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22/09/2015 | FRANCE | N°12/05432

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 22 septembre 2015, 12/05432


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 22 Septembre 2015

(n° 389 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05432



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Avril 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU section encadrement RG n° 10/00792





APPELANT

Monsieur [R] [F]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1960

à [Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Anne-Sophie CAMMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : K 112





INTIMEES

SAS TECHNOSOL

N° SIRET :972 200 661 00015

[Adresse 2]...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 22 Septembre 2015

(n° 389 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/05432

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Avril 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU section encadrement RG n° 10/00792

APPELANT

Monsieur [R] [F]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Anne-Sophie CAMMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : K 112

INTIMEES

SAS TECHNOSOL

N° SIRET :972 200 661 00015

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Antoine GERMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1506

SAS FORAX

N° SIRET : 328 298 625 00018

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Antoine GERMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1506

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président de chambre

Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente de chambre

Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour est saisie de l'appel interjeté par Monsieur [R] [F] du jugement du Conseil des Prud'hommes de Longjumeau, section Encadrement , rendu le 19 Avril 2012 qui a dit les demandes de la SAS TECHNOSOL recevables à son encontre, qu'il a commis des actes déloyaux ayant causé un préjudice à la SAS TECHNOSOL en compagnie de Messieurs [A], [P] et [Z] et a manqué à l'exécution de bonne foi de son contrat de travail et l'a condamné à payer à la SAS TECHNOSOL les sommes de :

20000 € à titre de dommages intérêts en application de l'article 1134 du Code civil

500 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

La société Technosol est un bureau d'étude de sols qui a été rachetée en 1999 par « le groupe [B] [Y] Ingénierie » présidé par Monsieur [B] [Y] ;

La société FORAX est une société spécialisée dans le domaine des forages, des essais géotechniques et autres qui a été rachetée par le groupe de Monsieur [B] [Y] en même temps que la SAS TECHNOSOL ; ces deux sociétés exercent une activité complémentaire, TECHNOSOL utilisant les résultats des sondages réalisés par la société FORAX pour rédiger ses rapports, elles sont toutes deux situées à la même adresse ;

Il est constant que Monsieur [R] [F] né au mois de décembre 1960 a été engagé à compter du 1er juillet 2002 par la SAS TECHNOSOL en contrat à durée indéterminée en qualité d' ingénieur en chef avec une période d'essai de trois mois renouvelable une fois ; aux termes du contrat, il était précisé que Monsieur [R] [F] en complément de ses propres dossiers et du développement de l'activité aura en charge l'encadrement des ingénieurs d'études, contrôlera les rapports de sols et représentera techniquement la société ; sa rémunération mensuelle brute sur 12 mois était fixée à la somme de 5335 € et il était précisé que cette rémunération pourra être complétée par une prime versée annuellement et calculée directement en fonction des résultats nets des sociétés TECHNOSOL et Forax ;

La SAS TECHNOSOL et la SAS FORAX ont pour directeur général Monsieur [O] [A] qui disposait d'une délégation de pouvoir lui conférant dans leur totalité les missions de direction et notamment la responsabilité de l'organisation commerciale et technique des sociétés dans tous les domaines ; Monsieur [R] [F] a été recruté par Monsieur [A] ;

Il est établi que le 1er Août 2006, Monsieur [C] [L] et Monsieur [R] [F] ont créé la société GEOLIA dont les statuts ont été enregistrés le 2 Août 2006, immatriculée le 6 Septembre 2006 au RCS d'Evry ; Monsieur [L] possédait 244 parts et Monsieur [F] 156 parts sur les 400 parts de la société GEOLIA ; le capital de cette société était de 40000 € ;

L'objet de cette société est « en France et à l'étranger, l'étude des sols par tous moyens appropriés, sondages divers, essais in situ, essais en laboratoire et l'exécution de tous travaux de forage ainsi que ceux tendant à l'amélioration des sols du point de vue des fondations de tous ouvrages de génie civil, bâtiments, bâtiments industriels, ouvrages d'art ... » ; l'activité de la société GEOLIA est donc concurrente de celle des sociétés TECHNOSOL et FORAX ;

