F] au sein de l'établissement ;

Qu'elle ne justifie d'aucune mesure d'hygiène et de protection en exécution de la réglementation générale spécifique sur l'amiante prises en 1977 et qu' ainsi la faute inexcusable est caractérisée à son encontre ;

SUR LA MAJORATION DE LA RENTE AU CONJOINT SURVIVANT ET L'INDEMNITÉ FORFAITAIRE

Considérant les dispositions de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale selon lesquelles si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100% il lui est alloué en outre une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum en vigueur à la date de la consolidation ;

Qu'il s'en suit qu'au regard de l'allocation de cette indemnité, Monsieur [N] [F] ne peut prétendre au versement de la rente majorée et doit être débouté de cette demande;

SUR L'INDEMNISATION DES PRÉJUDICES AU TITRE DE L'ACTION SUCCESSORALE

Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation des souffrances physiques et morales, du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique ;

Qu'il n'est produit aucune justification du préjudice sexuel et que Monsieur [F] agissant au titre son action successorale doit être débouté de ce chef ;

SUR L'INDEMNISATION DU PRÉJUDICE PERSONNEL DE MONSIEUR [N] [F]

Considérant les dispositions de l'article L 452-3 du code de la sécurité social dont il résulte selon lesquelles en cas d'accident suivi de mort, les ayants droits de la victime mentionnés aux articles L 434-7 et suivants qui n'ont pas droit à une rente en vertu des dits articles peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral ;

Qu'il y a lieu d'allouer à Monsieur [F] une indemnité de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

SUR LES INTÉRÊTS AU TAUX LÉGAL

Considérant que ceux-ci ne sont dus qu'à compter de la date du prononcé du présent arrêt;

SUR LES FRAIS IRREPETIBLES:

Considérant que l'équité impose que la SA ALSTOM POWER SYSTEM soit condamnée à régler à Monsieur [N] [F] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS:

Déclare Monsieur [N] [F], venant aux droits de Madame [P] [H] épouse [F], et agissant en son nom personnel recevable et partiellement fondé en son appel ;

Déclare la SA ALSTOM POWER SYSTEM recevable mais mal fondée en son appel ;

Confirme le jugement en toutes ses disposition ;

Y ajoutant :

Fixe l'indemnité revenant à Monsieur [N] [F] en réparation de son préjudice moral personnel à la somme de 25 000 euros ;

Déboute Monsieur [N] [F] agissant au titre de l'action successorale de sa demande au titre de la rente majorée et de sa demande au titre du préjudice sexuel ;

Rappelle que la charge de ces indemnités incombe à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de SEINE SAINT-DENIS sans recours contre l'employeur du fait de l'inopposabilité à la société ALSTOM POWER SYSTEM de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Madame [P] [F] ;

Condamne la SA ALSTOM POWER SYSTEM à régler à Monsieur [N] [F] agissant en son nom personnel et au titre de l'action successorale une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, à la charge de l'appelant qui succombe au dixième du montant du plafond mensuel prévu par l'article L 241-3 et condamne la SA ALSTOM POWER SYSTEM à ce paiement.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 11/09237
Date de la décision : 15/10/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°11/09237 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-15;11.09237 ?
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