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29/09/2015 | FRANCE | N°14/07307

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 29 septembre 2015, 14/07307


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 29 Septembre 2015



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07307



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juin 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 11/16591





APPELANT

Monsieur [J] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 2]

représenté

par Me Marie-ange KEREL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0492







INTIMEE

SA GRDF - GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 444 786 511 00022

représen...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 29 Septembre 2015

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07307

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juin 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 11/16591

APPELANT

Monsieur [J] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 2]

représenté par Me Marie-ange KEREL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0492

INTIMEE

SA GRDF - GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 444 786 511 00022

représentée par Me Jean-louis LEROY, avocat au barreau de PARIS, toque : G0891

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Juin 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Monsieur [J] [E], engagé à compter du 1er mars 1989 au sein d'EDF, après avoir suivi une formation de monteur électricien à l'école des métiers d'EDF, a bénéficié de formations et obtenu plusieurs diplômes et gravi des échelons jusqu'à être promu cadre en juillet 2002. Après avoir préparé sans succès le concours d'entrée à l'[Établissement 1] de 2006 à 2008, l'intéressé a réintégré la société GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (GrDF) le 13 octobre 2008, a été muté pour occuper un emploi de juriste d'entreprise en octobre 2009, puis a fait l'objet d'une mise à la retraite d'office par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 octobre 2011 pour les motifs suivants :

'... - Refus de tout échange verbal avec votre hiérarchie qui porte préjudice à la qualité du travail et aux relations entre les membres de I'équipe, en particulier, vous refusez de dire bonjour le matin et ne répondez jamais verbalement à une question posée ;

- Termes inacceptables tenus dans un message électronique adressé à votre manager le 16 mai 2011 : « votre inconsistance flagrante et votre faiblesse managériale quant à vos avis portés sur mes candidatures '' en mettant en copie un certain nombre de collaborateurs de notre entreprise dont moi-même...'.

Monsieur [E] n'a pas exercé de voie de recours interne mais a saisi la juridiction prud'homale en contestant la sanction prononcée et en formulant diverses demandes, notamment aux fins de réintégration dans l'entreprise. Il sollicitait en particulier un rappel de salaire sur le fondement d'une classification 'GF 6" à laquelle il estimait avoir droit, ainsi que des dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Par jugement du 3 Juin 2014, le Conseil de Prud'hommes de PARIS, statuant en formation de départage, a débouté Monsieur [E] de ses demandes.

Monsieur [E] en a relevé appel.

Par conclusions visées au greffe le 23 juin 2015 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [E] demande à la cour d'infirmer le jugement et de dire qu'il a été victime de harcèlement moral, et que GrDF ne justifie pas avoir rempli son obligation de sécurité en matière de protection et de sécurité de son personnel.

Il invoque la nullité de la rupture du contrat de travail et sollicite sa réintégration dans l'entreprise avec reprise de son ancienneté complète jusqu'à la réintégration, sous astreinte définitive de 500€ par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt.

Il demande une réintégration au niveau 'GF 17" et sollicite un rappel de salaires correspondant à cette nouvelle classification 'GF 17", d'octobre 2009 au 14 octobre 2011 ainsi que les bulletins de paie conformes pour cette période. Il demande la condamnation de GrDF au paiement de dommages et intérêts évalués à la somme des salaires et accessoires dont il estime avoir été privé du jour de la rupture (14 octobre 2011) au jour de sa réintégration effective, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes.

Il demande en outre la condamnation de GrDF au paiement de :

- 100.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral.

- 4.805,05 € au titre de l'allocation de formation,

À titre subsidiaire, Monsieur [E] demande de dire que la rupture est sans cause réelle, ni sérieuse, et de condamner GrDF à lui payer :

- 480.000,00 € à titre d'indemnité pour rupture abusive

- 14.741,94 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 1.474,19 € à titre de congés payés afférents sur l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

- 32.757,62 € à titre d'indemnité légale de rupture

- 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 23 juin 2015 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, La société GrDF sollicite la confirmation du jugement et demande à la cour de dé bouter Monsieur [E] de ses demandes et de le condamner à payer à GrDF 3 000 € en application de I'article 700 du code de procédure civile.

