Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2015
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/07915
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Avril 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - Affaires contentieuses 19ème chambre - RG n° 2010044307
APPELANTE :
SARL HORLOGERIE [L]
immatriculée au RCS de LYON sous le n° 437 589 765
ayant son siège [Adresse 3]
[Adresse 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
ayant pour avocats plaidants : Me Cyril CHABERT et Me Marjorie DUDON de l'AARPI CHAIN, avocats au barreau de PARIS, toque : P0462
INTIMEE :
SAS ROLEX FRANCE
immatriculée au RCS de PARIS sous le n° B 542 073 36666
ayant son siège [Adresse 1]
[Adresse 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Fabienne FAJGENBAUM de la SCP NATAF FAJGENBAUM & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0305
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 01 Juillet 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre
Madame Irène LUC, Conseillère, rédacteur
Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Irène LUC dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, présidente et par Madame Violaine PERRET, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement rendu le 10 avril 2013, par lequel le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Horlogerie [L] de l'ensemble de ses demandes, débouté la société Rolex France de sa demande de dommages et intérêts, condamné la société Horlogerie [L] à payer à la société Rolex France la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté la société Rolex France de ses autres demandes ;
Vu l'appel interjeté par la société Horlogerie [L] le 18 avril 2013 et ses dernières conclusions signifiées le 15 juin 2015, dans lesquelles il est demandé à la cour de dire et juger la société Horlogerie [L] recevable et bien fondée en son appel, réformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 10 avril 2013, et, statuant à nouveau, constater la rupture sans préavis raisonnable ou suffisant du contrat de distribution liant la société Rolex France à la société Horlogerie [L], en conséquence, condamner la société Rolex France à verser une somme de 173 479 Euros de dommages et intérêts à la société Horlogerie [L] en indemnisation des préjudices d'activité, financiers et d'image occasionnés par la rupture fautive et, en toute hypothèse, sans préavis suffisant du contrat de distribution, ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, qui s'avère nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, débouter, la société Rolex France de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive, et, enfin, condamner la société Rolex France à payer à la société Horlogerie [L] la somme de 18.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 15 juin 2015 par la société Rolex France, dans lesquelles il est demandé à la cour de confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 10 avril 2013 en ce qu'il a dit et jugé que c'est à bon droit que la société Rolex France a résilié le contrat de distribution sélective signé par elle le 18 juin 2001 et régularisé le 2 juillet 2001 par la société Horlogerie [L], que la durée de la relation commerciale entre les sociétés Rolex France et Horlogerie [L] était de 8 ans et 8 mois, que la société Rolex France n'a pas rompu de manière abusive et brutale le contrat de distribution sélective qui la liait à la société Horlogerie [L], et, enfin, condamné la société Horlogerie [L] à verser à la société Rolex France la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles engagés en première instance, en conséquence, débouter la société Horlogerie [L] de l'ensemble de ses demandes, et, statuant à nouveau, dire et juger que la société Horlogerie [L] a commis un abus manifeste dans l'exercice des voies de droit à l'encontre de la société Rolex France, condamner, en conséquence, la société Horlogerie [L] à verser à la société Rolex France la somme de 15.000 euros, à titre de dommages et intérêts, pour l'exercice abusif des voies de droit à son encontre, ainsi que pour le préjudice moral en résultant, faisant droit à la demande reconventionnelle de la société Rolex France, condamner la société Horlogerie [L] à payer à la société Rolex France la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE,
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
La société Rolex France (ci-après Rolex) a signé un contrat de distribution sélective, entré en vigueur le 18 juin 2001, avec la société Horlogerie [L], sise [Adresse 3].
Le 10 février 2010, la société Rolex a notifié à la société Horlogerie [L] sa décision de mettre un terme aux relations commerciales, avec un préavis de six mois, en se référant à l'article X-2 du contrat de distribution sélective. Cet article dispose : « chaque partie peut résilier le présent contrat en tout temps par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l'autre partie en observant un délai de préavis de six mois. Pendant le délai de préavis, chaque partie est tenue de respecter les dispositions du présent contrat ».
