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08/10/2015 | FRANCE | N°10/09647

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 08 octobre 2015, 10/09647


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 08 Octobre 2015

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09647



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Septembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 08/03781









APPELANT

Monsieur [L] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Lo

calité 1]

représenté par Me Jean PRINGAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2539







INTIMEE

SA VUELING AIRLINES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 498 133 396 00032

représentée par...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 08 Octobre 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09647

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Septembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 08/03781

APPELANT

Monsieur [L] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

représenté par Me Jean PRINGAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2539

INTIMEE

SA VUELING AIRLINES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 498 133 396 00032

représentée par Me Yan-eric LOGEAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Juillet 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Patrice LABEY, Président de chambre

M. Bruno BLANC, Conseiller

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Wafa SAHRAOUI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Madame Wafa SAHRAOUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société Vueling Airlines est une société commerciale de droit espagnol créée en 2004 dont le siège social est situé à Barcelone. Elle exerce une activité de transport aérien international de passagers.

En 2007, la société Vueling Airlines a créé une succursale située à l'aéroport [Établissement 1], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bobigny le 31 mai 2007, avec pour activité déclarée le « transport aérien et l'auto assistance en escale ».

L'ouverture de cette base aérienne a eu lieu le 24 mai 2007.

Par contrat à durée indéterminée en date du 1er juillet 2007 rédigé en langue Anglaise et de droit Espagnol, Monsieur [L] [C] a été engagé par la société Vueling Airlines en qualité de pilote.

Par un avenant de détachement en date du 7 juillet 2007, Monsieur [L] [C] a été temporairement détaché à l'aéroport [Établissement 1] à [Localité 2].

La société Vueling Airlines a mis fin durant l'été 2008 à ses projets d'expansion en France.

Par courrier en date du 16 octobre 2008, la société Vueling Airlines a informé Monsieur [L] [C] que son détachement provisoire arrivant à son terme, son poste de travail serait basé à l'aéroport [Établissement 2] à compter du 26 octobre 2008.

Par une lettre en date du 30 octobre 2008, Monsieur [L] [C] a refusé ce transfert en indiquant qu'il souhaitait poursuivre l'exécution de son contrat de travail en France.

La société Vueling Airlines a convoqué Monsieur [L] [C] à un entretien préalable au licenciement qui s'est tenu le 15 décembre 2008.

Le 20 décembre 2008, Monsieur [L] [C] a indiqué à la société Vueling Airlines qu'il souhaitait bénéficier du dispositif de la Convention de reclassement personnalisé.

En conséquence, le contrat de travail a été rompu d'un commun accord au terme du délai de réflexion de la Convention de reclassement personnalisé qui lui était accordé, soit le 30 décembre 2008.

Par courrier en date du 30 janvier 2009, Monsieur [L] [C] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique dans les termes suivants :

« (...) Par lettre en date du 20 décembre 2008, vous nous avez, informés de votre décision d'adhérer à la convention de reclassement personnalisé.

Ainsi, conformément à l'article L. 1233-67 du Code du travail, votre contrat de travail est rompu d'un commun accord avec effet au 29 décembre 2008.

Pour rappel, la procédure de licenciement initiée à votre encontre était justifiée par les motifs économiques ci-après exposés:

Vous avez été engagé par notre Société par un contrat de travail de droit espagnol en date du 1er juillet 2007 afin d'exercer les fonctions de Pilote. Par un avenant de détachement temporaire conclu le 7 juillet 2007, vous avez été détaché à compter du 7 juillet 2007 afin d'exercer vos fonctions depuis la base aérienne de la société située à l'aéroport [Établissement 1].

Comme nous vous l'avions indiqué à l'occasion de votre détachement, notre société envisageait d'accroître rapidement le nombre d'avions présents sur cette base.

Malheureusement, la Société connaît d'importantes difficultés économiques consécutives notamment au coût du carburant et à la concurrence accrue des autres compagnies aériennes.

En outre, les résultats de la base aérienne française sont déficitaires depuis son ouverture.