Monsieur [R] [F] a donné sa démission à la SAS TECHNOSOL selon ses propres termes de son « poste de directeur technique » le 6 novembre 2006 à effet immédiat ; il bénéficiait selon dernier bulletin de salaire d'octobre 2006 d'un salaire mensuel de 6400.47 € pour 151h 67, ce bulletin de salaire mentionne toujours comme emploi ingénieur en chef ; Monsieur [F] a rejoint la société GEOLIA le 1er décembre 2006 en qualité de directeur général adjoint ;

Le jour même de sa démission la SAS TECHNOSOL, sous la signature de Monsieur [A], a pris note de la démission de Monsieur [R] [F] ; il lui est indiqué qu'il ne fera plus partie de la société à compter du 13 novembre2006 mais que son préavis lui sera réglé dans son intégralité ; il lui est demandé de ne plus effectuer aucun devis ;

A la fin de l'année 2006, considérant qu'elles étaient victimes d'actes de concurrence déloyale de la part de quatre de ses salariés dont son directeur général Monsieur [A] et Monsieur [R] [F] et trois autres salariés (Madame [Q], ingénieur et Messieurs [P] et [Z] respectivement ingénieur et conducteur de travaux) qui ont donné leur démission le 29 Septembre 2006 pour Madame [Q] et le 16 octobre 2006 pour les deux autres salariés pour être embauchés dans la foulée par la société GEOLIA ou quasiment en ce qui concerne Monsieur [P], elles ont procédé au licenciement pour faute lourde de Monsieur [A] le 24 novembre 2006 ;

La lettre de licenciement adressée par la SAS TECHNOSOL à Monsieur [A] vise les faits suivants :

-Vous avez aidé à la création d'une entreprise concurrente dénommée GEOLIA située à quelques kilomètres de la société TECHNOSOL. Vous avez autorisé le départ de plusieurs collaborateurs principaux vers cette société et vous avez accepté leurs démissions à effet quasi immédiat, sans en voir tenu informé le président, en vue de permettre le démarrage le plus rapide possible de l'activité de l'entité concurrente. Il s'agit du directeur technique et des deux ingénieurs chargés du pôle environnement.

-vous avez demandé le 20 octobre 2006 le transfert des lignes téléphoniques professionnelles des collaborateurs démissionnaires vers la nouvelle société concurrente facilitant ainsi un transfert de clientèle

La lettre de licenciement adressée par la SAS FORAX vise les mêmes faits sauf à viser l'autorisation dans les mêmes conditions du départ d'un collaborateur à savoir le conducteur de travaux responsable de l'ensemble des foreurs ( Monsieur [Z]) ;

Face aux faits dont elles s'estimaient victimes la SAS TECHNOSOL et la SAS FORAX ont diligenté plusieurs procédures ; dans un premier temps suivant actes introductifs d'instance des 8-10 et 18 octobre 2007 elles avaient saisi le Tribunal de Grande Instance d'EVRY d'une demande de condamnation in solidum de la société GEOLIA, de Monsieur [R] [F] et de plusieurs autres salariés ( Madame [Q] et Messieurs [A], [P] et [Z]) ; suite à l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris en date du 2 juillet 2009 statuant sur la décision d'incompétence rendue par le Tribunal de Grande Instance d'EVRY, l'affaire a été renvoyée devant le tribunal de commerce d'Evry en ce qui concerne la société GEOLIA et devant le Conseil des Prud'hommes en ce qui concerne Monsieur [R] [F] et les autres salariés précités ;

C'est dans ce contexte que le Conseil des Prud'hommes a été saisi le 19 janvier 2010 ;