Le 23 février 2010, la société Horlogerie [L] a demandé à la société Rolex de réexaminer sa position, compte tenu, en particulier, de « 40 années de collaboration sans failles ».
Au terme du préavis de six mois, la société Rolex a adressé le 7 septembre 2010 une offre de reprise du stock, qui est intervenue le 26 octobre 2010.
C'est dans ces conditions que la société Horlogerie [L] a assigné, le 9 juin 2010, la société Rolex devant le tribunal de commerce de Paris, aux fins d'obtenir des dommages et intérêts pour rupture fautive de la relation commerciale.
Le Tribunal a défini, dans le jugement entrepris, « la durée des relations commerciales suivies entre Rolex et Horlogerie [L] à 8 ans et 8 mois, soit entre le 18 juin 2001, date d'entrée du contrat de distribution sélective et le 10 février 2010, date de la notification de la fin du contrat ». Il a estimé qu'un préavis de six mois était suffisant et débouté le distributeur.
Sur le caractère discriminatoire de la résiliation du contrat de distribution sélective par la société Rolex
Considérant que la société appelante soutient que la société Rolex, en l'évinçant alors qu'elle satisfaisait aux critères de sélection du réseau de distribution sélective de Rolex, s'est rendue coupable d'une discrimination ; que le principe de non-discrimination dans l'application des critères ne vaut pas seulement lors de l'entrée du réseau, mais tout au long de la relation contractuelle ; qu'en conséquence, la résiliation d'un contrat de distribution sélective ne saurait intervenir sans juste motif, sous peine de constituer une entente ; que si la résiliation d'un tel contrat peut être justifiée par des conditions objectives de réorganisation du réseau, c'est subjectivement que la société Rolex a décidé de l'exclure, en l'absence de toute preuve de réorganisation de son réseau ;
Considérant que la société intimée invoque les principes de liberté contractuelle et de prohibition des engagements perpétuels, pour prétendre qu'elle pouvait librement résilier le contrat de distribution sélective de la société Horlogerie [L], aux fins de réorganiser son réseau, quand bien même le distributeur aurait toujours respecté ses critères de sélection ; qu'une tête de réseau est libre de restructurer son système de distribution pourvu qu'il n'en résulte aucune atteinte à la concurrence ; qu'au surplus, les discriminations ne sont plus prohibées, sauf si elles constituent une pratique anticoncurrentielle, ce qui n'est, en l'espèce, pas démontré ; que la résiliation unilatérale du contrat sans motivation particulière était prévue au contrat ; que c'est seulement en cas de résiliation sans préavis pour un manquement grave du distributeur que le fournisseur doit donner une justification ;
Considérant, en premier lieu qu'un système de distribution sélective peut être considéré comme licite au regard des prévisions du 1° de l'article 101 du TFUE ou de l'article L.420-1 du code de commerce, si trois conditions sont réunies cumulativement : 1. la nature du produit en question doit requérir un système de distribution sélective, c'est-à-dire qu'un tel système doit constituer une exigence légitime eu égard à la nature du produit concerné afin d'en préserver la qualité et d'en assurer l'usage, 2. les revendeurs doivent être choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif, qui sont fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, 3. les critères définis ne doivent pas aller au delà de ce qui est nécessaire ;
Considérant, en deuxième lieu, que le règlement n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 concernant l'application de l'article 81 § 3 du traité de Rome à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, auquel est désormais substitué le règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010, prévoit une exemption d'application du §1 de l'article 81 (devenu article 101 du TFUE) aux accords de distribution, dits « accords verticaux » conclus entre les distributeurs et un fournisseur, lorsque, notamment, la part détenue par le fournisseur sur le marché pertinent sur lequel il vend ses biens et services ne dépasse pas 30 % et ce, sous réserve que ces accords ne comportent pas de restrictions caractérisées, à savoir, pour l'essentiel, celles qui obligent chaque distributeur à respecter un prix de vente identique, à s'interdire de revendre à un autre distributeur du réseau ou à s'interdire de répondre passivement à des commandcs de clients situés hors de sa zone d'exclusivité (article 4 du règlement) ; qu'il en résulte que les pratiques discriminatoires commises par le fournisseur à l'égard de ses distributeurs, qui ne constituent pas des restrictions caractérisées, sont exemptées, lorsque celui-ci a une part de marché inférieure à 30 % ;