****

MOTIFS

Sur le harcèlement moral et le manquement à l'obligation de sécurité invoqués par le salarié

Il résulte des éléments versés au débat que Monsieur [E] a été admis le 2 juin 2006 au cycle de préparation au 3ème concours d'entrée à [Établissement 1] et que, sur intervention du chef de cabinet du Premier Ministre, ainsi que cela résulte d'un courrier en date du 6 juillet 2006 produit au débat, la société GrDF a signé une convention avec le salarié le 19 octobre 2006, lequel a pu bénéficier d'un congé individuel de formation du 1er novembre 2007 au 12 octobre 2008. L'intéressé, qui n'a pas été admissible à l'[Établissement 1] a dû reprendre ses fonctions après ces deux années d'études.

En l'espèce, Monsieur [E] expose qu'il a été victime de harcèlement moral pendant trois ans. Il invoque :

- une "mise au placard" lors de son retour dans l'entreprise au mois d'octobre 2008,

- une affectation d'office sur un poste de juriste d'entreprise qui ne relevait pas de sa compétence

- des freins à l'avancement et aux demandes de mutations et un traitement discriminatoire de ses droits acquis

Pour étayer ses affirmations, Monsieur [E] produit notamment :

- Une main courante déposée par Monsieur [E] le 16 novembre 2010 par laquelle il indique : " M. [H], secrétaire général, est passé dans mon bureau, occupé également par mon collègue (qui ne souhaite pas être cité), afin de me menacer en expliquant qu'il y avait des règles dans l'entreprise, que je devais répondre à mon responsable s'il m'adressait la parole, ce que j'ai fait en l'occurrence, et qu'il me fera parler de gré ou de force...". Ce document, qui fait état d'une menace de façon imprécise sans identifier le témoin n'apparaît pas probant et ne sera pas retenu.

- Une main courante déposée par Monsieur [E] le même jour, 16 novembre 2010, par laquelle l'intéressé indique être victime de harcèlement depuis le 13 octobre 2008 et avoir été muté d'office sans donner de précision. Ce document est ici encore trop imprécis pour être pris en compte.

- Une main courante déposée par Monsieur [E] le 21 janvier 2011 sur des propos qui auraient été tenus lors de son discours de bienvenue en 2008. Ce document relatant les termes d'un discours qui aurait été prononcé près de trois ans plus tôt n'apparaît pas probant.

- une attestation de Monsieur [F] [C], prestataire extérieur de l'entreprise, qui indique avoir été reçu par Monsieur [E] au siège de GDF à [Localité 1] aux termes de laquelle : "... Le bureau dans lequel il m'a reçu ressemblait plus à un lieu de stockage dans lequel étaient entreposés des tables, des cartons et des imprimantes. Il n'y avait que peu d'espace pour circuler. Pour accéder au bureau, j'ai dû par exemple enjamber des câbles réseau. Ces conditions de travail m'ont apparu en décalage avec ce que j'avais pu constater dans les autres bureaux de Gaz de France ou de GrDF, et notamment ceux où j'avais eu l'occasion de travailler..." : cet unique témoignage, qui n'est pas conforté par d'autres éléments, ne permet pas d'établir que le bureau qu'il utilisait n'était pas conforme aux usages et à ses attentes. Les éléments versés au débat ne révèlent pas un manquement de l'employeur sur ce point.

- Monsieur [E] invoque aussi des problèmes techniques de messagerie, d'imprimante et de téléphone. Il résulte cependant des pièces produites que ces questions ont été prises en compte par l'employeur et résolues, notamment par le service d'assistance informatique, suite à sa demande. Aucun agissement susceptible d'être lié à un harcèlement moral ne peut être retenu à cet égard.

- Un message électronique du 24 septembre 2009 adressé par Monsieur [T], Directeur du Pôle juridique à Monsieur [H], Secrétaire Général ainsi libellé : "Bonsoir [K], [M] [G] et moi venons de recevoir [J] [E]. L'écart entre ses compétences et expériences professionnelles et nos attentes à l'égard d'un Juriste d'entreprise au Pôle Juridique Régional de PARIS est important. Sa mutation à la D.J. constituerait un défi. On s'attacherait à le relever mais il convient d'envisager la situation où, disons dans un an d'ici on devrait constater notre échec...". Ce message n'apparaît pas révélateur d'un comportement harcelant mais, au contraire, du fait que l'employeur envisageait d'affecter Monsieur [E] à un poste comportant un certain "challenge", ce qui était plutôt flatteur pour l'intéressé.

- Un courrier du 8 octobre 2009 à la présidente de la CSP Cadres et un courriel du 9 octobre 2009 de Monsieur [E] au chef du pôle RH GRDF exprimant son refus d'être muté sur ce poste : ces documents illustrent bien le refus de Monsieur [E] d'occuper le poste où l'employeur souhaite l'affecter mais n'est pas révélateur d'un harcèlement. Monsieur [E] ne fournit par ailleurs aucune explication sur les raisons de son refus dans ce courrier et ce mail.

- trois avis d'arrêt de travail à compter du 10 octobre 2009 évoquant un « syndrome anxio-dépressif réactionnel » sans indication du lien avec le travail.

- un certificat médical daté du 12 mars 2012 du médecin traitant de Monsieur [E] indiquant " suivre Monsieur [E] depuis plusieurs mois pour un syndrome anxio-dépressif réactionnel (harcèlement moral), situation professionnelle très difficile, contexte de licenciement entraînant une fragilité importante.". Il sera observé que ce certificat médical a été délivré près de six mois après la mise à la retraite d'office de Monsieur [E], et postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes. Il mentionne l'expression "harcèlement moral" mais n'apporte aucune précision à cet égard.

- un certificat médical daté du 4 juillet 2012 d'un médecin psychiatre indiquant avoir suivi Monsieur [E] pour un "trouble de l'adaptation avec perturbation mixte des émotions et de conduite, corrélé selon ses dires à des conditions de travail ; la symptomatologie est compatible avec ses dires." . Il convient de noter ici la prudence du médecin psychiatre sur l'origine du trouble dont souffre Monsieur [E].

- un courriel envoyé à Monsieur [E] par sa hiérarchie en octobre 2010 indiquant les sites permettant des formations de droit public en ligne sur les sites [L] [N] et Elégia suite à son entretien de prise de fonction le 19 octobre 2010 : ce courriel montre qu'il a bien été proposé à Monsieur [E] de suivre des compléments de formation pour lui permettre de s'adapter au poste auquel il était affecté.

- un courrier du secrétariat général en date du 21 juillet 2011 en réponse à un courrier de Monsieur [E] du 1er juillet 2011expliquant précisément la situation de l'intéressé dans le cadre de son retour de formation. Ce courrier, loin de constituer un indice quelconque de harcèlement, et n'est pas révélateur d'un manquement de l'employeur à l'égard de Monsieur [E].

- un courriel faisant état d'un avis favorable de la hiérarchie sur un poste publié une première fois sous le n°11-05368.01 en GF 15- plage C qui a été publié une deuxième fois sous le n°11-05368.02 en GF 15- plage B pour lequel Monsieur [E] a reçu un 'avis favorable avec professionnalisation" : le fait que ce poste ait fait l'objet de deux publications successives avec un avis favorable dans un premier temps, et un avis favorable avec professionnalisation n'apparaît pas révévateur en l'espèce d'un agissement de harcèlement vis à vis de Monsieur [E].

- un e-mail du 16 février 2010 de [M] [G] à [K] [T] et [Y] [P] indiquant : « C. [E] postule sur l'offre ci-après mentionnée. Je pense qu'on est obligé de la faire suivre. Je vous interroge sur l'avis à donner : favorable, non favorable, favorable avec professionnalisation... ». Ce message ne constitue pas un agissement constitutif de harcèlement.

- un courrier du 1er février 2011 adressé à Monsieur [E] par le directeur juridique lui reprochant d'avoir adressé un arrêt maladie hors délai. Une remarque, justifiée en l'espèce, sur le respect des délais pour aviser l'employeur, ne constitue pas un manquement de l'employeur.

- un courriel du Directeur RH, Monsieur [Y] [P] adressé à une collègues le 21 janvier 2011 : 'Les propos de [E] à l'égard de son manager sont inacceptables. J'aimerais qu'on se voit pour voir quelle stratégie mettre en 'uvre'. Ce message ne constitue pas un agissement constitutif de harcèlement.

Monsieur [E] explique qu'il se serait trouvé sans aucune activité pendant plusieurs mois mais il résulte des éléments versés au débat qu'un poste a été recherché dans les services de GrDF à compter d'octobre 2008 et Monsieur [E] a postulé sur différents postes.

La réadaptation de Monsieur [E] dans l'entreprise après les années de préparation au concours de L'[Établissement 1] et son affectation à un poste vacant, et correspondant à ses facultés, aux besoins de l'entreprise et à ses voeux n'était pas aisée. Cependant, Monsieur [E] n'est pas resté sans activité et a été chargé de missions conformément aux termes de la convention qui avait été conclue entre le salarié et l'entreprise, laquelle stipulait qu'à son retour il serait affecté à diverses missions de sa compétences.