Dans ce contexte, afin de réduire les difficultés financières rencontrées et de sauvegarder sa compétitivité dans son secteur d'activité, la Société a été contrainte de fermer la base française et d'envisager le rapatriement en Espagne des salariés détachés auprès de cette base.

C'est dans ce contexte que nous vous avons adressé une lettre en date du 16 octobre 2008 afin de vous informer de la fin de votre détachement en France à compter du 26 octobre 2008 et de vous proposer le transfert de votre poste de travail vers l'aéroport [Établissement 2].

Nous vous indiquions en outre (i) que la Société vous accordait 15 jours de congés supplémentaires, notamment pour organiser votre déménagement, (ii) qu'une prime exceptionnelle d'un montant de 3.000 euros vous serait versée et (iii) que les autres dispositions de votre contrat de travail, concernant notamment vos fonctions et votre rémunération, restaient inchangées.

Par lettre recommandée en date du 30 octobre 2008, vous nous avez indiqué que vous refusiez votre transfert en Espagne et que vous souhaitiez que votre lieu de travail soit maintenu à l'aéroport [Établissement 1].

Malheureusement, compte tenu de la fermeture de cette base aérienne et de la suppression de votre poste, votre maintien dans vos fonctions en France n'est pas envisageable.

En outre, dans la mesure ou seul un poste situé en Espagne peut vous être proposé et que vous refusez votre transfert en Espagne, votre reclassement au sein de la Société s'avère impossible .

Nous vous rappelons que vous devez remettre a la Société, dans les plus brefs délais, tous documents, uniformes et matériels appartenant à la Société qui vous ont été remis pour l'exécution dé vos fonctions. !

A la daté du 29 décembre 2008, vous avez acquis au titre du droit individuel à la formation 8,33 heures. Ces droits seront versés aux Assédic.

Conformément aux dispositions légales, vous vous réglerons, dans les meilleurs délais, votre solde de tout compte.

Nous vous rappelons également que, conformément à votre contrat de travail, vous resterez tenu, au terme de votre contrat de travail, à une obligation générale de confidentialité à l'égard des informations et des documents confidentiels concernant l'activité de la société dont vous avez pu prendre connaissance pendant l'exécution de vos fonctions.

Enfin, durant l'année qui suivra le terme de votre contrat de travail, vous bénéficierez d'une priorité de réembauchage, à condition de nous avoir informés, par écrit, pendant la durée d'application de cette priorité de réembauchage, de votre désir de vous prévaloir de cette priorité. Cette priorité concerne les postes compatibles avec votre qualification et également ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification que vous auriez acquise, sous réserve de nous l'avoir fait connaître...'.

Contestant son licenciement pour motif économique , Monsieur [L] [C] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bobigny le 01 octobre 2008 des chefs de demandes suivants:

- Rappel de salaire du 01/07/07 au 31/07/08: 5 742,86 € ;

- Congés payés y afférents : 574,28 €;

- Dommages-intérêts au titre des congés payés non pris: 2 051,18 € ;

- Majoration des heures supplémentaires effectuées entre le 01/07/07 et le 31/07/08 928,06€

- Congés payés y afférents : 92,80 €;

- Indemnité de licenciement légale en application des dispositions de l'article R 423-1 du Code de l'Aviation Civile: 13 039,15 € ;

- Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé en application des dispositions de l'article L 8223-1 du Code du travail : 53 289,66 € ;

- Dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de l'absence de cotisation en France notamment à la CRPN pour la période allant du 1er juillet 2007 au 31 juillet 2008 :3 000,00€;

- Dommages-intérêts pour préjudice subi pour non remise en temps utile de la documentation relative à la C.R.P : 8 881,61 € ;

- Dire et juger que la rupture du contrat de travail intervenue le 30 janvier 2009 est dénuée de toute cause réelle et sérieuse;

- Dire et juger à titre surabondant que la société VUELING n'a pas procédé à des recherches sérieuses de reclassement préalable à l'endroit de Mr [C] ;

- Dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail (5 mois) Article L 1235-5 du Code du Travail : 44 408,05 € ;

- Voir condamner la société VUELING à procéder à l'inscription et la régularisation de la situation de Mr [C] auprès des organismes sociaux ( notamment la CRPN) avec effet rétroactif au 01/07/07 ;

- Astreinte par jour de retard : 200,00 € ;

- Fixer la moyenne des 3 derniers mois de salaire - Article R 1454-28 du Code du travail 8881.61 €;

- Dommages-intérêts non respect de la priorité de réembauchage -Art L1235-13 du Code du Travail : 17 762,00 € ;

- Exécution provisoire (art 515 du code de procédure civile ) ;

- Article 700 du code de procédure civile : 2 500,00 € ;

- Intérêts au taux légal à compter de la date de saisine .

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [L] [C] du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bobigny le 22 septembre 2010 qui a :

- Dit que le salaire moyen brut mensuel de Monsieur [L] [C] est de 8 881,61 €;

- Condamné la SAVUELING AIRLINES à verser à Monsieur [L] [C], avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande :

* 13 039,15 € (treize mille trente neuf euros et quinze centimes) à titre de solde d'indemnité de licenciement en application des dispositions de l'article R423-1 du Code de l'Aviation Civile,

et avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement:

* 1500,00 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Débouté du surplus,

- Débouté la société Vueling Airlines de sa demande reconventionnelle,

- Condamné la société Vueling Airlines aux entiers dépens.

Vu les conclusions en date du 02 juillet 2015, au soutien de ses observations orales, par lesquelles Monsieur [L] [C] demande à la cour de :

A titre principal :

- Voir infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny en date du 22 septembre 2010, en toutes ses dispositions, à l'exception de la condamnation de la SA VUELING AIRLINES à payer à Monsieur [L] [C], la somme de 13.039,15 € à titre de solde d'indemnité de licenciement, en application de l'article R.423-1 du Code de l'Aviation Civile, et 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

Y ajoutant,

Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris, Pôle 6 - Chambre 1, du 31 janvier 2012 ayant reconnu coupable la Société VUELING AIRLINES du délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité et l'ayant condamnée à une amende délictuelle de 100.000 €;

Vu l'arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 11 mars 2014 ayant rejeté le pourvoi formé par la compagnie VUELING AIRLINES à l'encontre de la décision précitée;

Vu la constatation faite par la Cour de Cassation qu'il n'y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union Européenne;

- Voir condamner la SA VUELING AIRLINES à payer à Monsieur [L] [C] la somme de 53.078,94 €, représentant 6 mois de salaire, conformément à l'article L.8223-1 du Code du Travail (indemnité forfaitaire pour travail dissimulé);

- Voir condamner la SA VUELING AIRLINES à payer à Monsieur [L] [C], au titre des sommes dues en application de la législation française, pour la période du 1erjuillet 2007 au 31 juillet 2008 :

* 5.742,86 € à titre de rappel de salaire ;

* 574,28 € au titre des congés payés y afférents ;

* 1.701,24 € au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi découlant de l'impossibilité de bénéficier des jours de congés auxquels il pouvait prétendre;

* 928,06 € au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà des 151,67h ;

* 92, € au titre des congés payés y afférents;

* 13.039,15 € à titre de solde d'indemnité de licenciement légale, conformément au jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bobigny le 22 septembre 2010, somme réglée le 20 octobre 2010;

* 3.000 € au titre des dommages et intérêts du fait de l'absence de cotisations sociales en France à la CRPN;

- Dire et juger que le licenciement pour motif économique notifié par lettre du 30 janvier 2009 est sans cause réelle et sérieuse, et que la SA VUELING AIRLINES n'a pas respecté son obligation de reclassement préalable;

- Voir condamner en conséquence la SA VUELING AIRLINES à payer à Monsieur [C] la somme de 106.157,88 € représentant 12 mois de salaires, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément aux dispositions de 'article L. 1235-5 du Code du Travail;

- Voir condamner la SA VUELING AIRLINES à payer à Monsieur [C] le préavis de deux mois dont il a été privé, soit la somme de 17.692,98 €, en l'absence de motif économique de licenciement justifié;

- Voir condamner la SA VUELING AIRLINES à payer à Monsieur [C] la somme de 1.769,29 € au titre des congés payés y afférents;

- Voir condamner la SA VUELING AIRLINES à payer à Monsieur [C] la somme de 8.846 € à titre de dommages et intérêts pour non régularisation de la CRP dans les délais, non remise des bulletins de salaire, du certificat de travail, d'une attestation POLE EMPLOI, conformes, dans les délais;

- Voir condamner la SA VUELING AIRLINES à payer à Monsieur [C] la somme de 8.846 € pour non respect de la procédure de convocation à l'entretien préalable, en application des dispositions des articles L. 1232-4, L. 123 5-2 et L. 1235-5 du Code du Travail, soit un mois de salaire;

- Voir condamner la SA VUELING AIRLINES à payer à Monsieur [C] la somme de 17.692 €, soit deux mois de salaires, pour non respect de la priorité de réembauchage,

conformément aux articles L. 1233-45 et L. 1235-13 du Code du Travail;

- Dire et juger que l'ensemble des sommes réclamées seront augmentées des intérêts de droit, calculés à compter du jour de la saisine du Conseil de Prud'hommes de Bobigny, soit le 1er octobre 2008, avec capitalisation des intérêts;

- Voir condamner la SA VUELING AIRLINES à payer à Monsieur [C] la somme de 6.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

- Voir condamner la SA VUELING AIRLINES en tous les dépens.

A titre subsidiaire :

Sur la demande de sursis à statuer au motif de la question préjudicielle soulevée par la compagnie Société VUELING AIRLINES SA dans ses conclusions d'appel pour l'audience du 19 mas 2015 à l3h30;

Vu l'arrêt du 11 mars 2014 de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, ayant expressément constaté qu'il n'y avait pas matière à poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union Européenne;

Vu l'autorité de la chose jugée, conformément aux dispositions de l'article 1351 du Code Civil;

Vu l'autorité de la chose jugée au pénal au civil;

- Voir déclarer irrecevable la question préjudicielle soulevée par la SA VUELING AIRLINES et sa demande de sursis à statuer, en application des dispositions de l'article 1351 du Code Civil.

Vu les conclusions en date du 02 juillet 2015, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la société Vueling Airlines demande à la cour de :

- Déclarer la société Vueling Airlines SA recevable et bien fondée en ses conclusions,

Y faisant droit,

A titre principal :

Vu le Règlement (CEE) n°1408/71 du Conseil du 14 juin 1971,

Vu le Règlement (CEE) n°574/72 du Conseil du 21 mars 1972,

Vu les formulaires E 101 et E 102 délivrés aux salariés de la société Vueiing Airlines SA détachés en France,

Vu l'article L. 1235-5 du Code du travail,

- INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny en date du 22 septembre 2010 en ce qu'il a alloué à Monsieur [C] la somme de 13.039,15 € à titre de solde d'indemnité de licenciement et la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

- CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny en date du 22 septembre 2010 en ce qu'il débouté Monsieur [C] de ses autres demandes.

Statuant à nouveau :

- Débouter Monsieur [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement :

- Prononcer le sursis à statuer de la présente instance et saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne en vertu de l'article 267 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne de la question préjudicielle suivante :

« Une entreprise peut-elle être privée de la possibilité de détacher des salariés en application de l'article 14 paragraphe 1 sous a) du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005 (JO L 117, p. 1), au seul motif qu'elle appartient au secteur du transport aérien, ce qui aurait pour conséquence de soumettre cette entreprise aux seules dispositions figurant aux points a i) et a ii) de l'article 14 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 1408/711 ».

En tout état de cause :

- Condamner Monsieur [C] à verser la somme de 3.500 euros à la société Vueling Airlines SA au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Mettre les dépens de l'instance à la charge de Monsieur [C].