Considérant, en troisième lieu que la loi du 4 août 2008 (n° -776) a supprimé l'interdiction des pratiques discriminatoires (ancien texte de l'article L 442-6 I 1° du Code de commerce) à compter de son entrée en vigueur, soit le 5 août 2008 ; qu'à compter du 5 août 2008, donc, la discrimination, en droit commercial, n'est plus interdite en soi ;
Considérant que si la société Horlogerie [L] soutient avoir été victime de pratiques discriminatoires, elle n'en donne comme exemple que la résiliation sans motif du contrat de distribution sélective, alors qu'elle remplissait tous les critères d'agrément du réseau ;
Mais considérant qu'une telle pratique ne saurait être qualifiée de pratique discriminatoire ; qu'en effet, celles-ci sont caractérisées par l'application discriminatoire des critères de sélection, comme par exemple l'admission, au sein du réseau, de distributeurs ne satisfaisant pas aux critères de présentation du produit ou d'aménagement du magasin ou par le fait de consentir à certains distributeurs des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles ; que la résiliation avec préavis d'un contrat de distribution sélective ne saurait être qualifiée en soi de pratique discriminatoire, s'agissant du droit à mettre fin à tout engagement et de la prohibition des conventions perpétuelles ; que, par ailleurs, ne pèse sur le fournisseur aucune obligation de conclure un contrat de distribution sélective avec tout distributeur remplissant les critères de sélection, en raison du principe de liberté contractuelle ;
Considérant, en outre, qu'à supposer même une telle discrimination démontrée, ce qui n'est pas le cas, elle ne saurait être qualifiée d'entente anticoncurrentielle, la société Horlogerie [L] n'établissant pas que la société Rolex détiendrait une part de marché supérieure à 30 % sur un marché pertinent à définir ;
Considérant que si la société Rolex, en prononçant la résiliation du contrat de distribution la liant à l'appelante, n'a fait que mettre en 'uvre les stipulations de ce contrat, une telle résiliation peut, néanmoins, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture ; qu'en effet, il s'infère des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil aux termes desquelles les conventions légalement formées « doivent être exécutées de bonne foi » que la faculté de résiliation d'un contrat de droit privé à durée indéterminée ne saurait être exercée dans des conditions exclusives d'une semblable bonne foi, telle, notamment, la création chez le co-contractant d'une confiance légitime dans la pérennité des relations commerciales entretenues ou la soumission à des conditions potestatives ;
Considérant qu'en l'espèce, aucune mauvaise foi ne saurait être imputée à la société Rolex dans la mise en oeuvre de la résiliation ;
Considérant, enfin, qu'un fournisseur est en droit de résilier les accords de distribution sélective qui le lient à ses distributeurs et de réorganiser son réseau, sous réserve du respect des règles de la concurrence ; qu'en l'espèce il n'est pas démontré que cette résiliation ait constitué une entente anti-concurrentielle ; que ce moyen sera donc rejeté ;
Sur le caractère brutal de la rupture
Considérant que la société Horlogerie [L] soutient que la société Rolex a rompu brutalement leur relation commerciale pour défaut de délai raisonnable, compte tenu de l'ancienneté de leur relation, des investissements réalisés et du secteur d'activité concerné ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 442-6- I- 5° du code de commerce : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) » ;
Considérant que si les parties ne contestent pas l'existence de relations établies entre elles, elles s'opposent sur leur point de départ et la longueur du préavis raisonnable ;
Sur le point de départ des relations commerciales
Considérant que la société appelante soutient que les relations commerciales entre les deux sociétés remontent aux relations avec la société [X] [L] à laquelle a succédé la société Horlogerie [L], soit à trente cinq ans ; que le changement de forme sociale de l'exploitation du distributeur est sans incidence sur la continuité de la relation, d'autant plus quand le gérant reste le même depuis le début et que les contrats successifs signés avec Rolex ont le même objet ; que la durée des relations commerciales ne saurait être limitée à la seule durée du contrat, le préambule du contrat signé en 2001 qui fait mention de l'ancienneté de la relation en rapportant la preuve ;
Considérant que, concernant la durée des relations contractuelles, l'intimée fait d'abord valoir qu'en 1975, date à laquelle la relation aurait débuté selon l'appelante, le réseau de distribution sélective Rolex n'existait pas ; que c'est la relation de Rolex avec la société Horlogerie [L] qui doit être étudiée, et non pas la relation avec la société [L] Développement (aux droits de la société [X] [L]) ; que la société Rolex n'a jamais rompu les relations avec la société [L] Développement qui distribue toujours des produits Rolex ; que la société Horlogerie [L] n'a été créée que le 18 avril 2001, et elle est indépendante de la société [L] Développement ; qu'en conséquence, la société Horlogerie [L] n'a pas succédé à la société [L] Développement dans les relations commerciales que Rolex entretenait avec cette société ; que la cession du droit au bail n'emporte pas automatiquement continuation de la relation nouée avec l'ancien occupant des murs ; que la conclusion d'un contrat identique à celui qui fondait auparavant la relation commerciale avec l'ancien occupant du local est insuffisante à démontrer la "poursuite" de celle-ci ; qu'il y a donc eu, en 2001, création d'une nouvelle relation avec une nouvelle entité, la société Horlogerie [L], et non poursuite d'une relation ancienne, puisque la société Horlogerie [L] n'a jamais repris les engagements et obligations contractés par la société [L] Développement ;
Considérant qu'une relation commerciale avec un fournisseur peut se poursuivre avec un autre partenaire dès lors que les parties ont entendu se situer dans la continuation de relations antérieures ; qu'ainsi la notion de 'continuation' d'une relation commerciale établie est caractérisée en présence d'une volonté de continuation ou de l'absence de véritable altérité, le nouvel entrant dans la relation ne pouvant masquer, derrière l'écran d'une nouvelle personne juridique, l'identification des personnes déjà en relation ;
Considérant que la société Horlogerie [L] est une société fondée le 18 avril 2001 par Monsieur [X] [L] et sa fille [D] [L], les statuts de cette société ayant été déposés et enregistrés le 19 avril 2001 au greffe du tribunal de commerce d'Avignon ; que cette société exploite, depuis sa création, son magasin situé [Adresse 3] et cette adresse est aussi celle du siège social de la société ; que cette société est gérée et administrée par Madame [D] [L] ;
Considérant que la société Horlogerie [L] exerce son activité à la même adresse qu'une autre société de la famille [X] [L], la société [X] [L], immatriculée en 1979, qui depuis, a transféré son siège social et son activité au [Adresse 2] ;
Considérant que la société appelante soutient que la société Horlogerie [L] poursuivrait, dans ces locaux, les relations commerciales que la société [X] [L] entretenait avec la société Rolex ;
Considérant que la société [X] [L] avait son siège social au [Adresse 3] ; que cette société a modifié sa dénomination sociale pour adopter celle de [L] Développement, le 22 mars 2001 et a procédé au transfert de son siège social au [Adresse 2] ; que cette société continue à ce jour de poursuivre ses activités commerciales à cette nouvelle adresse et bénéficie de la qualité de distributeur agréé des produits Rolex ; que c'est donc cette société qui bénéficie d'une longue antériorité dans ses relations avec Rolex, et non la société Horlogerie [L], créée en 2001; que, par ailleurs, la société Horlogerie [L] ne démontre pas que la société Rolex France ait souhaité poursuivre avec elle la relation commerciale initiée avec la bijouterie [X] [L] ; que les accords de distribution sélective sont des accords très stricts, conclus intuitu personae et, au regard des références personnelles de chaque société ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que les relations commerciales suivies entre Rolex et Horlogerie [L] remontaient à la signature du contrat de distribution sélective, le 18 juin 2001, et avait donc une durée de vie de 8 ans et 8 mois ;
Sur la durée du préavis
Considérant que la société Horlogerie [L] soutient que, compte tenu de la durée de 35 ans des relations commerciales, un préavis limité à 6 mois ne lui permet pas de réorienter son activité et de compenser la perte d'un client si important que Rolex ; qu'elle expose qu'elle venait de faire des investissements publicitaires pour promouvoir la marque Rolex au moment de la rupture du contrat de distribution sélective ; qu'elle a dû par ailleurs embaucher un horloger pour assurer l'après-vente Rolex ; qu'elle ne pouvait anticiper une rupture brutale après une collaboration de 35 ans sans aucun incident à déclarer ;
Considérant que la société Rolex estime le préavis de six mois suffisant, compte tenu de l'ancienneté des relations, limitée à 8 ans et 8 mois, et au regard de l'absence de difficultés de reconversion et de dépendance économique de la société Horlogerie [L] ;
Considérant qu'il ressort de l'article L 442-6-I-5° du code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures ; que l'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé, du secteur concerné, de l'état de dépendance de la victime, des dépenses non récupérables engagées par elle et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire ;
Considérant que la société Horlogerie [L] distribuait, au moment de la rupture, plusieurs autres marques de prestige ; qu'il lui était donc facile de se réorienter vers d'autres marques haut de gamme ; que les investissements publicitaires dont elle se prévaut l'ont été à sa seule initiative ; que l'état de dépendance n'est pas caractérisé et la réalisation d'investissements dédiés à la marque et irrécupérables n'est pas démontrée, à l'exception d'un poste d'horloger qu'elle aurait supprimé mais pour lequel elle ne fournit aucun justificatif de licenciement ;
Considérant qu'au regard de tous ces éléments, les Premiers Juges ont justement évalué le préavis nécessaire à 6 mois et, après avoir constaté que ce préavis avait été respecté, ont estimé que la rupture intervenue n'était pas brutale ; qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;
Sur le caractère abusif de la procédure engagée par la société Horlogerie [L]
Considérant que si la société Horlogerie [L] soutient que le droit d'agir en justice ne dégénère en faute que s'il est établi une intention de nuire, la société Rolex prétend que l'abus du droit d'engager une procédure ne suppose pas une telle intention, une simple faute suffisant à caractériser l'abus ; qu'en l'espèce, la faute de l'appelante résiderait dans la production de fausses informations sans lien avec la société Horlogerie [L], et dans l'unique but de tromper la cour ; qu'elle estime avoir subi de ce fait un préjudice moral ;
Mais considérant que l'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d'intenter une action en justice est susceptible de constituer un abus ; que dégénère en abus l'exercice d'une action manifestement vouée à l'échec et intentée dans le dessein de nuire à un partenaire ou à un concurrent ;
Considérant en l'espèce, que la société Rolex France ne démontre ni que l'action était manifestement vouée à l'échec, ni qu'elle participait à une volonté de lui causer un dommage ; que sa demande sera donc rejetée et le jugement entrepris confirmé également sur ce point ;
PAR CES MOTIFS
- Confirme le jugement du tribunal de commerce en toutes ses dispositions,
- Condamne la société Horlogerie [L] aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- Condamne la société Horlogerie [L] à payer à la société Rolex France la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
V. PERRET F. COCCHIELLO