La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2015 | FRANCE | N°14/05667

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 06 octobre 2015, 14/05667


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 06 OCTOBRE 2015



(n° 164/2015, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/05667



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 3ème chambre - 4ème section - RG n° 12/13013





APPELANTE



Société E. & J. [X] [A]

Agissant poursuite

s et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ETATS-UNIS D'AMERIQUE



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEX...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 06 OCTOBRE 2015

(n° 164/2015, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/05667

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 3ème chambre - 4ème section - RG n° 12/13013

APPELANTE

Société E. & J. [X] [A]

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ETATS-UNIS D'AMERIQUE

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Gwendal BARBAUT de la société IPSIDE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1489

INTIMÉE

Société SCEV CHAMPAGNE [X]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée de Me Nathalie HAUSMANN, avocat au barreau de NANTERRE, toque : NAN701

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

Mme Nathalie AUROY, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON

ARRÊT :

contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier présent lors du prononcé.

***

Vu le jugement rendu contradictoirement le 20 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Paris.

Vu l'appel interjeté le 12 mars 2014 par la société de droit américain de l'état de Californie E&J [X] [A].

Vu les dernières conclusions d'appel n° 4 de la société E&J [X] [A], transmises le 13 mai 2015.

Vu les dernières conclusions n° 3 de la SCEV Champagne [X], transmises le 02 juin 2015.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 16 juin 2015.

M O T I F S D E L ' A R R Ê T

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;

Considérant qu'il suffit de rappeler que la société de droit américain E&J [X] [A] a pour activité la production de vins et est titulaire notamment de la marque communautaire [X] n° 31005 du 01 avril 1996, sous ancienneté revendiquée de la marque française [X] n° 1 472 771 déposée et enregistrée le 30 août 1968, pour désigner les produits suivants en classes 32 et 33 : 'Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons. Boissons alcooliques (à l'exception des bières)' ;

Que la SCEV Champagne [X], créée le 08 avril 2002, indique avoir pour activité la commercialisation de champagne ;

Qu'apprenant que la SCEV Champagne [X] faisait usage du signe [X] à titre de dénomination sociale et pour commercialiser du champagne, la société E&J [X] [A] l'a fait assigner le 30 avril 2012 devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de sa marque communautaire [X] ;

Considérant que le jugement entrepris a, en substance :

rejeté les demandes présentées au titre de la déchéance et de la nullité de la marque communautaire [X],

rejeté les demandes présentées par la société E&J [X] [A] au titre de la contrefaçon,

rejeté les demandes présentées par la société E&J [X] [A] au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

condamné la société E&J [X] [A] au paiement à la SCEV Champagne [X] de la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

I : SUR LA DEMANDE EN DÉCHÉANCE DE LA MARQUE FRANÇAISE '[X]' N° 1 472 771 ET EN DÉCHÉANCE ET/OU NULLITÉ DE LA MARQUE COMMUNAUTAIRE '[X]' N° 31005 :

Considérant qu'à titre principal, la SCEV Champagne [X], appelante incidente de ce chef, demande à la cour de prononcer la déchéance des droits de la société E&J [X] [A] sur la marque française '[X]' n° 1 472 771 à compter du 30 août 1973 pour absence d'usage pendant une période ininterrompue de cinq ans depuis son dépôt le 30 août 1968, de constater en conséquence que l'ancienneté de la marque française '[X]' revendiquée pour sa marque communautaire '[X]' n° 31005 est éteinte et de constater dès lors la déchéance des droits de la société E&J [X] [A] sur sa marque communautaire ;

Qu'elle fait valoir que la marque française '[X]' n° 1 472 771 qui s'est éteinte le 30 août 1998 n'a jamais été exploitée en France ni après son enregistrement, ni dans les cinq ans précédant le dépôt communautaire, ni lors de la création du nom commercial 'Champagne [X]' en 1984, les pièces produites ne démontrant pas un usage constant stable et réel pour le consommateur français ;

Qu'elle ajoute que ne démontrant pas avoir exploité depuis le 01 avril 1996 la marque communautaire '[X]' n° 31005, la société E&J [X] [A] doit être déchue de ses droits sur cette marque à compter du 01 avril 2001 ;

Qu'elle précise que les marques utilisées pour tenter d'échapper à cette demande de déchéance ('[X] Family Vineyard' et '[X] Sonoma') comportent des éléments distinctifs ne permettant pas à la société E&J [X] [A] de justifier d'un usage sous une forme modifiée qui serait admise ;

Qu'elle ajoute encore que dès lors que l'ancienneté revendiquée de la marque française '[X]' n° 1 472 771 est éteinte, la marque communautaire '[X]' n° 31005 est nulle eu égard à l'antériorité de la raison sociale et de l'usage existant antérieurement ;

Qu'à titre subsidiaire, à défaut de nullité de la marque communautaire '[X]' n° 31005, elle demande de prononcer la déchéance partielle des droits de la société E&J [X] [A] sur cette marque pour le produit vin d'appellation contrôlée champagne pour lequel il n'a été fait aucun usage sérieux sur la période de cinq ans précédant la demande de déchéance ;

Considérant que la société E&J [X] [A] réplique qu'en ce qui concerne la marque française '[X]' n° 1 472 771, la SCEV Champagne [X] ne peut pas soulever la déchéance d'une marque française qui n'existe plus ;

Qu'en ce qui concerne sa marque communautaire '[X]' n° 31005 elle justifie de son usage sérieux pour désigner ses produits, notamment par son apposition sur la contre-étiquette de chacun des produits vends par elle ; que cette marque est également exploitée en association avec d'autres éléments descriptifs et secondaires sans que cela n'altère son caractère distinctif ;

Qu'elle ajoute qu'en tout état de cause la SCEV Champagne [X] ne justifie pas d'un intérêt à agir en déchéance pour tous les produits composant la catégorie 'Boissons alcooliques' autres que les vins ;

Qu'en ce qui concerne la demande subsidiaire en déchéance partielle pour le vin de champagne, elle réplique que les 'vins' et le 'vin d'appellation Champagne' sont identiques ou à tout le moins fortement similaires ;

Qu'en ce qui concerne la demande en nullité de sa marque communautaire '[X]' n° 31005 elle indique bénéficier de droits antérieurs à 1984, date à laquelle la SCEV Champagne [X] affirme avoir débuté la commercialisation de ses produits sous la dénomination 'Champagne [X]' ; qu'en tout état de cause la SCEV Champagne [X] ne rapporte pas la preuve de l'existence de sa dénomination sociale 'Champagne [X]' avant 1968 ;

La revendication d'ancienneté de la marque française '[X]' n° 1 472 771 :

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que la marque française '[X]' n° 1 472 771 a été déposée par la société E&J [X] [A] le 30 août 1968 pour désigner les 'spiritueux, liqueurs et vins, notamment de champagne', qu'elle a fait l'objet d'un premier renouvellement le 18 juillet 1978 puis d'un second le 22 juin 1988 ; qu'à défaut d'autre renouvellement elle s'est éteinte le 30 août 1998 ;

Que la société E&J [X] [A] a entre temps déposé le 01 avril 1996 la marque communautaire '[X]' n° 31005 du 01 avril 1996, sous ancienneté revendiquée de la marque française '[X]' n° 1 472 771 pour désigner des produits identiques ;

Considérant que l'article 34.1 du règlement (UE) n° 207/2009 du 26 février 2009 du Conseil sur la marque communautaire, codifiant le règlement (CE) n° 40/94 du 20 décembre 1993, dispose que le titulaire d'une marque antérieure enregistrée dans un État membre qui dépose une demande de marque identique destinée à être enregistrée en tant que marque communautaire pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée ou contenus dans ceux-ci, peut se prévaloir pour la marque communautaire de l'ancienneté de la marque antérieure en ce qui concerne l'État membre dans lequel ou pour lequel elle a été enregistrée ;

Que l'article 34.2 dispose que le seul effet de cette ancienneté est que, dans le cas où le titulaire de la marque communautaire renonce à la marque antérieure ou la laisse s'éteindre, il est réputé continuer à bénéficier des mêmes droits que ceux qu'il aurait eus si la marque antérieure avait continué à être enregistrée ;