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit applicable entre les parties :

Considérant que les développements de la société Vueling Airlines relatifs au droit espagnol applicable n'ont aucun caractère pertinent dans la mesure où il résulte des éléments produits que la société exerçait son activité en France dans le cadre d'une succursale ou d'un établissement et en tout cas d'une base d'exploitation au sens de l'article R.330-2-1 du code de l'aviation civile, en employant trois salariés au sol, titulaires d'un contrat à durée indéterminée, et des dizaines de navigants recrutés en Espagne, présentés comme détachés en France, employés par contrats à durée déterminée ou indéterminés et immatriculés au régime de protection sociale espagnol ; que la succursale ouverte en France était dirigée par un directeur de pays, ayant le statut de cadre dirigeant au sens de l'article L.3111-2 du code du travail, assisté d'un chef de base, et que, dans ces conditions, l'employeur ne pouvait, dés lors, et selon l'article L.1262-3 dudit code, se prévaloir des dispositions applicables au détachement au sens du Règlement intérieur 1408/71; que la délivrance de certificats d'affiliation El01 par l'autorité de protection sociale espagnole ne saurait valoir présomption de la validité du détachement du salarié en cause ;

Que, par ailleurs, la société Vueling Airlines reconnaît spontanément l'application au contrat de la loi Française; qu'effet, la lettre de licenciement fait référence expressément au droit Français du licenciement économique et mentionnant, notamment : ' Ainsi, conformément à l'article L. 1233-67 du Code du travail, votre contrat de travail est rompu d'un commun accord avec effet au 29 décembre 2008";

Que dés lors, il n'est pas nécessaire de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne en vertu de l'article 267 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne de la question préjudicielle sus-visée;

Sur les rappels de salaire :

Considérant que Monsieur [L] [C] sollicite la somme de 5.742,86 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 1er juillet 2007 au 31 juillet 2008, outre les congés payés y afférents d'un montant de 574,28 euros ;

Considérant que les parties n'invoquent aucune convention collective applicable et que dés lors la seule référence à prendre en considération est celle du SMIC ( soit 1.280,07 euros à compter du 1er juillet 2007);

Que pour les périodes considérées le salarié a perçu, primes comprises, des montants mensuels nettement supérieurs allant de 8.630 euros à 11.500 euros bruts mensuels selon les mois, la moyenne s'établissant à 8966 euros bruts;

Que dés lors, le jugement sera infirmé sur ce chef de demande et Monsieur [L] [C] débouté de ses demandes ;

Sur les heures supplémentaires :

Considérant que selon l'article L 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires sont des heures de travail accomplies au-delà de la durée légale du travail ou de la durée considérée comme équivalente ;

Que les heures supplémentaires sont effectuées à la demande de l'employeur, cette demande pouvant être implicite ,notamment lorsque l'employeur a tacitement admis la réalisation des heures supplémentaires;

Considérant que l'article L 3171-4 du code du travail dispose : ' En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable .';

Considérant que l'appelant n'apporte pas la moindre pièce justificative et ne précise ni la ou les dates concernées ni même la période considérée;

Qu'à l'inverse, les relevés d'activité de Monsieur [L] [C] , permettent de constater qu'il effectuait moins de 151,67 heures de travail effectif par mois (équivalent à 35 heures hebdomadaires);

Que, dés lors , le jugement sera confirmé sur ce point en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et, par voie de conséquence, de celle au titre du travail dissimulé;

Sur les demandes au titre du solde d'indemnité de licenciement :

Considérant, compte tenu du montant moyen des salaires retenu par la cour, qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de complément au titre des indemnités de licenciement; Que le jugement sera confirmé sur ce point en ce qu'il a débouté Monsieur [L] [C] de ses demandes;

Sur la demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés :

Considérant que Monsieur [L] [C] sollicite en cause d'appel la somme de 1.701,24 € (2.051,18 euros en première instance) à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 1er juillet 2007 au 31 juillet 2008;

Qu'il ressort cependant du relevé d'activité du salarié qu'il a bénéficié de 24 jours de congés payés ouvrables pour la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008;

