RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 14 Octobre 2015
(n° , 06 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/03558
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Mars 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 11/11193
APPELANTE
Me [N] [A] (SELAFA M.J.A SIRET-44067250900021) - Mandataire judiciaire de la S.A.R.L. CAP 15
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Me [V] [I] - Administrateur judiciaire de la S.A.R.L. CAP 15
[Adresse 6]
[Adresse 6]
S.A.R.L. CAP 15
N° SIRET : 451 346 589 00034
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentés par Me Rachel LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
INTIMES
Monsieur [U] [G]
[Adresse 3]
[Adresse 3] C
[Adresse 3]
L'UNION LOCALE CGT DE CHATOU
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentés par M. [C] [R] (Délégué syndical ouvrier) - dûment mandaté
PARTIE INTERVENANTE :
AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représenté par Me Françoise WORMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0110
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 01 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, conseiller faisant fonction de président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Chantal GUICHARD, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, conseiller faisant fonction de président de chambre et par Madame Marjolaine MAUBERT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu les conclusions de la société CAP 15 en redressement judiciaire, de Maître [I] [V] ès qualités d'administrateur judiciaire, et de Maître [A] [Z] ès qualité de mandataire judiciaire, celles de Monsieur [U] [G] et de l'Union locale CGT de Chatou, et celles de l'UNEDIC AGS-CGEA Ile de France Ouest visées et évoquées à l'audience du 1er septembre 2015.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [G] a été embauché par divers contrats de travail à durée déterminée entre janvier 2005 au 22 février par la société CAP 15 en qualité d'extra « Maître d'hôtel ». Auparavant, il travaillait dans les mêmes conditions pour la société NORELL AMENAGEMENT d'octobre 1996 à décembre 2004, le salarié soutenant qu'il s'agit d'un transfert de contrat entre les deux sociétés.
La convention collective applicable est celle des bureaux d'études techniques dite SYNTEC depuis mai 2005.
Se plaignant avec un autre collègue que la société ne respectait pas les règles légales, Monsieur [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 11 août 2011, enregistré le 16 août 2011, aux fins de voir requalifier les contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et la rupture en licenciement nul ou sans cause réelle ou sérieuse.
Par jugement rendu en audience de départage du 13 mars 2013, le conseil de prud'hommes a :
Dit que les demandes portant sur la période antérieure au 16 août 2006 sont prescrites,
Ordonné la requalification des contrats d'extra en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 16 août 2006,
Dit que la rupture intervenue le 22 février 2011 est un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamné la société CAP 15 à lui payer les sommes de :
- 1.709,93 euros au titre de l'indemnité de requalification,
- 13.679,44 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2.051,91 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 1.709,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 170,99 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 1.709,93 euros à titre d'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement,
- 45.571,09 euros à titre de rappel de salaire au titre d'un temps plein,
- 1.178,42 euros au titre de rappel de salaire pour la variation du taux horaire,
- 117,84 euros au titre des congés payés afférents,
Condamné la société CAP 15 à payer à l'Union locale CGT de Chatou la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,
Dit que les intérêts au taux légal courent à compter du 2 septembre 2011 pour les créances salariales et à compter du prononcé de la décision pour les autres sommes allouées,
Ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
Ordonné à la société CAP 15 de remettre à Monsieur [G] un certificat de travail, des bulletins de paie et l'attestation destinée à Pôle Emploi conformes à la décision,
Dit n'y a pas lieu à exécution provisoire, sous réserve de l'exécution provisoire de plein droit en application des dispositions de l'article R 1454-28 du code du travail,
Condamné la société CAP 15 à payer à Monsieur [G] la somme de 1.600 euros et à l'Union locale CGT de Chatou la somme de 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
Condamné la société CAP 15 aux dépens.
La société CAP 15 a interjeté appel le 10 avril 2013 et demande :
l'infirmation du jugement sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein, sur la rupture jugée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur les sommes allouées,
la confirmation du jugement pour le surplus,
la condamnation solidaire de Monsieur [G] et de l'Union locale CGT de Chatou à lui payer une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'UNEDIC délégation régionale AGS- CGEA Ile de France Ouest s'associe aux demandes de l'employeur et demande de confirmer le jugement sur la prescription, le réformer sur cette date et fixer celle-ci au 5 septembre 2006, d'infirmer le jugement et de débouter Monsieur [G] de ses demandes.
Elle rappelle que le taux d'intérêt légal ou conventionnel est arrêté à l'ouverture de la procédure collective soit le 11 juin 2014, et que la garantie de l'AGS ne couvre pas les frais irrépétibles.
Monsieur [G] a formé appel incident et demande :
la confirmation du jugement sur la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à temps plein, en ce qu'il a fixé la moyenne des salaires sur la base d'un temps plein à la somme de 1.709,93 euros brut, et sur la rupture analysée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné l'employeur à lui verser des indemnités (indemnité de requalification et indemnité pour inobservation de la procédure chacune fixée à 1.709,93 euros),
l'infirmation du jugement sur les montants alloués et sur le surplus,
de déclarer les demandes de rappel de salaire antérieures au 16 août 2006 non prescrites,
la condamnation de la société CAP 15 et des organes de la procédure judiciaire à lui payer les sommes suivantes :
- indemnité compensatrice de salaire pour les heures non effectuées sur la base d'un temps plein soit 162.841,48 euros brut et congés payés afférents, soit 16.284,15 euros brut,
- rappel de salaire au titre des diminutions illicites du taux horaire soit 1.858,38 euros brut et les congés payés afférents soit 185,84 euros brut,
- dommages et intérêts pour non paiement de l'indemnité de nourriture pendant 70 mois soit 5000 euros ou subsidiairement, d'»ordonner la production de tous les contrats du salarié par la société afin de pouvoir établir le calcul exact des indemnités de nourriture dues en fonction des jours travaillés,
- indemnité de préavis (2 mois) : 3.419,86 euros brut et congés payés afférents soit 341,99 euros brut,
- indemnité légale de licenciement : 5.842,31 euros net,
- indemnité pour licenciement nul (12 mois) ou sans cause réelle ou sérieuse (6 mois minimum) : 30.000 euros
en tout état de cause,
les condamner à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
d'ordonner la délivrance des documents suivants sous astreinte de 100 euros et que la Cour se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte : certificat de travail indiquant les droits à DIF, les bulletins de salaire, l'attestation Pôle Emploi,
d'ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal en application de l'article 1154 du code civil, à compter de la première demande soit la saisine du conseil de prud'hommes,
de condamner les appelants aux dépens.
l'Union locale CGT de Chatou sollicite :
la confirmation du jugement,
de dire et juger qu'elle peut en qualité de syndicat professionnel, exercer les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente,
la condamnation de la société CAP 15 à lui payer les sommes allouées par le tribunal et en cause d'appel une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens et ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal en application de l'article 1154 du code civil, à compter de la première demande soit la saisine du conseil de prud'hommes.
SUR CE,
Sur la requalification des contrats
Considérant que la société CAP 15 explique qu'elle a pour activité l'organisation et la réception d'événementiels avec ou sans restauration dans son centre des Congrès ; que l'activité du Centre est fluctuante et diversifiée en terme de prestations ; que son service restauration est composé de 4 salariés permanents et que pour les manifestations pour lesquelles est demandé une restauration pour de nombreux participants (50 à 1300), elle a recours à du personnel extérieur pour le temps de la prestation due au client ; qu'elle a soulevé l'irrecevabilité des demandes antérieures à sa création en janvier 2005, pour acquisition de la prescription au 5 septembre 2006 (le 5 septembre 2011 est la date à laquelle elle a eu connaissance de la demande) et pour justification de la personnalité morale de l'Union locale CGT de Chatou ; qu'elle s'oppose aux demandes du salarié au motif que Monsieur [G] n'a pas continuellement travaillé pour elle, qu'elle n'a pas été son unique employeur et que cet emploi n'avait pas pour effet de pourvoir à un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société ; que les années passées auprès de la société NORELL AMENAGEMENT, entité distincte et dont l'activité n'est pas identique ne peuvent lui être opposées ; qu'il n'y a pas eu transfert ni de société ni de contrats de travail ; que la durée des emplois de Monsieur [G] n'est pas continue ; que les contrats sont corroborés par la preuve de l'événement auquel ils se rapportent ; que le secteur d'activité a habituellement recours à des extras et que le recours à des extras ou des vacataires est autorisé ; que cette activité a un caractère fluctuant selon les mois et inégal d'une année sur l'autre ; que les contrats respectent la législation et comportent toutes les mentions requises et notamment le nombre d'heure à réaliser, l'emploi occupé avec la mention MH pour Maître d'hôtel ;
Considérant que Monsieur [G] sollicite la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée au motif que le contrat de travail à durée déterminée ne doit pas avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, qu'il a travaillé durant 15 ans sous la forme de lettre d'engagement d'extra soit du 1er octobre 1996 au 22 février 2011, que la société CAP 15 était son unique employeur à compter de 1998 et que ceci est démontré à partir de 2006, qu'un tel contrat ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés à l'article L 1242-2 du code du travail ; qu'il appartient à l'employeur de démontrer l'existence d'un usage constant dans le secteur et l'emploi occupé, ce qu'il ne fait pas comme faisant travailler ses salariés dans ses propres locaux et il ne justifie pas que les manifestations faisant l'objet des lettres d'engagement constituait une activité inhabituelle et temporaire ; qu'il soutient aussi que de nombreuses irrégularités affectent les contrats de travail tels que l'absence de date de signature, l'objet du contrat (le nom du client et contrat avec le client), l'absence de mention lu et approuvé, le caractère imprécis de la mention MH ; qu'il indique qu'en réalité la société CAP 15 avait recours à des extras de manière systématique, continuelle et habituelle ;
Mais considérant que sur la prescription, les premiers juges ont parfaitement retenu que le délai de 5 ans a été interrompu par la saisine du conseil de prud'hommes, sans qu'il y ait lieu de ce fait d'examiner la demande de Monsieur [G] sur la période où il travaillait pour une autre société, par ailleurs toujours existante et distincte de la société CAP 15 qui n'a repris ni son activité, ni les contrats de travail et sans que l'argument avancé par le salarié soit un empêchement à exercer ses droits puisse être retenu ;
Considérant que le jugement a parfaitement relevé qu'en application de l'article L 1242-2 et D 1242-1 du code du travail et de la convention collective SYNTEC, la restauration est un secteur d'activité dans laquelle il est d'usage constant de recourir à des contrats à durée déterminée ;
Considérant que l'emploi exercé a par nature un caractère temporaire ainsi que le démontre la société CAP 15 par la production des divers contrats conclus en vue d'une manifestation, contrats pour la satisfaction desquels il a signé une lettre d'engagement avec Monsieur [G], nonobstant les quatre salariés permanents qu'il a pour assurer les manifestations sans restauration ou avec une restauration réduite à un petit déjeuner pour un petit nombre de personnes ; qu'il résulte des pièces produites que ces événements avaient un caractère fluctuant selon les mois et les années, Monsieur [G] pouvant travailler entre 1 et 18 jours par mois ou pas du tout ;
Considérant qu'au surplus, il ressort d'attestations de collègues de travail, Messieurs [M], [S], [L], qu'ils lui ont proposé de postuler pour un contrat à durée indéterminée lorsque des salariés sont partis et que sa demande serait appuyée, mais que Monsieur [G] ne s'est pas montré intéressé et a déclaré préférer ce statut pour des raisons financières et de gestion d'horaires ; que ce fait n'est pas contredit par le salarié qui n'a jamais sollicité un contrat à durée indéterminée ou un temps plein ; qu'il a d'ailleurs travaillé pour d'autres sociétés et été indemnisé par Pôle Emploi hors les périodes de travail pour des sommes équivalentes à celles de ses emplois ;
Considérant enfin que les lettres d'engagement ou contrats à durée déterminée sont conformes comme mentionnant les noms et prénoms de la personne engagée, la manifestation avec le nom du client, l'emploi occupé par Monsieur [G] soit celui de Maître d'hôtel, peu important que cette qualification soit désignée par les initiales MH, les bulletins de paye comportant la mention Maître d'Hôtel, la journée et les heures de travail, le tarif horaire ainsi que les heures supplémentaires ; que ces contrats ont fait l'objet d'une déclaration d'embauche ; que l'absence de date sur le contrat conclu à la journée, de même que l'absence de mention lu et approuvé au dessus de la signature ne permettent pas de retenir ces éléments comme des irrégularités affectant les contrats de travail ;
Considérant que le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu que la société CAP 15 ne démontrait pas qu'il serait d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée pour l'emploi de Maître d'hôtel alors même qu'il s'agit d'un emploi de restauration et ce nonobstant l'activité plutôt soutenue au sein de la société CAP 15 ; qu'il n'est pas démontré que le salarié aurait dû se tenir à la disposition permanente de son employeur au regard des heures parfaitement indiquées dans les contrats et de ses autres emplois ; que Monsieur [G] sera débouté de ses demandes y compris en requalification à temps plein, en rappel de salaire et de nourriture au regard de la convention collective et sur la rupture ; qu'il en sera de même pour l'Union locale CGT de Chatou dont l'intérêt à agir n'est pas contestable ;
Considérant que succombant, Monsieur [G] et l'Union locale CGT de Chatou supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel ; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont dû supporter au titre de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirmant le jugement déféré,
Déboute Monsieur [G] et l Union locale CGT de Chatou de leurs demandes,
Rappelle que la décision est opposable à l'AGS CGEA,
Rejette toute autre demande,
Condamne Monsieur [G] et l Union locale CGT de Chatou aux dépens de première instance et d appel.
LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT
FONCTION DE PRÉSIDENT