RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 01 Octobre 2015
(n° 469 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/11184
Décision déférée à la Cour : arrêt de renvoi après cassation rendu le 31 octobre 2012 par la chambre sociale de la Cour de cassation, sur pourvoi d'un arrêt rendu le 31 mars 2011 par la cour d'appel de PARIS, sur appel d'un jugement rendu le 12 Mars 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section Encadrement
APPELANT
Monsieur [C] [V]
[Adresse 2]
[Localité 2]
né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Delphine LOPEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C1616
INTIMEE
Madame [J] [L]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Eric HARM, avocat au barreau de PARIS, toque : G0173 substitué par Me Juliette SAINT LEGER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0327
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Patrice LABEY, Président de chambre
M. Bruno BLANC, Conseiller
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Wafa SAHRAOUI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Madame Wafa SAHRAOUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [J] [L] a été engagée le 9 juillet 2002 par Monsieur [C] [V] , alors député du Rhône et président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en qualité d'assistante de président de commission moyennant une rémunération mensuelle de 4 142,10 euros . La salariée a démissionné le 25 mai 2007, après avoir saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires.
Par jugement du 12 mars 2009, le Conseil de Prud'hommes de Paris a :
- Condamné M.[V] [C] à verser à Mme [L]
[J] les sommes suivantes :
* 33893.49 € (Trente trois mille huit cent quatre vingt treize euros et quarante neuf centimes) à titre d'heures supplémentaires avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation; Rappelé qu'en vertu de l'article R.516.37 du Code du Travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire;Fixé cette moyenne à la somme de 3500 € ;
* 1500 € (Mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Débouté Mme [L] [J] du surplus de ses demandes ;
- Débouté M.[V] [C] de sa demande reconventionnelle ;
- Condamné M.[V] aux dépens.
Par arrêt du 31 mars 2011, statuant sur l'appel interjeté par Monsieur [C] [V] , la cour d'appel de Paris a:
- Infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions;
- Débouté Madame [J] [L] de ses demandes;
- Condamné Madame [J] [L] aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Monsieur [C] [V] la somme de 1500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile .
Saisie d'un pourvoi par Madame [J] [L] , la Cour de Cassation a, par arrêt du 31 octobre 2012:
- Cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2011, remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyé devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
- Condamné M. [V] aux dépens ;
Par déclaration du 26 novembre 2012, Monsieur [C] [V] a saisi la cour de renvoi.
Vu les conclusions du 25 juin 2015 au soutien de ses observations orales par lesquelles Monsieur [C] [V] demande à la cour de :
- Dire et juger Monsieur [V] recevable en son appel et le dire bien fondé ;
- Débouter Madame [L] de toutes ses demandes et prétentions ;
- Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 12 mars 2009 en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
- Débouter Madame [L] de sa demande en paiement d'heures
supplémentaires ;
- Condamner Madame [L] à rembourser à Monsieur [V] les 31.500 euros qu'il lui a réglés au titre de l'exécution provisoire du jugement du Conseil de Prud'hommes, avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2012 ;
- Condamner Madame [L] à lui payer 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Madame [L] aux entiers dépens.
Vu les conclusions du 25 juin 2015 au soutien de ses observations orales par lesquelles Madame [J] [L] demande à la cour de:
- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 12
mars 2009 en ce qu'il a considéré que « la réalité d'heures supplémentaires effectuées par [Madame [L]] est établie » ;
- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 12 mars 2009 en ce qu'il n'a pas fait intégralement droit à la demande formée par Madame [L] de paiement des heures supplémentaires qu'elle a
effectuées ;
Et statuant à nouveau,
- Dire que Madame [J] [L] a effectué depuis le 14 juillet 2002,
2.532, 35 heures supplémentaires, la loi et son contrat en prévoyant expressément le paiement ;
- Condamner en conséquence Monsieur [C] [V] à lui verser la
somme de 92.985, 70 € (diminuée de la somme de 31.500 € qu'elle a perçue ne
exécution du jugement du 12 mars 2009) avec intérêts au taux légal à compter
de la date de réception par Monsieur [C] [V] de la convocation devant le bureau de conciliation ;
- Condamner Monsieur [C] [V] à verser à Madame [J]
[L] la somme de 10.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner Monsieur [C] [V] aux entiers dépens.