Qu'enfin l'article 34.3 dispose que cette ancienneté s'éteint lorsque le titulaire de la marque antérieure dont l'ancienneté a été revendiquée est déclaré déchu de ses droits ou lorsque cette marque est déclarée nulle ou lorsqu'il y est renoncé avant l'enregistrement de la marque communautaire ;

Considérant par ailleurs que l'article 14 de la directive (CE) n° 2008/95 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques dispose que 'lorsque l'ancienneté d'une marque antérieure, qui a fait l'objet d'une renonciation ou qui s'est éteinte, est invoquée pour une marque communautaire, la nullité de la marque antérieure ou la déchéance des droits du titulaire de celle-ci peut être constatée a posteriori' ;

Considérant que pour la France, l'article L 717-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

'Lorsqu'une marque antérieurement enregistrée en France n'a pas été renouvelée ou a fait l'objet d'une renonciation, le fait que l'ancienneté de cette marque a été revendiquée au nom d'une marque communautaire ne fait pas obstacle à ce que la nullité de cette marque ou la déchéance des droits de son titulaire soit prononcée.

Une telle déchéance ne peut cependant être prononcée en application du présent article que si celle-ci était encourue à la date de la renonciation ou à la date d'expiration de l'enregistrement.'

Considérant qu'il résulte de l'application combinée de ces textes que la SCEV Champagne [X] est recevable à solliciter la déchéance des droits de la société E&J [X] [A] sur sa marque française '[X]' n° 1 472 771 dans le but de faire échec à sa revendication d'ancienneté ; qu'il convient de rechercher si cette déchéance était encourue à la date du 30 août 1998 ;

Considérant que selon la SCEV Champagne [X], la marque française '[X]' n° 1 472 771 n'a jamais été exploitée en France après son enregistrement en 1968, que la période de non-exploitation alléguée a donc commencé sous l'empire de la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964, et s'est intégralement déroulée avant l'entrée en vigueur de la loi n° 91-7 du 04 janvier 1991, de telle sorte qu'est applicable au litige l'article 11 de ladite loi du 31 décembre 1964, prévoyant la déchéance des droits du propriétaire d'une marque qui, sauf excuse légitime, ne l'a pas exploitée ou fait exploiter de façon publique et non équivoque pendant une période de cinq années ;

Considérant que la société E&J [X] [A] ne démontre, ni même n'allègue, aucune exploitation publique et non équivoque de sa marque française '[X]' n° 1 472 771 depuis son enregistrement le 30 août 1968, puisque dans ses conclusions (pages 8 et 9) elle se contente de conclure à l'irrecevabilité de la demande en déchéance de cette marque et ne fait état que de l'exploitation de sa marque communautaire '[X]' n° 31005 (pages 9 à 15) ;

Considérant que la déchéance des droits de la société E&J [X] [A] sur sa marque française '[X]' n° 1 472 771 sera donc prononcée à compter du 30 août 1973, de telle sorte qu'elle ne peut en revendiquer le bénéfice de l'ancienneté pour le dépôt de sa marque communautaire '[X]' n° 31005 ;

La nullité de la marque communautaire '[X]' n° 31005 :

Considérant que pour apprécier la validité de la marque communautaire '[X]' n° 31005, il convient, en l'absence de possibilité pour la société E&J [X] [A] de revendiquer le bénéfice de l'ancienneté de sa marque française, de se placer à la date de son enregistrement le 01 avril 1996 ;

Considérant que l'article 53 du règlement (CE) n° 207/2009 dispose que la marque communautaire est déclarée nulle sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon lorsqu'il existe un droit antérieur visé à l'article 8, paragraphe 4, et que les conditions énoncées audit paragraphe sont remplies ou si l'usage de la marque peut être interdit en vertu d'un autre droit antérieur selon la législation communautaire ou le droit national qui en régit la protection ;

Considérant que l'article 8, paragraphe 4, dispose que la marque communautaire peut être refusée à l'enregistrement sur opposition du titulaire d'une marque non enregistrée ou d'un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n'est pas seulement locale, lorsque et dans la mesure où, selon la législation communautaire ou le droit de l'État membre qui est applicable à ce signe, des droits à ce signe ont été acquis avant la date de la demande de marque communautaire ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l'appui de la demande de marque communautaire, ou si ce signe donne à son titulaire le droit d'interdire l'utilisation d'une marque plus récente ;

Considérant que par une attestation en date du 12 octobre 2012, le comité interprofessionnel du vin de champagne certifie avoir délivré le 06 février 1984 à M. [N] [X], l'immatriculation professionnelle RC-21982-01 correspondant à la marque '[X]' utilisée depuis cette date pour désigner des vins de champagne avec le modèle d'étiquette sur laquelle est apposée cette immatriculation ;

Que cet organisme ajoute que M. [N] [X] a, le 08 avril 2002, constitué la SCEV Champagne [X] à laquelle il a transféré l'ensemble des éléments corporels et incorporels (dont la marque '[X]') dépendant de son exploitation viticole sans que ce changement de forme juridique n'interrompe l'exploitation continue de la marque '[X]' ;

Que cette attestation confirme celles de M. [N] [X] et de Mme [V] [B] épouse [X] sur ces points ;

Que par ailleurs M. [U] [W], président du syndicat général des vignerons de champagne, atteste le 19 mai 2014 qu'il est très courant et de tradition pour les viticulteurs en Champagne d'utiliser leur nom de famille pour la commercialisation de leurs vins ;

Considérant qu'il est ainsi justifié de l'utilisation depuis février 1984 et de façon ininterrompue sur l'ensemble du territoire national, du signe '[X]' non seulement à titre de marque pour désigner des vins de champagne, mais aussi à titre de nom commercial ainsi que cela ressort notamment des commandes d'étiquettes et des factures remontant à l'année 1984 adressées à M. [N] [X] sous la dénomination 'Champagne [X]' ;

Que la SCEV Champagne [X], ayant droit de M. [N] [X], justifie ainsi de l'usage en France du signe '[X]' dans la vie des affaires depuis février 1984 et dispose dès lors du droit d'interdire l'utilisation d'une marque plus récente ;

Considérant qu'en conséquence il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes en déchéance et nullité de la marque communautaire '[X]' présentées reconventionnellement par la SCEV Champagne [X] ;

Que, statuant à nouveau, il convient, en application des dispositions de l'article 53 du règlement (CE) n° 207/2009, de prononcer la nullité de la marque communautaire '[X]' n° 31005 déposée le 01 avril 1996 par la société E&J [X] [A] ;

II : SUR LES DEMANDES EN CONTREFAÇON DE LA MARQUE COMMUNAUTAIRE '[X]' N° 31005 :

Considérant que du fait de l'annulation de la marque communautaire '[X]' n° 31005, la société E&J [X] [A] ne peut qu'être déboutée de l'ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon de ladite marque ;

Que par ces motifs, se substituant à ceux des premiers juges, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes présentées par la société E&J [X] [A] au titre de la contrefaçon ;

III : SUR LES DEMANDES EN CONCURRENCE DÉLOYALE ET PARASITISME :

Considérant que la société E&J [X] [A] soutient que son action en concurrence déloyale et parasitaire n'est pas prescrite puisqu'il s'agit d'un délit continu qui se perpétue tant que les produits de la SCEV Champagne [X] sont commercialisés ;

Que sur le fond elle soutient que la SCEV Champagne [X] a opéré un glissement de l'usage du nom patronymique [X], initialement utilisé comme simple élément de la dénomination sociale, vers l'usage du signe [X] à titre de marque ;

Qu'elle fait valoir que ce glissement constitue une faute distincte du grief de contrefaçon et que ce comportement démontre la volonté de la SCEV Champagne [X] de se rapprocher de sa marque '[X]' afin de profiter de la renommée acquise par celle-ci, se plaçant dans son sillage en profitant indûment de ses investissements, en tirant indûment profit du succès commercial et de la renommée de sa marque '[X]' et en tendant et diversifiant ses réseaux de distribution par la création d'un site Internet marchand ;

Qu'elle ajoute que les clientèles respectives sont extrêmement proches et que l'existence d'un risque de confusion est avérée, nonobstant la prétendue différence des réseaux de distribution ;