Suivant arrêt en date du 26 Septembre 2013, aujourd'hui définitif suite au rejet du pourvoi formé par la société GEOLIA, la chambre 5 du Pôle 5 de la Cour d'Appel de PARIS a confirmé le jugement du tribunal de commerce en jugeant que la société GEOLIA a commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la SAS TECHNOSOL et de la SAS FORAX ainsi que les condamnations prononcées au profit de chacune d'elles en réparation de leur préjudice correspondant à la chute de leur résultat d'exploitation au cours des années 2006 et 2007 comparé à celui réalisé en 2005 soit 491510 € au profit de la SAS TECHNOSOL et 396626 € au profit de la SAS FORAX ) ;

S'agissant de l'appel du jugement du Conseil des Prud' hommes Monsieur [R] [F] demande l'infirmation du jugement sauf en ce qui concerne les prétentions qu'il a rejetées ; subsidiairement il sollicite qu'il soit constaté que la SAS TECHNOSOL n'a subi aucun préjudice suite à ses prétendus agissements déloyaux et par voie de conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a alloué 20000 € à titre de dommages intérêts à la SAS TECHNOSOL, enfin, il demande de condamner cette dernière à lui payer la somme de 3000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

La SAS TECHNOSOL et la SAS FORAX demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'agissements déloyaux au cours de l'exécution du contrat de travail en compagnie de Messieurs [A] [O], [D] [P] et [K] [Z] et a reconnu l'existence d'un préjudice pour la SAS TECHNOSOL, employeur de Monsieur [R] [F] mais le réformant, de condamner Monsieur [R] [F] à payer à la SAS TECHNOSOL la somme de 50000 € « sauf à parfaire » et subsidiairement la somme de 20000 € et en toute hypothèse la somme de 1500 € à chacune des deux sociétés intimées pour procédure abusive outre la somme de 3000 € pour chacune d'elles en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre.

Il est établi par la définition de la fonction aux termes de son contrat de travail que Monsieur [R] [F] occupait un poste de haut niveau au sein de la société TECHNOSOL puisqu'il avait en plus de ses propres dossiers et du développement de l'activité, la charge de l'encadrement des ingénieurs d'études, qu'il contrôlait les rapports de sols et représentait techniquement son employeur ; l'importance de sa fonction au sein de TECHNOSOL ressort encore de son niveau de rémunération (6400 € par mois dans le dernier état ) ;

Il est également justifié par les bulletins de salaire qu'il percevait des primes au montant non négligeable : 2286.74 € en décembre 2002 pour 6 mois de fonction, 4574 € en décembre 2003, 9500 € en décembre 2004, 12000 € en janvier 2006 ;

Monsieur [X] [U] , atteste régulièrement et de manière probante que c'est bien Monsieur [F] qui occupait la fonction de directeur technique au sein de la SAS TECHNOSOL, la réalité de la fonction accomplie dans les faits primant sur la mention du bulletin de salaire demeurée ingénieur en chef ; en outre il est justifié que dans les études et mémoires que TECHNOSOL adressait à ses clients comme par exemple Les voies navigables de France , la mairie de [Localité 3] pour la construction d'un parking.... ou répondait à des appels d'offre elle présentait Monsieur [F] dans l'organigramme comme étant le directeur technique ; Monsieur [F] était donc un salarié clé en contact avec la clientèle de TECHNOSOL, nécessairement au courant des tarifs de TECHNOSOL et donc possesseur d'informations commerciales importantes ;

Il est constant que peu de temps avant de démissionner, Monsieur [F] est devenu actionnaire de la société GEOLIA qu'il a créée en Août 2006 avec immatriculation au RCS le 6 Septembre 2006 soit un mois avant sa démission de TECHNOSOL pour rejoindre la société GEOLIA en qualité de directeur général adjoint ;

Le 12 Février 2007 soit trois mois après sa démission de la SAS TECHNOSOL, Monsieur [R] [F] a été nommé Président de la société GEOLIA et Monsieur [L], Président démissionnaire, a cédé à Monsieur [A] 40 actions de la société GEOLIA sur les 244 qu'il détenait, et au travers de la société unipersonnelle MSGC ayant pour gérant et unique associé Monsieur [O] [A], cette société possédera progressivement 51% du capital et des droits de vote de la société GEOLIA et ces deux sociétés ont signé le 15 décembre 2007 soit dans l'année qui a suivi la démission de Monsieur [R] [F] de la SAS TECHNOSOL et sous la signature de Monsieur [R] [F] représentant la société GEOLIA une convention d'assistance aux termes de laquelle MSGC prenait en fait le contrôle de la société GEOLIA ; en 2008 MSGC, représentée par Monsieur [A] devient président de la société GEOLIA ;

Il est établi que le résultat d'exploitation de la société GEOLIA sur 16 mois entre sa date d'immatriculation et le 31 décembre 2007 a été de 787493 € avec un chiffre d'affaires net de 2837822 € et qu' elle a versé 524656 € de salaires ce qui démontre une activité soutenue pour une jeune société sur un marché et dans un domaine où la renommée, l'implantation et la fiabilité sont importantes ;

Sans qu' il soit fait abstraction du droit d'un salarié de démissionner sans avoir à motiver sa décision et de créer une entreprise fût-elle concurrente de l'employeur qu'il quitte sous réserve des clauses de son contrat de travail mais en l'espèce Monsieur [F] n'avait pas de clause de non concurrence à son contrat, encore faut-il qu'il n'ait pas utilisé de man'uvres déloyales ;

En l'espèce, il ressort de l'ensemble des faits et de leur chronologie que la société GEOLIA dont Monsieur [F] était directeur général adjoint lorsqu'il l'a rejointe après avoir démissionné pour en devenir Président trois mois après, a précisément embauché 2 salariés ingénieurs, cadres démissionnaires de TECHNOSOL (Madame [Q] et Monsieur [P]) et un salarié cadre , conducteur de travaux de la SAS FORAX Monsieur [Z] et que ces démissions de quatre cadres ayant une ancienneté égale ou supérieure à 5 ans et lui-même une ancienneté de 4 ans et demi ont été concomitantes en l'espace de 5 semaines ; à savoir :

Madame [Q], ingénieur chez la SAS TECHNOSOL depuis le 10 novembre 2002 a démissionné « à compter de ce jour » le 29 Septembre 2006 , elle a été recrutée par la société GEOLIA ; la SAS TECHNOSOL et la SAS FORAX se sont désistées devant le Conseil des Prud'hommes des demandes qu'elles avaient initialement également formées à son encontre ;

Monsieur [K] [Z] engagé en 2000, conducteur de travaux de la SAS FORAX suite à son transfert le 1er novembre 2005 de la SAS TECHNOSOL, a donné sa démission le 16 octobre 2006 en demandant de ramener son préavis à un mois ; il a été engagé dans la foulée en qualité de responsable de travaux par la société GEOLIA

Monsieur [D] [P] engagé le 2 octobre 2000 par la SAS TECHNOSOL a démissionné de son poste d'ingénieur le 16 octobre 2006, il a intégré la société GEOLIA en qualité d'ingénieur le 2 avril 2007 ; le fait qu'il soit allé travailler en contrat à durée déterminée pendant trois mois chez Ingessais en Gironde avant de rejoindre la société GEOLIA n'est pas de nature à modifier l'appréciation des conditions de sa démission compte tenu du transfert de sa ligne téléphonique chez GEOLIA à compter du 20 octobre 2006 ;

Tous ces salariés étaient cadres ; il apparaît donc qu'à l'exception de Madame [Q], ils étaient des cadres de haut niveau lequel résulte notamment de leur rémunération tel que justifié par les bulletins de salaire communiqués ;

La lettre de démission de chacun d'eux ne fait état d'aucun grief à l'encontre de leur employeur respectif ni d'aucune demande ou revendication antérieure qui n'aurait pas été accueillie favorablement et il n'est pas établi qu'une discorde ou un sujet de dissension existait entre eux au moment de leur démission ;

Ces quatre démissions concomitantes de quatre cadres dont celle de Monsieur [F] ayant une ancienneté quasiment égale ou supérieure à 5 ans en l'espace de 5 semaines dont deux le même jour , rapprochée de la date de création par Monsieur [R] [F] et de son immatriculation de la société GEOLIA où ils sont tous allés travailler alors même qu'il s'agissait d' une société qui démarrait et en théorie qui ne garantissait pas la pérennité de leur emploi et alors même que les conditions d'embauche de Madame [Q] et de Monsieur [Z] n'étaient pas anormalement favorables, peuvent être qualifiées de brutales et concertées eu égard notamment à la demande d'effet immédiat ou de préavis considérablement écourté et ce sans qu'il soit porté atteinte au droit reconnu du salarié d'aller travailler dans une autre entreprise même concurrente ;

La démission de Monsieur [F] qui était un cadre clé pour la SAS TECHNOSOL a été acceptée pour le 13 novembre 2006 soit une semaine tout en lui indiquant que l'intégralité de son préavis lui serait réglé ; la lettre prenant acte de la démission des autres salariés acceptait des préavis très écourtés : un peu plus d'un mois pour Madame [Q] ( jusqu'au 10 novembre 2006) et Monsieur [P] ( jusqu'au 24 novembre 2006) à peine un mois pour Monsieur [Z] (10 novembre 2006) ;

Chacune des lettres prenant acte de la démission des salariés dont le poste générait du chiffre d'affaires pour la SAS TECHNOSOL et/ou la SAS FORAX à savoir Madame [Q], Monsieur [P] et Monsieur [F], Monsieur [A] leur a donné pour instruction de ne plus établir aucun devis ( la fonction de Monsieur [Z] qui était conducteur de travaux ne générant pas de chiffre d'affaires) ;

Rapporté au fait que ces salariés ont été engagés par la société GEOLIA dont Monsieur [R] [F] était créateur et directeur général avant d'en devenir trois mois après son embauche, le Président, il apparaît que Monsieur [A] et Monsieur [R] [F] ont agi de concert pour favoriser le démarrage de la société GEOLIA ;

Cette intention est encore plus caractérisée par le fait, alors que rien ne le justifiait sur un plan commercial et économique pour la SAS TECHNOSOL, que le 20 octobre 2006 la cession au profit de la société GEOLIA des lignes SFR professionnelles de Messieurs [Z], [P] et [F] avait été demandée par Monsieur [A] ce qui avait pour conséquence de diriger des clients TECHNOSOL et Forax sur Geolia créant une confusion auprès de la clientèle, ce que ne pouvait ignorer Monsieur [F] ; le fait que Géolia ait par la suite mis fin à ce transfert quand elle a connu la mise à pied de Monsieur [A] est sans portée quant aux agissements initiaux de ce dernier et de Monsieur [F] dans la mesure où ce n'est qu'à compter du 5 décembre 2006 qu'il a été mis fin à ce transfert ;

Au mois d'octobre 2006, selon bulletins de salaire une prime de 10000 € a été versée à Monsieur [F] dont le salaire mensuel était de 6400 € brut ;

Le contrat de travail de Monsieur [F] prévoyait que sa rémunération pourra être complétée par une prime versée annuellement et calculée en fonction des résultats nets des sociétés TECHNOSOL et Forax ; en janvier 2006 il avait perçu 12000 € de prime, 4574 € en décembre 2003, 9500 € en décembre 2004 ; le caractère irrégulier de la prime versée à Monsieur [F] lors de son départ pour l'exercice 2006 dont le montant est sensiblement égal à celui versé en janvier 2006 pour l'exercice 2005 n'est pas établi et sa perception par Monsieur [F] ne caractérise pas un acte déloyal au détriment de la SAS TECHNOSOL bien que son montant apparaisse dans les faits excessif par rapport aux résultats d'exploitation de la SAS TECHNOSOL comme il sera mentionné ci-après, les résultats de la SAS FORAX dont dépendait également le montant de la prime de Monsieur [R] [F] étant eux mêmes en baisse au cours de l'exercice 2006 comme il le seront en 2007 ( 309346 € au 31 décembre 2005, 198950 € au 31 décembre 2006 et 50116 € au 31 décembre 2007) ;