SUR CE,
Considérant que selon l'article L 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires sont des heures de travail accomplies au-delà de la durée légale du travail ou de la durée considérée comme équivalente ;
Que les heures supplémentaires sont effectuées à la demande de l'employeur, cette demande pouvant être implicite, notamment lorsque l'employeur a tacitement admis la réalisation des heures supplémentaires;
Considérant que l'article L 3171-4 du code du travail dispose :
' En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable .';
Que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires, d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire;
Considérant que Madame [J] [L] verse aux débats un tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu'elle soutient avoir effectuées depuis son arrivée au sein du cabinet de Monsieur [V] auquel elle a appliqué les coefficients légaux;
Que ce tableau récapitulatif considère que la salarié quittait l'Assemblée Nationale dans le quart d'heure qui suivait la sonnerie de la séance de l'après-midi qui retentit à 19 heures 30 après avoir recueilli les instructions de son employeur;
Que ce tableau est étayé par la production de 153 copies de courriels en provenance du disque dur de l'ordinateur qu'elle utilisait à l'Assemblée Nationale . Que ces courriels ont été adressés ou lus en moyenne entre 8 heures et 8 heures 30 pour certains; Que pour d'autres ils ont été adressés ou lus en moyenne entre 20 heures et 20 heures 30 ;
Que la salariée produit également des notes rédigées sur son ordinateur à l'Assemblée nationales et qui portent la mention de la dernière date d'enregistrement à des heures tardives;
Que la salariée détaille, et justifie, de ses attributions en qualité d'assistante parlementaire chargée notamment de la rédaction de nombreux discours dont l'appelant qui en conteste l'origine, ne justifie pas de la personne autre que Madame [J] [L] qui les auraient rédigés;
Qu'il apparaît, en outre, impossible de rédiger ce type d'intervention si l'on n'a pas suivi la totalité du long et laborieux processus de négociation, d'arbitrages et d'amendements qui précède l'examen d'un texte dans l'hémicycle;
Qu'enfin, Madame [J] [L] justifie de nombreux déjeuners de travail auxquels ses fonctions commandaient d'assister;
Que la salariée verse également aux débats de très nombreuses traces informatiques qui démontrent qu'elle travaillait même au delà des heures supplémentaires réclamées dans son décompte établi à minima; que ces documents ne sont pas argués de faux et relèvent en fait, la nature réelle des fonctions exercées et leur ampleur dans le cadre de cette importante commission parlementaire qu'est celle des affaires culturelles, familiales et sociales dont Monsieur [C] [V] assumait la présidence;
Considérant que, pour sa part, Monsieur [C] [V], au delà des incohérences alléguées quant au décompte produit par l'intimée, ne verse aux débats aucun décompte des horaires réellement effectués par Madame [J] [L] et ce en contradiction, notamment avec l'article L3171-2 du Code du Travail, qui dispose :
« Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise d'effet effective, pour chacun des salariés concernés »;
Que les attestations produites par l'appelant ne permettent pas d'écarter le principe même des heures supplémentaires et sont, en tous cas, inopérantes pour établir la réalité des horaires;
Qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a admis le principe de l'existence d'heures supplémentaires effectuées par Madame [J] [L] ;
Considérant, s'agissant du montant des demandes, que Madame [J] [L] a communiqué des tableaux qui retracent le rythme de la vie parlementaire au Palais Bourbon, au regard de l'article 50 de son règlement;
Que, dés lors, il y a lieu, de faire droit à l'intégralité des demandes présentées par la salariée;
Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
Déclare l'appel de Monsieur [C] [V] recevable,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a jugé de l'existence d'heures supplémentaires réalisées par la salariée du 9 juillet 2002 au 25 juin 2007;
Le réforme pour le surplus en ce qui concerne le montant des sommes allouées;
et statuant à nouveau:
Condamne Monsieur [C] [V] à payer à Madame [J] [L] , en deniers ou quittances valables, la somme de 92.985,70 euros;
Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées.
Condamne Monsieur [C] [V] à payer à Madame [J] [L] 6.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne Monsieur [C] [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT