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02/10/2015 | FRANCE | N°13/06713

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 02 octobre 2015, 13/06713


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11



ARRET DU 2 OCTOBRE 2015



(n° , pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 13/06713



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2012 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2011036660







APPELANTE



SASU COMPAGNIE IBM FRANCE, rcs de Nanterre n°552118465, agissant poursuites et diligences de son r

eprésentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, to...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 2 OCTOBRE 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/06713

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2012 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2011036660

APPELANTE

SASU COMPAGNIE IBM FRANCE, rcs de Nanterre n°552118465, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

Représentée par Me Christian LE STANC, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES

Monsieur [Z] [E]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1958 à[Localité 1]

Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Représenté par Me Denis MONEGIER DU SORBIER de l'AARPI HOYNG MONEGIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0512

SARL TRANSLATIONS, rcs de PARIS n°334690914, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Représentée par Me Denis MONEGIER DU SORBIER de l'AARPI HOYNG MONEGIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0512

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Juin 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Annick PRIGENT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre

Paul André RICHARD, Conseiller Hors Hiérarchie,

Marie-Annick PRIGENT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Paul-André RICHARD, Conseiller Hors Hiérarchie, aux lieu et place de Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Président, empêché, et par Madame Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La société IBM FRANCE (ci-après IBM) est spécialisée dans l'ingénierie, la création et l'édition de logiciels et progiciels applicatifs et, plus généralement, dans la conception et la commercialisation de solutions informatiques.

M. [E] a créé la société TRANSLATIONS pour exercer les activités de traduction, analyse et synthèse. Il est titulaire de la marque dénominative TRANSLATIONS pour désigner notamment 'matériel d'instruction et d'enseignement. Cabinet de traduction, d'analyse et de synthèse.'

En 1997, M. [E] [Z] et la SARL TRANSLATIONS ont appris que la société IBM utilisait deux marques TRANSLATION et TRANSLATIONS MANAGER et ont assigné la Société IBM.

Le 25 janvier 1999, il a été mis fin à la procédure par la signature d'une «Transaction». Cette transaction stipule, article 3 «la société IBM et ses Sociétés Apparentées s'engagent à respecter les droits d'[Z] [E] et les droits de la SARL TRANSLATIONS, et s'engage à ne plus faire usage, dans les six mois suivant la signature de la présente Transaction par toutes les parties et sur le territoire de la France, en relation avec un logiciel de traduction, d'éducation ou en rapport avec l'information périodique d'une dénomination comportant les mots TRANSLATION ou TRANSLATIONS.

A cet effet, la société IBM renonce, d'une part aux deux marques communautaires TRANSLATION et TRANSLATION MANAGER qu'elle a déposées sous le n°00796359 et sous le n°00949008, et d'autre part à les convertir en France.

Ainsi, IBM et ses sociétés apparentées s'interdisent d'exploiter ces deux marques communautaires sur le territoire français».

En 2011, constatant que la société IBM FRANCE commercialisait un logiciel dénommé « WebSphere Translation Server », la société TRANSLATION a par courrier recommandé demandé à la société IBM de cesser cette commercialisation et réparer le préjudice subi.

La tentative de règlement amiable étant demeurée vaine, M. [E] [Z] et la société TRANSLATIONS ont assigné, le 4 mai 2011, la société IBM FRANCE devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement rendu le 10 décembre 2012, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la Transaction du 25 janvier 1999 a l'autorité de la chose jugée,

- dit que la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE a violé les dispositions de la transaction intervenue entre les parties le 25 janvier 1999,

- ordonné à la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE et ses Sociétés Apparentées de ne plus faire usage, sur le territoire de la France, d'une dénomination comportant les mots TRANSLATION ou TRANSLATIONS, en relation avec un logiciel de traduction, d'éducation ou en rapport avec l'information périodique, sous astreinte à partager pour moitié entre Monsieur [Z] [E] et la SARL TRANSLATIONS de 500€ par jour de retard à compter du 30ème jour suivant le jour de la signification de la présente décision et pour une période ne pouvant excéder 30 jours,

- rejeté la demande de destruction, ou remise aux demandeurs de tous les articles, documents, papiers commerciaux, publicité, etc..., portant les signes TRANSLATION ou TRANSLATIONS, et se trouvant entre les mains de la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE ou de ses représentants ou préposés,

- condamné la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE à verser à Monsieur [Z] [E] et la SARL TRANSLATIONS la somme de 5.000€ chacun au titre de dommages et intérêts,

- rejeté la demande de publication de la présente décision,

- condamné la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE à verser à Monsieur [Z] [E] et la SARL TRANSLATIONS la somme de 2.500€ chacun au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

La société IBM FRANCE a interjeté appel le 4 avril 2013,

Dans ses dernières conclusions signifiées le 31 mars 2015, la société IBM FRANCE demande à la cour de :

Sur l'interprétation injustifiée de l'accord litigieux :

- constater le caractère clair et précis des termes de l'article 3 de l'accord litigieux,

- par conséquent, infirmer le jugement en ce qu'il a dénaturé les termes clairs et précis de l'accord litigieux,

- constater l'irrecevabilité des demandes qui étaient portées à sa connaissance,

Subsidiairement, si, la cour venait à considérer que les termes de l'accord litigieux justifiaient une interprétation,

- constater que l'interprétation retenue par les premiers juges, au vu des déclarations de Monsieur [E] et de la société TRANSLATIONS, conduit à écarter la qualification de transaction pour absence de concessions réciproques, infirmer le jugement en ce qu'il a accueilli les demandes de Monsieur [E] et de la société TRANSLATIONS,

- subsidiairement, sur les causes de nullité de l'accord litigieux

Sur la nullité au regard du droit interne :

- constater que le contrat du 25 janvier 1999 prévoit des engagements perpétuels à la charge de la société IBM France,

- par conséquent, infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes indemnitaires de Monsieur [E] et de la société TRANSLATIONS, alors qu'elles étaient fondées sur un contrat nul et de nul effet,

- constater que l'objet et la cause des obligations mises à la charge de la société IBM France n'étaient ni déterminés, ni déterminables,

- par conséquent, infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes indemnitaires de Monsieur [E] et de la société TRANSLATIONS, alors qu'elles étaient fondées sur un contrat nul et de nul effet,

- dire et juger qu'une convention ne peut conduire à ce que des droits de propriété intellectuelle, une dénomination sociale ou un nom commercial fassent obstacle à l'usage d'un terme, usuel, nécessaire, courant et descriptif, l'objet et la cause du contrat devant être licites,
- par conséquent, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit aux demandes indemnitaires de Monsieur [E] et de la société TRANSLATIONS, alors qu'elles étaient fondées sur un contrat nul et de nul effet,

Sur la nullité au regard du droit européen de la concurrence :

- constater que le contrat litigieux oblige la plupart des sociétés du Groupe IBM,

- constater que l'interprétation retenue par les premiers juges conduit à interdire, de facto, à l'ensemble du Groupe IBM la commercialisation de tout logiciel de traduction sur le territoire français,

- constater que le contrat litigieux constitue, de ce fait, une restriction à la libre concurrence entre Etats-membres au sens de l'article 101§1 du TFUE, prohibée,

- par conséquent, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit aux demandes indemnitaires de Monsieur [E] et de la société TRANSLATIONS alors même qu'elles étaient fondées sur un contrat dont il aurait dû reconnaître la nullité sur le fondement du texte précité,

A titre infiniment subsidiaire, sur l'absence de réunion des conditions de mise en 'uvre de la responsabilité de l'appelante :

Sur l'absence de faute de la société IBM France :

- retenant - à tort - l'interprétation de l'article 3 de l'accord litigieux des premiers juges, constater l'absence de faute de la société IBM France,

- l'usage d'un terme du langage courant ne pouvant être fautif,

- la référence faite au terme litigieux étant nécessaire à la description du produit commercialisé,

- l'usage du terme litigieux par l'appelante ne suscitant aucun risque de confusion dans l'esprit du public,

- par conséquent, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit aux demandes indemnitaires de Monsieur [E] et de la société TRANSLATIONS alors même qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à l'encontre de l'appelante, faisant, dès lors, une mauvaise application de l'article 1147 du code civil,

Sur l'absence de préjudice subi par Monsieur [E] et la société TRANSLATIONS

- constater que le Tribunal de Commerce de Paris a condamné l'appelante au paiement de dommages-intérêts au profit de Monsieur [E] d'une part et de la société TRANSLATIONS d'autre part, alors même qu'il était démontrée l'absence de tout préjudice réparable,

En tout état de cause :

- infirmer la décision en ce qu'elle a condamné l'appelante aux dépens et au paiement d'une indemnité de 2.500€ à Monsieur [E] d'une part et à la société TRANSLATIONS d'autre part, au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner solidairement, Monsieur [E] et la société TRANSLATIONS à verser à la société IBM France la somme de 30.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [E] [Z] et la société TRANSLATIONS dans leurs dernières conclusions en date du 20 mai 2015 demandent à la cour de :

- débouter la société COMPAGNIE IBM FRANCE de son appel et de toutes ses demandes, - confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 10 décembre 2012 en ce qu'il a :

jugé la transaction du 25 janvier 1999 opposable aux parties,

dit que la transaction du 25 janvier 1999 a l'autorité de la chose jugée,

dit que la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE a violé les dispositions de la transaction intervenue entre les parties le 25 janvier 1999,

ordonné à la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE et ses Sociétés Apparentées de ne plus faire usage, sur le territoire de la France, d'une dénomination comportant les mots TRANSLATION ou TRANSLATIONS, en relation avec un logiciel de traduction, d'éducation ou en rapport avec l'information périodique, sous astreinte à partager par moitié entre Monsieur [Z] [E] et la SARL TRANSLATIONS de 500€ par jour de retard à compter du 30 ème jour suivant le jour de la signification de la présente décision.

Sur l'appel incident,

- dire Monsieur [E] et la SARL TRANSLATIONS recevables et fondés en leur appel incident,

- condamner la société COMPAGNIE IBM FRANCE à verser à Monsieur [E] et à la société TRANSLATIONS la somme de 50.000€ chacun à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans 5 journaux ou revues au choix de Monsieur [E] et de la société TRANSLATIONS et aux frais de la société IBM FRANCE le coût de chaque publication étant fixé à la somme de 5.000€ hors taxes, et ce au besoin à titre de complément de dommages et intérêts,

- ordonner la publication de l'arrêt sur la page d'accueil du site Internet www.ibm.com, pendant un mois à compter de sa signification,

- condamner la société IBM FRANCE à verser à Monsieur [E] et à la société TRANSLATIONS la somme de 30.000€ chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus amples exposé des faits de leur argumentation et de leurs moyens

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 2048 du code civil énonce que 'les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu'.

L'article 2049 du code civil précise que 'les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé'.

La société IBM fait valoir que l'accord conclu en 1999 ne contient aucune clause de durée,

alors que les engagements perpétuels sont prohibés, que l'objet du contrat n'est ni déterminé ni déterminable, que l'objet du contrat et les engagements qu'il comporte sont illicites, ce que conteste les intimés.

Par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, le tribunal a précisé que le document intitulé 'transaction' du 25 janvier 1999 fait référence à l'article 2052 du code civil et rappelle l'autorité de la chose jugée que revêt la transactionaux termes de laquelle la société IBM 's'engage à ne plus faire usage, dans les six mois suivant la signature de la présente Transaction par toutes les parties et sur le territoire de la France, en relation avec un logiciel de traduction, d'éducation ou en rapport avec l'information périodique d'une dénomination comportant les mots TRANSLATION ou TRANSLATIONS et a renoncé aux deux marques communautaires TRANSLATION et TRANSLATION MANAGER qu'elle a déposées' ; en contrepartie, les intimés se sont désistés de l'instance en cours devant le tribunal de grande instance de Paris et ont renoncé à toute action fondée sur l'atteinte à leurs droits tels que définis dans le cadre de la transaction, en conséquence, des concessions réciproques ont été consenties par les parties ;

L'objet de la transaction est déterminé et limité géographiquement en ce que l'engagement de ne plus faire usage du terme TRANSLATION ou TRANSLATIONS s'applique à un logiciel de traduction, d'éducation ou en lien avec une information périodique sur le territoire français. L'engagement ne peut être considéré comme perpétuel puisque nécessitant le renouvellement des droits sur les signes, objet du litige et peut cesser de s'appliquer en cas de non usage ou d'abandon de la marque.

Cette interdiction non limitée dans le temps n'est pas prohibée dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à la concurrence ; l'interdiction ne porte pas sur la commercialisation de logiciels par la société IBM mais sur leur dénomination par les termes TRANSLATION ou TRANSLATIONS ; les parties étaient fondées à limiter le droit d'utilisation d'un terme par l'une d'elle afin de protéger les droits de propriété intellectuelle de l'autre partie. La transaction ne fait obstacle à la commercialisation par la société IBM de son logiciel WebSphere mais sous la dénomination comportant le mot translation. La transaction qui a pour objet d'interdire la désignation d'un produit par un signe, alors que les accords servant à délimiter, dans l'intérêt réciproque des parties, les sphères d'utilisation respectives de leurs marques en vue d'éviter des confusions ou des conflits sont admis n'a pas pour conséquence de restreindre l'accès au marché de la traduction au Groupe IBM sur le territoire français puisqu'elle tend seulement à ce qu'il soit commercialisé sous une autre appellation.

Il ne peut être déduit de la transaction qu'elle était limitée à la renonciation par la société IBM aux deux marques communautaires TRANSLATION et TRANSLATION MANAGER qu'elle a déposées ; en effet, outre que la société IBM s'engage à l'article 3 de la transaction à ne plus faire usage du terme TRANSLATION ou TRANSLATIONS en rapport avec un logiciel de traduction, d'éducation ou une information périodique, cette disposition doit être complétée par l'article 11 de la transaction qui énonce 'Ainsi, IBM s'engage à ne plus commercialiser en France, à compter du 1er avril 1999, sous une dénomination comportant les mots TRANSLATION ou TRANSLATIONS, de logiciels de traduction, d'éducation ou en rapport avec l'information périodique'. La société IBM s'engage non seulement dans le cadre de la procédure ayant conduit à la signature de la transaction mais également pour l'avenir.

Le mot translation est un mot anglais qui signifie en français traduction mais qui a une autre signification lorqu'on l'utilise en français ; il n'est donc pas descriptif en France de l'activité de traduction et n'est pas un terme utilisé dans le langage usuel.

Il sera fait observer qu'en signant cette transaction, la société IBM est irrevable à contester l'utilisation de la marque TRANSLATION par Monsieur [E] et la société TRANSLATIONS sur le fondement du code de la propriété intellectuelle et ses arguments à ce titre sont donc inopérants.

La société IBM allègue que l'accord a pour conséquence au sens de l'article 101§1 du TFUE de restreindre le jeu de la concurrence entre Etats -membres et doit être annulé.

La transaction trouve à s'appliquer sur le seul territoire français et ne présente aucune disposition relative à la commercialisation des logiciels mais à leur seule dénomination ; il ne peut être retenu comme le soutient la société IBM que s'agissant de logiciels de traduction, l'interdiction d'utiliser le nom translation ne lui permet pas d'expliquer les fonctions du logiciel ; en l'espèce, la société IBM a dénommé son logiciel 'WebSphere Translation Server for Multiplatforms' ce qui n'est pas autorisé au vu de la transaction ; il ne lui est pas interdit de décrire les fonctions du logiciel, étant précisé qu'en France, la langue utilisée est le français ; le fait que la société IBM soit contrainte à certains aménagements dans la commercialisation de son logiciel en France n'est pas de nature à fausser le jeu de la concurrence entre états membres. Comme le relèvent la société TRANSLATIONS et M. [E], la transaction n'a pas pour objet de limiter la production ou les ventes, ni de se répartir des marchés ou des clients mais de protéger un intérêt inhérent à une marque.

Les intimés justifient qu'ils ont pris connaissance le 12 février 2010 lors de la présentation de ses logiciels par la société IBM de l'appellation de l'un de l'un d'eux 'WebSphere Translation Server for Multiplatforms' ; par courriers des 7 et 25 février 2011, la société IBM a a précisé qu'elle cessait toute utilisation du signe TRANSLATION et qu'elle en justifierait auprès d'elle. Néanmoins, par courrier du 30 mars 2011, la société IBM indiquait à la société TRANSLATIONS qu'elle utilisait le terme dans son sens courant et descriptif du produit et que cela ne constituait pas un acte de contrefaçon.

La société TRANSLATIONS et M. [E] établissent par procès-verbal de constat en date du 11 février 2011et du 29 juillet 2013 que la société IBM continue à dénommer son logiciel sous l'appellation 'WebSphere Translation Server for Multiplatforms'. Sur Google, lorsque l'huissier de justice tape 'IBM translation' apparaissent le nom du logiciel et son objet décrit en français.

La société IBM produit deux constats d'huissier en date du 11 octobre 2011 et 21 août 2013 démontrant que sur le site d'IBM, en recherchant le mot produit puis logiciels la présentation en français du logiciel WebSphere et des produits WebSphere ne comporte aucune utilisation des termes TRANSLATION ou TRANSLATIONS. Ces constats d'huissier contredits pas ceux versés par les intimés sont insuffisants pour établir une absence d'utilisation continue du terme translation (s) de 2011 à 2013.

L'usage de ce signe en France malgré les termes de la transaction a perduré pendant plus de trois ans pour désigner une solution logicielle de traduction au vu des constats d'huissier produits par les intimés. L'atteinte ainsi portée aux droits de la société TRANSLATIONS et à M. [E] qui a créé la société TRANSLATIONS pour exercer les activités de traduction, analyse et synthèse leur cause un préjudice qui sera indemnisée par l'allocation de la somme de 15.000€ chacun.

Le préjudice des intimés est ainsi justement indemnisé sans qu'il y ait lieu de faire droit aux demandes de publication de la décision. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné à la SAS COMPAGNIE IBM FRANCE et ses Sociétés Apparentées de ne plus faire usage, sur le territoire de la France, d'une dénomination comportant les mots TRANSLATION ou TRANSLATIONS, en relation avec un logiciel de traduction, d'éducation ou en rapport avec l'information périodique, sous astreinte à partager pour moitié entre Monsieur [Z] [E] et la SARL TRANSLATIONS de 500€ par jour de retard à compter du 30ème jour suivant le jour de la signification de la présente décision et pour une période ne pouvant excéder 30 jours sauf à préciser que l'astreinte courra à compter de la signification de l'arrêt.

Il y a lieu de condamner la société IBM à verser aux intimés la somme de 5.000€ chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ; l'appelante sera déboutée de sa demande ce chef.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement sur le montant des dommages et intérêts alloués à la société TRANSLATIONS et à M. [E] et sur la date de départ de l'astreinte,

Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant.

Condamne la société IBM à payer à la société TRANSLATIONS et à M. [E], la somme de 15.000€ chacun à titre de dommages et intérêts,

Dit que l'astreinte prévue par le Tribunal courra à compter de la signification du présent arrêt,

Condamne la société IBM à payer à la société TRANSLATIONS et à M. [E], la somme de 5.000€ chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société IBM aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 13/06713
Date de la décision : 02/10/2015

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°13/06713 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-02;13.06713 ?
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