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08/10/2015 | FRANCE | N°13/23781

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 08 octobre 2015, 13/23781


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2015



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23781



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Octobre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/08815





APPELANTS



Monsieur [J] [H]

Le moulin [Localité 1]

[Localité 2]



Madame [Y]

[H]

Le moulin [Localité 1]

[Localité 2]



SARL LE MOULIN [Localité 1], inscrite au RCS d'ALENÇON, SIRET n° [Localité 1], ayant son siège social

LE MOULIN [Localité 1]

[Localité 2]



représentés par Me ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2015

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23781

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Octobre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/08815

APPELANTS

Monsieur [J] [H]

Le moulin [Localité 1]

[Localité 2]

Madame [Y] [H]

Le moulin [Localité 1]

[Localité 2]

SARL LE MOULIN [Localité 1], inscrite au RCS d'ALENÇON, SIRET n° [Localité 1], ayant son siège social

LE MOULIN [Localité 1]

[Localité 2]

représentés par Me Josiane CARRIERE JOURDAIN de la SELURL CARRIERE JOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0055

assistés de Me Philippe BENEZRA, avocat au barreau de PARIS, toque : D0111

INTIMÉS

SA ALLIANZ IARD, venant aux droits de la société AGF IART, inscrite au RCS de PARIS, SIRET n° 542 110 291 00011, ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Eric MANDIN de la SCP COMOLET MANDIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0435

GAEC [Adresse 2], prise en la personne de ses liquidateurs M. [N] [T] et Mme [A] [V] épouse [N]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté et assisté par Me Dov HACCOUN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0283

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique DOS REIS, Président de chambre

Madame Denise JAFFUEL, Conseiller

Madame Claudine ROYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique DOS REIS, Président, et par Madame Stéphanie JACQUET, Greffier présent lors du prononcé et auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

***

La SARL LE MOULIN [Localité 1] exploite sur le site du Moulin [Localité 1] dans l'Orne, un parcours de pêche sur un terrain composé de 12 étangs appartenant à Monsieur et Madame [J] et [Y] [H], activité autorisée par arrêté préfectoral du 19 avril 2000. Ces 12 plans d'eau sont alimentés par deux prises sur le bief du moulin, lui-même issu de la rivière [Localité 5].

Le 22 février 2004, les époux [H] ont constaté que l'eau du ruisseau de [Localité 6] et du [Localité 7] alimentant les étangs ainsi que l'eau des étangs eux-mêmes, était recouverte de matières brunes et nauséabondes, et qu'à 10 kilomètres, dans une ferme exploitée par le GAEC [Adresse 2], l'évacuation de matière brunes de la fosse se faisait dans un ruisseau se déversant dans [Localité 6].

Les époux [H] et le MOULIN [Localité 1] ont saisi en référé le Président du Tribunal de grande instance d'Alençon aux fins d'expertise.

Par ordonnance du 4 mars 2004, Monsieur [P] a été désigné en qualité d'expert, et le GAEC [Adresse 2] a été condamné sous astreinte à modifier ou supprimer son système d'évacuation des eaux polluées dans le ruisseau.

Le GAEC [Adresse 2] a déclaré le sinistre auprès de son assureur responsabilité civile les AGF, dont la nouvelle dénomination est aujourd'hui ALLIANZ IARD.

L'expert a déposé son rapport le 10 mai 2004 et sur la base de ce rapport, le MOULIN [Localité 1] et les Consorts [H] ont fait assigner le GAEC [Adresse 2] par actes d'huissier des 22, 23 et 26 juillet 2004, en indemnisation de leur préjudice.

Par jugement du 18 novembre 2004, le Tribunal de grande instance de Paris (5ème chambre) a':

- dit que le GAEC [Adresse 2] était à l'origine du phénomène initial de pollution du parcours de pêche de la SARL LE MOULIN [Localité 1],

- avant-dire-droit, désigné Monsieur [R] en qualité d'expert aux fins notamment de donner tous éléments permettant de déterminer le préjudice subi par la SARL LE MOULIN [Localité 1].

Au vu du rapport de cet expert, déposé le 30 novembre 2006, le Tribunal de grande instance de Paris (5ème chambre) a par jugement du 26 juin 2008:

- condamné in solidum le GAEC [Adresse 2] et la société AGF à payer à chacun des époux [H] la somme de 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral,

condamné in solidum le GAEC [Adresse 2] et la société AGF à payer à la SARL LE MOULIN [Localité 1] la somme de 150.000 euros à titre de provision à valoir sur ces pertes d'exploitation,

- condamné in solidum le GAEC [Adresse 2] et la société AGF à payer à la SARL LE MOULIN [Localité 1] la somme de 136.679,22 euros au titre du coût du traitement bactériologique, des investissements réalisés pour limiter et supprimer les conséquences de la pollution et des frais induits,

- condamné in solidum le GAEC [Adresse 2] et la société AGF à payer à la SARL LE MOULIN [Localité 1] la somme de 109.239,70 euros au titre du coût des frais de curage et de vidange,

- ordonné une expertise comptable confiée à Monsieur [W] [U] aux fins de fournir tous les éléments permettant de déterminer les pertes d'exploitation et de chiffre d'affaires subies par la SARL LE MOULIN [Localité 1],

- sursis à statuer sur le surplus des demandes.

Sur appel des défendeurs, la Cour d'appel de Paris a confirmé la décision du tribunal par arrêt du 26 octobre 2010, sauf sur les frais de vidange et de curage des étangs, et le réformant sur ce point a condamné in solidum du GAEC [Adresse 2] et la société AGF IART à payer à la SARL MOULIN [Localité 1] la somme de 218.479,40 euros au titre des frais de vidange et de curage, outre une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des époux [H] et de la SARL LE MOULIN [Localité 1].

Le GAEC [Adresse 2] et son assureur ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, dont ils se sont désistés ultérieurement.

