Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2015
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/12734
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juin 2013 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 12/05877
APPELANTE
SCI [H] agissant en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
RCS : [H]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par : Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Assistée par : Me Marie Joëlle DESVAUX RAIMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : A417
INTIMES
Maître [F] [U] en qualité de Mandataire Liquidateur de la Société BMR.
[Adresse 2]
[Localité 3]
Assignée et défaillante
SA AXA FRANCE IARD en sa qualité d'assureur de la société BMR prise en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par : Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée par : Me Emmanuelle AMAR, avocat au barreau de PARIS, toque: C675
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Mai 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente de chambre
Madame Valérie GERARD, Conseillère
Madame Madeleine HUBERTY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI
ARRÊT :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente et par Madame Sabrina RAHMOUNI, Greffier auquel a été remis la minute par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Sur la base d'un devis dressé le 24 mars 2009, pour un montant de 214 622,20€ TTC, la SCI [H] a fait appel à la SOCIETE BMR pour réaliser des travaux de maçonnerie, menuiserie, charpente, ravalement et terrassement dans le cadre de la construction d'un complexe hippique, implanté au [Adresse 4].
Alors qu'elle avait réglé plus de 50% des travaux, la SCI [H] a constaté, en juillet 2009, que le chantier accusait un retard important.
Au début du mois de septembre 2009, il est apparu que la SOCIETE BMR avait abandonné le chantier. Un constat d'huissier a été dressé le 21 septembre 2009, consacrant l'abandon du chantier. Malgré des mises en demeure la SOCIETE BMR n'a pas repris les travaux.
C'est dans ces circonstances, que sur la demande de la SCI [H], le juge des référés du tribunal de grande instance de BOBIGNY a désigné Monsieur [O] en qualité d'expert par ordonnance en date du 11 décembre 2009. Les opérations d'expertise ont ultérieurement été étendues à la compagnie AXA FRANCE IARD assureur de la SOCIETE BMR.
Au cours des opérations d'expertise, la SCI [H] a décidé de mettre un terme à ses relations avec la SOCIETE BMR et a confié les travaux de reprise à la SOCIETE FRANCE TRAVAUX PARTNERS. Les travaux ont été achevés le 20 décembre 2010.
Par jugement en date du 22 décembre 2010, le tribunal de commerce de BOBIGNY a ouvert une procédure de liquidation judiciaire pour la SOCIETE BMR et désigné Maître [U] en qualité de mandataire liquidateur.
Après avoir été relevée de la forclusion, la SCI [H] a pu déclarer sa créance à hauteur de la somme totale de 798 719,23€.
Monsieur [O] a déposé son rapport le 28 décembre 2011.
Par exploits d'huissier en date du 10 mai 2012, la SCI [H] a assigné la SOCIETE BMR prise en la personne de son liquidateur et la SOCIETE AXA FRANCE IARD devant le tribunal de grande instance de BOBIGNY, aux fins d'obtenir réparation des préjudices subis (perte éprouvée, gain manqué, sanction de l'inexécution de l'engagement contractuel par une astreinte et préjudice moral).
Dans son jugement rendu le 17 juin 2013, le tribunal de grande instance de BOBIGNY a statué en ces termes :
- Fixe la créance de la SCI USAN sur la liquidation judiciaire de la SOCIETE BMR à la somme totale de 279569,23€ à titre de dommages intérêts ainsi qu'à celle de 4000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile;
- Déboute la SCI [H] de ses plus amples demandes;
- Déboute la SCI [H] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SOCIETE AXA FRANCE IARD;
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SOCIETE AXA FRANCE IARD;
- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement;
- Déclare le présent jugement opposable à Maître [F] [U] en sa qualité de mandataire liquidateur de la SOCIETE BMR.
La SCI [H] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 25 juin 2013, enregistrée le 26 juin 2013 .
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Dans ses conclusions régularisées le 6 mai 2015, la SCI [H] sollicite l'infirmation du jugement dans son appréciation de certains des préjudices subis et en ce qu'il a considéré qu'aucune des garanties souscrites par la SOCIETE BMR ne pouvait être mobilisée. Elle fait valoir que :
' les constats effectués par l'expert judiciaire ont mis en évidence la fragilité des murs et la menace d'effondrement, laquelle s'est d'ailleurs partiellement réalisée en cours d'expertise. Les travaux effectués par la SOCIETE BMR l'ont été en dehors de tout respect des règles de l'art.