Le redémarrage a nécessité du temps, mais, en mars 2009, une mission a été confiée à l'intéressé sur la création d'un extranet Collectivités Locales et Monsieur [E] a travaillé sur cette mission jusqu'au 1er octobre 2009. Le salarié reconnaît lui-même que cette mission s'est bien déroulée dans le mémoire en défense qu'il a présenté au Conseil de Discipline, lequel est produit au débat. Les éléments versés au débat à cet égard montrent que des solutions ont été recherchées de part et d'autre pour occuper Monsieur [E] à son retour et lui trouver une affectation.

De plus, le 20 mai 2009 un poste d'attaché juridique a été publié pour ERDF et Monsieur [E] a présenté sa candidature avec un avis hiérarchique "favorable avec professionnalisation". La candidature de l'intéressé n'a pas été retenue mais un poste comparable s'est trouvé disponible à GrDF et lui a été proposé.

L'employeur a alors demandé au salarié d'accepter une mutation d'office à ce poste. Monsieur [E] a refusé par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 octobre 2009 et par mail du 9 octobre 2009 sans donner d'explication.

L'intéressé a alors été muté d'office sur ce poste mais s'est trouvé en arrêt maladie à compter du 12 octobre 2009. A cet égard, la société GrDF soutient à juste titre qu'elle ne pouvait pas laisser Monsieur [E] sans affectation.

Contrairement aux allégations de Monsieur [E], ce poste correspondait à son profil, l'intéressé étant diplômé de l'institut d'études politiques de [Localité 1] et ayant suivi pendant deux ans un enseignement incluant du droit public, matière qui correspondait précisément aux connaissances liées à ce poste de juriste. Une formation était, de plus, proposée, à l'intéressé, mais Monsieur [E] a persisté dans son attitude de refus.

Monsieur [E] soutient également qu'il aurait dû bénéficier en 2008 d'un reclassement à un niveau supérieur "GF15" et d'une allocation de formation de 4 805,05 €. Cependant, la convention signée par les parties ne prévoit ni reclassement ni allocation de formation et le dispositif mis en place pour permettre à Monsieur [E] de préparer le concours de L'[Établissement 1] ne s'inscrivait pas dans le cadre d'un projet professionnel intéressant l'entreprise au sens de l'accord relatif à la formation professionnelle et continue. En effet, si Monsieur [E] avait été admis à [Établissement 1], il aurait quitté l'entreprise pour devenir fonctionnaire.

S'agissant de l'arrivée de Monsieur [E] à la direction juridique en octobre 2010, après son arrêt maladie, Madame [B] (assistante Pôle Juridique Régional lle de France) indique : ' dans la semaine de son arrivée, tout a été organisé pour son installation : bureau, poste de travail, téléphone... (il succédait à une autre personne donc tout cela existait) et carte de cantine, badge, clés... je me suis tenue à sa disposition comme pour tous les autres membres de l'équipe, et au fur et â mesure les accès aux bases nécessaires lui ont été fournies...".

Le médecin du travail a considéré le 7 octobre 2010 que Monsieur [E] présentait I'aptitude médicale nécessaire à son poste sans réserve. Monsieur [E] a été reçu par sa hiérarchie le 18 Octobre 2010 et Messieurs [T] et [G] lui ont présenté le travail.

Ainsi, les reproches formulés par Monsieur [E] à l'égard de son employeur ne sont pas justifiés en l'espèce. Il apparaît que Monsieur [E] n'a pas fait l'objet d'une "mise au placard", ni fait l'objet d'une discrimination, mais a éprouvé des difficultés à se réinsérer au sein de l'entreprise après ses années d'études et son échec au concours de l'[Établissement 1], sans que ces problèmes soient imputables à l'employeur.

Le refus de son affectation sur un poste de juriste qui relevait de sa compétence compte tenu de son cursus, alors qu'il reproche à l'employeur de le laisser sans affectation, illustre ces difficultés.

S'il apparaît que ses arrêts de travail sont en partie liés à cette réadaptation difficile et à son attitude de blocage vis à vis de sa hiérarchie, car il revendiquait un poste dans la 'communication', il est tout aussi clair que l'intéressé n'a pas subi des agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail.

Il s'ensuit que la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée en ce qu'elle a débouté Monsieur [E] de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité de sa mise à la retraite d'office, à faire ordonner la réintégration de l'intéressé dans l'entreprise, et aux fins de condamnation de la société GrDF à des dommages-intérêts pour harcèlement moral ainsi qu'au paiement d'une allocation de formation, laquelle n'est pas justifiée.