Considérant que la SCEV Champagne [X] invoque d'abord la prescription de l'action en concurrence déloyale et parasitisme au motif que sa dénomination sociale était connue depuis avril 2002 et que la prescription est acquise depuis le 08 avril 2012, l'action n'ayant été engagée qu'en août 2012 ; qu'elle soutient en outre qu'il n'existe aucun fait distinct de la demande en contrefaçon ;

Que sur le fond, elle conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la société E&J [X] [A] au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme en faisant valoir que les produits commercialisés sont différents (vin de table d'une part, champagne de l'autre), que l'aspect du contenant est différent, que le packaging ne prête pas à confusion (une bouteille de vin se confondant difficilement avec une bouteille de Champagne), que les modes de distribution diffèrent, sa clientèle se composant de particuliers venant se fournir sur le lieu d'exploitation ;

Considérant ceci exposé, que l'action de la société E&J [X] [A] n'est pas prescrite dans la mesure où les faits allégués de concurrence déloyale et de parasitisme se poursuivent dans le temps jusqu'à ce jour ;

Mais considérant que les faits allégués par la société E&J [X] [A] à l'appui de cette action ne reposent que sur l'antériorité revendiquée de sa marque française '[X]' dont il a été jugé qu'elle ne pouvait s'en prévaloir et sur sa marque communautaire '[X]' dont la nullité est prononcée par le présent arrêt ;

Qu'il ne saurait y avoir de 'glissement sémantique' de l'usage du nom patronymique '[X]' par la SCEV Champagne [X] puisque, ainsi qu'il l'a été analysé précédemment, cette dernière fait usage du signe '[X]' à titre de marque depuis 1984 à une période où la société E&J [X] [A] n'exploitait pas sa propre marque française éponyme et qu'il ne saurait donc y avoir volonté de profiter de la renommée d'une marque qui n'était pas exploitée ; que la marque communautaire '[X]' quant à elle n'a été déposée par la société E&J [X] [A] qu'en 1996, soit douze ans après l'exploitation de bonne foi du signe '[X]' tant à titre de marque qu'à titre de dénomination sociale par la SCEV Champagne [X] ;

Considérant qu'il n'est ainsi pas justifié d'un comportement fautif de la SCEV Champagne [X] constitutif d'actes de concurrence déloyale et/ou parasitaire et que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes présentées par la société E&J [X] [A] au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ;

IV : SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant que la société E&J [X] [A] étant déboutée de l'intégralité de ses demandes au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale et parasitaire, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande de publication judiciaire du présent arrêt à titre de mesure de réparation complémentaire ;

Considérant qu'il est équitable d'allouer à la SCEV Champagne [X] la somme complémentaire de 10.000 € au titre des frais par elle exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;

Considérant que la société E&J [X] [A] sera pour sa part, déboutée de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la société E&J [X] [A], partie perdante en son appel, sera condamnée au paiement des dépens d'appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;

P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes présentées au titre de la déchéance et de la nullité de la marque communautaire [X], statuant à nouveau de ce chef :

Prononce la déchéance des droits de la société E&J [X] [A] sur sa marque française '[X]' n° 1 472 771 à compter du 30 août 1973 ;

Annule, pour l'ensemble des produits qu'elle désigne, la marque communautaire '[X]' n° 31005 déposée le 01 avril 1996 et dont la société E&J [X] [A] est titulaire ;

Confirme pour le surplus le jugement entrepris, par substitution de motifs en ce qui concerne le rejet des demandes présentées par la société E&J [X] [A] au titre de la contrefaçon de sa marque communautaire '[X]' n° 31005 ;

Y ajoutant :

Déboute la société E&J [X] [A] de sa demande de publication judiciaire du présent arrêt ;

Condamne la société E&J [X] [A] à payer à la SCEV Champagne [X] la somme complémentaire de DIX MILLE EUROS (10.000 €) au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens ;

Déboute la société E&J [X] [A] de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société E&J [X] [A] aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/05667
Date de la décision : 06/10/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°14/05667 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-06;14.05667 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award