'les désordres qui ont été l'objet de l'expertise entrent dans le champ des activités garanties par la compagnie AXA. La SOCIETE BMR est intervenue en qualité d'entreprise générale pour la construction d'un ouvrage pour le compte de la SCI [H]. L'absence de maître d'oeuvre ne signifie pas que la SOCIETE BMR ait agi en qualité de contractant général.
' la garantie effondrement en cours de chantier doit s'appliquer, car le risque d'effondrement grave et imminent a été mis en évidence par l'expert. Le maître de l'ouvrage doit bénéficier de cette garantie, par la voie de l'action directe, en cas de liquidation judiciaire de l'entreprise qui n'a pas été en mesure d'entreprendre les travaux de réfection. A défaut, la carence de la SOCIETE BMR à agir contre la compagnie AXA justifie que la SCI [H] puisse agir contre celle-ci par la voie de l'action oblique.
' à titre subsidiaire, la garantie décennale doit être mise en oeuvre car les désordres constatés rendent l'ouvrage impropre à sa destination et il doit être considéré qu'une réception tacite des travaux de maçonnerie - affectés par les désordres - est intervenue le 31 juillet 2009. La garantie (décennale ou chef d'entreprise) doit, en outre, couvrir l'ensemble des dommages immatériels subis par la SCI [H].
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Dans ses conclusions régularisées le 4 mai 2015, la compagnie AXA FRANCE IARD sollicite la confirmation pure et simple du jugement. Elle fait valoir que :
' la garantie effondrement des ouvrages en cours de chantier ne peut s'appliquer aux désordres constatés par l'expert car ces désordres ne constituent que des malfaçons. Au surplus, la garantie effondrement des ouvrages avant réception est une assurance de choses qui ne bénéficie qu'à l'assuré tenu de reprendre ses travaux défectueux.
' la garantie décennale ne peut pas plus s'appliquer car les travaux n'ont fait l'objet d'aucune réception, dès lors qu'ils n'ont été réalisés qu'à hauteur de 30% et que les marchés n'ont pas été soldés.
En tout état de cause, en cas de réception, le caractère apparent des désordres est établi par les deux constats d'huissier dressés les 21 septembre 2009 et 13 octobre 2009, outre les constatations de l'expert judiciaire effectuées le 7 janvier 2010. Au surplus, la SOCIETE BMR a agi en qualité de contractant général en procédant à la conception et à la réalisation de l'intégralité d'un ouvrage, sans l'intervention d'un maître d'oeuvre, ce qui n'entre pas dans le champ de la garantie accordée.
' les clauses d'astreinte sont formellement exclues de la garantie, ce qui exclut la réclamation présentée au titre de l'engagement contractuel. Le préjudice moral invoqué n'entre pas dans la garantie car il ne constitue pas un préjudice pécuniaire.
' la responsabilité civile du chef d'entreprise ne peut trouver à s'appliquer. En effet, le préjudice consistant en la perte de chiffre d'affaires constitue un préjudice construction, qui est exclu de la garantie. La perte ne peut, d'autre part, être garantie lorsqu'elle est le résultat de l'inobservation inexcusable des règles de l'art par l'assuré ou porte sur l'absence d'exécution d'ouvrages. Les conséquences des engagements de délais pris par l'assuré sont également exclues de la garantie.
' les préjudices invoqués ont un caractères excessif : la perte de gains éprouvée ne peut être assimilée à la perte pure et simple d'un chiffre d'affaires escompté, lequel n'intègre pas les charges d'exploitation. Le préjudice moral invoqué n'est pas justifié et correspond, en fait, au préjudice subi par le gérant de la SCI [H]. Les pénalités de retard contractuelles constituent une clause pénale qui revêt un caractère manifestement excessif.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Maître [U], en sa qualité de mandataire liquidateur de la SOCIETE BMR, n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui a été signifiée par exploit d'huissier en date du 9 août 2013, délivré à personne habilitée. Les conclusions régularisées le 25 septembre 2013 par la SCI [H] (intégrant notamment la demande de ré-évaluation des préjudices figurant dans les conclusions du 6 mai 2015) lui ont été signifiées par exploit d'huissier en date du 29 octobre 2013, délivré à domicile.
