Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2015
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/23762
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2014 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 12/17386
APPELANT
Monsieur [C], [Y] [U] né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 3]
COMPARANT
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me M.Sandrine GIRAUNET substituant Me Laurence MAYER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2198
INTIMÉE ET APPELANTE INCIDENTE
INTIMÉE ET APPELANTE INCIDENTE :
Madame [P] [G] [M] née le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 5] (Finlande)
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Philippe GALLAND de la SCP GALLAND - VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
INTIMES
Madame [T] [V] agissant ès-qualités d'administrateur ad'hoc de l'enfant mineur [S] [E] né le [Date naissance 3] 2007 à [Localité 4].
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Véronique BOULAY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1490
(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE : TOTALE numéro 2015/002175 du 02/02/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
Monsieur [A] [E] né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 6] (91)
COMPARANT
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Etienne LESAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1330
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 juin 2015, en Chambre du Conseil, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur ACQUAVIVA, Président
Madame GUIHAL, Conseillère
Madame DALLERY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame PATE
MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame TRAPERO, substitut général, qui a développé oralement l'avis écrit du Parquet
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame GUIHAL, conseillère, en remplacement de Monsieur le président, empêché, et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 21 octobre 2014 qui a déclaré M. [C] [U] irrecevable en son action en contestation de la paternité de M. [A] [E] vis-à-vis de l'enfant [S] [E], né le [Date naissance 3] 2007 à [Localité 4] et qui l'a condamné à payer à M. [A] [E] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'appel et les conclusions de M. [C] [U] signifiées par RPVA le 11 juin 2015 qui prie la cour d'infirmer le jugement, d'ordonner la suppression de paragraphes des conclusions de M. [A] [E] signifiées le 22 mai 2015, de dire son action en contestation de paternité recevable et bien fondée, avant dire droit, d'ordonner une expertise biologique, à défaut de dire nulle et de nul effet la reconnaissance de [S] ainsi que de condamner M. [E] à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions de Mme [P] [G] [M], mère de l'enfant [S] [E], signifiées par RPVA le 15 juin 2015, qui prie la cour de la recevoir en son appel incident provoqué, d'infirmer le jugement, de déclarer recevable l'action en contestation de paternité de M. [U], d'ordonner une expertise biologique et à défaut pour M. [E] de s'y soumettre, de dire nulle et de nul effet la reconnaissance intervenue le 4 décembre 2007 de l'enfant [S] ;
Vu les conclusions de M. [A] [E] signifiées par RPVA le 22 mai 2015 qui sollicite la confirmation du jugement entrepris, en conséquence, de dire l'action en contestation de paternité irrecevable et en toute hypothèse mal fondée de même que l'appel incident de Mme [M] et de condamner solidairement M. [U] et Mme [M] à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées par RPVA le 23 avril 2015 de Mme [T] [V] ès qualités d'administrateur ad hoc de l'enfant [S] [E] qui demande de déclarer l'appel recevable, de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'action et, en cas d'infirmation du jugement entrepris, d'ordonner avant dire droit une mesure d'expertise comparative des empreintes génétiques de M. [E], Mme [M], M [U] et de l'enfant ;
Vu l'avis du ministère public signifiées aux parties le 1er juin 2015 en faveur de la confirmation du jugement ;
SUR CE,
Considérant que si Mme [T] [V], administratrice ad hoc de l'enfant [S] [E] âgé de sept ans, a procédé à deux entretiens seul avec l'enfant la première fois le 21 mai 2015, 1'enfant ayant été accompagné par sa mère et une seconde fois le 12 juin suivant, l'enfant ayant été accompagné par M. [E], la circonstance que seul le premier entretien ait été versé aux débats ne saurait constituer une cause grave de nature à justifier la révocation de l'ordonnance de clôture sollicitée ;
Considérant que le 27 décembre 2007 a été inscrit sur les registres de l'état civil de la commune du [Localité 4], [S], [D] [E] comme né le [Date naissance 3] 2007 de [A], [F] [E], né à [Localité 6] (Essonne) le [Date naissance 1] 1972 et de [P], [G] [M], née à [Localité 5] (Finlande), le [Date naissance 4] 1965, qui l'ont reconnu le 4 décembre 2007 en cette même mairie ;
Considérant que par acte du 14 novembre 2012, M. [C] [U] a fait assigner M. [A] [E] devant le tribunal de grande instance de Paris à l'effet de voir annuler la reconnaissance effectuée par ce dernier le 4 décembre 2007 ;
Considérant qu'il n'a pas été procédé à l'audition de l'enfant par la cour, l'administrateur ad hoc de [S] qui s'est entretenu à deux reprises avec celui-ci ayant mentionné dans son compte rendu du 22 mai 2015 que l'enfant ne voulait pas être entendu, souhaitant 'qu'on le laisse tranquille' ;
Considérant que ainsi que l'a exactement dit le tribunal sans être contredit sur ce point, la loi française, loi personnelle de l'enfant et loi de l'auteur de la reconnaissance, est applicable ainsi qu'il résulte de l'article 311-17 du code civil ; que selon l'article 332 du code civil, la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père ;
Que cependant l'article 333 du code civil dispose:
' Lorsque la possession d'état est conforme au titre, seuls peuvent agir l'enfant, l'un de ses père et mère ou celui qui se prétend le parent véritable. L'action se prescrit par cinq ans à compter du jour où la possession d'état a cessé ou du décès du parent dont le lien est contesté.
Nul à l'exception du ministère public, ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement.'
Considérant qu'en l'espèce, si un délai de moins de cinq ans s'est écoulé entre la naissance de l'enfant [S] ( le [Date naissance 3] 2007) qui a fait l'objet d'une reconnaissance prénatale de M. [E] et l'assignation en contestation de paternité engagée par M. [U] (le 14 novembre 2012), ce n'est que le 28 février 2013, soit postérieurement à ce délai, que la mère de l'enfant mineur dont la filiation est contestée, a été assignée ès qualités de représentante légale de [S] [E] alors que l'action en contestation de paternité doit être dirigée à la fois contre le père et contre l'enfant, étant observé que l'administrateur ad hoc de l'enfant n'a été désigné que par jugement du 17 décembre 2013 ;
Considérant que s'agissant non d'un délai de prescription mais de forclusion et en tant que tel insusceptible d'interruption et de suspension, c'est vainement que les appelants soutiennent que l'assignation du 14 novembre 2012 a interrompu le délai de cinq ans de l'article 333 alinéa 2 du code civil ;
Considérant sur l'existence d'une possession d'état conforme au titre, que les appelants opposent l'absence de caractère paisible, publique et non équivoque de la possession d'état d'enfant de M.[E] aux motifs que [S] a appris en 2012 par sa mère qu'il n'était pas issu des oeuvres de ce dernier, qu'une lettre de M. [U] a été adressée à M. [E] le 13 novembre 2012 l'informant de la procédure envisagée, que l'assignation en contestation de paternité a été délivrée à M. [E] le 14 avril 2012 et que l'entourage familial savait que celui-ci n'était pas le père de [S] ;
Mais considérant que ni cette révélation de la mère à l'enfant, ni la délivrance d'une lettre suivie de l'assignation à la requête de M [U] avant l'expiration du délai préfix de cinq ans ne saurait suffire à détruire la possession d'état continue paisible et non équivoque d'enfant de M. [E] dont bénéfice [S] ; qu'en effet, l'enfant qui porte depuis sa naissance le nom de M. [E] lequel est reconnu par l'autorité publique et par sa propre famille comme son père ainsi que celui-ci en justifie par les attestations produites, a toujours été traité par M. [E] comme son fils, tant pendant la vie commune avec Mme [M] qu'après la séparation du couple, en mars 2012, [S] étant alors resté vivre avec son frère au domicile de M. [E] jusqu'à la mise en place, par arrêt de cette cour du 3 février 2015, d'une résidence alternée dans les mêmes termes pour les deux enfants dans le cadre d'une autorité parentale conjointe ; qu'il convient d'observer que la requête en ce sens de la mère date du 12 décembre 2012 au moment même où M. [U] faisait délivrer l'assignation en contestation de paternité ; Qu'à cet égard, c'est vainement qu'il est soutenu que ces deux procédures poursuivent des buts différents alors qu'elles concernent toutes deux la situation de [S] ;
Qu'en outre, peu importe la révélation faite à M. [E] qu'il ne serait pas le père biologique de l'enfant dès l'année 2009, voire 2007, dès lors qu'il s'est toujours comporté comme tel ; qu'en outre, ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges, l'enquête sociale du 13 juin 2013, réalisée à la demande du juge aux affaires familiales établit que le père a investi sa paternité à l'égard de ses deux enfants ayant avec eux un lien indéfectible ;
Considérant que l'évaluation psychologique réalisée le 10 janvier 2015 à la seule initiative de la mère produite par M. [U] en cause d'appel qu'il n'y a pas lieu de rejeter des débats et qui tend à démontrer que l'enfant souffre de ne pouvoir reconnaître M. [U] comme son père, est inopérante en ce qu'elle tend à démontrer le caractère équivoque de la possession d'état comme faisant état de faits postérieurs à la période de référence ;
Qu'à cet égard il n'y a pas davantage lieu de supprimer des écritures de M. [E] comme le sollicite M. [U], les paragraphes suivants, qui font suite à la production de cette pièce: :
- 'Le fait que soit produite cette attestation en dit long sur les rapports troubles et malsains qu'entretiennent les appelants autour de l'enfant [S]' ,
- 'devant le maintien de cette pièce et l'attitude inadmissible qui révèle le climat malsain entretenu autour de l'enfant, Monsieur [E] a déposé plainte' qui font partie du débat contradictoire, sans pouvoir être considérés comme injurieux et portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une partie ;
Considérant que Mme [M] se prévaut encore de l'intérêt supérieur de l'enfant à voir établir 'sa véritable filiation' alors que la décision du législateur qui, à l'expiration d'une période de cinq ans pendant laquelle le père juridique s'est comporté de façon continue, paisible et non équivoque comme le père de l'enfant, a fait prévaloir la vérité sociologique, en ne permettant plus de rechercher s'il était ou non le père biologique ne saurait être considérée comme contraire à cet intérêt supérieur ; qu'à cet égard l'évaluation psychologique susvisée, comme l'entretien de l'enfant avec l'administrateur ad hoc démontrent que l'enfant est pris dans un conflit de loyauté et qu'il importe de lui donner une réponse pérenne quant à l'identité de son père ;
Qu'ainsi, il convient de confirmer le jugement qui a déclaré M. [U] irrecevable en son action en contestation de la paternité de M. [E] vis-àvis de l'enfant [S] [E] ;
Considérant que M. [U] et Mme [M] supporteront les dépens; qu'en revanche, il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de l'une ou l'autre des parties ;
PAR CES MOTIFS,
Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ;
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Déboute Mme [P] [G] [M] de son appel incident ;
Dit n'y avoir lieu à supprimer de paragraphes suivants des écritures de M. [A] [E] signifiées le 22 mai 2015 :
'Le fait que soit produite cette attestation en dit long sur les rapports troubles et malsains qu'entretiennent les appelants autour de l'enfant [S]' ,
'devant le maintien de cette pièce et l'attitude inadmissible qui révèle le climat malsain entretenu autour de l'enfant, Monsieur [E] a déposé plainte' ;
Déboute Mme [P] [G] [M] et M. [C] [U] de leurs demandes ;
Condamne M. [C] [U] et Mme [P] [G] [M] in solidum aux dépens.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile .
LA GREFFIÈRE P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