Eu égard à ce qui précède et au fait que le 12 Février 2007 Monsieur [R] [F] sera nommé Président de la société GEOLIA et qu'au travers de la société unipersonnelle MSGC ayant pour gérant et unique associé Monsieur [O] [A] et que cette société ainsi qu'il a été rappelé ci-avant prendra en fait le contrôle de la société GEOLIA par le biais de la convention signée au mois de décembre 2007, la Cour considère qu'il y a bien eu des actes concertés et déloyaux entre Monsieur [R] [F] et Monsieur [A] au préjudice de la SAS TECHNOSOL dont il est justifié que les deux sociétés intimées ont connu au 31 décembre 2006 un résultat d'exploitation en très nette chute par rapport à 2005 et que les commandes ont été en nette régression par rapport aux six premiers mois de l'année 2006 à partir du mois d'Août , c'est ainsi que le résultat d'exploitation de TECHNOSOL était de 239275 € au 31 décembre 2005 pour 77307 € au 31 décembre 2006 et qu'il allai chuter à -90267 € au 31 décembre 2007 alors que dans le même temps la société GEOLIA, jeune société connaissait un démarrage florissant grâce à un carnet de commandes conséquent réalisant selon arrêt définitif de la Cour d'appel de Paris en date du 26 Septembre 2013 un chiffre d'affaires important ( 2 837 822 € au 31 décembre 2007 et 3 843 849 € au 31 décembre 2008) ;

Ainsi, la Cour considère que c'est à bon droit que le Conseil des Prud'hommes a jugé que Monsieur [R] [F] a commis des actes de nature déloyale à l'égard de la société TECHNOSOL et qu'il a manqué à l' obligation de bonne foi et de loyauté à laquelle il était tenu dans l'exécution de son contrat de travail notamment eu égard aux fonctions de responsabilité qu'il occupait au sein de cette société ;

Il est en effet établi aux termes de l'arrêt définitif de la Cour d' Appel en date du 26 Septembre 2013 que postérieurement aux démissions les chiffres d' affaires des sociétés intimées se sont dégradées et ont connu une baisse significative des commandes sans explication probante et strictement indépendante des faits reprochés par les sociétés intimées à Messieurs [F], [A], [P] et [Z] ;

Ainsi et sans que Monsieur [R] [F] invoque valablement que le préjudice subi par son employeur la SAS TECHNOSOL a déjà été réparé par les condamnations prononcées à son profit à l'encontre de la société GEOLIA, il y a lieu de juger que l'exécution déloyale de son contrat de travail par Monsieur [R] [F] lui a causé un préjudice distinct et indépendant du préjudice commercial retenu à l'encontre de la société GEOLIA ; ce préjudice s'infère directement de l'exécution déloyale du contrat de travail et de la violation de son exécution de bonne foi ;

La somme de 20000 € allouée par le Conseil des Prud'hommes à la SAS TECHNOSOL en réparation de ce préjudice est appropriée au regard de la fonction occupée par le salarié et des manquements commis dans les obligations résultant de son contrat de travail sans qu'aucun élément ne justifie que cette somme soit majorée, le jugement sera confirmé de ce chef.

Monsieur [R] [F] qui succombe en ses demandes conservera à sa charge ses frais irrépétibles ;

Il n'est pas démontré que Monsieur [R] [F] a interjeté appel de la décision de première instance par légèreté blâmable, malice, mauvaise foi ou intention de nuire ; l'appréciation inexacte de ses droits n'étant pas en soi constitutive d'une faute, la demande de dommages intérêts pour action abusive n'est pas fondée et la SAS TECHNOSOL et la SAS FORAX seront déboutées de ce chef ;

Monsieur [R] [F] succombe en son appel il y a lieu de le condamner à payer la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles d'appel à chacune des sociétés TECHNOSOL et FORAX.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement

Rejette les autres demandes des parties.

Condamne Monsieur [R] [F] aux dépens et à payer la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles d'appel à chacune des sociétés la SAS TECHNOSOL et la SAS FORAX.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/05432
Date de la décision : 22/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°12/05432 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-22;12.05432 ?
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