La clôture de la procédure a été prononcée le jeudi 21 mai 2015.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,
Sur la responsabilité de la SOCIETE BMR (en liquidation judiciaire);
Il est établi que, le 24 mars 2009, la SOCIETE BMR, immatriculée le 15 avril 2008 au RCS de BOBIGNY, a établi un devis de travaux de construction d'un complexe hippique de 40 box et 3 logements pour un montant de 230 050€ TTC. C'est sur la base de ce devis - ne comportant qu'un prix global - que cette société a commencé à réaliser, en mai 2009, des travaux de construction pour la SCI [H] au [Adresse 4].
Dans son rapport, Monsieur [O], expert judiciaire, a constaté que les travaux n'avaient pas été achevés et, surtout, que les murs élevés en parpaings présentaient de nombreux défauts (page 46 du rapport) :
- défaut de jointoiement (le jour apparaît au travers de certains joints);
- défaut de planéité (plus de 2 cm sous règle de 2m);
- défaut de verticalité (plus de 5 cm sous règle de 2m);
- défaut d'horizontalité des assises des parpaings;
- certains parpaings sont cassés ou décalés;
- certains parpaings sont ajustés avec des cales en bois.
Il ajoute que les faîtages des murs sont éclatés par endroits, certains linteaux en béton armé se désagrègent, le ferraillage dans les poteaux raidisseurs est absent ou insuffisant.
Il indique que les travaux ont été réalisés en méconnaissance des règles de l'art et impute les défauts relevés à 'une incompétence totale des compagnons qui ont effectué les travaux'.
Il estime que la mauvaise exécution des travaux compromet la destination d'une grande partie de l'ouvrage, puisqu'en l'état, les murs ne pourraient supporter la charpente, devant recevoir la couverture.
Il conclut donc que l'importance des désordres relevés implique la reprise complète des murs qui ont été montés.
Ces éléments démontrent que la responsabilité de la SOCIETE BMR, désormais représentée par son liquidateur, est engagée, puisque les défauts multiples et graves, qui ont été relevés, lui sont imputables.
Il ne peut pas être retenu que les travaux auraient fait l'objet d'une réception tacite. Dans son rapport, l'expert indique (page 54) que les travaux n'étaient pas 'recevables', en raison de leur très mauvaise qualité. En tout état de cause, l'existence d'une réception tacite implique la démonstration d'une volonté non équivoque de recevoir les travaux. Le fait que les règlements effectués, depuis le mois de mai 2009, par la SCI [H] au profit de la SOCIETE BMR, aient représenté 50% du montant des travaux ne démontre aucune volonté de réceptionner quelque lot que ce soit, puisque, précisément, le montant de chacun des lots (maçonnerie, menuiserie, charpente, ravalement et terrassement) n'était pas individualisé dans le devis et puisque l'accord, signé le 30 juillet 2009 entre la SCI [H] et la SOCIETE BMR, en raison du retard constaté dans le déroulement des travaux, ne fait que lister les travaux qui doivent être terminés avant le 10 octobre 2009, la liste de ces travaux incluant des travaux de maçonnerie portant sur des murs en parpaings pleins et creux. Le constat d'huissier, dressé le 21 septembre 2009 sur l'initiative de la SCI [H], n'a eu pour objet que de démontrer l'abandon du chantier, ainsi que les malfaçons affectant les travaux réalisés, ainsi qu'il résulte du courrier adressé le 24 septembre 2009 à la SOCIETE BMR par le conseil de la SCI [H]. Au constat, l'huissier a d'ailleurs annexé (pièce 12 de la SCI [H]) l'accord signé par les parties le 30 juillet 2009. Les courriers qui ont suivi ce constat, ainsi que le second constat dressé le 13 octobre 2009, n'ont eu pour objet que de convaincre la SOCIETE BMR de reprendre ses travaux, afin d'éviter l'engagement d'une procédure judiciaire (pièce 14 de la SCI [H]). Aucun de ces éléments, et même l'appréhension de ces éléments dans leur ensemble, ne permettent de retenir l'existence d'une volonté non équivoque de la SCI [H] de réceptionner les travaux, c'est à dire d'en prendre possession, en leur état, à la date du 31 juillet 2009, ou même postérieurement (une telle volonté n'a pas été énoncée au cours des opérations d'expertise).