Que ce relevé d'activité mentionne les jours où Monsieur [L] [C] était en « Day OFF », c'est-à-dire où il ne travaillait pas, tout en étant rémunéré puisqu'il était engagé à temps plein ;

Que chaque mois comprenant soit 30, soit 31 jours calendaires, la salarié a bénéficié de 11 à 21 jours OFF, c'est-à-dire non travaillés et payés;

Que par ailleurs, il n'est pas établi, que l'employeur aurait refusé une quelconque prise de congés;

Qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [L] [C] de ce chef de demandes ;

Sur la rupture du contrat de travail :

a ) sur la procédure de licenciement :

Considérant qu' en cause d'appel Monsieur [L] [C] invoque une irrégularité de procédure liée à des mentions erronées figurant sur la lettre de convocation à l'entretien préalable de licenciement et réclame à ce titre une indemnité de 8.846 euros ;

Considérant que, contrairement aux affirmations de l'intimé, la lettre de convocation à entretien préalable en date du 28 novembre 2008 est régulière et mentionne effectivement que Monsieur [L] [C] peut se faire assister « par une personne appartenant au personnel de la société ou figurant sur une liste préfectorale», cette dernière étant, par définition, extérieure à l'entreprise;

Qu'en outre, en application de l'article L 122-14 du code du travail, la société Vueling Airlines a mentionné l'adresse du lieu de travail de l'intimé;

Qu'en conséquence, Monsieur [L] [C] sera débouté de ce chef de demande;

b ) sur le fond :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;

Qu'une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ;

Que la sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l'amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement ;

Que le juge prud'homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, mais il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en 'uvre de la réorganisation ;

Que le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement mais il peut être tenu compte d'éléments postérieurs à cette date permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité ;

Que par ailleurs, il résulte de l'article L. 1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur ; que les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; qu'à défaut, le licenciement n'est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Considérant, aux termes de l'article L 1233-4 du code du travail, que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du Groupe auquel l'entreprise appartient;

Qu'en cas de suppression d'emploi procédant d'un motif économique, le licenciement pour motif économique n'a de cause réelle et sérieuse que si l'employeur s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié ;

Qu'il appartient à la juridiction saisie d'une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rechercher si l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement;

Qu'à défaut, le licenciement est privé de cause réelle , la recherche préalable de reclassement conditionnant la validité du licenciement lui-même dont il constitue une alternative obligatoire sous peine de défaut de cause réelle et sérieuse;

Que l'employeur doit se livrer à une recherche réelle et sérieuse et individuelle des postes de reclassement et apprécier les possibilités et conditions de reclassement au sein de l'entreprise mais aussi dans le groupe auquel il appartient ;

Considérant que les offres de reclassement doivent être écrites, précises ; que contrairement à ses allégations la société Vueling Airlines ne justifie d'aucune proposition écrite de reclassement antérieure à la procédure de licenciement qui est donc sans cause réelle et sérieuse ;

Qu'enfin au vu des éléments économiques ci-dessous rappelés :

' revenu brut (gross revenue) : 154.699, en augmentation de 30,70% par rapport au 3ème trimestre 2007

' marge opérationnelle (operating margin) : 32,426, en augmentation de 211,0% par rapport au 3èmetrimestre 2007

'un revenu par passager (total revenue per passenger) : 85,19 en augmentation de 52,20% par rapport au 3èmetrimestre 2007

' un revenu par vol (revenue per flight) : 11,763 en augmentation de 39,10% par rapport au 3cmetrimestre 2007 ) ,

les difficultés économiques du Groupe ne sont pas avérées et sa compétitivité n'est pas menacée; que le licenciement notifié est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Qu'en conséquence le jugement déféré sera infirmé sur ce point;

Sur les conséquences du licenciement :

Considérant que compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de l'ancienneté ( 19 mois ) et de l'âge du salarié (né en 1959) ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article  L 1235-5 du code du travail , une somme de 60.000 € à titre de dommages-intérêts couvrant l'ensemble des préjudices invoqués par le salarié à la suite du licenciement litigieux;

Sur la demande du solde d'indemnité de préavis de deux mois et la demande de dommages et intérêts pour le préjudice lié à la non proposition de la convention de reclassement personnalié en temps utile :

Considérant que Monsieur [L] [C] sollicite pour la première fois le paiement d'une partie du préavis dont il soutient avoir été privé du fait de son adhésion à la CRP, arguant de l'absence de motif économique de licenciement;

Qu'il sera seulement souligné que Monsieur [L] [C] ne justifie d'aucun préjudice particulier celui-ci ayant perçu, à titre d'indemnité compensatrice de préavis de 3 mois, un somme de 26.539 euros;

Considérant ,par ailleurs, que si la société Vueling Airlines n'a pas respecté la circulaire UNEDIC n°2006-09 du 13 avril 2006 qui prévoit dans l'hypothèse d'un licenciement portant sur moins de 10 salariés sur une même période de 30 jours ou, dans l'hypothèse où il n'existe pas d'institution représentative du personnel, la remise de documentation relative à la présentation de la CRP au cours de l'entretien préalable, il n'en reste pas moins, alors que l'entretien s'est tenu le 18 décembre 2008, que Monsieur [C] été rendu destinataire de cette documentation le 15 décembre 2008 lors de l'entretien préalable;

Que le législateur n'a cependant assorti le défaut de remise d'aucune sanction spécifique;

Considérant que les moyens soutenus par l'appelant ne font que réitérer, sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels, se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause, et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation;

Qu'il sera seulement souligné que Monsieur [L] [C] ne justifie d'aucun préjudice particulier ;

Que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [L] [C] de ces chefs de demandes;

Sur la demande relative à la priorité de réembauchage :

Considérant, contrairement à ce que soutient la société Vueling Airlines , que cette dernière était soumise aux dispositions de l'article L 1233-45 du code du travail relatives à la priorité de réembauchage;

Qu'à ce titre, la lettre de licenciement est révélatrice dans la mesure où la société Vueling Airlines indique : ' Enfin, durant l'année qui suivra le terme de votre contrat de travail, vous bénéficierez d'une priorité de réembauchage, à condition de nous avoir informés, par écrit, pendant la durée d'application de cette priorité de réembauchage, de votre désir de vous prévaloir de cette priorité..';

Que par lettre recommandée A.R. en date du 2 février 2009 par laquelle Monsieur [L] [C] a fait valoir sa priorité de réembauchage est restée sans réponse;

Que dés lors, l'intimé a subi un préjudice que la cour évalue à 10.000 euros, Que le jugement sera donc infirmé sur ce point;

Sur les autres demandes :

Considérant qu'il n'apparaît pas équitable que Monsieur [L] [C] conserve la charge de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel dans la proportion retenue au dispositif du présent arrêt;

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'appel interjeté par Monsieur [L] [C] ;

Déclare recevable l'appel incident interjeté par société Vueling Airlines ;

Infirme le jugement déféré uniquement en ce qu'il a condamné la société Vueling Airlines à payer à Monsieur [L] [C] la somme de 13039,15 euros au titre du solde d'indemnité de licenciement ;fixé à la somme de 8.8881,61 euros la moyenne des salaires;

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement de Monsieur [L] [C] non abusif et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts afférente;

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [L] [C] de ses demandes de rappel de salaire, de dommages et intérêts au titre de congés payés non pris, de solde d'indemnité de licenciement, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour remise tardive de la CRP,

Et statuant à nouveau :

Fixe la moyenne des trois derniers mois de salaires à 8966 euros;

Juge le licenciement de Monsieur [L] [C] abusif;

Condamne la société Vueling Airlines à payer à Monsieur [L] [C] les sommes suivantes :

* 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif;

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives à la priorité de réembauchage;

* 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes;

Condamne la société Vueling Airlines aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 10/09647
Date de la décision : 08/10/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°10/09647 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-08;10.09647 ?
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