Ils ont toutefois saisi le Juge de la mise en état d'une nouvelle demande d'expertise aux fins de déterminer dans quelles proportions des causes extérieures à la pollution de 2004 auraient pu jouer dans la survenance du phénomène de turbidité allégué. Cette demande a été rejetée par ordonnance du juge de la mise en état du 5 mai 2011 disant n'y avoir lieu à nouvelle expertise.

Après dépôt le 14 octobre 2011 du rapport de Monsieur [U], les parties ont repris l'instance.

Par jugement du 10 octobre 2013, le Tribunal de grande instance de Paris (5ème chambre) a:

- déclaré irrecevables les demandes formées au titre des frais et des investissements liés à la pollution, hors curage, des frais de traitement des boues des frais de forage et de frais de dé-pollution des plans d'eau,

- rejeté la demande au titre de la fermeture du site pour curage,

- fixé le préjudice d'exploitation subi par la SARL LE MOULIN [Localité 1] pour les années 2004 et 2005 à la somme de 150.000 euros,

- rejeté le surplus des demandes,

- débouté la SARL LE MOULIN [Localité 1] et Monsieur et Madame [H] de l'ensemble de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à nouvelle expertise,

- dit que la compagnie ALLIANZ IARD était fondée à opposer à son assurée et aux tiers le plafond de garantie de 305.000 euros par sinistre et l'application de la franchise de 10% du montant des dommages avec un maximum de 600 euros,

- condamné la SARL LE MOULIN [Localité 1], Monsieur [J] [H] et Madame [Y] [H] à restituer à la Compagnie ALLIANZ IARD la somme de 304.400 euros,

- condamné in solidum le GAEC [Adresse 2] et son assureur ALLIANZ IARD au paiement d'une somme de 10.000 euros à la SARL LE MOULIN [Localité 1], Monsieur [J] [H], et Madame [H] et Madame [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné in solidum le GAEC [Adresse 2] et son assureur ALLIANZ IARD aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise de Messieurs [P], [R] et [U] et dit qu'ils seraient recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Monsieur et Madame [J] et [Y] [H] et la SARL LE MOULIN [Localité 1] ont relevé appel de ce jugement par déclaration d'appel du 11 décembre 2013.

Les époux [H] et la SARL LE MOULIN [Localité 1] demandent à la Cour par dernières écritures signifiées le 12 mars 2015 d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, au visa de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 rejetée des débats, des courriers de la Compagnie ALLIANZ à Maître [D] des 27 août 2008 et 7 septembre 2009 de :

- condamner solidairement les intimés pour les causes sus-énoncées, à payer à la Société LE MOULIN [Localité 1], la somme de 1.966.080 euros, avec intérêts sur la somme de 1.222.741,30 euros, à compter du 21 décembre 2007 (date de la signification des dernières conclusions des concluants devant le Premier Juge) et, pour le surplus, à compter du 13 février 2012,

- d'ordonner, s'agissant des intérêts échus, leur capitalisation dans les termes de l'article 1154 du Code Civil,

- de condamner sous la même solidarité les intimés au paiement de la somme de 80.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre infiniment subsidiaire,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a les a condamnés in solidum à restituer à la Compagnie ALLIANZ les sommes excédant le plafond de garantie,

- condamner les intimés solidairement, au paiement de l'intégralité des dépens lesquels comprendront les frais et honoraires des trois expertises avec distraction pour ceux qui la concerne, au profit de la SELARL CARRIERE JOURDAIN.

Le GAEC [Adresse 2] par dernières conclusions signifiées le 31 mai 2014 demande à la Cour, au visa des articles L 112-1 et suivants du Code des Assurances et 1134 et suivants du Code Civil, des rapports [P], [R] et [U] et surtout du rapport [I] de :

* Sur la garantie de la Compagnie ALLIANZ IARD,

- d' infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, au visa de la police ' TERROIRS ' souscrite par le GAEC [Adresse 2] et son environnement contractuel,

- condamner ALLIANZ IARD à le garantir de toutes condamnations (passées ou à venir) en principal, frais, dommages-intérêts et accessoires qui (ont été ou) pourraient être prononcées à son encontre au profit du MOULIN [Localité 1], de M. et Mme [H],

- condamner ALLIANZ IARD à prendre en charge les frais de Conseils supportés à ce jour par le GAEC [Adresse 2] devant le Tribunal et devant la Cour

* Sur les demandes de la SARL DU MOULIN [Localité 1]

- de confirmer le jugement entrepris à l'exception des indemnités allouées au titre du préjudice d'exploitation et de l'article 700 du code de procédure civile,

- ramener en tout état de cause à de plus justes proportions les prétentions émises vu leur caractère exorbitant, soit pour la période 2004/2005, une perte de Marge Brute de 27.686 euros,

- condamner tout succombant, ALLIANZ IARD ou à défaut la SARL LE MOULIN [Localité 1] et les époux [H], au paiement d'une indemnité de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers de la procédure de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise de Messieurs [P], [R], [I] et [U], avec recouvrement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

* A titre infiniment subsidiaire, compte tenu de la mission de Monsieur [U] qui était de déterminer la perte de chiffre d'affaire engendrée par la pollution, exclusivement au cours des années 2004 à 2007, et avant dire droit,

- constater que Monsieur [U] dans sa spécialité n'avait pas compétence pour distinguer entre les pertes engendrées par la pollution et celles engendrées pas des causes extérieures à la pollution,

- constater que ces causes extérieures sont nombreuses et décrites par les Experts [P] et [R],

- en conséquence, voir désigner tel Expert qu'il plaira aux frais avancés de la Compagnie ALLIANZ IARD, avec mission :

* d'examiner les rapports de MM [P] et [R],

* de procéder à toutes investigations, prélèvements, et plus généralement à toutes mesures en vue de dire si le phénomène de turbidité, qui a pu être constaté par moment, a pour origine d'autres causes extérieures à la pollution de 2004 et quantifier l'implication de ces causes dans la perte de chiffre d'affaires,

* fournir plus généralement tous éléments permettant à la juridiction de déterminer dans quelles proportions ces causes extérieures ont pu jouer dans la survenance éventuelle du phénomène de turbidité allégué,

- surseoir à statuer dans l'attente du dépôt de ce rapport,

- réserver en ce cas les dépens .

La société ALLIANZ IARD par dernières conclusions signifiées le 2 juillet 2014 demande à la Cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables demandes formées au titre des frais et investissements liés à la pollution hors curage, des frais de traitement des boues, des frais de forage et des frais de dé-pollution des plans d'eau,

- rejeté la demande au titre de la fermeture du site pour curage,

- dit qu'en raison de l'autorité de la chose jugée, le préjudice d'exploitation subi par la SARL LE MOULIN [Localité 1] devait être pris en compte pour les années 2004 et 2005,

- débouté la SARL LE MOULIN [Localité 1] et Monsieur et Madame [H] de l'ensemble de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à nouvelle expertise,

- dit que la Compagnie ALLIANZ IARD est fondée à opposer à son assuré et aux tiers le plafond de garantie de 305.000 euros par sinistre et l'application de la franchise de 10 % du montant des dommages avec un maximum de 600 euros,

- condamné la SARL LE MOULIN [Localité 1], Monsieur [J] [H] et Madame [Y] [H] à restituer à la Compagnie ALLIANZ IARD les sommes perçues supérieures au plafond de garantie moins la franchise, soit 304.400 euros ;

- l'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau,

- débouter le GAEC [Adresse 2] de l'intégralité de ses demandes dirigées contre elle ,

Sur la demande de la SARL MOULIN [Localité 1],

- dire et juger que l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision rend irrecevable les demandes formées par la SARL LE MOULIN [Localité 1] au titre des frais et investissements liés à la pollution pour 364.665 euros, des frais de curage et de traitement des boues pour 233.178 euros, pour fermeture pour curage pour 318.739 euros, pour frais de forage pour 101.443 euros et pour travaux de dépollution pour 64.800 euros.

- dire et juger en conséquence que la SARL MOULIN [Localité 1] et les époux [H] ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un préjudice d'exploitation imputable au GAEC [Adresse 2] suite à la pollution accidentelle du 21 février 2004,

- fixer le préjudice au regard de l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne la perte d'exploitation pour les exercices 2004 et 2005 à la somme de 27.686 euros

- rejeter le surplus des demandes,

- dans l'hypothèse même où la Cour admettrait un préjudice d'exploitation au-delà de l'exercice 2005, réduire les prétentions de la SARL MOULIN [Localité 1], lesquelles ne sont pas pertinentes à la suite de l'analyse des chiffres communiqués,

- dans l'hypothèse où la Cour retiendrait l'existence d'une pollution continue, dire que celle-ci ne présenterait plus le caractère accidentel qui conditionne sa garantie laquelle ne pourrait être mobilisée, la direction de la procédure n'interdisant pas ALLIANZ de faire valoir ce moyen,

- rejeter l'avis de Monsieur [U],

- condamner reconventionnellement solidairement, in solidum ou les uns à défaut des autres, la SARL LE MOULIN [Localité 1] et les époux [H] à restituer le trop-perçu obtenu à la suite de la procédure d'exécution forcée, c'est-à-dire les sommes supérieures au plafond de garantie moins la franchise, soit 304.400 euros avec intérêts au taux légal à compter des règlements et capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du Code Civil,

- condamner solidairement ou in solidum, voire les uns à défaut des autres, la SARL LE MOULIN [Localité 1], Monsieur [J] [H] et Madame [Y] [H] d'une part, le GAEC [Adresse 2] d'autre part, à lui verser au visa de l'article 700 du Code de Procédure Civile, une indemnité de 10.000 euros et rejeter les demandes formées de ce chef par les autres parties,

- condamner en tout état de cause, les mêmes sous la même solidarité aux entiers dépens de première instance et d'appel lesquels pourront être directement recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions, moyens et arguments dont elle est saisie, la Cour fait référence expresse à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 avril 2015.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Le litige opposant les parties est essentiellement limité à l'évaluation du préjudice d'exploitation subi par les époux [H] et la SARL LE MOULIN [Localité 1] à la suite de la pollution du parcours de pêche survenue en février 2004, et à l'étendue de la garantie ALLIANZ, assureur du GAEC [Adresse 2], venant aux droits de la société AGF IART.

Les premiers juges ont déjà rappelé qu'il avait été définitivement statué (par le jugement du 26 juin 2008) sur la responsabilité du GAEC [Adresse 2], et que seul restait à déterminer le préjudice subi par la SARL LE MOULIN [Localité 1] au titre du préjudice d'exploitation, pour l'évaluation duquel une expertise avait été confiée à Monsieur [U].

Sur l'évaluation du préjudice d'exploitation

Les époux [H] et la SARL LE MOULIN [Localité 1] demandaient en première instance une somme totale de 2.176.776 euros correspondant aux pertes d'exploitation, mais y avaient ajouté des frais et investissements liés à la pollution, des frais de curage et de traitement des boues, les frais de fermeture pour curage, les frais de forage et le coût de travaux de dé-pollution.

Les premiers juges ont strictement délimité ce préjudice d'exploitation en déclarant irrecevables en raison de l'autorité de la chose jugée, les demandes relatives aux frais et investissements liés à la pollution, aux frais de forage, frais de curage et de traitement des boues et à la fermeture pour curage sur lesquelles il avait été définitivement statué dans le jugement du 26 juin 2008 (confirmé en appel).

Le Tribunal en première instance a alloué au MOULIN [Localité 1] une somme de 150.000 euros au titre de la perte d'exploitation pour les années 2004 et 2005 estimant que les demandes d'indemnisation pour les périodes postérieures étaient insuffisamment étayées.

En appel les époux [H] et la SARL LE MOULIN [Localité 1] réitèrent cependant leurs demandes en réclamant une somme totale de 1.966.080 euros incluant les sommes suivantes:

- 1.093.951 euros au titre de la perte d'exploitation : soit 1.243.951 euros -150.000 euros de provision;

- 159.161 euros HT au titre des frais de vidange et de curage, déduction faite de la somme de 218.479 euros allouée par l'arrêt du 26 octobre 2010;

- 227.986 euros au titre des frais et investissements: soit 364.665 euros ' 136.679 euros alloués par le jugement du 26 juin 2008;

- 101.443 euros au titre des frais de forage;

- 378.739 euros au titre des frais de fermeture pour curage;

- 64.800 euros au titre du nettoyage des plans d'eau.

Le GAEC [Adresse 2] demande la confirmation du jugement entrepris à l'exception des indemnités allouées au titre du préjudice d'exploitation et au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il estime exorbitantes les prétentions émises par les appelants et soutient à titre subsidiaire que l'expert [U] n'avait pas compétence pour distinguer entre les pertes engendrées par la pollution et celles engendrées par des causes extérieures à la pollution; que ces causes extérieures et leur incidence sur la perte de chiffre d'affaires nécessitent une expertise aux frais avancés de la compagnie ALLIANZ et un sursis à statuer dans l'attente du rapport.

La compagnie ALLIANZ demande la confirmation du jugement sur les irrecevabilités prononcées en raison de l'autorité de la chose jugée et la limitation du préjudice d'exploitation aux années 2004 et 2005. L'assureur demande l'infirmation du jugement sur le quantum du préjudice au titre de la perte d'exploitation qui selon lui doit être fixé à la somme de 27.686 euros. Il conteste les conclusions du rapport [U], lequel a réfuté toute référence à l'activité du MOULIN [Localité 1] antérieure au sinistre en raison du fait que l'entreprise était en démarrage d'activité, rejeté toute tentative de comparaison avec une entreprise similaire et refusé toute comparaison de l'activité de la période de perturbation avec celle de l'année 2010 qui selon lui n'entrait plus dans le champ de l'expertise. La compagnie ALLIANZ fait en outre valoir que la SARL LE MOULIN [Localité 1] n'a réalisé aucun des travaux de curage envisagés alors qu'elle a perçu les fonds nécessaires pour le faire.

Sur ce,

Il ressort de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 26 octobre 2010 (pôle 2 ' chambre 5) aujourd'hui définitif, qu'il a déjà été définitivement statué sur les préjudices relatifs aux frais de vidange et de curage (218.479 euros allouée par l'arrêt du 26 octobre 2010 ) et sur les frais correspondant au coût du traitement bactériologique, aux investissements réalisés par le Moulin pour limiter et supprimer les conséquences de la pollution ainsi que sur les frais induits ( 136.679 euros alloués par le jugement du 26 juin 2008, confirmés en appel).

C'est donc à juste titre que les premiers juges, statuant sur la fin de non recevoir relative à l'autorité de la chose jugée, ont déclaré irrecevables les demandes des appelants relatives aux frais de vidange et de curage, aux frais et investissements, ainsi qu'aux frais induits de forage, de fermeture pour curage, et de nettoyage des plans d'eau, relevant sur ces trois dernières catégories de frais que la nécessité technique de les réaliser n'était pas justifiée et qu'en tout état de cause, ces frais ne correspondaient pas à la mission de l'expert désigné uniquement pour réaliser une expertise comptable.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur les irrecevabilités prononcées et en ce qu'il s'est strictement limité à l'examen du préjudice subi par les appelants au titre de la perte d'exploitation de 2004 à 2009 et à la perte d'exploitation spécifique d'exploitation subie durant la période de curage du site.

S'agissant de la perte d'exploitation proprement dite, l'expert avait reçu pour mission :

- d'examiner les chiffre d'affaires réalisés par la SARL LE MOULIN [Localité 1] depuis son ouverture jusqu'au 24 février 2004, date de la pollution des étangs de pêche, ainsi que les bilans et tous documents comptables utiles,

- dire quelle était la marge bénéficiaire et le chiffre d'affaire lié au parcours de pisciculture,

- déterminer pour les années 2004 à 2009 inclus la perte de chiffre d'affaires engendrée par la pollution,

- déterminer le montant de la perte de chiffre d'affaires engendrée par la fermeture du parcours de pisciculture pendant les 6 mois de fermeture nécessaire au curage et à la vidange et préciser la période la plus opportune pour la réalisation de ces travaux afin de réduire les pertes de chiffre d'affaires,

- fournir plus généralement tous éléments utiles pour déterminer aussi précisément que possible les pertes d'exploitation et de chiffre d'affaires de la SARL LE MOULIN [Localité 1],

- rechercher dans la comptabilité de la SARL si son gérant percevait une rémunération ou s'il avait ou non été rémunéré à compter du 22 février 2004 et faire la même chose pour Madame [H],

- préciser le taux horaire moyen en 2004 de la rémunération d'une salarié employé dans une entreprise réalisant des travaux de faucardage,

- répondre aux dires des parties en précisant les motifs d'acceptation ou de rejet des chiffres et moyens soumis.

L'expert n'a pas été en mesure, au vu de la comptabilité de la SARL LE MOULIN [Localité 1], de faire le simple constat en lecture des comptes de chiffre d'affaire et de la marge bénéficiaire sectoriel du parcours de pisciculture. Il a estimé qu'un travail analytique de traitement était nécessaire pour répondre à la question posée. Il a cependant donné son avis au terme des travaux et échanges contradictoires dans les conclusions sur les chefs de mission impliquant un avis technique. Il a notamment expliqué que la SARL LE MOULIN [Localité 1] était une très petite entreprise tenant une comptabilité régulière, mais sans identification analytique de la contribution des différentes branches contribuant à la construction du résultat; que cette entreprise était dans une période émergente de création d'activité où les résultats évoluaient fortement d'une année à l'autre, en partant de zéro avec des spécificités non récurrentes d'une période de démarrage et sans avoir atteint la stabilité d'activité permettant de pertinentes projections au vu des années récentes passées pour apprécier ce qu'auraient été, sans sinistre, les années suivantes.

Il a estimé cependant globalement à 1.250.000 euros la perte d'exploitation résultant de la pollution pour l'ensemble des années 2004 à 2009, soit une perte nette de résultat de l'ordre de 520.000 euros sur le cumul des 6 années après la prise en charge de la couverture sur les mêmes 6 années de 727.661 euros de frais fixes.

S'agissant de la rémunération des gérants, l'expert a précisé que Madame [H] avait été seule gérante jusqu'en 2007, puis avait exercé à compter du 1er octobre 2007 la gérance conjointement avec son fils [N]; que la gérance n'avait pas été rémunérée et n'avait donné lieu à aucune charge jusqu'au 31 décembre 2006; que pour les années postérieures elle avait perçu par inscription en compte courant 8.150 euros en 2007, 8.520 euros en 2008 et 10.000 euros en 2009; que son fils avait quant à lui perçu une rémunération effective de 2.130 euros en 2007, 14.160 euros en 2008 et 18.000 euros en 2009. L'expert a indiqué que les charges liées à ces rémunérations n'avaient pas été comptabilisées dans le respect des règles d'une comptabilité d'engagement, mais sur la base du rythme des appels provisionnels et de régularisation a posteriori retenues par les organismes sociaux, soit 6.557 euros pour 2007, 7.145 euros 2008 et 20.928 euros pour 2009; que s'y ajoutaient les régularisations complémentaires ultérieurement appelées, soit :

- 1.580 euros au titre de 2008 et 6528 euros en 2009 pour [N] [H],

- 1.746 euros pour Madame [H] en 2009.

L'expert a indiqué que pour la rémunération d'un salarié employé dans une entreprise réalisant des travaux de faucardage, il y avait lieu de retenir de l'avis général des parties, un taux horaire de 15 euros de l'heure.

S'agissant de la fermeture pour la réalisation des travaux de curage, l'expert a retenu que la meilleure période était l'hiver de novembre à avril. L'expert n'a pas précisé la perte d'exploitation à prévoir engendrée par la fermeture du parcours de pisciculture pendant les 6 mois de fermeture nécessaire au curage et à la vidange.

Il résulte du jugement du 26 juin 2008 confirmé par l'arrêt de la Cour du 26 octobre 2010 que le principe de l'indemnisation du préjudice d'exploitation est acquis pour les années 2004 et 2005, mais restait en discussion pour les périodes postérieures.

S'agissant de l'évaluation du préjudice d'exploitation pour la période de 2004 à 2009 incluse telle que chiffrée par le rapport [U], les premiers juges ont considéré que les progressions du chiffre d'affaires envisagées par l'expert [U] étaient insuffisamment étayées ce dernier ayant fait une évaluation globale de la perte sans la détailler par exercice. Ils ont relevé que l'expert ne s'était pas référé au niveau d'activité pour la période antérieure à la pollution ( c'est à dire antérieure à février 2004), ni au niveau d'activité des années postérieures de 2010, pour laquelle plus rien n'était demandé au niveau de la pollution. En l'absence d'éléments exploitables le tribunal a décidé de s'en tenir à l'évaluation fixée dans le jugement du 26 juin 2008 à partie de l'expertise de Monsieur [R], en retenant une perte d'exploitation de 60.000 euros pour 2004 et de 90.000 euros pour 2005.

Il est certain que l'expertise [U] n'indique pas de façon détaillée, année par année, comment a été évalué le préjudice de la perte d'exploitation. Cependant la lecture et la réponse aux dires des parties, qui ont chacune fait valoir d'autres expertises réalisées à leurs frais (IN EXTENSO pour les appelants, PARE pour le GAEC et ALLIANZ) nous fournit cependant un certain nombre d'indications:

- tout d'abord que les parties ont été d'accord pour privilégier une approche du préjudice de la perte d'exploitation par une estimation du résultat sectoriel d'exploitation perdu, augmenté du constat des charges fixes du secteur d'activité sinistré (restés à charge depuis l'arrêt de l'exploitation) et faire masse des rémunérations de gérance servies, intérêts de comptes courants, dividendes distribués et résultats mis en réserve, prise en compte des charges supplétives;

- que les parties ont donné également leur accord pour sectoriser les familles de chiffres d'affaires en distinguant l'activité pêche (produit d'un nombre d'entrées par un prix moyen HT pour chaque entrée, avec éventuelle précision complémentaire utile) l'activité accueil hébergement (en dissociant la part d'activité induite par la pêche et le reste de l'activité), et les autres activités;

- que l'expert a écarté l'affirmation (selon lui gratuite du rapport PARE) de progression linéaire des chiffres d'affaires conduisant à affirmer qu'il n'y avait plus d'effet après 2005. Il a au contraire affirmé que la pollution s'était poursuivie bien au-delà de cette date;

- qu'il a considéré que les données, explications et projections fournies par les appelants et leur comptable pour apprécier leur perte de chance traduisaient un futur qui était une cible possible, sans que l'on puisse toutefois en être certain puisque la pollution avait figé dans son état initial et encore balbutiant un projet en développement ;

- l'expert a écarté également la comparaison avec d'autres entreprises (par exemple l'entreprise du domaine de [Localité 8]) ayant prétendument une activité comparable, au motif que les réservoirs de ces entreprises étaient gérés en association ou entreprises individuelles ne publiant pas de comptes et qu'il était très difficile d'obtenir des éléments de comparaison, chacune des activités ayant des spécificités propres;

- qu'il fallait retenir le caractère central des conséquences à tirer de la seule hypothèse du nombre des entrées perdues et la grande difficulté à toute appréciation des comptes qui auraient existé sans sinistre, compte tenu du fait de la survenue d'un sinistre en période de démarrage alors que la courbe de croissance n'était pas construite ni stabilisée, que l'entreprise disposait d'une activité de très petite PME sans identification de l'activité sectorielle sinistrée ;

- que l'expert a précisé qu'il n'avait fait que quantifier les conséquences financières de la pollution et n'avait donné suite à aucune des productions et observations sur l'origine de la pollution et toutes autres considérations techniques de causalité; qu'il avait également écarté tout avis sur la question tranchée dans l'arrêt de la Cour rendu le 26 octobre fixant à 218.479,40 euros l'indemnisation à verser à la SARL LE MOULIN [Localité 1] au titre des frais de vidange et de curage des étangs.

Au vu de cet ensemble d'éléments, il apparaît clairement que l'expert n'a analysé que la perte d'exploitation en lien avec la pollution. Et il n'y a pas lieu comme le demande le GAEC, de revenir sur d'autres causes prétendument à l'origine de cette pollution en ordonnant une expertise pour les établir.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être soutenu comme l'ont fait les premiers juges que l'évaluation proposée par l'expert devait être écartée au motif que celui-ci n'avait pas pris en compte :

- le niveau d'activité antérieur à février 2004, alors que l'expert explique clairement pourquoi cette comparaison n'était pas significative, au regard du fait que l'entreprise était en cours de démarrage,

- le niveau d'activité des périodes postérieures à 2010, alors que cela ne faisait pas partie de sa mission.

Il est certain selon l'expert que la pollution a eu des conséquences financières au delà de l'année 2005. Il ne peut donc être admis, alors que l'expertise concernait expressément les périodes de 2005 à 2009 d'exclure d'emblée les périodes 2006 à 2009 alors que les parties s'étaient clairement mises d'accord sur la méthode d'évaluation retenue et les critères sélectionnés et que l'expert a analysé toutes les données chiffrées fournies contradictoirement par les parties en expliquant ce qu'il avait exclu et ce qui ne relevait pas de sa mission.

Bien que le GAEC [Adresse 2] et la compagnie ALLIANZ contestent longuement l'évaluation de l'expert en s'appuyant notamment sur la synthèse PARE, rejetée par l'expert pour des raisons pourtant pertinentes, la Cour entérinera l'évaluation du préjudice d'exploitation de M. [U] sur les années 2004 à 2009, en s'en tenant toutefois à la demande précise des appelants portant en définitive sur une somme totale au titre de cette période de 1.243.951 euros.

Déduction faite de la provision de 150.000 euros déjà allouée par le jugement du 26 juin 2008 (et confirmée par arrêt de la Cour du 26 octobre 2010), il revient à la SARL LE MOULIN [Localité 1] une somme de 1.093.951 euros au titre du préjudice de la perte d'exploitation pour les années 2004 à 2009.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a limité la perte d'exploitation subie par le MOULIN [Localité 1] à la somme de 150.000 euros .

Mais il y a lieu de confirmer ce jugement en ce qu'il a considéré comme non caractérisé le préjudice d'exploitation consécutif aux 6 mois de fermeture à prévoir pour effectuer le curage et la vidange préconisés par l'expert, puisque ces opérations de vidange et de curage n'ont toujours pas été réalisées alors que les fonds pour le faire ont été versés. Cette perte d'exploitation liée au curage et à la vidange n'est donc à ce jour pas certaine, ni réellement évaluable.

Il y a donc lieu de condamner le GAEC [Adresse 2], responsable la pollution, à payer à la SARL LE MOULIN [Localité 1] la somme de 1.093.951 euros au titre du préjudice de la perte d'exploitation pour les années 2004 à 2009, déduction faite de la somme de 150.000 euros déjà versée. Cette condamnation portera intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt. Les intérêts pourront être capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil.

Sur la garantie de la société ALLIANZ IARD

La société ALLIANZ oppose toujours le plafond de garantie et la franchise prévue au contrat, plafond contesté tant par les victimes de la pollution (la SARL LE MOULIN [Localité 1] et époux [H] condamnés par les premiers juges à rembourser) que par son assuré (le GAEC [Adresse 2])

Le GAEC [Adresse 2] soutient effet que la Compagnie ALLIANZ IARD était tenue de le garantir «sans limitation de somme'», et que la clause de limitation de garantie lui était inopposable car souscrite après la survenance du sinistre.

Le GAEC prétend par ailleurs que son assureur a renoncé expressément à se prévaloir du plafond de garantie de 305.000 euros qu'il invoque et que par ses fautes accumulées dans la gestion du Procès, et dans le défaut de prise en compte du Rapport [I], il lui a fait perdre toutes chances d'obtenir une exonération, voire une atténuation de sa responsabilité.

La SARL LE MOULIN [Localité 1] conteste également le plafond de garantie opposé par la compagnie ALLIANZ et la demande de remboursement formée contre lui. L'appelante soutient que c'est le règlement des indemnités et non la direction du procès qui a emporté renoncement au plafond de garantie; qu'en l'espèce, la compagnie ALLIANZ avait effectué des règlements les 9 mars et 3 septembre 2009, et le 26 juillet 2011 dépassant notablement le plafond de garantie; que l'assureur n'était pas fondé à soutenir qu'il n'avait pasconnaissance depuis la souscription de la police du plafond de garantie dont il ne s'est prévalu pour la première fois que dans ses conclusions signifiées le 3 mai 2012, soit 8 ans après le sinistre; que dans ces circonstances l'assureur ne saurait opposer le plafond de garantie.

La SARL appelante conteste également les prétendues réserves alléguées par l'assureur dans deux courriers des 27 août 2008 et 7 septembre 2009 à son avocat. Elle prétend que ces correspondances entre client et avocat étaient confidentielles et ne sauraient être produites; qu'en tout état de cause l'assureur ne justifie pas de réserves motivées, claires et précises formulées en temps voulu.

La compagnie ALLIANZ rappelle qu'elle garantissait le risque de pollution accidentelle sous certaines conditions dans la limite de 460.000 euros par année d'assurance et 305.000 euros par sinistre avec application d'une franchise de 10 % du montant des dommages avec un minimum de 120 euros et un maximum de 600 euros pour tous dommages matériels et pertes pécuniaires consécutives. L'assureur affirme que ce plafond de garantie est opposable à l'assuré et au tiers en vertu de l'article L112-6 du Code des Assurances.

La société ALLIANZ conteste la valeur probante de la pièce n°13 versée aux débats par le GAEC prétendument établie en 2003 et qui vaudrait note de couverture dans l'attente de la signature du contrat signé le 12 mars 2004. Elle affirme que ce document est un faux intellectuel et que les pièces versées par elle aux débats démontrent que ledit document est de 2001 et que le GAEC n'y avait donné aucune suite.

La société ALLIANZ reconnaît avoir pris la direction du procès, mais conteste avoir renoncé à se prévaloir du plafond de garantie, les exceptions visées par l'article L113-17 du Code des Assurances ne concernant selon elle ni la nature des risques garantis, ni le montant de cette garantie.

L'assureur rappelle que les paiements faits par lui l'ont été à la suite de procédures d'exécution forcée suite à une condamnation judiciaire intervenant à l'encontre de sa volonté alors qu'il avait rappelé à ses conseils ses limitations de garantie et notamment le plafond.

La société ALLIANZ conteste avoir commis une faute dans la direction de la procédure, ou d'une faute en relation directe de causalité avec un préjudice qui aurait été subi, à savoir une condamnation supérieure au montant du plafond de garantie, alors que Monsieur [N] représentant le GAEC [Adresse 2] avait expressément reconnu sa responsabilité aux termes d'un aveu judiciaire devant le Juge des référés d'Alençon, puis devant Monsieur [P]; que le tribunal s'appuyant sur les éléments objectifs du dossier, avait relevé que les fissures observées par l'expert [I] ne pouvaient être à l'origine du sinistre pollution, alors même que Monsieur [N] n'avait jamais fait référence à un passage d'un liquide polluant au travers des ouvrages réalisés par la société DAMANGE-GOUYER; que la SMABTP avait pris en charge la direction de la procédure dans le cadre de l'instance initiée à l'encontre de la société DAMANGE-GOUYER, si bien que l'absence de mise en cause de la SMABTP n'était pas fautive, alors qu'au surplus la responsabilité de son assuré n'était pas engagée.

Il ne peut être soutenu au vu des pièces produites par la Compagnie ALLIANZ que le contrat liant les parties ne comportait aucune limitation de garantie. Le projet d'assurance «'réalisé le 1er septembre 2003'» dont se prévaut le GAEC [Adresse 2] pour soutenir qu'il avait valeur de note de couverture, est contredit par témoignage de l'agent d'assurance (M. [O]) qui affirme que cette proposition datait non pas de 2003, mais de 2001 et que l'exploitant,M. [N], n'y avait pas donné suite. L'agent d'assurance précise que ce dernier n'a d'ailleurs résilié le contrat souscrit auprès de son précédent assureur qu'en octobre 2003, pour une prise de garantie à compter de janvier 2004. Il relève également que la date de ce document est établie par l'âge mentionné de M. [N] qui était de 32 ans en 2001 (né en 1969) et par le fait que le projet incluait un élevage intensif de poulets qui n'existait plus en 2003. Le document dont se prévaut le GAEC [Adresse 2] ne peut avoir valeur de note de couverture ni engager la compagnie ALLIANZ.

Le GAEC n'est donc garanti en définitive que par une police'multirisques «'Terroirs'» garantissant sa responsabilité civile d'exploitant agricole, ayant pris effet le 1er janvier 2004. Cette police comportait dans son volet «'responsabilité civile'» des montants maxima garantis pour les dommages matériels et les pertes pécuniaires consécutives à ces dommages, qui étaient de «'3.050.000 euros dont 305.000 euros pour les pertes pécuniaires consécutives, avec une prise en charge uniquement pour les dommages supérieurs à 75 euros. Mais cette police prévoyait en outre des limitations particulières pour certains dommages corporels, matériels et pertes pécuniaires consécutives causés par la pollution accidentelle, ce qui correspond précisément au cas d'espèce pour lequel la garantie de l'assureur a été actionnée. Le plafond de garantie était en ce cas limité à 460.000 euros par année d'assurance et à 305.000 euros par sinistre avec application d'une franchise de 10% du montant des dommages avec un minimum de 120 euros et un maximum de 600 euros pour tous dommages matériels et pertes pécuniaires consécutives.

Pour écarter ce plafond de garantie, le GAEC [Adresse 2] et la SARL LE MOULIN [Localité 1] opposent comme en première instance les dispositions de l'article L 113-17 du code des assurances selon lesquelles «'l'assureur qui prend la direction du procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès.'»

La compagnie ALLIANZ ne conteste pas avoir pris la direction du procès, mais soutient que les exceptions visées par ce texte ne concernent ni la nature des risques souscrits, ni le montant de cette garantie et elle affirme n'avoir pas renoncé en l'espèce à se prévaloir du plafond de garantie. Cependant s'il est généralement admis que l'opposition du plafond de garantie ne fait pas partie des exceptions visées à l'article L 113-17 du code des assurances, cela ne signifie pas pour autant qu'indépendamment de la direction du procès, aucune appréciation ne puisse être faite sur les circonstances dans lesquelles l'assureur a opposé son plafond de garantie, en recherchant notamment si ce dernier n'a pas, par son comportement, manifesté de façon non équivoque son intention de renoncer à s'en prévaloir.

En l'espèce, il ressort des pièces produites que dès le début du sinistre, l'assureur du GAEC [Adresse 2] a pris la direction du procès et assisté son assuré lors de toutes les opérations d'expertise et lors des instances judiciaires jusqu'à l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 26 octobre 2010, et même jusqu'au pourvoi en cassation formé contre cet arrêt dont il s'est ensuite désisté. Dans le cadre de l'exécution de cet arrêt du 26 octobre 2010, la Société ALLIANZ, condamnée in solidum avec son assuré à indemniser la SARL LE MOULIN [Localité 1], a payé les causes de cet arrêt qui dépassaient déjà largement le plafond contractuel de garantie. Ce n'est que dans le cadre de l'instance ayant abouti au jugement du 10 octobre 2013 (dont appel) et après dépôt du rapport [U], que la société ALLIANZ, a opposé clairement et judiciairement à son assuré le plafond de garantie prévu au contrat.

La compagnie ALLIANZ produit comme preuve de sa non renonciation les correspondances échangées avec son conseil notamment une lettre du 27 août 2008 dans laquelle elle indique pour la première fois : «'j'attire votre attention sur le fait que notre garantie est plafonnée, et que jusqu'à maintenant, ce point n'a jamais été évoqué que ce soit auprès de notre assuré, ou dans la procédure. Notre garantie est limitée à 305.000 euros avec une franchise de 10% et un maximum de 3045 euros. Pouvez-vous invoquer ce problème pour la première fois en appel' Pour l'instant nous sommes condamnés in solidum avec notre assuré.'» Elle produit encore deux autres correspondances du 25 février 2009, puis du 7 septembre 2009 dans lesquelles elle discute avec son conseil des conséquences du dépassement du plafond de garantie, notamment de la restitution des indemnités versées au delà du plafond.

Il ressort de ces éléments que la société ALLIANZ n'a opposé à son assuré que très tardivement le plafond de garantie prévu au contrat alors qu'elle savait depuis longtemps (après l'expertise [R] et pendant le cours de l'instance ayant abouti au jugement de 2008) que la SARL LE MOULIN [Localité 1] formait des demandes dépassant largement le plafond de garantie.

En tout état de cause, en renonçant à son pourvoi en cassation contre l'arrêt du 10 octobre 2010, lequel confirmait et prononçait un ensemble de condamnations largement supérieur aux maxima garantis, la Société ALLIANZ a manifesté sans équivoque pendant plusieurs années (de 2004 à 2010) son intention de ne pas se prévaloir du plafond de garantie prévu au contrat, ce qui équivaut à une renonciation compte tenu de la tardiveté. Elle a réglé la condamnation du 26 octobre 2010 prononcée in solidum contre son assuré et elle, condamnation à laquelle elle a acquiescé en se désistant de son pourvoi en cassation.

Dans ces circonstances, la société ALLIANZ doit être condamnée à garantir le GAEC [Adresse 2] des condamnations prononcées contre lui et déboutée des demandes de remboursement formées à l'encontre des époux [H] et de la SARL LE MOULIN [Localité 1].

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société ALLIANZ était fondée à opposer le plafond de garantie de 305.000 euros par sinistre et l'application de la franchise de 10% du montant des dommages avec un maximum de 600 euros, et en ce qu'il a condamné les époux [H] et la SARL LE MOULIN [Localité 1] à restituer les sommes versées par l'assureur dépassant le montant du plafond et de la franchise.

Sur les demandes accessoires et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais irrépétibles exposés par eux au cours de la procédure.

Dès lors que la garantie responsabilité civile de l'assureur est certaine, il y a lieu de confirmer la condamnation de 10.000 euros prononcée en leur faveur et in solidum contre le GAEC [Adresse 2] et la compagnie ALLIANZ au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Il convient d'y ajouter une condamnation identique pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel et de débouter les demandes formées à ce titre tant par le GAEC [Adresse 2] que par la compagnie ALLIANZ .

Les dépens seront supportés in solidum par le GAEC [Adresse 2] et la société ALLIANZ. Ils comprendront les frais des expertises judiciaires réalisées par Messieurs [P], [R] et [U], mais non ceux de l'expertise [I] qui concernent l'instance engagée par le GAEC [Adresse 2] contre la SARL DAMANGE GOUYER, constructeur de la fosse à lisier. Ces dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirmant partiellement le jugement déféré,

Fixe à 1.243.951 euros le montant du préjudice d'exploitation subi par la SARL LE MOULIN [Localité 1] de 2004 à 2009 du fait de la pollution survenue le 22 février 2004,

Dit que la société ALLIANZ IARD, venant aux droits des AGF IART a renoncé à se prévaloir du plafond de garantie prévu au contrat d'assurance souscrit par le GAEC [Adresse 2], et devra garantir ce dernier de la totalité des condamnations prononcées au bénéfice des époux [H] et de la SARL LE MOULIN [Localité 1],

Condamne en conséquence in solidum la société ALLIANZ IARD et le GAEC [Adresse 2] à payer à la SARL LE MOULIN [Localité 1] la somme de 1.093.951 euros au titre du préjudice de la perte d'exploitation pour les années 2004 à 2009, déduction faite de la somme de 150.000 euros déjà versée,

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

Déboute la société ALLIANZ IARD de sa demande de restitution des sommes supérieures au plafond de garantie versées aux époux [H] et à la SARL MOULIN [Localité 1],

Confirme pour le surplus le jugement déféré en ses dispositions non contraires,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société ALLIANZ IARD et le GAEC [Adresse 2] à payer à Monsieur et Madame [J] et [Y] [H] ainsi qu'à SARL LE MOULIN [Localité 1] la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne in solidum la société ALLIANZ IARD et le GAEC [Adresse 2] aux entiers dépens, qui comprendront les frais des expertises judiciaires réalisées par Messieurs [P], [R] et [U],

Dit que ces dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/23781
Date de la décision : 08/10/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°13/23781 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-08;13.23781 ?
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