Le jugement doit donc être confirmé, en ce qu'il a retenu que la responsabilité contractuelle de la SOCIETE BMR, en liquidation judiciaire, était engagée à l'égard de la SCI [H], à l'exclusion de la responsabilité civile décennale du fait de l'absence de réception des travaux.
Sur les préjudices induits par les fautes de la SOCIETE BMR;
La SCI [H] se prévaut de 4 préjudices :
' 179 569,23€ au titre du préjudice matériel subi;
' 182 400€ au titre du gain manqué;
' 217 500€ au titre de l'astreinte prévue dans l'engagement du 30 juillet 2009;
' 200 000€ au titre du préjudice moral subi.
Le préjudice matériel;
La SCI [H] a réglé la somme totale de 121 162€ TTC à valoir sur les travaux prévus par le devis du 24 mars 2009. Selon l'expert, le montant des travaux de reprise nécessaires (réalisés en cours d'expertise par l'entreprise FTP) s'élève à la somme de 108407,23€ TTC. Il propose d'évaluer les travaux réalisés 'en l'état' par la SOCIETE BMR à la somme forfaitaire de 50 000€ TTC.
Le préjudice matériel sollicité est donc justifié par le calcul suivant :
121 162€ (prix versé) + 108 407,23€ (reprises) - 50 000€ (valeur des travaux) = 179 569,23€
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'un préjudice matériel s'élevant à la somme de 179 569,23€.
La perte du gain escompté;
Il est établi que, par acte sous seing privé en date du 21 juillet 2009, la SCI [H] a conclu un bail précaire d'une durée d'un an, débutant le 1er novembre 2009, portant sur 38 box, au profit de Monsieur [Q] [G], pour un loyer mensuel de 15 200€ HT, soit 182 400€ HT pour 12 mois.
Il est constant que les box n'ont pas pu être mis à la disposition de Monsieur [G] à la date du 1er novembre 2009, la SOCIETE BMR ayant abandonné le chantier en l'état où il se trouvait lors du constat d'huissier dressé le 21 septembre 2009. La SCI [H] justifie d'un gain manqué en produisant le bail précaire qui n'a pu être exécuté. Le gain manqué s'analyse en une perte des revenus afférents à la mise à disposition des lieux . Il n'est pas corrélé à des charges de personnel ou de production (non prévus dans le contrat de location) puisque seul l'investissement initial est déterminant de la mise à disposition des lieux. Les taxes foncières et les frais financiers sont indépendants des revenus escomptés. C'est donc à juste titre que la SCI [H] réclame la somme de 182 400€ au titre de la perte subie. Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a limité le préjudice subi à la somme de 90 000€. En effet, en l'espèce, la perte subie ne peut pas être assimilée à un chiffre d'affaires puisqu'elle constitue par elle-même un revenu, ce qui ne correspond pas à la notion de chiffre d'affaires.
L'indemnisation prévue par l'accord du 30 juillet 2009;
Aux termes de cet accord, il a été convenu que la SOCIETE BMR (représentée par Monsieur [P]) réglerait une pénalité contractuelle de 500€HT par jour calendaire de retard, si l'ensemble des travaux n'étaient pas achevés à la date du 10 octobre 2009. Il était expressément précisé que cette pénalité avait pour objet d'indemniser le maître de l'ouvrage pour la perte d'exploitation subie. Il s'agit donc d'une clause pénale au sens de l'article 1152 du code civil, ainsi qu'il a été relevé par les premiers juges.