Sur le bien fondé de la mise à la retraite d'office du salarié

Il résulte du procès-verbal de la commission secondaire versé au débat que la mesure de mise à la retraite d'office a été prise suite à une réunion de la commission secondaire du personnel siégeant en matière de discipline CADRES qui s'est tenue le 15 septembre 2011. Cette commission réunissait quatre représentants de la direction, quatre représentants du personnel et un représentant du salarié : une majorité de quatre vois s'est prononcée pour la mise à la retraite d'office, trois voix étant favorables à un blâme et une voix pour un avertissement.

L'article 6 du Statut National du Personnel des Industries Electriques et Gazières prévoit en effet un certain nombre de sanctions disciplinaires applicables aux agents statutaires suivant la gravité des fautes commises et qui sont :

- l'avertissement

- le blâme notifié avec inscription au dossier

- la mise à pied limitée à 8 jours avec privation de salaire

- la mise à pied limitée à 1 mois avec privation de salaire

- la rétrogradation

- la mise à la retraite d'office.

Le premier grief figurant dans la notification de mise à la retraite d'office du 11 octobre 2011 est le refus par Monsieur [E] de tout échange verbal avec sa hiérarchie.

Ce refus de communication, qui remonte au 7 janvier 2011 est établi et expliqué par plusieurs pièces produites au débat. Il n'est pas contesté par Monsieur [E] qui fait valoir que son comportement est dû au harcèlement, qui n'est pas établi ainsi que cela a été indiqué dans les développements qui précèdent.

En réalité, Monsieur [E] a montré une attitude de refus d'être affecté à un poste de juriste correspondant à son profil, et a persisté dans son comportement. Ainsi, le chef du pôle RH lui a accordé un entretien suite à des messages. Un délégué du personnel a assisté à cet entretien sur la demande de Monsieur [E], et son manager était présent. Malgré cela, Monsieur [E] a refusé catégoriquement de communiquer bien que le chef du pôle RH lui ai rappelé en début 'd'entretien' 'qu'un salarié a des droits mais aussi des devoirs et qu'en contrepartie de son salaire, il a un travail à fournir'. Cette attitude a conduit le chef de pôle à saisir le médecin du travail le même jour. Le médecin du travail a rendu le 3 février 2011 un avis concluant que Monsieur [E] était apte médicalement à son poste de juriste d'entreprise.

M. [T] indique lui aussi qu'à cette époque, Monsieur [E] a cessé toute communication verbale avec lui, comme avec d'autres, attitude dont il ne s'est pas départi par la suite.

Ce seul fait, ainsi, établi de la part d'un cadre apte médicalement et affecté à un emploi correspondant à ses compétences, constitue une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail.

Le second grief consiste dans un courriel adressé par Monsieur [E] le 16 mai 2011 à son responsable hiérarchique, Monsieur [G], et adressé en copie à de nombreuses personnes. Ce courrier mentionne comme objet 'votre inconsistance dans les avis portés sur mes candidatures' et contient notamment le passage qui suit : 'on ne peut constater sur ce point que votre inconsistance flagrante et votre faiblesse managériale quant à vos avis portés sur mes candidatures'.

La virulence des termes utilisés est considérée à juste titre comme inacceptable par la société GrDF, d'autant plus que Monsieur [E] a adressé copie de son mail, notamment au Secrétaire Général de GrDF (Monsieur [H]), au Directeur Juridique de GrDF (Monsieur [T]) et à 11 autres salariés de l'entreprise pour bien montrer le mépris dans lequel il tenait son supérieur hiérarchique.

Un tel fait constitue, là encore, une faute particulièrement grave, qui dépasse largement les limites d'une libre expression pouvant être tolérée d'un salarié au sein de l'entreprise, et qui rend impossible la poursuite des relations contractuelles.

Les qualités indéniables que Monsieur [E] a montré en gravissant les échelons et en obtenant des diplômes de haut niveau, de même que son échec au concours de l'[Établissement 1], malgré un long temps de préparation qui exige des sacrifices importants, peuvent expliquer le désarroi de l'intéressé, mais ne constituent pas en l'espèce une excuse ou une justification exonératoire.

Il s'en déduit que la mise à la retraite d'office de Monsieur [E] à titre de sanction est justifiée. Le jugement du Conseil de prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Vu l'article 700 du code de procédure civile

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,

LAISSE les dépens à la charge de Monsieur [E].

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/07307
Date de la décision : 29/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°14/07307 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-29;14.07307 ?
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