La somme réclamée (217500€) correspond au temps écoulé (435 jours) entre le 10 octobre 2009 et la date d'achèvement des travaux par la SOCIETE FTP (20 décembre 2010). L'indemnisation complète - déjà accordée - du gain manqué pour la période du 1er novembre 2009 au 31 octobre 2010 confère à l'application pure et simple de la clause pénale, prévue dans l'accord du 30 juillet 2009, un caractère manifestement excessif. Le jugement doit donc être confirmé, en ce qu'il a réduit l'indemnité prévue à la somme de 10 000€, ce qui permet la réparation du préjudice pour la période antérieure au 1er novembre 2009, tout en prenant en considération le fait que les relations avec la SOCIETE BMR ont été rompues depuis le mois de février 2010 (courrier du conseil de la SCI [H] en date du 23/2/2010 - annexe XI-1 du rapport d'expertise), la reprise des travaux et leur achèvement ayant ensuite été confiés à la SOCIETE FTP.
Le préjudice moral;
Le préjudice moral invoqué est, en réalité, fondé sur l'interdiction bancaire dont la SCI [H] a fait l'objet au début de l'année 2011 à la suite de chèques impayés, ainsi que sur la souscription de deux prêts pour des montants respectifs de 180 000€ et 118 351€, les 6 avril 2010 et 17 juillet 2012, auprès d'une agence CIC NORD OUEST, d'une part, et de la SOCIETE GENERALE, d'autre part.
Le lien de causalité entre l'interdiction bancaire faisant suite à des chèques impayés, en début d'année 2011, après achèvement des travaux, n'est toutefois pas démontré en l'absence de production des comptes de la SCI [H].
Quant aux deux prêts souscrits, ils l'ont été au nom personnel de Monsieur [H] et non au nom de la SCI [H], avec le cautionnement éventuel de Monsieur [H]. La SCI [H] ne peut donc pas invoquer ces prêts pour prétendre à un préjudice personnel, d'autant qu'elle ne justifie pas que ces prêts auraient eu un impact sur la situation comptable de la société. Ces prêts peuvent donc avoir d'autres causes que les difficultés qui ont été induites par les modalités de réalisation des travaux imputables à la SOCIETE BMR. La saisie attribution, qui a été effectuée, en août 2011, sur les comptes BANQUE POPULAIRE de Monsieur [H] a, d'ailleurs, nécessairement eu pour cause un titre exécutoire émis à l'encontre de ce dernier et non à l'encontre de la SCI [H], mais ce titre exécutoire n'a pas été produit aux débats.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré que la preuve de l'existence d'un préjudice moral subi par la SCI [H] n'était pas rapportée.
Au total, la créance indemnitaire de la SCI [H] sur la SOCIETE BMR en liquidation judiciaire doit être fixée à la somme de 371 969,23€ (soit 179 569,23€ + 182 400€ + 10 000€), étant rappelé que la SCI [H] a procédé, le 31 janvier 2012, à une déclaration de créance pour un montant de 798719,23€.
Cette somme doit être majorée de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, qui a été allouée à la SCI [H] en première instance.
Sur la garantie due par la compagnie AXA FRANCE IARD;
La SCI [H] sollicite la mise en oeuvre de la garantie de la compagnie AXA FRANCE IARD au titre de la responsabilité contractuelle (en cours de chantier), au titre de la responsabilité civile décennale et au titre de la responsabilité civile du chef d'entreprise.
Pour la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle, la SCI [H] invoque la garantie effondrement des ouvrages en cours de chantier, visée à l'article 2.1 du chapitre II des conditions générales de la police BTPLUS souscrite par la SOCIETE BMR.
Dans son rapport d'expertise, Monsieur [O] n'évoque jamais la notion d'effondrement mais les malfaçons multiples et graves, dont sont affectés les ouvrages de maçonnerie. La garantie effondrement en cours de chantier est, en fait, évoquée en raison d'un dire énoncé le 8 mars 2010 par le conseil de la SCI [H] (annexe XIIa du rapport d'expertise), aux termes duquel le conseil de la SCI [H] indique à l'expert ' qu'à la suite de la tempête qui s'est produite dans la nuit du 27 au 28 février dernier, il s'en est suivi des dégâts importants sur le chantier. Le pignon est tombé et des pans de murs se sont effondrés. Cet effondrement laisse apparaître qu'à aucun moment il n'a été placé de la ferraille dans le béton comme la SOCIETE BMR s'était efforcée de nous le faire croire...'.
L'article 2.1 des conditions générales définit le risque effondrement comme 'un dommage matériel accidentel consistant en un effondrement ou en résultant', la notion de dommage matériel accidentel étant précisée en page 37 des conditions générales comme correspondant à un événement soudain et fortuit.
En l'espèce, la multiplicité et la gravité des désordres relevés tant par l'huissier de justice (constat du 21 septembre 2009) que par l'expert (incompétence totale des compagnons ayant réalisé les travaux et atteinte à la destination de l'ouvrage) expliquent que le risque d'effondrement n'ait pas été spécifiquement envisagé dans le rapport d'expertise, parce que ce risque est consubstantiel aux désordres relevés, qui rendent les travaux impropres à tout usage, sans reprise complète. Le caractère fortuit de l'effondrement partiel invoqué ne peut donc être retenu, dans la mesure où il a été induit par l'insuffisance totale de qualité des travaux effectués. Le dire du 8 mars 2010 suggère d'ailleurs explicitement l'absence de qualité des travaux (absence de ferraille dans le béton).
Les clauses d'exclusion afférentes au risque effondrement prévoient, en outre, que le dommage n'est pas pris en charge lorsqu'il a été provoqué par des précipitations atmosphériques (article 2.7.4) ou lorsqu'il fait suite à un arrêt des travaux (sauf mesures de protection) plus de 30 jours après cet arrêt. Au cas particulier, il apparaît que l'effondrement partiel invoqué est intervenu à la suite d'une tempête et plus de 30 jours après l'arrêt des travaux mis en évidence dans le constat du 21 septembre 2009.
Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la possibilité d'une action directe ou oblique de la SCI [H] pour obtenir à son profit la mise en oeuvre de la garantie effondrement, dès lors que l'absence de caractère fortuit de l'effondrement partiel intervenu à la fin du mois de février 2010, et son caractère inéluctable en l'absence de mesures conservatoires (page 10 - conclusions AXA), ne permettent pas la mise en oeuvre de cette garantie.
Il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'expertise visant à préciser les conditions de l'effondrement survenu à la fin du mois de février 2010, dès lors qu'une telle mesure serait sans objet, d'une part parce que l'effondrement partiel survenu n'est pas contesté et ne pose difficulté que dans l'appréhension de ses conséquences juridiques (hors mission expert) et, d'autre part, parce qu'il est établi que les travaux ont été complètement repris, ce qui exclut toute constatation matérielle nouvelle.
La SCI [H] doit donc être déboutée de sa réclamation tendant à obtenir la mise en oeuvre de la garantie effondrement.
La SCI [H] ne peut solliciter la mise en oeuvre de la garantie responsabilité civile décennale puisqu'il a déjà été constaté que les travaux n'avaient pas fait l'objet d'une réception.
La garantie responsabilité civile du chef d'entreprise, avant ou après réception des travaux, pour les préjudices causés aux tiers est acquise à la SCI [H] pour autant que les préjudices immatériels dont elle se prévaut soient consécutifs à des dommages corporels ou matériels garantis par le contrat (article 2.17.1 des conditions générales). Tel aurait pu être le cas si la garantie effondrement en cours de chantier avait été acquise. Mais il a déjà été relevé que cette garantie ne pouvait être mise en oeuvre faute de caractère fortuit de l'effondrement partiel invoqué.
La SCI [H] doit donc être déboutée de l'ensemble de ses prétentions dirigées contre la compagnie AXA FRANCE IARD.
Il apparaît équitable de condamner la SCI [H] à payer à la compagnie AXA FRANCE IARD une somme de 1500€ par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- CONFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté les prétentions formées par la SCI [H] à l'encontre de la compagnie AXA FRANCE IARD;
- L'INFIRME pour le surplus;
Statuant à nouveau,
- FIXE la créance indemnitaire de la SCI [H] sur la liquidation judiciaire de la SOCIETE BMR à la somme totale de 371 969,23€ majorée d'un montant de 4000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile;
- CONDAMNE la SCI [H] à payer à la compagnie AXA FRANCE IARD une somme de 1500€ par application de l'article 700 du code de procédure civile;
- CONDAMNE la SCI [H] aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT